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25/05/2023 | FRANCE | N°21/03948

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 25 mai 2023, 21/03948


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 25 mai 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03948 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MGRR







Monsieur [C] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/014841 du 17/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)





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S.A.S. ADERANS FRANCE

S.C.P. BTSG

Association C.G.E.A. D'ILE DE FRANCE-OUEST<

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Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée aux avocats le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 mai 2021 (R.G. n°F 18/01815) par le Conseil de Prud'h...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 25 mai 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03948 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MGRR

Monsieur [C] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/014841 du 17/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

S.A.S. ADERANS FRANCE

S.C.P. BTSG

Association C.G.E.A. D'ILE DE FRANCE-OUEST

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 mai 2021 (R.G. n°F 18/01815) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 08 juillet 2021,

APPELANT :

[C] [L]

né le 07 Septembre 1973 à [Localité 5]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Nadia BOUCHAMA, avocat au barreau de BORDEAUX

Assisté par Me FRALEUX substituant Me BOUCHAMA

INTIMÉES :

S.A.S. ADERANS FRANCE, en liquidation judiciaire

S.C.P. BTSG représentée par maître [S] [H], es qualités de mandataire judiciaire de la SAS ADERANS FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

Représentées par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistées de Me MARIONNET, avocat au barreau de PARIS substitué par Me NECHELIS

Association C.G.E.A. D'ILE DE FRANCE-OUEST en qualité de gestionnaire de l'AGS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

Représentée et assistée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 2 janvier 2007, la société Helie Institut a engagé M. [L] en qualité de prothésiste capillaire.

Le contrat de travail de M. [L] a été transféré à la société Aderans France le 1er février 2015, avec reprise d'ancienneté au 2 janvier 2007.

La durée de travail contractuelle était fixée à 151,37 heures mensuelles.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [L] exerçait les fonctions de responsable de boutique et de prothésiste capillaire, statut cadre, niveau 8, échelon 2 de la convention collective nationale du commerce de gros.

A compter du 2 mai 2017, M. [L] a fait l'objet d'un arrêt de travail.

Le 7 novembre 2017, le médecin du travail a déclaré M. [L] inapte définitivement à son poste de travail en précisant que 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Par courrier du 23 novembre 2017, la société Aderans France a convoqué M. [L] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 4 décembre 2017.

Le 7 décembre 2017, M. [L] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 30 novembre 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la Aderans France au paiement de diverses sommes.

Par jugement de départage du 21 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a:

- condamné la société Aderans France à payer à M. [L] la somme de 1 478,53 euros en indemnisation des temps de trajet

- débouté M. [L] de ses autres demandes

- condamné la société Aderans France aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

M. [L] en a relevé appel du jugement par une déclaration du 8 juillet 2021.

Le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Aderans France, par jugement du 22 février 2022. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire et la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [H], désignée en qualité de madataire liquidateur, par un jugement du 31 mai 2022.

L'affaire a été fixée à l'audience du 15 février 2023, pour être plaidée.

Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 9 janvier 2023, M. [L] sollicite de la Cour qu'elle :

- réforme le jugement déféré en ce qu'il a limité le montant de la condamnation de la société Aderans France à lui verser au titre des temps de trajet à la somme de 1 478,53, le déboute de ses autres demandes, condamne la société Aderans France à lui verser

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ordonne l'exécution provisoire de la décision et le condamne aux dépensStatuant à nouveau,

- juge son licenciement sans cause réelle et sérieuse

- fixe sa créance de M. [L] au passif de la société Aderans France aux sommes suivantes soit 2 447,68 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires en raison des heures d'ouverture de la boutique, outre 244,77 euros au titre des congés payés afférents, 3 560,26 euros brut à titre d'heures supplémentaires en raison du travail durant les jours de repos, outre 356,02 euros brut au titre des congés payés afférents sur la prescription triennale, 1 819,74 euros net à titre d'indemnisation des temps dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail sur le fondement de l'article L. 3121-4 du code du travail, 22. 365,24 euros net au titre du travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail, 11.182,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 118,26 euros brut au titre des congés payés afférents, à titre principal, 55. 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison de l'inconventionnalité de l'article L. 1235-3 du code du travail, à titre subsidiaire 37. 275,40 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, 10.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive ou à tout le moins déloyale du contrat de travail et la violation aux règles de sécurité, sur le fondement des articles L. 1222-1, L. 4121-1 et suivants du code du travail, 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance, 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel ainsi qu'aux dépens

- juge l'arrêt opposable au Cgea.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 janvier 2023, la SCP BTSG ès qualités sollicite de la Cour qu'elle :

- confirme le jugement déféré

- fixe le salaire de référence de M. [L] à la somme de 3 479,60 euros

- déboute M. [L] de l'ensemble de ses demandes

A titre subsidiaire,

- fixe l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 10. 433,80 euros

- fixe l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de

10. 433,80 euros

Y ajoutant,

- condamne M. [L] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés au titre de la première instance

- condamne M. [L] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés au titre de l'instance d'appel

- le condamne aux entiers dépens

- condamne M. [L] aux entiers dépens, aux intérêts au taux légal ainsi qu'à l'anatocisme.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 juillet 2022, l' UNEDIC Délégation AGS Cgea d'Ile de France-Ouest demande à la Cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré,

A titre subsidiaire, sur les demandes au titre de l'exécution du contrat,

- en cas de 36ème heure admise par la Cour, fixer le rappel de salaires sur la période non prescrites de décembre 2014 à décembre 2017 à la somme de 2 818,53 euros bruts, outre 281,85 euros bruts de congés payés y afférents

- débouter M. [L] du surplus de ses demandes de rappel de salaire

- en toute hypothèse, débouter M. [L] de sa demande indemnitaire pour travail dissimulé et de sa demande indemnitaire pour exécution fautive ou déloyale

A titre encore plus subsidiaire, sur les demandes au titre de la rupture du contrat,

- débouter M. [L] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis

- rejeter l'exception d'inconventionnalité de l'article L 1235-3 du code du travail

- en conséquence, débouter M. [L] de sa demande indemnitaire à hauteur de 55. 000 euros

- en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, fixer le montant des dommages et intérêts à la somme de 20 000 euros sans que le montant alloué dépasse le plafond légal équivalent à 10 mois (37 275,40 euros),

Sur la garantie de l'AGS,

- déclarer opposable l'arrêt à intervenir à l'AGS Cgea d'Ile de France-Ouest, dans la limite légale de sa garantie laquelle est limitée à six fois le plafond des contributions à l'assurance-chômage applicable au moment de la rupture du contrat et exclut l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

I- SUR LE TEMPS DE TRAJET

M. [L] fait valoir que le temps des 16 trajets qu'il a effectués pour se rendre à [Localité 6] et en revenir dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail; qu'en diminuant la somme qu'il réclame au motif qu'il justifie de 13 trajets seulement alors même que l'employeur ne produit pour sa part aucune pièce les premiers juges font peser sur lui la totalité de la charge de la preuve.

La SCP BTSG ès qualités et l'AGS font valoir que M. [L] ayant réalisé et justifiant de 13 trajets uniquement, a été entièrement rempli de ses droits par la décision de première instance.

Sur ce,

Suivant les dispositions de l'article 1353 du code civil, ' Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'.

Par de justes motifs, adoptés, les premiers juges, après avoir relevé de première part que le temps de trajet pour se rendre à [Localité 6] puis en revenir dépasse le temps de trajet normal, de deuxième part que M. [L] justifie de 13 trajets aller retour, ont fixé la somme lui revenant à 1478,43 euros.

Du fait de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la société Aderans France, la décision ne peut plus tendre, conformément à l'article L.622-22 du code du commerce, au paiement mais seulement à la constatation de la créance et à la fixation de son montant au passif de la liquidation judiciaire. La cour fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Aderans France la créance de M. [L] au titre des temps de trajet à la somme de 1478,43 euros.

II- SUR LES HEURES SUPPLEMENTAIRES

Sur les heures supplémentaires tenant aux horaires d'ouverture du salon

M. [L] fait valoir qu'il travaillait durant la totalité des heures d'ouverture du salon soit 36 heures par semaine et qu'il n'en partait dans tous les cas pas à la fermeture puisqu'il faisait la caisse, le rangement et le ménage; que 99 heures, soit 4 heures en 2014, 43 heures en 2015, 41 heures en 2016 et 15 heures en 2017 compte-tenu de ses absences et de la prescription triennale, lui restent dues pour la période considérée.

La société répond que les horaires d'ouverture du salon ont en réalité été modifiés le 1er décembre 2014 pour être réduits à 35 heures par semaine; que M. [L], outre que l'affiche et la photographie qu'il produit sont dénuées de force probante, ne détaille pas les heures dont il réclame le paiement; que le rappel de salaire qu'il réclame ne tient pas compte des périodes de congés.

L'Ags indique faire siennes les écritures de la société.

Sur ce,

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande tenant à son temps de travail au salon, M. [L] se prévaut à la fois et de première part d' une affiche au nom du salon Any d'Avray [Localité 4] et d'une photographie de la plaque Any d'Avray Groupe société Aderans dont les éléments du dossier - singulièrement la pièce n° 59 bis de l'appelant- établissent qu'elle a été prise le 25 décembre 2015 à 16h46, indiquant que le salon était alors ouvert du mardi au vendredi de 9h00 à 13h00 puis de 14h00 à 18h00 et le samedi de 9h00 à 13h00, de deuxième part des horaires de travail de Mme [V] sa collègue, soit les mardi, jeudi et vendredi de 9h00 à 13h00 et de 14h00 à 18h00 outre le samedi de 9h00 à 13h00 hors période de congés, et 36 heures lorsqu'il était lui-même en congés,de dernière part du silence opposé par la société à la sommation qu'il lui a faite de communiquer les ouvertures et les fermetures de caisse.

En produisant l'affiche, la photographie et le décompte susmentionnés, M. [L] dont la Cour relève à la fois qu'il occupait le poste de responsable de boutique et qu'il était le seul à travailler à temps complet dans le salon, présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies.

Pour contester la demande de son salarié, la société Aderans se contente de produire une impression de page internet en date du 26 avril 2019 et une capture d'écran des horaires du salon figurant sur les Pages Jaunes et sur Google, ce qui est manifestement insuffisant à contredire la fiabilité des documents produits par M. [L] et encore moins à remplir l'obligation faite à l'employeur, compte-tenu des éléments fournis par le salarié, de justifier des horaires effectivement réalisés par celui-ci.

Dès lors, au regard des pièces respectivement produites et dans les limites de la prescription, il convient de retenir le volume d'heures supplémentaires à 99 heures, ce dont il résulte une créance de rappel de salaire pour M. [L] de 2447,68 euros, outre 244,76 euros pour les congés payés afférents, à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Aderans France. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires tenant aux heures de travail effectuées le lundi

M. [L] fait valoir qu'il travaillait durant son jour de repos, à raison de 4 heures chaque lundi, pour visiter les hôpitaux et honorer les rendez-vous pris avec les clientes; que l'employeur en était informé et ne s'y est jamais opposé; que la société détient les notes de frais qui en attestent.

La société répond que M. [L], qui était assisté de Mme [X] d'abord, de Mme [V] ensuite, disposait du temps nécessaire pour réaliser ces visites durant son temps de travail et qu'il ne lui a jamais été demandé de travailler le lundi; qu'il n' a en réalité réalisé aucune visite puisqu'elles étaient assurées par Mme [D] [R] uniquement; qu'il ne produit pas de décompte précis;qu'il n'a jamais formulé de réclamation à ce titre auprès de la DUP.

L'AGS indique faire siennes les écritures de la société.

Sur ce,

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en droit:

- selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable

- il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments

- le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande, M. [L] se prévaut à la fois et de première part du courriel qu'il a adressé le 7 avril 2017 à la responsable département santé en réponse à celui reçu d'elle le même jour ayant pour objet les Visites d'hôpitaux, ainsi libellé ' Bonjour [A]. Sincèrement je fais aller. Quant aux hôpitaux, je les ai faits pendant plusieurs années ( dont plusieurs années durant mes jours de repos) pour m'entendre dire qu'ils n'étaient pas fait ou mal... ', de deuxième part du courriel que le directeur général de la société lui a adressé le 11 avril suivant pour lui demander ' je vous demande donc de poursuivre les visites d'hôpitaux et de faire les rapports demandés (...)', de troisième part du courriel qu'il a adressé le 2 octobre 2014 à la responsable comptable libellé comme suit ' [Z] a donc pris mes horaires excepté les déplacements du lundi', de quatrième part du courriel qu'il a reçu de la responsable département santé le 2 mai 2017 dans lequel elle liste les établissements à visiter en mai et en juin, enfin du courriel de confirmation du rendez-vous prévu le lundi 16 décembre 2013 qu'il a reçu de la société Skinlabs le 13 décembre 2013.

Force est de relever qu'il ne résulte ni du courriel de la responsable département santé ni de celui du directeur général qu'ils ont demandé à M. [L] de fixer les visites d'hôpitaux le lundi, la circonstance que M. [O] ne lui a pas formellement demandé d'y mettre fin n'y suppléant pas.

Outre qu'ils font référence à une période prescrite, le courriel du 16 décembre 2013 et du 2 octobre 2014 ne suffisent pas à étayer la demande en rappel de salaire de M. [L], qui doit en être débouté. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

III- SUR LE TRAVAIL DISSIMULE

L'article L. 8221-2 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'activité, telle que définie par l'article L 8221-3 dudit code, ou par dissimulation d'emploi salarié dans les conditions de l'article L 8221-5.

Aux termes de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est toutefois caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce il résulte des énonciations qui précèdent que l'employeur a bien mentionné sur les bulletins de salaire de M. [L] un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué par le salarié. Le comportement intentionnel de l'employeur qui ne pouvait pas ignorer les horaires d'ouverture du salon est dès lors parfaitement caractérisé.

En conséquence, sur la base d'un salaire de 3500,05 euros prime d'ancienneté et prime de vente comprises, M. [L] est fondé à prétendre au réglement de la somme de 21.000,30 euros.

Du fait de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la société Aderans France, la décision ne peut plus tendre, conformément à l'article L.622-22 du code du commerce, au paiement, mais seulement à la constatation de la créance et à la fixation de son montant au passif de la liquidation judiciaire. La cour fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Aderans France la créance de M. [L] au titre de l'indemnité de travail dissimulé de l'article L. 8223-1 du code du travail à la somme de 21.000,30 euros.

IV- SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

M. [L] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de première part parce que son inaptitude a été provoquée par les manquements de la société à l'obligation de sécurité qui lui incombe, de deuxième part faute pour la société d'avoir effectué des recherches sérieuses et loyales pour le reclasser; qu'il est fondé à demander à la fois la réparation du préjudice qui est résulté de la perte de son emploi en ce qu'il est encore demandeur d'emploi à ce jour et que l'entreprise qu'il a créée ne génère aucun revenu et le versement de l'indemnité compensatrice de préavis de l'article 35 de la convention collective applicable.

La société fait valoir que les griefs formulés par M. [L] tenant à ses conditions de travail ne sont pas fondés et qu'elle n'était en l'état du libellé de l'avis d'inaptitude tenue à aucune obligation en matière de reclassement.

L'AGS indique faire siennes les écritures de la société.

Sur l'origine de l'inaptitude du salarié

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Au soutien de sa demande, M. [L] se prévaut de l'incitation permanente à réaliser des objectifs, de la diminution de sa rémunération, d'une surcharge d'activité, de l'état d'insalubrité du salon, de l'impossibilité de remplir les objectifs fixés en raison de la gestion erratique des stocks par la société, de la mise à disposition d'un matériel insuffisant, singulièrement l'absence de machine à laver pendant plusieurs années, d'une lampe loupe, de pinces d'examen longues et d'une imprimante couleur , et/ou inadapté, singulièrement une caisse enregistreuse ne fonctionnant pas pendant 2,5 mois, de l'absence de formations qualifiantes, du comportement inapproprié du directeur général à son égard, des erreurs affectant le montant de son salaire et des retards pour lui rembourser ses frais professionnels, de la dégradation de son état de santé qui en est résulté.

Nonobstant la durée de travail de M [L], dont les éléments du dossier établissent pour les raisons susmentionnées qu'elle était en réalité de 36 heures hebdomadaires, c'est par de justes motifs, adoptés, que les premiers juges ont jugé qu'il ne ressortait d'aucun des éléments du dossier tenant au développement du chiffre d'affaires, à l'état du salon, à la gestion des stocks, au matériel mis à disposition, aux formations, au calcul de sa rémunération, au remboursement des frais exposés, à la charge de travail et aux reproches formulés par le directeur général dans un mail du 16 juillet 2016, que l'inaptitude de M. [L] a été provoquée par des manquements de la société à l'obligation de loyauté et à l'obligation de sécurité qui incombent à l'employeur.

Sur l'obligation de reclassement

Suivant les dispositions de l'article L.1226-2 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable en l'espèce, ' Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, le groupe est défini conformément au I de l'article L. 2331-1.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.'.

L'article L1226-2-1 du même code dispose que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En l'espèce, le médecin du travail dans son avis d'inaptitude du 7 novembre 2017 a mentionné que M. [L] était inapte à son poste de travail et que son état de santé faisait obstable à tout reclassement dans un emploi. Il s'en déduit que la société était dispensée de reclassement et que les développements de M. [L] sur les conditions dans lesquelles la société a consulté la DUP et sur l'insuffisance des démarches qu'elle a entreprises sont inopérants. Le moyen tenant au manquement à l'obligation de reclassement ne sera donc pas retenu.

***

M.[L] dont le licenciement repose dans ces conditions sur une cause réelle et sérieuse, ne peut qu'être débouté de sa demande en dommages intérêts pour licenciement abusif et de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

V- SUR L'OBLIGATION DE LOYAUTE ET L' OBLIGATION DE SECURITE

M. [L] fait valoir que l'état d'insalubrité du salon, la réalisation d'heures supplémentaires, les déplacements hebdomadaires en région parisienne, l'insuffisance des moyens mis à sa disposition et les propos humiliants tenus à son encontre sont autant de manquements de la part de l'employeur à ses obligations de loyauté et de sécurité, qui lui ont causé un préjudice dont il est fondé à demander la réparation.

Pour confirmer la décision déférée dans ses dispositions qui déboutent M. [L] de sa demande en dommages intérêts il suffira de relever qu'il ne résulte d'aucun des éléments du dossier que les griefs tenant à l'état d'insalubrité du salon, au nombre et à l'état des moyens mis sa disposition, au comportement du directeur général à l'adresse de M. [L] sont établis, que la seule décision de la société d'envoyer M. [L] à [Localité 6] deux jours par semaine à compter du mois d'avril 2016 ne caractérise pas en l'état des éléments produits un manquement de sa part à ses obligations, que M. [L] ne justifie d'aucun préjudice spécifique en lien avec le dépassement d'une heure de la durée du travail hebdomadaire contractuelle.

VI - SUR LES DEPENS ET LES FRAIS IRREPETIBLES

Les dépens de première instance et d'appel seront pris en compte en frais privilégiés de la procédure collective.

Il n'est pas inéquitable eu égard à l'issue du litige et à la liquidation de la société de laisser à M. [L] la charge des frais non compris dans les dépens, restés à sa charge.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme la décision déférée dans ses dispositions qui déboutent M. [L] de sa demande en rappel de salaire pour les heures effectuées les lundis, de sa demande en requalification du licenciement en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes en paiement de dommages intérêts pour licenciement abusif et en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, de sa demande en dommages intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et manquement à l'obligation de sécurité

L'infirme pour le surplus

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

FIXE les créances de M. [L] au passif de la liquidation judiciaire de la sas Aderans France comme suit:

- 1478,43 euros au titre des temps de trajet

- 2447,68 euros, outre 244,76 euros pour les congés payés afférents, à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires

- 21.000,30 euros au titre de l'indemnité de l'article L. 8223-1 du code du travail

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront pris en compte en frais privilégiés de la procédure collective

DEBOUTE M.[L] de ses demandes au titre des frais irrépétibles

DÉCLARE la présente décision opposable à l'association Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Ouest dans les limites légales de sa garantie

Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 21/03948
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.03948 ?
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