COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 25 MAI 2023
N° RG 19/05156 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LH2X
SASU MYBOAT
c/
Monsieur [H] [P]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 juillet 2019 (R.G. 11/18/416) par le Tribunal d'Instance d'ARCACHON suivant déclaration d'appel du 30 septembre 2019
APPELANTE :
SASU MYBOAT,
société par actions simplifiée unipersonnelle, immatriculée au RCS de BORDEAUX n° 804 009 355, dont le siège social se trouve [Adresse 3] à [Localité 2], prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Patricia WATERLOT-BRUNIER de la SELARL WATERLOT-BRUNIER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[H] [P]
né le 29 Septembre 1948 à [Localité 4]
de nationalité Française
Retraité
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Maxime GRAVELLIER de l'AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Aux termes d'un acte de vente régularisé le 12 mai 2017, Monsieur [H] [P] a fait l'acquisition auprès de la société par actions simplifiées unipersonnelle Myboat (la SASU Myboat) d'un bateau type vedette de marque Bayliner pour un montant de 36 000 euros.
Suivant un courriel du 4 juin 2017, M. [P] a avisé le vendeur avoir observé le bateau sur le port d'attache et constaté que ni l'état ni le niveau d'équipement ne correspondait à ce qui avait été convenu lors de la vente.
Estimant que la mise en conformité du bateau n'avait pas été satisfaite, M. [P] a adressé le 12 juillet 2017 une lettre de mise en demeure à la société Myboat en lui enjoignant 'de rendre le bateau conforme à votre annonce de vente, sous 15 jours'.
Dans son courrier du 18 juillet 2017, la SASU Myboat a répondu à l'acquéreur et lui indiquant que le navire et l'équipement étaient conformes, hormis le projecteur et le support du vérin de coffre.
Une expertise amiable a été diligentée et réalisée contradictoirement le 13 octobre 2017.
Le cabinet Marine Expertise a déposé son rapport le 2 janvier 2018 listant les différents points de non conformité.
Aucun règlement amiable n'étant intervenu entre les deux parties, M. [P] a, le 09 août 2018, assigné la SASU Myboat devant le tribunal d'instance d'Arcachon afin de constater qu'elle a manqué à son obligation de délivrance et que le bien vendu est affecté de non conformités et de vices cachés.
Par jugement contradictoire du 12 juillet 2019, le tribunal d'instance d'Arcachon a :
- constaté que la société Myboat a manqué à son obligation :
- de délivrance et que le bien vendu est affecté de non conformités et de vices cachés,
- de bonne foi et de loyauté dans l'exécution de son contrat en ayant recours à des pratiques commerciales trompeuses,
- condamné la société Myboat à verser à M. [P] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel,
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Myboat à verser à M. [P] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Myboat aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
La SASU Myboat a relevé appel de cette décision le 30 septembre 2019.
Par ordonnance du 04 juin 2020, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a dit n'y avoir lieu de prononcer l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 06 décembre 2019, la SASU Myboat demande à la cour, sur le fondement des articles 455 du code de procédure civile, 6§1 de la convention européenne des droits de l'Homme, 1641 et suivants du code civil, L.121-2, L.217-4 et suivants du code de la consommation :
- de la juger recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes,
- de juger que le jugement dont appel a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme,
- de juger que le bien cédé n'est pas affecté de vices cachés,
- de juger que le bien cédé est conforme au contrat au sens des articles L.217-4 et suivants du code de la consommation,
- de juger qu'elle a correctement exécuté l'ensemble des obligations mises à sa charge,
en conséquence :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- de condamner M. [P] au versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Suivant ses dernières conclusions notifiées le 09 mars 2020, M. [P] demande à la cour, sur le fondement des articles L.217-4 et suivants, L.121-2 et suivants du code de la consommation, 1194 et suivants, 1641 et suivants du code civil, de :
- constater que la SASU Myboat a manqué à :
- son obligation de délivrance et que le bien vendu est affecté de non conformités et vices cachés,
- son obligation de bonne foi et de loyauté dans l'exécution du contrat en ayant eu recours à des pratiques commerciales trompeuses,
en conséquence :
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SASU Myboat,
- condamner la SASU Myboat à lui verser la somme de 7 975,05 en réparation de son préjudice matériel,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande formée au titre du préjudice de jouissance,
- condamner la SASU Myboat à lui verser la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance,
- condamner l'appelante à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SASU Myboat aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023.
MOTIVATION
Sur l'annulation du jugement
Il doit être constaté qu'au visa des articles 455 du code de procédure civile et 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme, l'appelante réclame dans les motifs de ses dernières conclusions la nullité du jugement rendu par le tribunal d'instance d'Arcachon en raison d'un défaut de motivation. Cette demande ne figure cependant pas dans son dispositif. La cour n'est donc pas saisie sur ce point.
Sur les demandes de dommages et intérêts présentées par M. [P]
Les demandes présentées par M. [P] se fondent à titre principal tout à la fois sur le manquement par le vendeur de son obligation de délivrance conforme mais également sur la garantie des vices cachés.
La cour, à la différence du tribunal, devra donc examiner successivement ces deux fondements sans possibilité pour l'acquéreur de cumuler les deux actions.
Sur la garantie des vices cachés
Il résulte des dispositions de l'article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Aucun élément avancé par M. [P] ne démontre que les manquements reprochés à son vendeur par M. [P], à supposer que ceux-ci constituent des vices cachés, rendent le bateau impropre à son usage ou à celui auquel il est destiné. L'expertise amiable contradictoire versée aux débats, sur laquelle il conviendra de revenir ci-dessous, liste un certain nombre de points litigieux qui concernent simplement le confort et l'agrément.
Sur le défaut de conformité
Aux termes de l'article 1604 du code civil, tout vendeur d'une chose est tenu d'une obligation de délivrance conforme.
Il résulte des dispositions de l'article L.217-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, que le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.
L'article L.217-5 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que le bien est conforme au contrat :
1° S'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :
- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;
2° Ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
Enfin, l'article L.217-8 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, énonce que l'acheteur est en droit d'exiger la conformité du bien au contrat. Il ne peut cependant contester la conformité en invoquant un défaut qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer lorsqu'il a contracté. Il en va de même lorsque le défaut a son origine dans les matériaux qu'il a lui-même fournis.
Le bateau acquis par M. [P] a été construit en novembre 2008 et mis en service au cours de l'année suivante.
Il n'est pas contesté que M. [P] a visité l'embarcation avant de se porter acquéreur.
Afin d'obtenir l'instauration d'une mesure d'expertise amiable, M. [P] a reproché à son vendeur un certain nombre de manquements. Il s'agit :
- de l'absence de projecteur de pont ;
- de dysfonctionnement essuie-glace ;
- du percement de la membrane du haut-parleur ;
- de l'absence de fonctionnement du réfrigérateur ;
- de l'absence de télécommande du téléviseur ;
- de l'absence de colliers sur le circuit souple de carburant ;
- du défaut de remise du double des clés ;
- du défaut d'avertisseur sonore et de convertisseur courant ;
- de la défectuosité du capteur d'embase ;
- du joint d'échappement du collecteur ;
- du défaut de pompe a main ;
- du dysfonctionnement du réchaud ;
- du problème d'éclairage des cadrans ;
- du bris du support pare-brise ;
- de la rouille de la chaîne de mouillage.
Le rapport d'expertise amiable contradictoire du 02 janvier 2018 réalisé par le cabinet Marines Expertise constitue la seule pièce versée aux débats par M. [P] à l'appui de ses demandes indemnitaires.
Il doit cependant être rappelé que la cour ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci (Civ, 2ème, 13 septembre 2018 n°17-20.099).
Seuls donc peuvent être retenues les absences, défaillances et autres non conformités reconnues par la SASU Myboat et/ou pouvant se déduire de la comparaison entre le contenu de l'annonce que le vendeur a fait paraître sur son site, et sur laquelle M. [P] s'est convaincu d'acquérir le bateau, et l'état réel de celui-ci tel qu'établi par les documents versés aux débats.
L'appelante admet l'absence de projecteur de pont alors que sa présence est indiquée dans l'annonce parue sur son site, étant ajouté que son gérant a admis cette situation dans son courrier du 18 juillet 2007 adressé à l'acquéreur.
Le dysfonctionnement de l'essuie-glace, accessoire qui n'apparaît certes pas sur l'annonce mais indispensable pour assurer la sécurité du bateau et de ses occupants, n'est pas réellement nié par l'appelante dans le courrier précité. Il s'agit cependant d'un défaut de fonctionnement et donc d'un vice apparent que M. [P] ne pouvait ignorer après la visite de l'embarcation préalable à son acquisition.
S'agissant du haut-parleur qui est d'origine, le percement de la membrane ne pouvait pas être détecté par un acquéreur non professionnel. Si, dans sa correspondance du 18 juillet 2007, la SASU Myboat soutient que cet équipement fonctionnait lors de la visite du bateau par M. [P], il apparaît cependant que l'annonce fait état de 4 haut-parleurs de sorte que l'acquéreur était en droit de considérer qu'ils étaient en état de fonctionner. Ce défaut de conformité peut donc être retenu contre le vendeur.
La présence d'un téléviseur, et non d'une antenne, est mentionnée dans l'annonce précitée et bien réelle sur le bateau. Le bien livré est donc conforme au contrat. Quant à l'absence de télécommande, cette situation a pu être constatée par l'acquéreur lors de la visite du bateau, la SASU Myboat précisant dans son courrier du 18 juillet 2007 ne pas en disposer. Ce grief doit donc être écarté.
Le réfrigérateur n'est effectivement pas en état de marche. La SASU Myboat affirme, sans pouvoir être démentie sur ce point par la production d'éléments de nature technique, qu'un simple ajout de gaz permet de remettre en marche l'appareil. Néanmoins, l'acquéreur était en droit d'exiger que cet appareil, dont la présence est mentionnée sur l'annonce, est en état de marche. Le bien vendu n'est donc pas conforme en l'état à celui attendu.
La défaillance de l'avertisseur sonore a pu être constatée lors de la visite du bateau par l'acquéreur qui est intervenue avant la vente. Il a accepté le bien en l'état comme l'indique le bon de commande. Ce grief doit donc être écarté, étant ajouté que l'acquéreur ne conteste pas avoir obtenu de la part de la SASU Myboat son remplacement par la fourniture d'une corne de brume.
Les autres manquements, défectuosités et éventuelles non conformités, contestés par la SASU Myboat, ne sont pas suffisamment établies en raison de l'exigence quant à la démonstration de la preuve énoncée ci-dessus.
Les pratiques commerciales trompeuses ne sauraient résulter des seuls manquement retenus de sorte qu'elles ont été retenues à tort par le premier juge.
Au regard du devis émanant de la société Charlet Nautic, communiqué à l'appelante dans le cadre de la présente procédure, le préjudice de M. [P] peut être chiffré à la somme de 2 237,20 euros TTC (1 660,52 + 430,04 + 146 64 euros, montants intégrant le taux de TVA de 20%). Le jugement sera donc réformé sur ce point.
S'agissant de la demande présentée par M. [P] au titre d'un préjudice de jouissance, il doit être constaté que les manquements, défaillances et non conformités relevées ci-dessus n'obèrent en aucune façon la possibilité pour son utilisateur de naviguer. Comme le fait justement remarquer l'appelante, l'acquéreur apparaît surtout avoir envisagé son acquisition pour en établir, notamment durant l'été, un lieu de résidence provisoire pour lui-même ou l'un des membres de sa famille, alors que cet usage n'est pas celui attendu pour un bien semblable et était inconnu de son vendeur. Cette prétention indemnitaire sera dès lors rejetée de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Outre la somme mise à la charge de la SASU Myboat en première instance, il y a lieu en cause d'appel de la condamner au versement à M. [P] d'une indemnité complémentaire de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
- Infirme le jugement rendu le 12 juillet 2019 par le tribunal d'instance d'Arcachon en ce qu'il a condamné la société par actions simplifiées unipersonnelle Myboat à verser à M. [H] [P] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel ;
et, statuant à nouveau dans cette limite :
- Condamne la société par actions simplifiées unipersonnelle Myboat à verser à M. [H] [P] la somme de 2 237,20 euros TTC ;
- Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant ;
- Condamne la société par actions simplifiées unipersonnelle Myboat à verser à M. [H] [P] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne la société par actions simplifiées unipersonnelle Myboat au paiement des dépens d'appel.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE