COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 25 MAI 2023
N° RG 19/04916 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LG7P
Madame [N] [Y] veuve [X]
c/
SA SOCRAM BANQUE
Mutuelle MACIF
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 juillet 2019 (R.G. 18/01124) par la 5ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 11 septembre 2019
APPELANTE :
[N] [Y] veuve [X]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 6]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Paméla ABDOUL, avocat au barreau de LIBOURNE
INTIMÉES :
La SA SOCRAM BANQUE,
au capital de 70.000.000 euros, inscrit au registre du commerce et des sociétés sous le n° 682 014 865 00021, dont le siège social est situé [Adresse 5]
La MACIF,
Mutuelle Assurances des Commerçants et Industriels de France et des cadres salariés de l'industrie et du commerce, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 4])
Représentées par Me Christophe GARCIA de la SELARL G&H AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon une offre préalable proposée le 02 avril 2015, Monsieur [S] [X] et Madame [N] [X] née [Y], mariés sous le régime de la communauté de biens, ont contracté auprès de la société anonyme Socram Banque (la SA Socram Banque) un crédit d'un montant de 18 000 euros destiné à financer l'acquisition d'un véhicule de marque Renault. L'emprunt était remboursable en 60 mensualités de 347,94 euros.
M. [X] est décédé le [Date décès 3] 2015.
Mme [X] a contacté l'organisme de crédit afin que le décès de son époux soit pris en charge par l'assurance groupe du contrat.
Dans un courrier du 1er septembre 2015, la société Socram Banque a signifié à Mme [X] l'absence de prise en charge des échéances du prêt dans la mesure où son époux suivait un traitement médical continu de plus d'un an avant la souscription du contrat et avait été en arrêt de travail plus de 60 jours consécutifs au cours des deux dernières années.
Par actes du 09 août 2016, Mme [X] a assigné les sociétés Socram Banque et Macif devant le tribunal d'instance d'Arcachon afin d'être dédommagée au titre du préjudice financier subi.
Par jugement du 15 décembre 2017, le tribunal s'est déclaré matériellement incompétent pour statuer sur les demandes de Mme [X] et a renvoyé l'examen de l'affaire au tribunal de grande instance de Bordeaux.
Le jugement rendu le 04 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- débouté Mme [X] de ses demandes dirigées contre la Socram Banque et la Macif,
- condamné Mme [X] à payer à la Socram Banque et la Macif une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Mme [X] aux dépens.
Mme [X] a relevé appel de cette décision le 11 septembre 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 mars 2023, Mme [X] réclame l'entière infirmation du jugement de première instance et demande à la cour sur le fondement des articles 1147 du code civil, L.113-2, L.112-3 du code des assurances, L.212-1 du code de la consommation :
- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
à titre principal :
- de dire que la société Socram Banque, par l'intermédiaire de la société Macif, n'a pas respecté son devoir de conseil et ne les a pas éclairés sur l'adéquation des risques couverts avec leur situation personnelle,
- de dire que la société Socram Banque n'a pas respecté son devoir de mise en garde à son égard,
- de juger l'article 6 du contrat d'assurance abusif et dire qu'il est réputé non-écrit,
en conséquence :
- de condamner la société Socram Banque à lui payer la somme de 17 812,62 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier subi,
à titre subsidiaire :
- de condamner la société Macif, intermédiaire de la société Socram Banque et professionnelle des assurances, à lui payer la somme de 17 812,62 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier subi,
en tout état de cause :
- de condamner la société Socram Banque à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Socram Banque aux entiers dépens.
Suivant leurs dernières conclusions notifiées le 21 mars 2023, la société anonyme Socram Banque et la Macif demandent à la cour, sur le fondement de l'article L.113-8 du code des assurances, de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué,
ce faisant,
- débouter purement et simplement Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et notamment de sa demande de nullité du délai de carence comme étant abusif,
- condamner Mme [X] à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [X] aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023.
MOTIVATION
Sur le non-respect du devoir de conseil
Mme [X] née [Y] affirme tout d'abord que le couple n'a pas rempli un formulaire de déclaration des risques ni questionnaire de santé. Elle considère ensuite que l'assurance groupe de la Macif, proposée par la société Socram Banque, n'était pas adaptée à la situation personnelle de son mari de sorte qu'elle était nécessairement amenée, en cas de décès, à ne pas garantir le paiement des échéances de prêt restant dues. Elle estime que le professionnel a dès lors manqué à son devoir de conseil et d'information en ne recueillant pas les informations adaptées.
En réponse, la société Socram et la Macif réclament la confirmation du jugement attaqué ayant rejeté les demandes financières de l'appelante en retenant que M. [X] avait volontairement effectué une fausse déclaration de sorte que l'assureur était bien fondé à dénier sa garantie.
Aux termes des dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
L'article L113-2 2° du code des assurances, dans sa version en vigueur à la date de la souscription du contrat, dispose que l'assuré est obligé :
1° De payer la prime ou cotisation aux époques convenues ;
2° De répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge (...).
Il résulte des dispositions de l'article L113-8 du même code qu'indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre (...).
S'il convient de rechercher si le prêteur a éclairé l'emprunteur sur l'adéquation du risque couvert par le contrat avec sa situation personnelle d'emprunteur (2e Civ., 2 octobre 2008, n°07-.16.018), l'emprunteur ne peut en cas de fausse déclaration intentionnelle, au sens des dispositions susvisées, se prévaloir du manquement du professionnel à son devoir d'information ou de conseil.
L'assurance facultative Mutavie, proposée par la Macif, garantit le versement en cas de décès du souscripteur de la part du capital restant dû.
M. [X] a signé la demande d'adhésion à l'assurance facultative proposée par la société Socram Groupe et indiqué dans un document intitulé 'conditions particulières' (p8), en apposant la date du 02 avril 2015 et sa signature :
- 'ne pas être actuellement en arrêt de travail de plus de 15 jours ou ne pas percevoir une pension d'invalidité ;
- ne pas avoir été, au cours des 2 dernières années, en arrêt de travail de plus de 60 jours consécutifs (...) ;
- ne pas devoir faire l'objet d'une hospitalisation ou d'une intervention chirurgicale dans les 6 mois à venir ;
- ne pas prendre actuellement de médicaments depuis plus d'1 an, à l'exception des traitements préventifs'.
Il ne s'agit pas de clauses types d'un contrat d'assurance mais de questions extrêmement précises posées par l'assureur, lors de la conclusion du contrat, sur la réalité de l'état de santé du souscripteur, les réponses apportées par ce dernier étant de nature :
- à lui faire apprécier les risques pris en charge ;
- et à la dissuader de réclamer des documents médicaux complémentaires.
Le décès de M. [X] est survenu un mois et demi après la date de souscription du contrat d'assurance groupe.
Selon son courrier du 1er septembre 2015, l'assureur a opposé à sa veuve un refus de prise en charge en arguant du fait que M. [X] :
- 1) percevait une pension d'invalidité de la part de la CPAM depuis le 1er octobre 2014 ;
- 2) avait été en arrêt de travail de plus de soixante jours durant les deux années précédent l'adhésion ;
- 3) suivait depuis plus d'un an, à la date de son adhésion, un traitement médical continu.
La fausseté de la déclaration effectuée par M. [X], portant notamment sur les points 2 et 3, n'est pas contestée par Mme [X] née [Y].
Le caractère élevé du nombre de pages du contrat d'assurance n'altère en rien la qualité et la précision du document rassemblant les éléments médicaux qui est détachable des autres feuillets du contrat. L'assuré était de même parfaitement informé des conséquences d'une déclaration mensongère comme l'atteste la clause s'y rapportant.
Comme le relève à raison le premier juge, seul M. [X] était en capacité de confier à l'assureur des éléments médicaux le concernant relatifs à la prise d'un traitement médicamenteux et à l'existence d'un arrêt de travail de plus de soixante jours. Il ne peut dès lors être reproché à la société Socram Banque de ne pas avoir effectué de recherches supplémentaires afin d'approfondir sa connaissance du réel état de santé du souscripteur.
En conséquence, l'appelante ne démontre pas un manquement de la part de la société Socram Banque à son obligation d'information et/ou à son devoir de mise en garde.
Certes, Mme [X] née [Y] fait observer à juste titre que l'assureur disposait, dès la date de conclusion du contrat, des éléments lui permettant de remarquer que M. [X] avait perçu jusqu'au 1er septembre 2014 une pension d'invalidité avec un taux de 50%.
En effet, cette information figurait expressément sur le document en date du 20 octobre 2014 qui émanait de l'organisme Carsat.
Cependant, il apparaît à la lecture de cette pièce qu'il est indiqué que la pension de retraite versée à M. [X] à compter de 1er septembre 2014 'prend le relais' de sa pension d'invalidité.
En conséquence, le souscripteur n'a pas effectué de déclaration mensongère en signant le 02 avril 2015 le contrat d'assurance qui précisait qu'il ne percevait pas, au jour de la souscription, une pension d'invalidité de sorte qu'il ne peut être reproché à la société Socram Banque d'avoir accepté la conclusion du contrat en connaissant le caractère mensonger de la déclaration de M. [X].
Seule la fausse déclaration portant sur les points 2 et 3 est donc avérée de sorte que l'assureur a justement opposé à l'appelante la nullité du contrat. Il n'est donc pas utile de s'interroger sur la question du respect du délai de carence évoquée dans les écritures des intimés et son éventuel caractère abusif invoqué par Mme [Y] en application des textes relatifs au droit de la consommation.
En conséquence, le jugement ayant rejeté ses demandes de dommages et intérêts sera dès lors confirmé.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Si la décision de première instance doit être confirmée, il n'y a pas lieu en cause d'appel de mettre à la charge de l'une ou de l'autre des parties le versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 04 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux ;
Y ajoutant ;
- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne madame [N] [X] née [Y] au paiement des dépens d'appel.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE