La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2023 | FRANCE | N°20/01589

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 24 mai 2023, 20/01589


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 24 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/01589 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQVK



















S.A.S. NOVO NORDISK



c/



Madame [D] [V]

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse d

élivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 février 2020 (R.G. n°F 18/01492) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 18 mars 2020,





APPELANTE :

SAS Novo Nordisk, agissant poursuites et diligences de ses représentants l...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/01589 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQVK

S.A.S. NOVO NORDISK

c/

Madame [D] [V]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 février 2020 (R.G. n°F 18/01492) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 18 mars 2020,

APPELANTE :

SAS Novo Nordisk, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 451 356 992

représentée par Me Conrado CRESPI substituant Me Maxime PIGEON de la SELAS OSBORNE CLARKE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [D] [V]

née le 24 Septembre 1960 à [Localité 3] de nationalité Française demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Julie AMIGUES de la SELARL ACT, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [D] [V], née en 1960, a été engagée en qualité de déléguée à l'information médicale par la SAS Novo Nordisk par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er septembre 2001.

La dénomination du poste est devenue Délégué Spécialiste Hôpital (DSH), à compter du 1er octobre 2002.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Du 1er mai 2017 au 30 avril 2018, le temps de travail de Mme [V] a été réduit à 90%, cette modification a été convenue par les parties dans l'avenant du 25 avril 2017.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [V] s'élevait à la somme de 5.682 euros.

Le 21 mai 2015, la société Novo Nordisk a adressé un courriel à la salariée estimant que cette dernière avait tenu des propos inappropriés.

Par lettre datée du 31 janvier 2018, Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 9 février 2018.

Mme [V] a ensuite été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 19 février 2018 en raison de la qualité insuffisante des visites auprès des professionnels de santé et de son manque de proactivité et de participation dans l'équipe, préjudiciable aux objectifs de collaboration transverse souhaités par la société.

A la date du licenciement, Mme [V] avait une ancienneté de 16 ans et 5 mois, et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Par courrier du 8 mars 2018, Mme [V] a contesté son licenciement.

L'employeur a maintenu l'intégralité des griefs contenus dans la lettre de licenciement par courrier responsif du 21 mars 2018.

Contestant la légitimité de son licenciement, réclamant des dommages et intérêts ainsi que la publication du jugement à intervenir, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a, par jugement rendu le 10 février 2020 :

- dit que le licenciement de Mme [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Novo Nordisk à verser à Mme [V] les sommes suivantes:

* 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [V] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Novo Nordisk de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le remboursement par la société Novo Nordisk, à Pôle Emploi, des indemnités chômage versées le cas échéant à Mme [V] à compter du jour de son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage et ce en application de l'article L. 1235-4 et R. 1235-1 du code du travail,

- condamné la société Novo Nordisk aux dépens.

Par déclaration du 18 mars 2020, la société Novo Nordisk a relevé appel de cette décision, notifiée le 17 février 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 juin 2020, la société Novo Nordisk demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 10 février 2020 en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de publication du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux dans deux revues de son choix aux frais de la société Novo Nordisk,

- l'infirmer en ce qu'il a :

* dit que le licenciement de Mme [V] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* condamné la société Novo Nordisk au paiement d'une indemnité de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la société Novo Nordisk au paiement d'une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné le remboursement par la société Novo Nordisk, à Pôle Emploi, des indemnités chômage versées le cas échéant à Mme [V] à compter du jour de son licenciement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

* débouté la société Novo Nordisk de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à verser la somme de 5.000 euros à la société Novo Nordisk au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 septembre 2020, Mme [V] demande à la cour de':

- constater la manipulation informatique dont s'est rendu coupable l'employeur,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

- le confirmer en ce qu'il a jugé qu'il convenait d'accorder des dommages et intérêts à Madame [V],

- infirmer le jugement en ce qu'il a accordé 80.000 euros à ce titre à Mme [V],

- condamner la société Novo Nordisk à verser à Mme [V] la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- infirmer le jugement en ce qu'il a refusé la publication dans des journaux spécialisés de la décision,

- ordonner la publication du jugement à intervenir, aux frais de la société Novo Nordisk, dans la limite de 5.000 euros dans deux revues au choix de la salariée,

- condamner la société Novo Nordisk à verser à Mme [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir (sic).

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Par courrier du 19 février 2018 qui fixe les limites du litige, Mme [V] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu des éléments soumis par les parties, étant ajouté que le doute profite au salarié.

La lettre de licenciement s'articule autour de deux griefs, la qualité insuffisante des visites auprès des professionnels de santé et le manque de proactivité et de participation dans l'équipe de l'intimée, préjudiciable aux objectifs de collaboration transverse souhaités par la société.

La lettre fait état de 'manquements en dépit du soutien qui vous est accordé par votre responsable hiérarchique et de la clémence dont nous avons fait preuve à votre égard suite au mail de recadrage du 21 mai 2015" s'agissant des propos tenus par Mme [V] à l'encontre de ses collègues.

Sur la qualité insuffisante des visites auprès des professionnels de santé

Sur ce grief, la lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« Plus précisément, sur la qualité de votre activité de visite médicale, lors des tournées que votre directrice régionale réalise avec vous dans le but de maintenir et de développer vos compétences, cette dernière vous reproche et consigne dans votre entretien annuel d'évaluation 2017 :

- D'une part l'absence de supports de présentation utilisés dans vos visites. Elle vous encourage à utiliser les supports de présentation élaborés par la société NOVO NORDISK, car il est de votre responsabilité, comme le stipule votre définition de fonction, d'apporter aux professionnels de Santé « argumentation et conviction dans le cadre des directives marketing du laboratoire et du respect de l'éthique professionnelle ».

- D'autre part, l'absence de points d'accords et d'engagement dans vos visites. Ces manquements traduisent une activité aujourd'hui estimée en-deçà des attentes dans la mesure où il s'agit des compétences de base demandées à un délégué médical confirmé.»

A l'appui de ses allégations, la société appelante se fonde sur les 'comptes rendus duo' issus des tournées réalisées par la directrice régionale ainsi que sur l'entretien annuel d'évaluation 2017.

Les parties s'accordent sur le déroulement de la procédure d'évaluation annuelle propre à la société, scindée en trois parties :

- la définition des objectifs de l'année à venir qui a lieu en janvier ou février, dans la cadre d'une réunion entre le salarié et le manager,

- l'entretien 3P dit 'midterm' qui constitue un point d'étape en milieu d'année sur l'état d'avancement par rapport aux objectifs définis. Il s'agit alors d'évoquer avec son responsable hiérarchique les points d'amélioration ou de satisfaction et éventuellement de définir de nouveaux objectifs, sans notation à ce stade,

- l'entretien 3P de fin d'année qui se déroule en décembre de l'année ou en janvier de l'année suivante. Le manager évalue son collaborateur.

À chaque étape, l'ensemble des éléments discutés sont reportés de manière factuelle dans le système centralisé sur l'intranet de la société et le collaborateur peut y inscrire ses commentaires (réserves, faisabilité, moyens attendus, ...) puis il doit signer électroniquement le formulaire rempli et le transmettre à son responsable hiérarchique pour qu'il fasse ses commentaires et le signe à son tour.

Après cette validation, les seules modifications possibles sont l'ajout d'objectifs supplémentaires ou de missions spécifiques, aucun des items ou commentaires déjà validés ne peuvant être modifiés.

Mme [V] indique dans ses écritures qu'aucune rédaction de l'évaluation annuelle n'a été faite avec elle le 17 janvier 2018, date de l'entretien annuel de fin d'année

2017, expliquant que dans la mesure où les griefs évoqués par sa supérieure n'avaient pas été formulés lors de l'entretien de mi-année, elle les contestait.

La société Novo Nordisk affirme, quant à elle, qu'elle n'a aucunement modifié les formulaires d'évaluation professionnelle de l'intimée pour pouvoir procéder à son licenciement et qu'il est incontestable que les commentaires et griefs qu'il contient ont bien été formulés auprès de Mme [V] lors de son évaluation professionnelle.

Il n'est pas contesté qu'une manipulation informatique en lien avec une mise à jour nécessaire du système d'évaluation a été effectuée le 13 novembre 2017 depuis le service situé en Inde.

Techniquement, les formulaires d'entretien en cours ont été positionnés en statut 'complet' pour la manipulation informatique et de nouveaux formulaires ont été créés pour tous les employés de France.

Toutefois, concernant précisément l'entretien d'évaluation de Mme [V], il résulte de captures d'écran de la plate-forme donnant accès aux entretiens d'évaluation que:

- l'étape '8. Calibration' de l'entretien annuel 2017, pour laquelle la responsable hiérarchique de la salariée, Mme [T], avait la main, a été modifiée le 19 janvier 2018 (pièce 10 de l'intimée),

- l'étape '9. Manager évaluation finale' de l'entretien 2017 a été modifiée le 12 février 2018,

- l'étape '10. Signature définitive' de ce même entretien a été modifiée le 21 février 2018 (pièces 11 et 17 intimée).

D'ailleurs, la cour relève qu'à la lecture de ces pièces, l'information complémentaire offerte par l'icône 'i' est ouverte pour l'entretien 2016 et pour l'entretien 2018 mais pas pour l'entretien 2017, ce qui ne permet pas de suivre le cheminement, en toute transparence, des actions réalisées sur l'entretien d'évaluation 2017 ni d'identifier les personnes ayant opéré les saisies informatiques.

L'évaluation professionnelle dite '3P' de Mme [V] pour la mi -année 2017, versée par la société appelante (pièce 12) n'est pas signée par la salariée mais mentionne l'intervention informatique du service situé en Inde.

Par ailleurs, la cour relève que l'évaluation professionnelle dite '3P' de fin d'année de Mme [V] pour l'année 2017, versée par la société appelante (pièce 13) comporte une date de signature par la salariée au 27 février 2018, alors même que le contrat de travail de l'intimée a pris fin dès le 20 février 2018 et que la personne ayant signée est un administrateur du logiciel : '[D] [V] by 3P Admin'.

Il résulte de ces éléments qu'un doute existe quant à l'authenticité du compte - rendu de l'entretien annuel de fin d'année 2017 de Mme [V] dès lors que des modifications ont pu y être effectuées par la société sans que la salariée en soit informée, après l'entretien professionnel, voire même postérieurement au licenciement de l'intimée.

De ce fait, l'évaluation professionnelle 2017 de fin d'année de Mme [V] ne peut servir de fondement aux prétentions de la société.

***

En premier lieu, la société appelante reproche à Mme [V] l'absence d'utilisation des supports de présentation lors des visites.

Si le compte rendu de la réunion 'duo' (pièce 11 appelant) du mois d'avril 2017 mentionne en effet, en point d'amélioration : 'il est nécessaire d'utiliser un support visuel afin d'améliorer l'écoute et de capter l'attention surtout lors des rendez-vous assis', le descriptif de la situation de l'ensemble des autres visites de l'année 2017 à compter du mois de juin (mois de juin, juillet, octobre, novembre et décembre) indique 'délivre des messages clés en s'appuyant sur support visuel'.

Dès lors, ce grief n'est pas établi.

En second lieu, la société fait grief à Mme [V] de ne pas obtenir de points d'accord et d'engagement lors de ses visites.

Dans le compte rendu 'duo' du mois d'avril 2017, les solutions consignées sont : 'engagement : tu essayes d'impliquer ton médecin et de le mettre en mouvement, essaye de faire des verrous après chaque argument afin de faciliter l'engagement'.

Or, chaque mois de la période de juin à décembre, la situation décrite dans le compte rendu est 'conclut, propose des solutions' dès lors il n'est pas établi que Mme [V] n'obtenait pas de point d'accord et d'engagement.

Sur le manque de proactivité et de participation dans l'équipe

Sur ce grief, la lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« Concernant votre manque de proactivité et de participation dans l'équipe, celui-ci a notamment été observé et noté lors des sessions de formation (pour exemple formation délivrée par le CRECI). Dans le compte rendu de duo du 2.10.2017 ainsi que dans votre entretien annuel d'évaluation, votre Directrice régionale déplore votre manque persistant de participation et le fait que vous soyez en permanence « sur la défensive » vis-à-vis de vos collègues qui nous l'ont fait remarquer (ce point avait déjà fait l'objet d'un échange le 5 avril 2017). Ce comportement est non seulement préjudiciable à la transversalité et à l'esprit d'équipe souhaités, mais ne répond pas non plus aux exigences de NOVO NORDISK telles que précisées dans votre définition de fonction : « participer aux formations prévues par l'entreprise pour développer son savoir-faire médical, relationnel ou technique et satisfaire aux exigences de contrôle des connaissances mises en place par le pharmacien responsable »

La société explique avoir indiqué à Mme [V] : 'il est nécessaire que tu trouves des solutions pour lever tes blocages'.

Mme [V] reconnaît avoir été en retrait et ne pas avoir toujours eu une forte participation en formation. D'ailleurs, dans le compte -rendu de l'entretien préalable produit par les deux parties, est mentionné que la salariée a rappelé que : 'pour le deuxième grief, repris dans mon évaluation 3P de mi-année concernant ma participation en réunion régionale, mon commentaire du moment n'a pas été reporté dans ce 3P : j'avais fait mention qu'à plusieurs reprises certains de mes collègues m'avaient fait des remarques désobligeantes sur mes interventions et que cela n'incitait pas à la prise de parole en raison de ces moqueries'.

La société argue de ce que ce comportement est préjudiciable à l'esprit d'équipe souhaité et ajoute qu'il ne permet pas non plus de répondre à l'exigence des fonctions qui impose de participer aux formations pour développer ses différents savoir-faire.

Mme [V] démontre avoir participé à diverses formations et avoir reçu le renouvellement de sa carte professionnelle qui n'est possible que si les formations sont suivies et intégrées.

Une généralité ne peut pas être affirmée par la société sur le fait que la participation moins active de l'intimée entache sa capacité à développer ses savoir-faire.

En effet, le compte rendu 'duo' d'octobre 2017 qui évoque pour la première fois l'exigence d'un nouveau mode de communication que Mme [V] devait mettre en place indique : 'tu as essayé de mettre en place la communication émotionnelle sur ton rendez-vous, bravo'.

Il n'est donc pas établi que le manque de proactivité et de participation dans l'équipe qui est reproché à Mme [V] ne lui permettait pas de satisfaire aux exigences de sa définition de fonction.

La cour rappelle également qu'une nouvelle sectorisation a été attribuée à Mme [V] au 1er septembre 2017, soit sur la période de quatre mois ayant précédé son licenciement et que les comptes rendus 'duo' révèlent un nouveau mode de communication mis en place à compter du mois d'octobre 2017 et qui est indiqué dans le tableau comme 'mettant en insécurité la salariée'.

***

Par ailleurs, il ressort des pièces produites que l'évaluation globale des entretiens annuels de l'intimée pour les années 2014, 2015 et 2016 a été 'ME' soit Meets Expectations and goals (attentes rencontrées). Ainsi par courriers des 31 mars 2015, 8 avril 2016 et 24 mars 2017, Mme [T] remercie Mme [V] pour sa contribution à la performance de l'année de la filiale et l'informe d'une augmentation. Le courrier du 24 mars 2017 mentionne d'ailleurs 'toute l'équipe de direction se joint à moi pour te remercier et t'assurer de notre confiance pour réaliser ensemble une belle année 2017".

Enfin, il est souligné que Mme [V] avait seize années d'ancienneté, qu'il n'est pas démontré que la société appelante ait fait part à Mme [V] des griefs exposés dans la lettre de licenciement en dehors de l'engagement de la procédure et que la société Novo Nordisk ne justifie d'aucun accompagnement mis en place pour permettre à la salariée de satisfaire les attentes de son employeur.

Par conséquent, il résulte de l'ensemble des éléments précités que le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

S'agissant des dommages-intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la rupture est datée du 20 février 2018, il convient de faire application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail.

Les dispositions de ce texte dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 poursuivent un objectif d'intérêt général, en renforçant la prévisibilité des conséquences de la rupture du contrat de travail.

D'une part, les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

D'autre part, les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi, étant observé que celles de l'article L 1235-3-1 du même code prévoient que, dans des cas limitativement énumérés entraînant la nullité du licenciement, le barème ainsi institué n'est pas applicable.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est en outre assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, aux termes desquelles le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de

chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention précitée.

Mme [V] justifie ne pas avoir retrouvé d'emploi et avoir fait valoir ses droits à la retraite le 1er octobre 2022.

Aussi, eu égard à l'âge de Mme [V] (58 ans au jour du licenciement), son ancienneté de seize années, sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, il y a lieu d'allouer, à Mme [V], sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 45.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le quantum de la somme allouée, le jugement sera donc infirmé.

Et, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les autres demandes

Au regard des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Mme [V] de voir publier le présent arrêt dans des journaux ou revues. Elle sera déboutée de ce chef et le jugement confirmé.

La société Novo Nordisk sera condamnée au dépens de la procédure d'appel et à verser à Mme [V] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme allouée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 10 février 2020 sauf sur le quantum des sommes allouées à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la société Novo Nordisk à verser à Madame [D] [V] les sommes suivantes :

- 45.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Novo Nordisk aux dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/01589
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;20.01589 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award