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24/05/2023 | FRANCE | N°20/01450

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 24 mai 2023, 20/01450


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 24 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/01450 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQLX















S.A.R.L. LRB MONTAGE



c/



Monsieur [T] [N]

















Nature de la décision : AU FOND





















Gross

e délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 février 2020 (R.G. n°17/00049) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PERIGUEUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 16 mars 2020,





APPELANTE :

SARL LRB Montage, agissant en la personne de son gérant domicilié en ce...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/01450 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQLX

S.A.R.L. LRB MONTAGE

c/

Monsieur [T] [N]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 février 2020 (R.G. n°17/00049) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PERIGUEUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 16 mars 2020,

APPELANTE :

SARL LRB Montage, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 353 916 646

représentée par Me Gérald GRAND, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉ :

Monsieur [T] [N]

né le 06 Octobre 1954 à [Localité 3] (MAROC) de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Alexandre ALJOUBAHI, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [T] [N], né en 1954, a été engagé par la SARL LRB Montage, en qualité de monteur en charpentes métalliques - coefficient 185, au sens des dispositions de la convention collective nationale de bâtiments.

Ce contrat, initialement conclu le 5 avril 2004 pour une durée de deux mois a fait l'objet d'un avenant le 24 mai 2004, aux termes duquel il a été convenu d'une embauche à durée indéterminée.

Le 24 septembre 2013, M.[N] a été victime d'un accident du travail. Il a en effet chuté de la toiture d'un bâtiment agricole sur lequel il était occupé à effectuer des travaux de couverture, cette chute ayant occasionné une fracture du cotyle gauche et un traumatisme de l'épaule droite.

M.[N] a été placé en arrêt de travail qui s'est prolongé jusqu'au 30 mai 2015.

Le 26 septembre 2013, à la suite d'une enquête diligentée par la direction régionale du travail d'Aquitaine, et après visite du chantier par deux contrôleurs du travail, une décision administrative a ordonné l'arrêt du chantier au motif de risque de chutes de hauteur, faute d'avoir constaté la présence de protections collectives périphériques et de protections individuelles.

L'accident de M. [N] a été pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et il s'est vu reconnaître un taux d'incapacité permanent de 42%. Par courrier du 31 mars 2015, l'employeur a été informé de l'attribution à M.[N] d'une rente invalidité à compter du 27 février 2015.

Soutenant que la société LRB Montage a manqué à ses obligations contractuelles à son égard, qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, que son inaptitude est directement causée par le comportement fautif de l'employeur, demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, M. [N] a saisi le conseil des prud'hommes de Périgueux le 8 juin 2015. L'affaire a été radiée et rétablie le 13 février 2017.

A la suite de deux visites médicales des 1er juin et 17 juin 2015, M.[N] a été déclaré inapte définitif à son poste de travail habituel.

Le médecin du travail a précisé que M.[N] ' serait apte sur un poste :

1- Sans manutention de plus de 10 kg,

2- Sans travaux nécessitant l'élévation du bras gauche au-delà de 45 °C

3- Sans station debout prolongée de plus de 2 heures ».

Par courrier du 16 juillet 2015, il a été proposé à M.[N] un rendez-vous le 21 juillet notamment quant à la possibilité de reclassement compatible avec son état de santé, auquel le salarié ne s'est pas rendu.

Par courrier du même jour, l'employeur a interrogé la médecine du travail sur une perspective de proposition d'emploi avec complément de formation, le médecin du travail lui indiquant ne pas voir de contre-indication au poste sous réserve du respect des restrictions indiquées sur la fiche d'aptitude.

Par courrier du 30 juillet 2015, la société LRB Montage a proposé à M.[N] un poste de chauffeur opérateur sur grue avec déplacement, nécessitant une formation complémentaire pour obtenir le CACES.

Par lettre du 14 août 2015, M.[N] a refusé le proposition.

Par lettre datée du 24 août 2015, M.[N] a été convoqué à un entretien préalable auquel il ne s'est pas présenté. Il a ensuite été licencié pour inaptitude d'origine professionnelle par lettre datée du 10 septembre 2015.

M. [N] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2.149,84 euros. A la date du licenciement, M.[N] avait une ancienneté de 11 ans et 6 mois et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Soutenant que la société LRB Montage a manqué à ses obligations contractuelles à son égard, qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, que son inaptitude est directement causée par le comportement fautif de l'employeur, demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour manquement à l'obligation de loyauté et pour préjudice moral, M.[N] a fait rétablir l'affaire devant le conseil des prud'hommes de Périgueux le 13 février 2017.

En parallèle, M.[N] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Dordogne en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de l' employeur.

Le 13 mars 2017, le conseil de prud'hommes de Périgueux a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement du 8 mars 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Dordogne a fait droit à la demande de M.[N] en reconnaissant l'existence d'une faute inexcusable à la charge de la société LRB Montage et en ordonnant l'expertise médicale de M.[N].

Suite à ce jugement, M.[N] a fait réinscrire son affaire au rôle du conseil de prud'hommes de Périgueux.

Le conseil de prud'hommes de Périgueux par jugement de départage rendu le 19 février 2020 a :

- débouté M. [N] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail conclu avec la société LRB Montage le 5 avril 2004,

- dit que la société LRB Montage a commis des manquements fautifs à son obligation de sécurité et à son obligation de reclassement de M. [N], salarié déclaré inapte médicalement, à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 24 septembre 2013,

- dit que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [N] notifié par la société LRB Montage par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 10 septembre 2015, est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société LRB Montage à payer à M. [N] la somme de 26.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société LRB Montage à rembourser à l'organisme d'assurance chômage Pôle Emploi, les allocations versées à M. [N] à la suite de la rupture de son contrat de travail, dans la proportion de quatre mois,

- condamné la société LRB Montage à payer à M. [N] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter du présent jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté M. [N] du surplus de ses demandes,

- débouté la société LRB Montage de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société LRB Montage aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 16 mars 2020, la société LRB Montage a relevé appel de cette décision, notifiée le 19 février 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 novembre 2020, la société LRB Montage demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondée l'appel élevé par elle à l'encontre du jugement rendu le 19 février 2020 par le conseil des prud'hommes de Périgueux

- réformer les chefs de jugement ayant jugé que la société LRB Montage avait commis des manquements fautifs à son obligation de sécurité et de reclassement de M. [N] jugé que le licenciement pour inaptitude et impossiblité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse et ayant condamné la société au versement de sommes et indemnités,

Statuant à nouveau,

- débouter M.[N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- et spécialement débouter M.[N] de son appel incident et de l'ensemble des demandes ainsi formées par lui,

- juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M.[N] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter à M. [N] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- réformer la disposition l'ayant condamnée à rembourser à l'organisme d'assurance chômage pour l'emploi les allocations versées à M. [N] dans la proportion de quatre mois,

- condamner M. [N] à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

- débouter M. [N] de sa demande en paiement de la somme de 23.000 euros à titre de dommages-intérêts et de la demande en capitalisation d'intérêts et la demande en paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [N] de ses demandes en paiement des sommes de 43.000 euros pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 15.000 euros en

indemnisation du manquement à l'obligation de loyauté et 15.000 euros en indemnisation d'un préjudice moral,

- condamner M. [N] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 janvier 2023, M. [N] demande à la cour de':

- juger que l'appel de la société LRB Montage est infondé,

- débouter la société LRB Montage de la totalité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Périgueux, en date du 19 février 2020 en ce que cette décision a

* dit que la société LRB Montage a commis des manquements fautifs à son obligation de sécurité et à son obligation de reclassement de M.[N], salarié déclaré inapte médicalement, à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 24 septembre 2013,

* dit que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M.[N] notifié par la société LRB Montage par lettre recommande avec demande d'avis de réception en date du 10 septembre 2015, est sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la société LRB Montage à payer à M.[N] une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la société LRB Montage à rembourser à l'organisme d'assurance chômage Pôle Emploi, les allocations versées à M. [N] à la suite de la rutpure de son contrat de travail dans la proportion de quatre mois,

* condamné la société LRB MONtage au paiement de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

* rappelé que les intérêts au taux légal sur ces condamnations seront dus à compter du jugement et ordonné la capitalisation des intérêts,

- Réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de résiliation du contrat de travail , a fixé le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 26.000 euros, l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et pour préjudice moral,

Statuant à nouveau,

* prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu le 5 avril 2004 au torts exclusifs de l'employeur,

* condamner la société LRB Montage à lui payer la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts, que ce soit au titre de la résiliation du contrat de travail ou au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamner la société LRB Montage à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages -intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté,

* condamner la société LRB Montage à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice moral,

- condamner, en cause d'appel, la société LRB Montage à payer à Maître Alexandre Aljoubahi la somme de 3.600 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que toutes les sommes sollicitées sont productives d'intérêt au taux légal à compter de la demande et ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société LBR Montage aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en résiliation

M. [N] sollicite la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en ce qu'il :

- a manqué à son obligation générale de sécurité renforcée et qu'elle est à l'origine de son inaptitude professionnelle,

- a manqué à son obligation de formation en termes de sécurité alors qu'il l'a affecté sur le site dans l'urgence et pour pallier le manque d'effectif sur le chantier,

- n'a pas prévenu les pompiers et a préféré l'emmener par ses propres moyens à l'hôpital,

- n'a pas fourni aux salariés les équipements adaptés.

La société s'y oppose, soutenant qu'il n'est pas démontré de violation de l'obligation de sécurité, M. [N] ayant été négligent et ayant refusé le port du matériel de protection, que les inspecteurs du travail sont intervenus trois jours plus tard sur le site, de sorte que l'analyse de la situation n'avait rien à voir avec celle du jour des faits, et que si le manquement à l'obligation de sécurité était reconnu, il n'aurait pas été d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

En application des dispositions de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1224, en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties, l'autre partie peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.

Lorsqu'un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Si le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

La résiliation judiciaire à la demande du salarié n'est justifiée qu'en cas de manquements de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

M. [N] a été victime d'un accident en tombant de la toiture d'un bâtiment agricole alors qu'il effectuait des travaux de dépose d'une couverture pour la SARL LRB Montage. Il résulte des pièces produites et notamment des attestations du chef de chantier qu'une partie des travaux du chantier concernait des plaques contenant de l'amiante, nécessitant par conséquent une protection particulière en terme de sécurité du personnel.

La société échoue à démontrer qu'elle avait mis à disposition du personnel des équipements de protection avec obligation de les porter sur les chantiers. Il n'est pas non plus démontré que M. [N] refusait habituellement de porter les équipements de protection, aucun rappel à l'ordre ne figurant dans son dossier tel que produit aux débats.

Toutefois, comme relevé à bon droit par le premier juge, aucun élément ne permet d'établir que M. [N] se trouvait fréquemment et d'une manière répétée dans une situation où la société aurait manqué à ses obligations de sécurité, aucun précédent ni demande réitérée d'un salarié ou de l'inspection du travail à l'égard de l'employeur sur la nécessité de respecter ses obligations de protection de la sécurité du personnel n'apparaissant dans les pièces.

La demande en résiliation du contrat de travail sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

Pour voir infirmer le jugement déféré, la société qui ne conteste pas le caractère professionnel de l'inaptitude, soutient avoir respecté ses obligations de sécurité, l'accident dont a été victime M. [N] ne résultant que de sa propre négligence et son refus de porter les équipements de protection et alors qu'il n'avait pas à manipuler de l'amiante.

Elle relève que l'intervention des inspecteurs du travail trois jours après l'accident de M. [N] ne vaut pas constatation de la situation du chantier au jour de l'accident.

Elle conteste que l'inaptitude de M. [N] résulte d'une faute de l'employeur.

Elle soutient également avoir mis tous les moyens pour se conformer à son obligation de reclassement pour avoir proposé un poste de chauffeur opérateur sur grue avec formation complémentaire, qui avait fait l'objet d'un accord de compatibilité par le médecin du travail les 21 juillet et 26 août 2015, d'une consultation des délégués du personnel le 24 juillet 2015 mais que M. [N] a refusé de manière injustifiée arguant de son état de santé.

M. [N] au contraire soutient que le manquement par l'employeur à son obligation de sécurité est à l'origine de sa chute, ayant conduit à son inaptitude puis à son licenciement, mettant aussi en évidence que le chef de chantier l'a laissé sur place après sa chute pendant plus d'une demi-heure, sans appeler les services de secours, puis l'a transporté jusqu'à l'hôpital dans le véhicule de service.

M. [N] soulève également que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement en ne lui proposant pas de poste conforme aux contre-indications résultant de la fiche d'inaptitude. Il fait valoir que le poste proposé impliquait une manutention de plus de 10kgs, des travaux nécessitant l'élévation du bras gauche au-delà de 45° et une station debout prolongée de plus de deux heures.

Le licenciement pour inaptitude médicalement constatée est dénué de cause réelle et sérieuse, lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

L'employeur, tenu de l'obligation d'assurer la préservation de la santé des salariés doit notamment mettre en oeuvre les mesures de prévention nécessaires en considération des risques inhérents à l'activité de ces derniers, de la pénibilité au travail.

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au moment des faits, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du même code détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.

Selon l'article  L. 4541-1 du code du travail , les règles de sont déterminées par décret en conseil d'état pris en application de l'article L. 4111-6.

Le code du travail prévoit par ailleurs des règles de sécurité spécifiques pour :

- la prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs résultant de la manutention de charges (article  L. 4541-1),

- le bénéficie aux travailleurs dont l'activité comporte des manutentions manuelles d'une information sur les risques et d'une formation adéquate à l'exécution de ces opérations (article R. 4541-8),

- des mesures de protection spécifiques pour les salariés dans les BTP, quanr aux risques de chute des personnes pour toutes les parties de construction dont l'aménagement n'est pas définitivement réalisés (articles R. 4534-3 à R.4534-6 et R. 4534-84) ou pour le montage, démontage et levage de charpentes et ossatures (articles R. 4534-95 à R.4534-102), les travaux de toiture sont soumis à un ensemble de dispositions (R. 4534-85 à R.4534-94) ainsi que des mesures particulières de vérification à prendre par une personne compétente à leur mise ou leur remise en service.

***

Il ressort des pièces produites que M. [N] a été victime d'un accident du travail le 24 septembre 2013, alors qu'il ne portait aucun des équipements de protection individuels requis par les dispositions réglementaires relatives aux travaux effectués en hauteur. Il a ainsi fait une chute de 6 m de hauteur et a subi des traumatismes et une fracture de l'épaule gauche et une fracture du cotyle gauche.

Il avait pour mission d'intervenir sur un chantier situé en hauteur, devant reprendre la toiture d'un bâtiment agricole.

Il n'est pas contesté que M. [N] ne disposait pas d'éléments de sécurité individuel requis par les dispositions réglementaires relatives aux travaux effectués en hauteur.

La dangerosité du chantier est avérée par la décision de la DIRECCTE de fermer le chantier suite à une visite du site par des inspecteurs le 26 septembre, soit deux jours après l'accident. Contrairement à ce que prétend la société, la constatation de 'la présence de 3 salariés occupés à des travaux de dépose d'amiante sans disposer de protections individuelles adaptées ni protections collectives en périphérie de bâtiment' tel que cela ressort d'un courrier adressé par la DIRECCTE à M. [N] le 2 avril 2014, permet de rendre compte de la situation du chantier le jour de l'accident, aucune disposition particulière supplémentaire à la survenue de la chute ayant été prise par l'employeur à l'égard du personnel de la société sur ce chantier.

L'arrêt du chantier a été ordonné aux motifs premier de risques de chutes de hauteur 'démontage de plaques de fibrociments sur bâtiment agricole (hauteur au faîtage 7 mètres) sans protection collectives périphériques ni protections individuelles utilisées lors de notre passage (non conformité de l'installation du système)... ordonnons la mise en place des protections collectives périphériques et filets en sous face, et second d'opération de démolition, de retrait ou d'encapsulage d'amiante'.

Il n'est pas établi de manquement du salarié, le défaut de port des équipements de sécurité individuels procédant d'une carence généralisée sur le chanier et non d'un comportemnt volontaire et isolé de M [N]. L'employeur ne démontre pas en effet qu'il avait mis en place les équipements individuels et collectifs obligatoires ni que le salarié se serait soustrait au respect des règles

individuelles de sécurité du travail, la simple attestation de M. [G], chef de chantier de ce qu'il aurait rappelé à l'ordre verbalement M. [N] ne saurait convaincre la cour.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale a reconnu la faute inexcusable de la société LRB Montage dans sa décision du 8 mars 2018 précisant que 'l'employeur ne peut valablement, pour se soustraire à l'obligation de sécurité qu'il lui appartenait de faire respecter par tous moyens appropriés, rejeter la faute sur le salarié alors même qu'il n'est pas établi que ce dernier ait pu faire l'objet d'un rappel à l'ordre à ce sujet durant 9 ans d'exerice en qalité de monteur en charpente.

Il appartient en effet à l'employeur de s'assurer que les salariés se munissent des équipements de protection individuelles sans laisser à leur appréciation l'opportunité de le faire.'

Il ressort par ailleurs de l'attestation de Dr [Z], que M. [N] est arrivé au service des urgences par ses propres moyens (camion d'entreprise) sans que le salarié conducteur ait eu de qualification relative au transport de blessés et sans conscience du danger quant à la santé de M. [N], sans que puisse être retenu le refus de ce dernier d'appeler les secours alors qu'il venait de tomber de 6 mètres de hauteur et qu'il présentait des douleurs, comme le soutient l'employeur.

Il est ainsi établi que l'employeur a gravement manqué à ses obligations de sécurité tant individuelles que collectives, ce manquement étant en lien direct avec la survenance de l'accident.

Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

L'inaptitude définitive de M. [N] à son poste de travail habituel qu'il a occupé pendant 9 ans et avec des restrictions importantes pour un salarié dans le domaine d'activité BTP d'absence de manutention de plus de 10kg, sans élévation du bras gauche au-delà de 45°C et sans station debout prolongée de plus de 2 heures, alors que l'employeur a manqué à ses obligations de sécurité ayant rendu possible la chute de M. [N] est en lien direct avec le manquement de l'employeur qui a contribué à l'inaptitude médicalement constatée.

L'inaptitude a par ailleurs fait suite à des arrêts de travail continus depuis le 24 septembre 2013 en lien avec la chute dont le caractère professionnel a été reconnu avec un taux d'incapacité permanent de 42%.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sans qu'il soit nécessaire d'examiner la demande relative au manquement à l'obligation de reclassement.

Sur le manquement à l'obligation de loyauté

M. [N] sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 15.000 euros au titre du manquement à son obligation de loyauté, l'ayant laissé sur place après sa chute pendant plus d'une demi-heure, sans appeler les services de secours, le chef de chantier l'ayant transporté jusqu'à l'hôpital dans le véhicule de service.

La société s'y oppose, soutenant au contraire que M. [N] n'a pas voulu que les services de secours soient appelés.

En vertu de l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

A ce titre, l'employeur a un devoir de loyauté dans l'exécution du contrat de travail aussi bien en ce qui concerne la mise en oeuvre du contrat que l'application de la législation du travail.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que cette faute relève d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, qui a déjà été apprécié par la cour, M. [N] ne démontrant pas de préjudice distinct .

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes financières

M. [N] avait une ancienneté de 11 ans et 6 mois et percevait un salaire mensuel brut de 2.149,84 euros. Il avait 59 ans au moment de l'accident et 61 ans au moment du licenciement. La sécurité sociale lui a reconnu un taux d'incapacité permanente de 42%.

Il ne justifie pas du montant de sa retraite complète, ne produisant que la part à recevoir au titre de l'inaptitude au travail de 329,60 euros par mois.

Il a perçu 13.362,50 euros au titre de l'indemnisation de l'accident du travail, par jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale le 24 septembre 2020.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [N], de son âge, de son ancienneté, de ce qu'il n'apporte aucune précision sur sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et de son taux d'incapacité, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, c'est à juste titre que les premiers juges ont évalué à 26.000 euros la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par M. [N] à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse comme correspondant à 10 mois de salaire.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du préjudice moral

M. [N] soutient que le comportement de la société LRB lui a causé une angoisse de ne pas retrouver de travail. L' employeur aurait aussi refusé un jour de congé pour l'enterrement de sa fille née sans vie.

Ce dernier grief n'est pas établi.

La société s'y oppose et rappelle qu'elle avait proposé un poste de reclassement que M. [N] a refusé.

Le préjudice moral n'est pas établi.

La demande sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société LRB Montage partie perdante, sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement à M. [N] de la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel, dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article devenu l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la SARL LRB Montage aux dépens,

Condamne la SARL LRB Montage à verser à Me Aljoubahi, conseil de M. [N] la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Signé par Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/01450
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;20.01450 ?
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