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24/05/2023 | FRANCE | N°20/01135

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 24 mai 2023, 20/01135


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 24 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/01135 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPOH



















SAS SUCCESS MARKET



c/



Madame [I] [F] épouse [H]

















Nature de la décision : AU FOND















Gross

e délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 janvier 2020 (R.G. n°F 18/00872) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 25 février 2020,





APPELANTE :

SAS Success Market, agissant en la personne de son Président Mo...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/01135 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPOH

SAS SUCCESS MARKET

c/

Madame [I] [F] épouse [H]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 janvier 2020 (R.G. n°F 18/00872) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 25 février 2020,

APPELANTE :

SAS Success Market, agissant en la personne de son Président Monsieur [R] [L] domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 530 344 811

représentée par Me Stéphanie BERTRAND de la SELARL STEPHANIE BERTRAND AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [I] [F] épouse [H]

née le 16 Janvier 1981 à [Localité 3]de nationalité Française Profession : Agent immobilier, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Fanny SOLANS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mars 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [I] [F] épouse [H], née en 1981, a été engagée en qualité de coach communication par la SAS Success Market, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 juin 2014.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955.

Par avenant du 1er janvier 2015, Mme [H] a été nommée au poste d'animatrice du pôle suivi et fidélisation adhérents.

Par avenant du 1er mai 2016, Mme [H] a été promue en qualité de responsable du pôle suivi et fidélisation adhérents.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [H] s'élevait à la somme de 2.250 euros bruts.

Le 16 décembre 2016, Mme [H] a été placé en congé de maternité.

Par lettre datée du 19 janvier 2017, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 1er février 2017.

Par courrier du 28 février 2017, et suite à l'entretien, la société Success Market a informé Mme [H] de sa décision de ne pas la sanctionner.

Le 3 avril 2017, Mme [H] a fait l'objet d'un arrêt de travail jusqu'au 1er mai 2017.

Le 3 mai 2017, Mme [H] a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail.

A l'issue d'une seconde visite médicale de reprise du 11 mai 2017, Mme [H] a été déclarée inapte définitivement à tous les postes de l'entreprise.

Par lettre datée du 13 juin 2017, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 26 juin 2017.

Mme. [H] a ensuite été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 29 juin 2017.

A la date du licenciement, Mme [H] avait une ancienneté de 3 ans et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement, demandant à ce que soit constatée l'absence de respect de l'obligation de sécurité de l'employeur et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts, notamment pour exécution déloyale du contrat de travail, Mme [H] a saisi le 5 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 31 janvier 2020, a :

- dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [H] est nul,

- condamné la société Success Market à verser à Mme [H] au paiement des sommes suivantes :

* 4.735,55 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

* 473,55 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 14.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, conformément aux dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, cette moyenne étant de 2.368 euros,

- débouté Mme [H] du surplus de ses demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article L.1235-4 du code du travail,

- débouté la société Success Market de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour un montant de 2.500 euros,

- condamné la société Success Market aux entiers dépens.

Par déclaration du 25 février 2020, la société Success Market a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 juillet 2020, la société Success Market demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux (RG n° 18/00872) rendu le 30 janvier 2020, en ce qu'il a :

* dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [H] est nul en l'absence de respect des dispositions de l'article L. 2411-7 du code du travail,

* condamné la société Success Market à verser à Mme [H] au paiement des sommes suivantes :

.4.735,55 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

.473,55 euros bruts à titre de congés payés afférents,

.14.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

.1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Success Market aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [H] repose sur une cause réelle et sérieuse, dès lors qu'il est intervenu :

* en l'absence de violation du statut protecteur,

* en l'absence de violation du droit fondamental à la santé,

* en l'absence de violation de l'obligation de sécurité et de prévention,

En conséquence,

- ordonner la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire de droit,

Et,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux (RG n° 18/00872) rendu le 30 janvier 2020, en ce qu'il a :

* débouté Mme [H] de sa demande tendant à la condamnation de la société Success Market à lui verser la somme de 127 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* débouté Mme [H] de sa demande tendant à la condamnation de la société Success Market à lui verser la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

En toute hypohèse,

- débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [H] à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [H] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 novembre 2022, Mme [H] demande à la cour de':

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 31 janvier 2020 en ce qu'il a :

* dit que son licenciement pour inaptitude est nul,

* condamné la société Success Market à lui verser au paiement des sommes suivantes :

.4 735,55 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

.473,55 euros bruts à titre de congés payés afférents,

.1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté la société Success Market de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour un montant de 2.500 euros,

* condamné la société Success Market aux entiers dépens,

En conséquence,

- débouter la société Success Market de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre incident,

- infirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 31 janvier 2020 en ce qu'il a :

* condamné la société Success Market à lui verser au paiement de la somme de 14.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* l'a déboutée du surplus de ses demandes,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Success Market à lui verser la somme de 127 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement compte tenu de l'indemnité déjà versée,

- condamner la société Succes Market à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Et,

A titre principal :

- condamner la société Success Market à lui verser la somme de 40 .500 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (18 mois de salaire),

A titre subsidiaire :

- constater l'absence de respect par l'employeur de son obligation de sécurité et de prévention,

En conséquence,

- à titre principal, condamner la société Success Market à lui verser la somme de 40. 500 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (18 mois de salaire),

- à titre subsidiaire, condamner la société Success Market à lui verser la somme de 9.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application du barème (4 mois de salaire),

En tout état de cause,

- condamner la société Success Market à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre principal, Mme. [H] demande à la cour de dire son licenciement nul et à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La nullité du licenciement

Mme. [H] fait valoir d'une part, que son licenciement est nul en violation de son statut de salariée protégée dès lors qu'elle avait informé l'employeur de sa candidature aux élections de délégués du personnel et d'autre part, en raison de la violation par l' employeur de son obligation de sécurité.

La société répond que Mme.[H] n'apporte pas la preuve de ce qu'elle a exprimé sa volonté de se porter candidate aux élections des délégués du personnel, qu'à la date à laquelle la salariée évoquait une potentielle candidature, le processus électoral n'était pas engagé en l'absence de conclusion du protocole électoral.

L'employeur ajoute que la protection fondée sur la connaissance par l' employeur de l'imminence d'une candidature cesse le lendemain de la date limite de présentation des candidature soit le 29 mai 2017 et que Mme. [H] a été convoquée le 13 juin suivant.

Aux termes de l' article L.2411-7 du code du travail dans sa rédaction ici applicable, l'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat au premier tour ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur.

Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l' employeur la candidature aux fonctions de délégué du personnel a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l' employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l' entretien préalable au licenciement.

La protection, d'une durée de six mois, débute dès que l'employeur a connaissance de la candidature du salarié ou de son imminence.

Mme [H] n'établit pas qu'elle a été candidate aux élections des délégués du personnel avant le protocole d'accord préélectoral.

S'il pouvait être considéré que la lettre de Mme. [H] à l'employeur, datée du 9 mars 2017, valait connaissance par l'employeur de l'imminence d'une candidature, la protection de Mme. [H] aurait, en tout état de cause, cessé avant sa convocation à l' entretien préalable en l'absence de candidature à la

date du dépôt des candidatures pour le second tour, soit le 29 mai 2017, le second tour des élections ayant eu lieu le 6 juin 2017.

Ce moyen est inopérant.

Mme. [H] fait ensuite valoir que son licenciement est nul parce que l'employeur a violé son droit fondamental à la santé. Elle aurait dû travailler pendant son congé de maternité à la demande de l' employeur qui lui téléphonait de manière constante et sa santé en a été altérée.

La société conteste avoir demandé à sa salariée, en congé de maternité, de travailler : M. [M] [L] lui a téléphoné une fois le 16 janvier 2017 pour prendre de ses nouvelles, l'interrogeant par ailleurs sur le taux de TVA qu'elle appliquait avant son départ en congé. M. [V] [L] lui a téléphoné une fois pour avoir la transmission du tableau des absences injustifiées et maladie qu'elle tenait sans le laisser dans l'entreprise et une autre fois pour obtenir les identifiants de la base informatique qu'elle avait mise en place avant son départ.

L' employeur ajoute que les pièces médicales sont inopérantes dès lors que les médecins rédacteurs ont repris les dires de la salariée, laquelle relevait d'un accouchement.

En pièce 26, sont produits des échanges de SMS entre M. [R] [L] et Mme. [H] :

°le 30 décembre 2016, le premier demande à Mme. [H] de le renseigner sur les absences et maladie du mois,

°le 4 janvier 2017, M. [R] [L] informe la salariée d'une erreur de TVA et cette dernière fait ' un point sur les passerelles ' et vérifie l'incident concernant le client ' se loger'.

En pièce 29, sont produits des SMS échangés entre M. [M] [L] et Mme. [H]:

° du 1er janvier 2017 relatif à un prélèvement,

° du 9 janvier 2017 : au sujet de factures non envoyées concernant trois clients , il est demandé à Mme. [H] de voir le problème avec une autre personne;

° du 13 janvier 2017 : il est demandé à Mme. [H] de transmettre un document,

°des 14 et 15 janvier 2017 au sujet de la TVA.

Aucun autre message n'est produit.

Mme. [H] verse deux avis d'arrêt de travail datés des 3 avril et 3 mai 2017 ne mentionnant pas la pathologie les justifiant.

Le compte-rendu du service hospitalier de médecine du travail mentionne les doléances de Mme. [H] : asthénie, troubles du sommeil avec cauchemars et rêves en lien avec le travail, anxiété et pleurs récurrents. Il est indiqué que Mme. [H] ne semble pas en capacité de revenir à son poste de travail mais aussi que cet avis est rendu sur les seuls dires de Mme. [H] et reste à confronter avec les éléments contradictoires en possession du médecin du travail.

La photocopie du dossier tenu par le médecin du travail n'apporte aucune précision utile.

De ces éléments, il ne résulte pas que l'altération de la santé de Mme. [H] puis son inaptitude résultaientt des quelques messages échangés avec le dirigeant de la société pendant le congé de maternité de celle-ci.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit le licenciement de Mme. [H] nul.

L'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

Mme. [H] fait valoir que le manquement de l' employeur à son obligation de sécurité a conduit à son inaptitude.

Elle aurait effectué des missions en dehors de ses heures de travail. L' employeur lui aurait reproché de travailler pendant son congé de maternité, l'aurait mise pied et convoquée en lui reprochant d'avoir révélé la relation extra conjugale entretenue avec une autre salariée puis décidé de ne pas la licencier.

Elle aurait été victime de reproches et pressions continuels.

Mme. [H] ajoute que la société n'a pas élaboré de document unique d'évaluation des risques.

La société répond que, lors d'un entretien téléphonique avec [M] [L], frère du dirigeant, Mme. [H] a évoqué la relation que celui-ci aurait entretenue avec une autre salariée de l' entreprise, que le licenciement n'est pas intervenu le 1er février 2017, pour laisser une seconde chance à la salariée, que la fiche d'entreprise était à jour, le document unique ayant été établi avec retard à la suite du déménagement de l' entreprise qui a obtenu la certification ' Great Place To Work'. Selon la partie appelante, Mme. [H] aurait travaillé pendant son congé en dépit de l'interdiction qui lui en était faite.

Aucun élément précis n'est produit par Mme. [H], qui aurait permis à la société de répondre en fournissant les horaires effectivement réalisés cette dernière.

Il a été dit que seuls quelques messages ont été échangés entre l'employeur et la salariée pendant son congé de maternité. Mme. [H] ne verse aucune pièce au soutien de reproches et pressions continuelles.

M. [M] [L] atteste de ce que Mme. [H] l'a informé d'une relation privée entretenue par son frère avec une salariée de l' entreprise. Mme. [H] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 1er février 2017 au cours duquel cette indiscrétion a été évoquée. Cette convocation et la décision de ne pas sanctionner la salariée à laquelle il était laissé ' une deuxième chance ' et en regard de la protection attachée à l'état de grossesse ne constitue pas la violation d'une obligation de sécurité de l' employeur.

La fiche d'établissement de l'entreprise, établie par le médecin du travail le 2 mars 2017 suite à la visite réalisée dans l' entreprise, ne mentionne - au titre des éléments manquants- que des dispositifs sans rapport avec les reproches de la salariée.

Le document unique a été établi avec retard suite au changement de l'adresse du siège de l' entreprise.

En tout état de cause, ainsi que dit supra, aucun élément n'établit de lien de causalité entre les éléments sus examinés et l'inaptitude de Mme. [H] qui sera déboutée de ce chef.

*

L' indemnité de licenciement

Mme. [H] demande paiement d'un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement au regard de l' article 50 de la convention collective applicable.

La société répond qu'il n'y a pas lieu d'établir un prorata pour les 13 jours supplémentaires.

Aux termes de l' article 50 de la convention collective applicable, il est alloué aux salarié licenciés, ayant une ancienneté minimum de deux années, une indemnité de licenciement correspondant, pour une ancienneté jusqu'à 15 années, à 33% du mois des derniers appointements perçus par l'intéressé par année complète de présence.

L'ancienneté de Mme. [H] était de trois ans et 13 jours. Au regard du texte de la convention collective, les 13 jours n'ont pas à être comptabilisés.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme. [H] de cette demande.

L'exécution déloyale du contrat de travail

Mme. [H] fait valoir que la nature - en jours ou en heures- du forfait et le nombre d'heures supplémentaires incluses n'ont été précisés, qu'aucune convention de forfait n'a été signée et qu'aucun entretien y afférent n'a été organisé, que ce forfait était privé d'effet. Mme. [H] ajoute qu'elle a informé l'employeur de ces horaires de travail effectif mais qu'aucune heure supplémentaire ne lui a été réglée.

Mme. [H] reproche aussi à l' employeur de ne lui avoir pas reconnu le statut de cadre, la privant de la possibilité de cotiser auprès des organismes de retraite complémentaire, d'avoir invité dans la relation de travail des considérations d'ordre privé le concernant, créant ainsi une situation de stress et la dénigrant. Il l'a fait travailler pendant son congé de maternité.

La société répond que la durée hebdomadaire du travail était de 35 heures et que la mention - au contrat de travail - d'une rémunération forfaitaire ne vaut pas convention de forfait, peu important le statut ' assimilé cadre' de la salariée qui n'établit par ailleurs pas qu'elle exécutait des fonctions relevant du statut cadre.

La partie appelante fait aussi valoir qu'aucun élément précis n'est produit au soutien d' heures supplémentaires.

La seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que ne soit fixé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait de sorte que les moyens tirés de l'inopposabilité d'une convention de forfait sont inopérants.

Le contrat de travail et les bulletins de paye indiquent une durée de travail mensuel de 151,67 heures.

Aux termes de l' article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l' employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l' employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l' employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au soutien de la réalisation d' heures supplémentaires, Mme. [H] ne verse qu'une fiche de synthèse d'un audit réalisé à la fin de l'année 2016 aux termes de laquelle elle 'effectue des missions en dehors de ses heures de travail car non dérangée et donc meilleure en efficacité'. Cette mention n'apporte aucun élément précis permettant à l' employeur de fournir les horaires effectivement réalisés.

Ensuite, le salarié qui revendique une classification supérieure, ici le statut cadre, doit établir qu'il réalisait effectivement des fonctions en relevant. Mme. [H] ne produit aucune pièce à cet égard.

Aucun élément n'est non plus versé qui établirait les pressions ou un dénigrement de la part de l'employeur, notamment en considération d'une situation d'ordre privé le concernant et qui ne n'intéressait pas la salariée.

Il reste que plusieurs messages ont été transmis par l' employeur à la salariée alors en congé de maternité. Ils ont été peu nombreux et le préjudice subi par la salariée sera réparé à hauteur de la somme de 100 euros.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes versées par la société en exécution de l' exécution provisoire, l'exécution de l'arrêt suffisant.

Vu l'équité, la société sera condamnée à payer à Mme. [H] la somme complémentaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel.

Partie perdante, la société supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit nul le licenciement de Mme. [H],

- condamné la société au paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- débouté Mme. [H] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail,

statuant à nouveau,

Déboute Mme. [H] de sa demande tendant à la nullité de son licenciement,

Déboute Mme. [H] de ses demandes en paiement d' indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Condamne la société Success Market à payer à Mme. [H] la somme de 100 euros en réparation du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Confirme le jugement pour le surplus,

Constate l'absence de nécessité à ordonner la restitution des sommes versées par la société en exécution du jugement, les comptes entre les parties s'effectuant en exécution des décisions du conseil des prud'hommes et de la cour,

Condamne la société Success Market à payer à Mme. [H] la somme complémentaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel.

Condamne la société Success Market aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/01135
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;20.01135 ?
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