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24/05/2023 | FRANCE | N°20/01026

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 24 mai 2023, 20/01026


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 24 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/01026 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPHH















SA FRANCE MATERNITÉ



c/



Monsieur [J] [E]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse déliv

rée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02081) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 21 février 2020,





APPELANTE :

SA France Maternité, agissant en la personne de son représentant légal ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/01026 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPHH

SA FRANCE MATERNITÉ

c/

Monsieur [J] [E]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02081) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 21 février 2020,

APPELANTE :

SA France Maternité, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2]

N° SIRET : 466 200 391

assistée de Me Aude BONJA, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Audrey FRECHET de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de BORDEAUX, représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉ :

Monsieur [J] [E]

né le 16 Mai 1964 de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, assisté de Me Virginie GLORIEUX KERGALL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mars 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [J] [E], né en 1964, a été engagé en qualité de directeur par la SA France Maternité, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 août 2014.

La société exerce une activité coopérative de centrale pour ses membres, à savoir les magasins portant l'enseigne BEBE 9 et situés sur tout le territoire national.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de gros.

Par avenant en date du 20 décembre 2014, M. [E] a bénéficié d'une délégation de pouvoir en matière commerciale et de communication, en matière de conformité des produits, en matière environnementale et en matière du droit du travail et d'hygiène et de sécurité.

Le 30 décembre 2015, M. [E] a été désigné directeur général des sociétés France Maternité Services et France Maternité et son contrat de travail a été suspendu.,

Le 23 février 2016, M.[E] a présenté sa démission de son poste de directeur général auprès des deux sociétés et a repris ses fonctions en tant que directeur salarié.

Par lettre datée du 26 février 2016, M.[E] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 7 mars 2016 avec mise à pied à titre conservatoire.

M. [E] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 16 mars 2016.

Par courrier du 11 avril 2016, M.[E] a contesté son licenciement.

Soutenant, à titre principal, que l'existence du harcèlement moral a entraîné la nullité de son licenciement et à titre subsidiaire contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour licenciement nul, absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, licenciement vexatoire et pour exécution déloyale du contrat de travail et un rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire, M.[E] a saisi le 28 juillet 2016 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 3 janvier 2020, a :

- débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul suite à harcèlement moral,

- dit que le licenciement de M. [E] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence, la société France Maternité à verser à M. [E] les sommes suivantes :

* 45.850 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.501,15 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire non justifiée et 550,11 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

* 27.510 euros brut à titre d'indemnité de préavis et 2.751 euros de congés payés y afférent,

* 1.668,43 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- condamné la société France Maternité à verser à M. [E] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil que les sommes ci-dessus porteront intérêt de droit au taux légal en vigueur à compter du prononcé du présent jugement et ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté M.[E] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Maternité France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société France Maternité aux dépens.

Par déclaration du 21 février 2020, la société France Maternité a relevé appel de cette décision, notifiée le 15 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 mars 2023, la société France Maternité demande à la cour :

- in limine litis, de dire que le conseil de prud'hommes, dans son jugement du 3 janvier 2020 a violé le principe du contradictoire,

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de M.[E] était dénué de cause réelle et sérieuse,

- à ce titre,

* dire que M.[E] a commis une faute grave,

* rejeter par conséquent ses demandes en indemnité de licenciement, rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, indemnité de préavis et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- y ajoutant,

- de rejeter l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M.[E] à la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de le condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 mars 2023, M. [E] demande à la cour de':

- dire irrecevable ou à tout le moins, infondé l'appel interjeté par la société France Maternité,

En conséquence,

- débouter la société France Maternité de l'intégralité de ses demandes,

- dire recevable et bien fondé l'appel incident formé par lui,

En conséquence :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de:

* requalification de son licenciement en licenciement nul et condamnation de la société France Maternité à lui payer la somme de 55.020 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* condamnation de la société France Maternité à lui payer des dommages et intérêts au titre du licenciement vexatoire et remise tardive de son solde de tout compte à hauteur de 9.170 euros et au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à hauteur de 27.510 euros,

- réformer le jugement querellé en ce qu'il a limité le montant de la condamnation au titre de l'article 700 à 2.000 euros,

Et statuant à nouveau,

- dire que son licenciement est nul,

En conséquence,

- condamner la société France Maternité à lui payer la somme de 55.020 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Et en tout cas

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société France Maternité à lui payer les sommes suivantes :

* 45.850 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.501,15 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire non justifiée et 550,11 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

* 27.510 euros brut à titre d'indemnité de préavis et 2.751 euros de congés payés y afférent,

* 1.668, 43 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société France Maternité à payer au concluant également :

* 9.170 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires et remise tardive des documents sociaux,

* 27.510 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 392,20 euros au titre des remboursements de frais ' note de frais du 23 février 2016,

- le tout avec intérêt légal et capitalisation des intérêts ,

- condamner la Société France Maternité à payer au concluant la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner enfin la société France Maternité aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité de la demande nouvelle de remboursement de frais

L'intimée soutient que les demandes relatives au paiement de la note de frais de restauration pour la période de décembre 2015 à 2016 est irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile et prescrite depuis le 23 février 2018.

La demande au titre du remboursement d'une note de frais de restauration formulée pour la première fois en appel par le salarié n'est ni l'accessoire, ni la conséquence, ou le complément nécessaire des prétentions originaires visant la nullité du licenciement et subsidiairement son caractère dénué de cause réelle et sérieuse, au sens de l'article 566 du code procédure civile, et est par conséquent irrecevable.

Sur le harcèlement moral

M. [E] soutient avoir été placé dans des conditions déloyales d'exercice de son mandat social et victime de faits de harcèlement moral de la part de la société, ayant conduit à sa démission de mandataire social. A ce titre, il considère que la procédure de licenciement engagée par la société deux jours après sa démission est la poursuite du harcèlement dont il a été victime, qu'il a dénoncé dans la lettre de démission.

La société soutient que les actes invoqués par M. [E] se sont déroulés durant son mandat social et qu'il ne peut donc pas bénéficier de la protection prévue pour les salariés, dès lors qu'il ne relevait pas d'un lien de subordination à l'égard de la société.

***

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs, le contrat de travail est caractérisé par l'existence d'une prestation de travail, d'une rémunération et d'un lien de subordination juridique entre l'employeur et le salarié, ce dernier étant de ce fait soumis au pouvoir disciplinaire de celui pour lequel il travaille.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements à son subordonné.

En l'espèce, M. [E] a été nommé directeur général des sociétés France Maternité Services et France Maternité et son contrat de travail a été suspendu en qualité de directeur salarié de France Maternité. Il n'est pas contesté qu'il exerçait les fonctions de mandataire social. A ce titre, sa rémunération a été maintenue mais par décision du conseil d'administration des 13 et 14 janvier 2016, s'y est ajoutée une prime variable de 2, 5 mois de rémunération sur objectifs pour 2016.

Si le mandat social crée une présomption d'absence de salariat, cette présomption cède devant la démonstration de ce que le mandataire social est lié au donner d'ordre dans des conditions telles qu'elles le placent sous la subordination de celui-ci.

M. [E] sur qui repose la charge de la preuve d'un lien de subordination soutient que, n'ayant pas été remplacé sur son poste de directeur salarié et sa rémunération n'ayant pas évolué avec sa nomination de mandataire social, il est resté sous la subordination de la présidente dans les faits.

Toutefois, lors de sa désignation comme mandataire social, il n'a pas été convenu d'une novation du contrat de travail en mandat social. Il n'est par ailleurs pas justifié de l'exercice, pendant la durée du mandat social, de fonctions techniques distinctes, dans un état de subordination à l'égard de la société, M. [E] ne démontrant pas avoir poursuivi son activité de directeur salarié de la SA France Maternité, dès lors que c'est précisément parce que les pouvoirs que le dirigeant social tient de son mandat se confondent avec les attributions qui résultaient du contrat de travail antérieur, que ce contrat s'est trouvé suspendu.

Le contrat de travail a donc été suspendu pendant la durée du mandat social, pour reprendre ses effets à la suite de la démission de M [E] en date du 23 février 2016.

M. [E] alléguant des faits de harcèlement uniquement pendant la période d'exercice de son mandat social, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté  M. [E] de sa demande.

Sur la rupture du contrat

La lettre de licenciement en date du 16 mars 2016 qui fixe l'objet du litige est ainsi rédigée :

'Monsieur,
Nous faisons suite à l'entretien que nous avons eu le 7 mars dernier, au cours duquel vous étiez assisté, et vous rappelons les faits que nous vous avons exposés.

Vous avez été engagé en août 2014 pour assumer les plus hautes responsabilités au sein de la société.

Lors du changement de Conseil Administration en décembre 20015, vous avez été désigné Directeur Général et vous avez, en pratique, continué à exercer vos missions de Direction de la société France Maternité.

Or, depuis maintenant plusieurs semaines, notre attention a été attirée sur vos méthodes de management par différents salariés, qui se sont plaints de votre comportement à leur égard.
D'ailleurs, plusieurs salariés ont fini par quitter la société.

Dans le prolongement de ce constat, vous avez unilatéralement décidé, il y a bientôt un an maintenant, d'écarter la chef de projet du suivi du projet informatique, vous décrétant en charge de ce projet.
Une telle décision portait évidemment atteinte aux attributions de la personne occupant le poste de chef de projet et qui se voyait retirer, sans qu'elle l'ait accepté, I'une de ses missions.

Mais, plus grave encore, ce projet, qui représente un investissement de plus de 2 millions d'euros, n'a absolument pas avancé depuis 10 mois.
A l'analyse du dossier en votre possession, il apparaît que vous disposiez de nombreux éléments pour que le projet puisse avancer mais que rien n'a été entrepris en ce sens, sans aucune explication rationnelle.

Il est donc probable que vous avez tout simplement laissé ce projet en suspend, malgré son intérêt stratégique et financier pour la société.

Par ailleurs, vous vous êtes arrogé des prérogatives dépassant vos droits et autorisations.

Ainsi, alors que les termes de votre contrat de travail sont parfaitement clairs, il apparaît que vous avez systématiquement utilisé vos outils de travail pour assumer le coût de vos déplacements pour venir travailler et rentrer chez vous en région toulousaine.

En effet, vous avez utilisé les deniers de la société pour payer les péages et carburant liés à la réalisation de votre trajet domicile / lieu de travail, frais qui avaient été expressément exclus des frais pris en charge par la société.

Agissant ainsi, non seulement vous avez délibérément violé les dispositions contractuelles que vous avez signées, mais par ailleurs généré un risque pour la société, la valorisation de l'avantage en nature étant différente selon que ces frais sont ou non pris en charge par la société.

Ces droits que vous vous êtes arrogés expliquent probablement l'incident du 26 février dernier.

En effet, alors que vous aviez démissionné de votre mandat et que vous ne pouviez donc plus signer les chèques au nom de la société, vous avez demandé à Madame [H], ce jour-la, d'antidater un chèque de remboursement de vos frais professionnels, afin que vous puissiez le signer.

Surtout, ayant repris les fonctions de Direction Générale après votre démission le 26 février dernier, nous avons découvert des faits particulièrement graves remettant totalement en cause la confiance nécessaire à l'exercice des responsabilités inhérentes à votre poste de direction.

- Tout d'abord vous avez sciemment et de manière systématique violé votre obligation de confidentialité.

En effet, du fait de votre niveau de responsabilités, vous aviez accès à toutes les informations essentielles, notamment en termes de stratégie pour l'entreprise et le groupe.
Or, vous avez constamment communiqué ces informations à l'un de nos concurrent avec lequel un rapprochement était en discussion.
La teneur des échanges que vous avez pu avoir avec lui démontre que les éléments que vous avez portés à sa connaissance ont été choisis dans le but de nuire à ce rapprochement, voire de le faire échouer.
Cette fuite d'informations confidentielles a d'ailleurs continué même après que vous ayez démissionné de votre mandat. 

- Ensuite, nous avons découvert que ces démarches de votre part étaient justifiées par votre souhait de vous positionner auprès de ce concurrent.

Ainsi, vous lui aviez clairement indiqué que vous connaissiez les meilleurs magasins de notre réseau et vous vous êtes proposé comme ' médiateur' pour qu'il puisse récupérer ces magasins dans son propre réseau.

Vous étiez évidemment intéressé à faire échouer notre rapprochement pour pouvoir vous positionner dans ce nouveau réseau.

Notre concurrent ne nous a pas caché sa surprise lorsqu'il a découvert que nous souhaitions poursuivre nos discussions avec lui, nous indiquant que ce n'est pas ce que vous lui aviez laissé entendre.

- Par ailleurs, vous avez entrepris une véritable politique de dénigrement de la Présidence et du Conseil d'administration de la société.

En effet, les propos que vous teniez auprès de notre concurrent sur la direction de la société sont inadmissibles.
Nous comprenons maintenant que ces démarches étaient justifiées par votre souhait de voir échouer le projet de rapprochement.

Mais vous avez également dénigré le Conseil à l'égard de l'ensemble des équipes de FM et FMS, leur affirmant que nous ne savions pas diriger l'entreprise et que les décisions prises étaient mauvaises.

Or, quand bien même vous n'auriez pas été d'accord avec les décisions prises (ce que vous ne nous avez jamais dit), vous aviez l' obligation de garder la réserve nécessaire à l'exercice de vos fonctions.

Ces dénigrements se sont d'ailleurs également multipliés auprès d'autres partenaires de la société (par exemple la Commissaire aux comptes ou l'Expert comptable).

- De même, au lieu de mettre en application les décisions prises dans l'intérêt de la société, vous avez manifestement entrepris un travail de sape du dernier projet initié.

Ainsi, nous avons été contraints de décider d'engager une procédure de licenciements
économiques.

Au lieu de vous appliquer à faire comprendre le projet aux salariés et de les inciter à accepter les propositions de modifications de contrat, vous leur avez clairement indiqué, au cours d'une réunion que vous aviez organisée à l'attention du personnel, qu'ils avaient intérêt à refuser ces propositions car la direction n'avait pas de projet et qu'ils seraient en tout état de cause licenciés!

Aujourd'hui, nous devons reconstruire avec eux tout ce que vous vous êtes efforcé de détruire en critiquant en permanence le Conseil et ses décisions. 

Nous avons également appris que le nécessaire n'avait pas été fait pour permettre la signature de l'acte de vente de l'immeuble, alors que vous connaissiez le caractère indispensable et prioritaire de ce projet dans le cadre de la démarche de rétablissement de la situation économique de la société.

Les explications que vous nous avez fournies au cours de I'entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre interprétation des faits.

Nous vous notifions par conséquent par la présente votre licenciement pour faute gave pour I'ensemble des manquements énoncés ci-dessus.

Celui-ci prend effet immédiatement.'

Sur la violation du principe du contradictoire

Pour voir infirmer la décision déférée, la société soulève la violation du principe du contradictoire par le conseil des prud'hommes qui a excédé ses pouvoirs en prétendant que les faits commis dans l'exercice de mandat de directeur général ne pouvaient être invoqués à l'appui du licenciement, argument que n'a jamais soulevé M. [E] qui soutenait au contraire que son contrat de travail avait continué à s'exécuter.

M. [E] indique en cause d'appel que le principe du contradictoire a été respecté dès lors que les premiers juges se sont basés sur les arguments portés aux débats et notamment le statut de mandataire social du 30 décembre 2015 au 26 février 2016 et son licenciement intervenu deux jours après sa démission de mandataire social.

***

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail.

La faute grave est celle résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits personnellement imputables au salarié et constituant une violation de ses obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle, qu'elle justifie son départ immédiat de l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve des faits allégués et de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

Il n'y a pas violation de l'article 16 du code de procédure civile lorsque les éléments pris en considération par les juges du fond et le moyen étaient dans le débat. En l'espèce, en se fondant sur les arguments des parties, conclusions et arguments soutenus par la société devant les premiers juges de ce que le contrat de travail était suspendu pendant le temps où il exerçait son mandat social, les premiers juges étaient fondés à examiner les griefs reprochés dans la lettre de licenciement à la lumière de l'ensemble des éléments versés au dossier, sans qu'il puisse leur être reproché d'avoir violé le principe du contradictoire.

Sur les griefs

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litiges, comporte six séries de griefs dont certains concernent la période où M. [E] était mandataire social. La société soutient que M. [E] dont le contrat de travail était suspendu restait tenu d'une obligation de loyauté.

M. [E] soulève la prescription des faits qui lui sont reprochés qui seraient antérieurs au délai de deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement et commis en sa qualité de directeur associé, son contrat de travail ayant été suspendu le 31 décembre 2015 pour reprendre effet le 26 février 2016.

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, l'employeur doit engager la procédure disciplinaire dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle il a connaissance des faits qu'il reproche au salarié. Il conviendra pour chacun des griefs de vérifier à quelle période ils se rattachent pour dire s'ils sont ou non prescrits.

Pendant la période de suspension du contrat de travail, le salarié devenu mandataire social reste tenu envers son employeur d'une obligation de loyauté et ne peut adopter un comportement ayant des répercussions sur l'encadrement du personnel ou de nature à entraver le bon fonctionnement de l'entreprise.

1 - La société reproche à M. [E] des méthodes de management ayant entraîné une dégradation des conditions de travail et une perturbation du personnel. Elle note le départ de huit salariés sur quarante et notamment celui de Mme [A], mise à l'écart du nouveau projet informatique, sans toutefois préciser sur quelle période.

Les faits concernant Mme [A] datent d'octobre 2015 mais la société justifie en avoir eu connaissance le 2 février 2016 par l'envoi du courrier de la salariée. La procédure de licenciement ayant été engagée par la remise du courrier pour un entretien préalable le 26 février 2016, ces faits ne sont pas prescrits.

La société s'appuie sur le courrier de Mme [A] en date du 2 février 2016 qui fait référence à un entretien informel avec M. [E] le 22 octobre 2015, lui annonçant la suppression envisagée de son poste, ainsi qu'à un autre entretien avec M. [Z], ancien président, en novembre 2015 évoquant la possibilité de négocier son départ, aucun autre poste ne lui ayant été proposé. Mme [A] aurait été écartée de la planification budgétaire sur trois ans. L'attestation de la déléguée du personnel produite ne fait que reprendre les dires de Mme [A] sans que soit démontré le management fautif de M. [E], tel qu'indiqué dans la lettre de licenciement.

Ce dernier, au contraire, par la production d'un courriel que lui adresse la présidente, Mme [I], le jour même de la réception de la mise en demeure de Mme [A] démontre que la présidente reconnaissait que les décisions de mise à l'écart de la salariée avaient été validées par elle-même et demandait à M. [E] d'y répondre par un 'courrier à préparer en mon nom, par un avocat'.

Ce grief n'est pas établi.

S'agissant de la mise à l'écart de Mme [S], chef de projet systèmes d'informations magasins du suivi du dossier informatique dit 'Raymark' et son licenciement par courrier du 28 octobre 2015, ce fait est prescrit comme datant de plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire.

2 - La société reproche à M. [E] l'absence d'avancement du projet informatique qui lui avait été confié en sa qualité de directeur général, n'ayant pas procédé au remplacement de la salariée qui était en charge de ce dossier et qu'il avait précédemment licenciée. S'appuyant sur la délégation de pouvoir qui lui donnait pour mission de veiller au respect des négociations commerciales, la société lui reproche de ne pas avoir fait de ce projet une priorité dont le budget initial était de 2 millions d'euros. Elle lui reproche son manque d'implication.

M. [E] indique qu'il n'a jamais eu de relance de la part de la présidence ni d'avertissement sur les retards qui étaient imputables aux problèmes techniques rencontrés par la société Raymark et qu'il n'est en rien responsable du décalage de mise en route du projet.

Il ressort des procès verbaux des conseils d'administration des 3 et 4 novembre 2015, que le retard pris par les équipes Raymark était connu de la présidence de la société, que M. [E] était alors nommé directeur général le 31 décembre 2015, la poursuite du projet étant validé par le conseil d'administration des 13 et 14 janvier 2016.

La société ne démontre pas en quoi l'emploi d'un nouveau salarié pour remplacer Mme [S] aurait permis d'éviter le retard eu égard aux difficultés techniques de la société Raymark qui étaient connues de tous.

Ce grief de faute professionnelle qui porte pour partie sur la période au cours de laquelle M. [E] était directeur salarié est prescrit comme antérieure de plus de deux mois à l'engagement de la procédure disciplinaire, et pour partie sur la période où il était mandataire social, sans que soit démontré la déloyauté de ce dernier. La cour ne peut donc statuer sur ce grief.

3 - La société reproche à M. [E] de s'être octroyé des prérogatives dépassant ses droits et autorisations en demandant le remboursement de frais professionnels correspondant au trajet domicile-lieu de travail qui étaient pourtant exclus de cette prise en charge dans son contrat de travail, puisque bénéficiant d'un véhicule constituant un avantage en nature.

M. [E] soutient que son ancien supérieur hiérarchique (M. [Z]) a toujours validé la prise en charge de ses frais de déplacement à son domicile sur [Localité 5] une fois par semaine, les pièces produites par la société démontrant l'accord donné par la signature de M. [Z] ou celle de la direction. Il conteste avoir demandé à Mme [H] [Y] d'antidater un chèque afin lui permettre de signer le remboursement de ses frais de restauration le 26 février.

Le contrat de travail de M. [E] prévoyait initialement la mise à disposition d'un véhicule, considéré comme avantage en nature, avec prise en charge des frais d'essence et de péage pour les temps d'utilisation professionnelle, le salarié étant autorisé à utiliser le véhicule dans sa vie privée à charge pour lui de payer l'essence et les péages sur ces temps personnels.

Par décision du conseil d'administration en date des 13 et 14 janvier 2016, la société a maintenu la prise en charge du véhicule de fonction avec déclaration d'avantage en nature et d'une carte carburant sans mention d'une restriction pendant le temps de la vie personnelle.

La société produit :

- le relevé de la carte carburant du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2015,

- le relevé des péages de janvier 2016,

- un tableau de note de frais sur Excel pour des frais de restauration sur la période du 1er janvier 2016 au 18 juin 2016 pour un montant de 463,20 euros, tableau réalisé le 18 février 2016, et signé par le comptable,

- un extrait de compte 'frais de déplacement pour M. [E]' d'août 2014 à mars 2016 portant 5 contestations :

* le vendredi 23 janvier 2015 pour des frais de péage et de carburant d'un montant de 85,51 euros, note de frais transmise le 28 février 2015 et qui lui a été remboursée,

* le samedi 31 janvier 2015 pour des frais d'essence de 62,53 euros, demande transmise le 25 novembre 2015 et qui lui ont été remboursés,

* les vendredis 6 février 2015 pour des frais d'essence d'un montant de 70,81 euros, 20 février 2015 pour un montant de 65,25 euros, 27 février 2015 pour un montant de 68,69 euros, 13 mars pour un montant de 64,51 euros, demande transmise le 25 novembre 2015 et remboursés,

* le jeudi 5 mars 2015 pour des frais de carburants d'un montant de 70, 59 euros, et jeudi 19 mars pour un montant de 76,15 euros, demande transmise le 25 novembre 2015 et remboursés,

* le vendredi 20 novembre pour des frais d'essence de 72,33 euros et 30 novembre 2015 pour des frais d'essence de 72,33 euros, transmis le 20 novembre 2015 et qui lui ont été remboursés,

- le montant total des dépenses de carburant sur la même période pour 84.920 km, soit 1036 km par semaine, dont 980 km pour deux allers-retours [Localité 5]-[Localité 3] par semaine,

- la note de frais sur Tableau Excel pour des frais de restauration du 4 au 27 décembre 2015 pour un montant de 392,30 euros, dont la demande de remboursement a été transmise le 23 février 2016, accompagné de l'attestation de Mme [Y] selon laquelle M. [E] lui aurait demandé le 26 février 2016 d'établir un chèque antidaté au 23 février pour qu'il puisse signer cette demande de remboursement,

- un tableau récapitulatif des notes de frais de M. [E] depuis août 2014.

Il résulte de ces éléments que l'ensemble de ces notes de frais portent sur des frais d'essence et de péage dans une moindre mesure, que ces frais ont tous été validés par un supérieur hiérarchique et validés par le comptable, M. [E] en ayant été remboursé et la société n'ayant jamais contesté cette pratique et ne demandant pas le remboursement de ces frais aujourd'hui.

Il n'est par ailleurs pas établi que la demande de remboursement des frais de restauration non remboursés à ce jour a été transmise le 26 février 2016 comme indiqué par Mme [H] [Y] dans son attestation, le tableau Excel produit par la société portant la date de réception au 23 février 2016, date à laquelle M. [E] était toujours directeur général.

Ce grief qui recouvre par ailleurs des remboursements à certaines dates prescrites n'est pas établi sur les dates non prescrites.

4 - La société reproche à M. [E] la violation de l'obligation de confidentialité à laquelle il était tenu du fait de ses responsabilités, et notamment la communication à M. [V], président de la société CDM Allobébé, principal concurrent de la société France Maternité, des informations sur le fait que certains magasins étaient en difficulté, que la société procédait à des licenciements économiques, que les équipes n'étaient plus motivées et que des démarches étaient initiées en vue d'un éventuel rapprochement avec un autre acteur du marché.

Elle lui reproche également d'avoir voulu proposer ses services à M. [V] en lui assurant quarante magasins du réseau Bébé 9, lui proposant de créer un magasin centre-ville.

M. [E] conteste être l'auteur des SMS produits, rappelle avoir été mandaté par la société pour aller négocier avec M. [J] [V] un rapprochement des deux groupes.

La société s'appuie sur des relevés de SMS en date du 20 févier, entre deux personnes dénommées '[J]', n'étant pas contesté que la société a demandé à M. [E] de négocier un rapprochement des deux sociétés.

Le contenu des informations transmises dans les échanges de SMS permettent d'identifier avec certitude les interlocuteurs comme étant M. [V] et M. [E], qui était seul à détenir les informations communiquées avec un regard critique sur sa présidente et le conseil d'administration :

'Bonjour [J] (...) Mon ami [D] [X] [U] me dit qu'il commence à avoir des impayés de certains BB9. As tu connaissance de certains magasins actuellement '

'Bonjour [J], je n'ai pas l'information particulière sur le magasin bébé neuf ducroire en difficulté mais c'est fort probable je ferai le point lundi avec les équipes. Me concernant c'est compliqué mais en place un plan de licenciement pour 14 personnes il n'y a plus aucune volonté de la part des équipes quand à fournir le moindre effort ils sont dégoûtés dépités. Et le conseil d'administration refuse d'accompagner les équipes avec la moindre mesure c'est très compliqué.

Autres. Tout à fait confidentiel et pour le coup hormis le conseil d'administration et moi-même personne ne le sait, [K] a décidé de rencontrer le jeudi 10 et vendredi 11 mars. La raison est assez simple vais ouvrir un Megastore (...).sur [Localité 4]. Elle défend sa paroisse et probablement qu'elle va aller associer le réseau bébé neuf à orchestra. Merci de ne pas en faire usage (...)'

'Pour ton info, Orchestra Vendenheim sur 3500 m2 c'est déjà signé. Il va bien lui faire à l'envers. Et [C] n'est pas du tout intéressé par le réseau FM. (...)

(...) Elle est manipulée par certains administrateurs et par certains sages présents à la réunion du 1er février'

'Moi c'est clair dans ma tête le dossier BB9 est clos... je vais envoyer un courrier aux magasins revoir [B] [M] et prendre que les meilleurs. Mais ne t'inquiète pas ton info reste entre nous. J'attends mi mars'

'Toujours à ton écoute si tu as besoin de moi. J'ai toujours envie de te présenter le concept de magasin centre ville ou voir si on pouvait avancer ensemble. '

Les informations ainsi transmises à M. [V] par M. [E] l'étaient sous le sceau de la confidentialité. M. [V] était le président de la société avec laquelle la société France Marternité voulait opérer un rapprochement d'intérêts économiques. Cette volonté n'était connue que de ce dernier et de sa présidente Mme [I].

La transmission de ces informations confidentielles avait pour effet de desservir la société France Maternité. M. [E] a confirmé l'existence de magasins en difficulté, d'un projet de licenciement économique et de tentatives de rapprochement avec un autre concurrent. Dans les mêmes échanges, M. [E] proposait parallèlement de s'associer au directeur de la société concurrente. La connaissance par tous que M. [V] ne voulait pas reprendre les magasins ne justifiait pas la divulgation d'informations alors que les modalités de rapprochement (rachat, fusion ou liens par contrat commercial) n'étaient pas encore arrêtées.

Le grief tiré de la divulgation d'informations confidentielles nuisant aux intérêts de la société et de la tentative de rapprochement personnel avec une société concurrente, démontre le manque de loyauté de M. [E].

5 - La société reproche à M [E] d'avoir adopté une politique de dénigrement de la présidence et du conseil d'administration auprès de M. [V] et des équipes de France Maternité d'une part et de ne pas avoir mis en application les décisions prises dans l'intérêt de la société à propos de l'engagement de la procédure de licenciement économique d'autre part.

S'appuyant sur les échanges de SMS et le courriel de M. [X] à la présidente, la société lui reproche d'avoir dénigré ouvertement la direction auprès de M. [V].

Au vu des échanges de SMS repris ci-dessus, le grief de dénigrement auprès du directeur d'une société concurrente en ce qu'il est constitutif d'un manquement de loyauté de M. [E], alors directeur général de France Maternité et de France Maternité Services à l'égard de l'entreprise alors en pourparlers avec ce concurrent pour un rapprochement est établi.

Pour soutenir les faits de dénigrement auprès des salariés de la société, celle-ci verse un courriel de la présidente à son conseil relatant des propos que lui aurait tenus le délégué du personnel, sans toutefois verser d'attestation de ce salarié. La société ne verse aucun élément permettant d'établir que M. [E] aurait incité les salariés à refuser les propositions de modification de leur contrat pour éviter un licenciement, la production de la note économique relative au projet de déménagement et de licenciement économique présentée à la réunion des délégués du personnels du 20 avril2016 ne démontrant aucun manquement de loyauté de M. [E]. La présidente qui dans le courrier à son conseil lui annonçait qu'elle tenterait d'obtenir des attestations de la part des salariés n'a pu en produire aucune, démontrant l'absence d'élément probant.

Ce grief n'est pas établi.

6 - La société reproche à M. [E] de ne pas avoir entrepris toutes les démarches nécessaires pour réaliser au plus vite la vente de l'immeuble alors qu'il s'agissait d'une mesure essentielle pour le rétablissement de la situation économique de la société. Alors qu'une offre d'achat était faite le 11 février 2016, nécessitant la signature de la promesse de vente au plus tard le 29 février 2016, elle reproche à M. [E] de n'avoir pas convoqué de conseil d'administration qui seul avait le pouvoir d'autoriser la vente et de désigner un délégataire de signature pour y procéder.

Elle produit un courrier du groupe financier BNP Paribas Real Estate attirant l'attention sur le fait que l'offre d'achat n'est valable qu'une journée jusqu'au 11 février à 18h, date au-delà de laquelle elle sera caduque.

Ce grief de 'négligence volontaire' reprochée à M. [E] pendant l'exécution de son mandat social ne relève pas d'un défaut de loyauté.

Sur les six griefs reprochés à M. [E], la divulgation d'informations confidentielles à M. [V] et le dénigrement de la présidence et du conseil d'administration auprès de ce même concurrent dans le cadre d'un projet de rapprochement, alors que la société était en difficulté économique, caractérisent un défaut de loyauté justifiant le licenciement pour faute grave, leurs effets s'étant poursuivis lorsque M. [E] a de nouveau exécuté son contrat de travail en qualité de directeur. Le maintien du salarié dans l'entreprise, compte tenu de sa déloyauté dûment démontrée, était rendu impossible.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes financières

Le licenciement pour faute grave étant fondé, les demandes financières de M. [E] seront rejetées et le jugement infirmé de ce chef.

Sur la demande en dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et humiliant

Pour voir condamner la société à lui verser la somme de 9.170 euros M. [E] invoque les conditions humiliantes dans lesquelles il a dû quitter son bureau, ayant dû laisser ses effets et le retard dans la transmission du solde de tout compte.

M. [E] ne justifie pas d'un préjudice subi des suites de la mise à pied conservatoire ni de ce que la transmission du solde de tout compte le 31 mars à la date d'établissement des feuilles de paie du mois de mars l'ait privé de ses droits auprès de Pôle Emploi.

Sa demande sera rejetée à ce titre et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat

M. [E] fait état de l'exécution déloyale du contrat de travail. Il aurait été, désigné en qualité de directeur général dans un contexte de 'putsch interne entre les actionnaires' afin notamment de cautionner des actes illégaux. Il aurait été mis à l'écart sans possibilité d'exercer ses fonctions en toute loyauté et légalité en ayant subi des pressions sans respect de sa vie privée.

La société s'y oppose rappelant que le contrat de travail de M. [E] était suspendu pendant la période d'exercice du mandat social.

En l'espèce, M. [E] verse le courriel daté du 26 janvier 2016, d'un salarié de la société Orchestra lui indiquant qu'il y aurait eu un 'véritable pustch' en interne pour écarter l'ancien président, M. [Z] de France Maternité sans autre pièce probante.

Il produit de nombreux courriels professionnels de la présidente qui lui sont adressées à des heures tardives, entre 22 h et 5 h du matin, mais qui n'appelaient toutefois pas une réponse de sa part dans la même tranche horaire.

M. [E] était en contradiction avec les décisions prises par la présidente et notamment s'agissant du projet de licenciement économique et social sans que cela ne démontre qu'en ne suivant pas l'avis du directeur général, la société aurait était déloyale dans l'exécution du contrat de travail de ce dernier.

Les courriels produits par M. [E] aux termes desquels la présidente indique vouloir valider les interventions du directeur général de France Maternité (17 février) ou ne l'a pas tenu au courant de la 'validation du budget de l'op3" (24 février) se situent à une date où les relations entre les parties touchaient à leur fin, ne sont pas caractéristiques d'un manquement à l'obligation de loyauté.

Sa demande sera rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [E], partie perdante sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement à la société de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevable la demande de M. [E] en remboursement de la note de frais de restauration de décembre 2015 à décembre 2016,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamné la société France Maternité au versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire et les congés payés y afférents, au paiement de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [E] repose sur une faute grave,

Déboute M. [E] de ses demandes financières,

Condamne M. [E] aux dépens,

Condamne M. [E] à verser à la SA France Maternité la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/01026
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;20.01026 ?
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