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22/05/2023 | FRANCE | N°21/05249

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 22 mai 2023, 21/05249


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 22 MAI 2023









N° RG 21/05249 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MKHQ







[V] [U]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/21/23571 du 04/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



c/



[I] [J]

[P] [C] épouse [J]

[Y] [S]

[Z] [E]

[G] [K] veuve [M]

[O] [W]

[A] [L]
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br>[F] [X]

[T] [B]

SYNDICAT DE COPROPRIETAIRES DE LA RÉSIDENCE LE [Adresse 3]

[D] [R]















Nature de la décision : AU FOND















Grosse délivrée le :22 mai 2023



aux avocats

Décision déférée à la cour : j...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 22 MAI 2023

N° RG 21/05249 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MKHQ

[V] [U]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/21/23571 du 04/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

[I] [J]

[P] [C] épouse [J]

[Y] [S]

[Z] [E]

[G] [K] veuve [M]

[O] [W]

[A] [L]

[F] [X]

[T] [B]

SYNDICAT DE COPROPRIETAIRES DE LA RÉSIDENCE LE [Adresse 3]

[D] [R]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :22 mai 2023

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 août 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire d'ANGOULEME ( RG : 11-21-230) suivant déclaration d'appel du 21 septembre 2021

APPELANTE :

[V] [U]

née le [Date naissance 10] 1971 à [Localité 19] (Guadeloupe)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée par Me Pierre COSSET de la SELARL COSSET-GROSSIAS, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉS :

[I] [J]

né le [Date naissance 10] 1939 à [Localité 14] (16)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

[P] [C] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 17] (64)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

Représentés par Me Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX

[Y] [S]

née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 13]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

[Z] [E]

née le [Date naissance 7] 1946 à [Localité 20],

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

[G] [K] veuve [M],

née le [Date naissance 8] 1958 à [Localité 14]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 12]

[O] [W]

né le [Date naissance 9] 1958 à [Localité 16] II

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

[A] [L]

née le [Date naissance 4] 1939 à [Localité 18]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

[F] [X]

née le [Date naissance 6] 1979 à [Localité 15]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

[T] [B]

né le [Date naissance 11] 1950 à [Localité 21]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

SYNDICAT DE COPROPRIETAIRES DE LA RÉSIDENCE LE [Adresse 3] représenté par son syndic la société NEXITY LAMY pris en la person ne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,[Adresse 3]

Représentés par Me Christine MOREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

[D] [R]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

Non représentée, assignée par dépôt de l'acte à l'étude d'huissier

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d'appel de Bordeaux 

ARRÊT :

- par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Suivant acte sous seing privé du 3 juillet 2019, [I] [J] et [P] [C] épouse [J] ont donné à bail à Mme [V] [U] un appartement à usage d'habitation situé à [Adresse 3], pour un loyer mensuel de 450 euros charges comprises.

Par acte d'huissier du 25 février 2021, les époux [J] ont assigné Mme [U] devant le tribunal judiciaire d'Angoulême aux fins de voir ordonner la résiliation du bail et son expulsion et de la voir condamner au paiement de sommes au titre de loyer impayés et d'une indemnité d'occupation.

L'instance a été enregistrée sous le n° RG 11/21230.

Par suite, par acte d'huissier du 1er avril 2021, le syndicat des copropriétaires de la résidence '[Adresse 3]', [G] [K] veuve [M], [D] [R], [O] [W], [Y] [S], [T] [B], [F] [X], [Z] [E], [A] [L] (tous résidents de l'immeuble dans lequel habite Mme [U]) ont assigné les époux [J] et Mme [U] devant le tribunal judiciaire Pôle proximité d'Angoulême aux fins de voir ordonner la résiliation du bail entre les époux [J] et Mme [U], de voir ordonner l'expulsion de Mme [U], de faire interdiction à cette dernière de causer tout trouble de jouissance ou violer des dispositions du règlement de copropriété et de voir condamner les époux [J] et Mme [U] au paiement de sommes au titre de dommages et intérêts.

L'instance a été enregistrée sous le n° RG 11/21299.

Les deux affaires ont été retenues à la même audience du 7 juillet 2021.

Par jugement du 25 août 2021, le tribunal de proximité d'Angoulême a :

- ordonné la jonction des procédures n° RG 11/21230 et n° RG 11/21299,

- prononcé au 25 août 2021, la résiliation du bail consenti à Mme [U] sur le logement situé à [Adresse 3],

- ordonné faute de départ volontaire de Mme [U] dans les deux mois de la délivrance du commandement de quitter les lieux son expulsion des lieux loués ainsi que celle de tous occupants et biens de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique,

- rejeté la demande d'astreinte du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3],

- rejeté la demande de Mme [U] d'un délai supplémentaire pour quitter les lieux,

- dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné Mme [U] à verser aux époux [J] la somme de 1 620 euros au titre des loyers impayés d'avril 2020 à février 2021,

- condamné Mme [U] à régler aux époux [J] une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer actuel et des charges à compter du 25 août 2021, jusqu'à la libération effective des lieux avec revalorisation de droit telle que prévue au contrat de bail,

- condamné Mme [U] à verser à Mme [K] veuve [M] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné Mme [U] à verser à Mme [R], M. [W], Mme [S], M. [B], Mme [X], Mme [E], M. [L] chacun la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté les époux [J] de leur demande au titre de la procédure abusive,

- rejeté le surplus des demandes des parties,

- condamné Mme [U] à verser aux époux [J] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [U] à verser à Mme [K] veuve [M], Mme [R], M. [W], Mme [S], M. [B], Mme [X], Mme [E] et M. [L] la somme de 100 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [U] à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [U] aux entiers dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit.

Mme [U] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 21 septembre 2021.

Par conclusions déposées le 13 juin 2022, Mme [U] demande à la cour de :

- déclarer Mme [U] recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau,

- déclarer le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] irrecevable en son action oblique,

- débouter les époux [J], le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3], Mme [K] veuve [M], Mme [R], M. [W], Mme [S], M. [B], Mme [X], Mme [E] et M. [L] de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de Mme [U],

- condamner in solidum les époux [J], le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3], Mme [K] veuve [M], Mme [R], M. [W], Mme [S], M. [B], Mme [X], Mme [E] et M. [L] à payer à Mme [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 23 septembre 2022, les époux [J] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf à le réformer en ce qu'il a condamné Mme [U] à verser aux époux [J] la somme de 1 620 euros au titre des loyers impayés pour la période d'avril 2020 à février 2021,

Statuant à nouveau :

- prononcer au 25 août 2021, la résiliation du bail consenti à Mme [U] sur le logement situé à [Adresse 3],

- ordonner faute de départ volontaire de Mme [U] dans les deux mois de la délivrance du commandement de quitter les lieux son expulsion des lieux loués ainsi que celle de tous occupants et biens de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique,

- rejeté la demande de Mme [U] d'un délai supplémentaire pour quitter le lieux,

- déclarer qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamner Mme [U] à verser aux époux [J] la somme de 2 970 euros au titre des loyers impayés d'avril 2020 jusqu'à la résiliation du bail, à savoir le 25 août 2021,

- condamner Mme [U] à régler aux époux [J] une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer actuel et des charges à compter du 25 août 2021, jusqu'à libération effective des lieux avec revalorisation de droit telle que prévue au contrat de bail,

- débouter le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] de sa demande de dommages et intérêts,

- débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3], représentée par son syndic, la SAS Nexity, Mme [K] veuve [M], M. [W], Mme [S], M. [B], Mme [X], Mme [E] et M. [L] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- débouter Mme [U] de toutes demandes au titre des frais irrépétibles et dépens,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [U] à verser aux époux [J] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Ajoutant au jugement entrepris

- condamner Mme [U] aux entiers dépens d'appel, outre à payer aux époux [J] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Par conclusions déposées le 20 mars 2022, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3], Mme [K] veuve [M], Mme [R], M. [W], Mme [S], M. [B], Mme [X], Mme [E] et M. [L] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du 25 août 2021 en toutes ses dispositions sauf à la réformer en ce qu'il a limité la condamnation de Mme [U] à verser à Mme [K] veuve [M] à la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts, à M. [W], à Mme [S], à M. [B], à Mme [X], à Mme [E], à M. [L], chacun la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts et a débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] de sa demande de dommages et intérêts,

Se prononçant à nouveau :

- condamner Mme [U] à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et moral,

- condamner Mme [U] à payer à Mme [K] veuve [M] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et moral,

- condamner Mme [U] à payer à M. [W], à Mme [S], à M. [B], à Mme [X], à Mme [E], à M. [L] à chacun la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et moral,

- condamner Mme [U] à payer à Mme [K] veuve [M], à Mme [R], à M. [W], à Mme [S], à M. [B], à Mme [X], à Mme [E], et à M. [L] la somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [U] aux entiers dépens.

L'affaire a été fixée à l'audience du 13 mars 2023.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action oblique

Selon l'article 1341-1 du code civil, issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au présent litige, lorsque la carence du débiteur dans l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne.

Mme [U] fait valoir que le Syndicat des copropriétaires est irrecevable en son action oblique puisqu'il a introduit l'action postérieurement à celle des bailleurs.

Le Syndicat des copropriétaires réplique que s'il a agi en justice c'est parce qu'il n'avait pas connaissance de l'assignation délivrée par les époux [J].

L'action oblique suppose la carence du débiteur, laquelle se trouve établie lorsqu'il ne justifie d'aucune diligence dans la réclamation de son dû. A contrario, quand le débiteur exerce ses droits, l'action oblique est irrecevable, sauf négligence de celui-ci dans la poursuite de l'instance.

En l'espèce, les époux [J] ont attrait Mme [U] devant le juge des contentieux de la protection d'Angoulême aux fins de résiliation du bail le 25 février 2021, alors que le Syndicat des copropriétaires n'a assigné aux mêmes fins que le 1er avril 2021, soit postérieurement à l'introduction de l'instance par les bailleurs.

Les bailleurs n'étant pas demeurés passifs et n'ayant pas été négligents dans la poursuite de l'instance, l'action en résiliation du bail introduite par le Syndicat des copropriétaires est irrecevable.

Pour ces motifs, il y a lieu de réformer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande du Syndicat des copropriétaires de la résidence de voir déclarer leur action en résiliation du bail recevable.

Sur la résiliation du contrat de bail

Aux termes de l'article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989 le locataire est obligé d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

A ce titre, il est tenu de s'abstenir de tous actes de nuisance de nature à troubler la tranquillité du voisinage, sous peine d'encourir la résiliation du contrat de bail et l'engagement de sa responsabilité civile.

Les intimés font valoir que Mme [U] est à l'origine de nombreux actes d'incivilité et d'agressions verbales comme physiques qui troublent gravement la tranquillité des lieux.

Mme [U] répond qu'elle est victime des actes de malveillance de ses voisins, alors qu'elle est handicapée, que les derniers faits qui lui sont reprochés datent de décembre 2020 et ne sont pas d'une gravité telle qu'ils justifieraient son expulsion.

Mme [U] verse à son dossier diverses pièces visant à démontrer qu'elle est elle-même troublée dans sa jouissance par le comportement des autres résidents (pièces n° 9, 11, 12, 17 et s.). Elle fait état d'injures, de menaces et d'actes d'incivilité dirigés contre elle. Toutefois, les agissements allégués ne sont pas de nature à l'exonérer de sa propre responsabilité, dans le cadre du contrat qui la lie à ses bailleurs.

Dès le 4 novembre 2019, soit quatre mois après l'emménagement de Mme [U], M. et Mme [J] ont été destinataires d'un courrier de la part du syndic de copropriété leur rapportant le comportement agressif et inadapté de Mme [U]. S'en sont suivis de multiples courriers émanant du syndic, de plusieurs résidents et de la concierge de la résidence, relatant les agissements de Mme [U] (cris, injures, menaces, harcèlement, agressions physiques ...). Les résidents ont, par dizaines, signé des pétitions les 28 novembre 2019, 18 mai 2020 et 13 mai 2020 en vue de signaler les agissements de Mme [U] (pièces n° 3, 13 et 24 du dossier de M. et Mme [J]). Mme [U] est visée par une dizaine de plaintes, émanant d'au moins cinq résidents et de sa concierge, déposées auprès des autorités entre le 22 avril 2020 et le 16 février 2022 (pièces n° 16, 17, 19, 21, 22, 25, 26 et 41) pour des faits de violences, de harcèlement, de menaces et d'injures. Elle a été mise en garde à de multiples reprises par le syndic et ses bailleurs.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mme [U] est à l'origine de troubles du voisinage qui n'ont pas cessé jusqu'à son expulsion intervenue avec le concours de la force publique le 13 mai 2022, en exécution du jugement dont appel, et que ces agissements, établis par des témoignages circonstanciés et concordants, sont d'une nature et d'une fréquence telles qu'ils caractérisent des manquements graves et réitérés à son obligation de jouissance paisible des lieux loués, qui ont persisté malgré plusieurs mises en demeure.

Pour ces motifs et ceux du premier juge qu'elle adopte, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail conclu avec Mme [U] et ordonné en conséquence son expulsion.

Sur les loyers et indemnités d'occupation impayés

Aux termes de l'article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

M. et Mme [J] font valoir que Mme [U] n'a plus réglé ses loyers à compter du mois d'avril 2020 et ce, jusqu'à la résiliation du bail. Leur décompte arrêté au mois d'août 2021 fait état d'une dette locative de 2.970 euros.

Mme [U] ne conteste pas le principe et le montant de la dette et ne verse à son dossier aucune pièce tendant à démontrer qu'elle s'est acquittée de l'arriéré de loyers réclamé.

Pour ces motifs, compte tenu du montant actualisé de la dette locative, le jugement déféré sera réformé et Mme [U] sera condamnée à régler à M. et Mme [J] la somme de 2.970 euros au titre des loyers impayés d'avril 2020 jusqu'à la résiliation du bail, soit le 25 août 2021.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Le syndicat des copropriétaires de la résidence, [G] [M], [D] [R], [O] [W], [Y] [S], [T] [B], [F] [X], [Z] [E] et [A] [L], déboutés en première instance de leur demande tendant à voir condamner M. et Mme [J] au titre de leur carence, ne formulent plus de telles prétentions en cause d'appel, de sorte que la demande de débouté et les moyens afférents formulés par M. et Mme [J] se révèlent sans objet, la cour étant uniquement appelée à se prononcer sur la responsabilité de Mme [U].

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il en résulte que l'engagement de la responsabilité repose sur la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Sur la demande de dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires est le groupement doté de la personnalité morale constitué par l'ensemble des copropriétaires qui a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes.

Si, à ce titre, le syndicat peut réclamer en justice des dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'il subit du fait d'un occupant, encore faut-il qu'il rapporte la preuve de la réalité de ces préjudices et de leur caractère personnel lorsque, comme en l'espèce, ces éléments sont contestés.

Il ressort des pièces du dossier que le syndicat des copropriétaires a reçu de nombreux courriers de doléances qu'il a dû traiter, écrire aux propriétaires du logement loué à Mme [U] et aux autorités, toutes démarches dépassant la gestion normale qui lui incombe, ceci en raison du comportement inadapté de Mme [U].

Cette dernière sera condamnée à payer au Syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] la somme de 500 euros en réparation du préjudice qu'il souffert.

Le jugement déféré qui l'a débouté de cette demande sera réformé.

Sur les autres demandes de dommages et intérêts

Au soutien de leur demande d'indemnisation, les concluants ne font pas état de fautes spécifiques commises par Mme [U] à l'égard de chacun d'eux.

Il y a donc lieu de considérer qu'ils se prévalent, en leur qualité de tiers au contrat de bail, de la faute caractérisée par les manquements de Mme [U] à son obligation de jouissance paisible des lieux loués.

Les dommages en lien avec cette faute peuvent être établis par tout moyen, et notamment par présomption.

S'agissant des résidents, M. [W] s'est vu le 19 septembre 2020 arracher par le compagnon de Mme [U] son téléphone portable qu'il a ensuite détruit, et le 22 décembre 2020, Mme [U] l'a aspergé avec une bombe lacrymogène dans l'ascenseur, le conduisant aux urgences où il a été constaté qu'il souffrait d'une conjonctivite.

Il lui sera alloué la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement déféré qui lui a alloué la seule somme de 200 euros sera réformé.

Mme [S] a été victime d'une agression à la bombe lacrymogène en même temps que M. [W], de dépôt d'ordures dans sa boîte aux lettres (masques et mouchoirs souillés) et le 31 août 2020, Mme [U] lui a bloqué l'ascenseur. Elle l'a aussi prise en photo.

Il lui sera alloué la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement déféré qui lui a alloué la seule somme de 200 euros sera réformé.

Mme [X], qui était aussi présidente du conseil syndical, s'est vue harceler téléphoniquement par Mme [U] qui lui a aussi envoyé un Sms ainsi libellé 'faut se calmer la grosse'. Elle a été menacée par la bombe lacrymogène. Mme [U] lui a aussi bloqué l'ascenseur et l'a prise en photo.

Il lui sera alloué la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement déféré qui lui a alloué la seule somme de 200 euros sera réformé.

M. [B] s'est également vu bloquer l'ascenseur et menacé avec la bombe lacrymogène et a été pris en photo.

Il lui sera alloué la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement déféré qui lui a alloué la seule somme de 200 euros sera réformé.

Tous ont fait l'objet d'insultes et de menaces y compris M. [E] et [L] et Mmes [E] et [R]. Ils ont en outre pâti des dégradations dans les parties communes (notamment des boutons de l'ascenseur).

Le jugement déféré qui leur a alloué à chacun la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts sera confirmé.

Mme [M], concierge non-résidente, a été particulièrement et régulièrement exposée sur son lieu de travail aux débordements de Mme [U]: notamment du harcèlement téléphonique avec des menaces, de jour comme de nuit, l'obligation de se garer à distance de la résidence par peur de voir son véhicule dégradé.

Elle produit un certificat de son médecin traitant (pièce n° 34), en date du 16 février 2022, qui fait état de troubles anxieux que les autres éléments du dossier permettent de relier aux agissements de Mme [U].

Pour ces motifs, outre l'obligation de signaler les agissements de Mme [U] et de nettoyer les boîtes aux lettres souillées de rouge par Mme [U], le préjudice moral de Mme [M] sera indemnisé à hauteur de 1000 euros.

Le jugement déféré qui lui a alloué la seule somme de 500 euros sera réformé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Mme [U] succombant, elle sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Selon l'article 700 du code de procédure civile le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sans qu'il y ait lieu de modifier le montant des condamnations prises sur ce fondement, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés la totalité des frais non compris dans les dépens qu'ils ont dû exposer dans le cadre de l'instance d'appel.

Mme [U] sera condamnée, en conséquence, à verser :

- à M. et Mme [J] la somme de 800 euros,

- au syndicat des copropriétaires de la résidence la somme de 500 euros,

- à [G] [M], [D] [R], [O] [W], [Y] [S], [T] [B], [F] [X], [Z] [E] et [A] [L] la somme de 200 euros chacun.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 25 août 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Angoulême, sauf en ce qu'il a reçu la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence visant à voir prononcer la résiliation du bail de Mme [U] et son expulsion sous astreinte, a condamné Mme [U] à verser à M. et Mme [J] la somme de 1.620 euros au titre des loyers impayés d'avril 2020 à février 2021, à M. [W], à Mme [S], à Mme [X], M. [B] la somme de 200 euros chacun à titre de dommages et intérêts et à Mme [M] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare irrecevable l'action oblique introduite par le Syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] visant à voir prononcer la résiliation du bail de Mme [U] et son expulsion sous astreinte, compte tenu de l'action introduite antérieurement par M. et Mme [J] et tendant aux mêmes fins,

Condamne Mme [V] [U] à verser à M. [I] [J] et Mme [P] [J] la somme de 2.970 euros au titre des loyers impayés d'avril 2020 jusqu'à la résiliation du bail, soit le 25 août 2021,

Condamne Mme [V] [U] à verser à Mme [G] [M] la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne Mme [V] [U] à verser à M. [W] la somme de 750 euros, à Mme [F] [X] la somme de 500 euros, à Mme [S] la somme de 400 euros et M. [B] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] [U] à verser aux époux [J] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [V] [U] à verser à Mme [K] veuve [M], Mme [R], M. [W], Mme [S], M. [B], Mme [X], Mme [E] et M. [L] la somme de 200 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [U] à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 3] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [U] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05249
Date de la décision : 22/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-22;21.05249 ?
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