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17/05/2023 | FRANCE | N°20/00939

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 17 mai 2023, 20/00939


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 17 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00939 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPAR



















Monsieur [R] [C]



c/



UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A. DE [Localité 4]

SELARL Ekip' es qualités de liquidateur de l'EURL Design Conseils Aménagement Commercial












r>



Nature de la décision : AU FOND











Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 janvier 2020 (R.G. n°F 19/00037) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'ap...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 17 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00939 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPAR

Monsieur [R] [C]

c/

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A. DE [Localité 4]

SELARL Ekip' es qualités de liquidateur de l'EURL Design Conseils Aménagement Commercial

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 janvier 2020 (R.G. n°F 19/00037) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 19 février 2020,

APPELANT :

Monsieur [R] [C]

né le 19 Novembre 1960 à [Localité 5] de nationalité Française

Profession : Conducteur de travaux publics, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Laëtitia SCHOUARTZ de la SELARL SCHOUARTZ AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A. DE [Localité 4], prise en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 6]

représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

SELARL Ekip' venant aux droits de la SELARL Christophe Mandon ès qualités de liquidateur de l'EURL Design Conseils Aménagement Commercial,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 453 211 393

représentée par Me Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente conseillère chargée d'instruire l'affaire et Madame Sylvie Tronche,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

M.[R] [C], né en 1960, a été engagé en qualité de conducteur de travaux par la SARL Design Conseils Aménagement Commercial, par contrat unique d'insertion à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er août 2015.

Le 1er mars 2016, un avenant au contrat de travail a été régularisé entre les parties portant la rémunération mensuelle de M.[C] à la somme de 3.261,48 euros bruts par mois, M.[C] bénéficiant du statut cadre.

Du 21 novembre 2016 au 31 janvier 2017, M.[C] a été placé en arrêt maladie.

À compter du 19 décembre et du 24 décembre 2016, M.[C] a sollicité à plusieurs reprises le paiement de diverses sommes.

Par lettre datée du 10 janvier 2017, M.[C] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 20 janvier 2017.

M.[C] a ensuite été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 25 janvier 2017.

A la date du licenciement, M.[C] avait une ancienneté de 1 an et 5 mois.

Le 5 avril 2017, la société a été placée en règlement judiciaire transformé en liquidation judiciaire le 30 août 2017.

Contestant la légitimité de son licenciement, réclamant diverses indemnités outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, retard dans le paiement des salaires et exécution déloyale du contrat de travail liée au non-respect de l'obligation de prévention des risques professionnels et un rappel de salaire pour heures supplémentaires , M.[C] a saisi le 9 janvier 2019 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 29 janvier 2020, a :

- donné acte de l'intervention volontaire de la société Ekip', nommée aux fonctions de mandataire liquidateur de la société Design Conseils Aménagement Commercial,

- dit le licenciement de M.[C] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- constaté la créance de M.[C] et fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Design Conseils Aménagement Commercial la somme de 4.900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- déclaré le présent jugement opposable à la société Ekip' et au CGEA de [Localité 4] dans la limite de sa garantie,

- débouté M.[C] des autres demandes, plus amples ou contraires,

- ordonné l'emploi des dépens et frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de la société Design Conseils Aménagement Commercial.

Par déclaration du 19 février 2020, M.[C] a relevé appel partiel de cette décision, notifiée le 30 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 décembre 2022, M.[C] demande à la cour de :

- dire bien-fondé et recevable l'appel interjeté par lui à l'encontre du jugement rendu le 29 janvier 2020 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux,

En conséquence,

- réformer ledit jugement en ce qu'il a dit et jugé que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a constaté sa créance et fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Design Conseils Aménagement Commercial la somme de 4.900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a déclaré le jugement opposable à la société Ekip'et au CGEA de [Localité 4] dans la limite de sa garantie et en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes, plus amples ou contraires,

En conséquence,

- dire que son licenciement est abusif,

- dire que l'infraction de travail dissimulé est caractérisée,

En conséquence,

- fixer les créances suivantes au passif de la liquidation judiciaire de la société Design Conseil Aménagement Commercial les sommes suivantes :

* 19.568,88 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*6.500 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement des salaires,

* 34.186,86 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires,

* 3.418,68 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel d'heures supplémentaires,

* 12.000 euros à titre d'indemnités kilométriques,

* 6.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail liée au non-respect de l'obligation de prévention des risques professionnels,

* 19.568,88 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner au mandataire liquidateur d'avoir à lui remettre les documents de rupture rectifiés à la décision à intervenir,

- déclarer le jugement à intervenir opposable au CGEA [Localité 4],

- condamner les défendeurs aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 juillet 2020, la société Ekip demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner M.[C] à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M.[C] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 juin 2020, l'association CGEA de [Localité 4] demande à la cour de':

- déclarer mal fondé l'appel de M.[C],

Sur l'exécution du contrat,

- débouter M.[C] de sa demande d'heures supplémentaires,

- débouter M.[C] de sa demande d'indemnités kilométriques,

- débouter M.[C] de ses demandes indemnitaires pour exécution pour retard de paiement, et pour exécution déloyale liée au non-respect de l'obligation de prévention

des risques professionnels,

- débouter en toute hypothèse M.[C] de sa demande pour travail dissimulé,

Subsidiairement,

- fixer les dommages et intérêts pour retard de paiement à la somme maximale de 200 euros,

Au titre de la rupture du contrat

- débouter M.[C] de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement, payée dans le cadre de la procédure collective,

- statuer ce que de droit sur la contestation du licenciement,

- confirmer la fixation de la créance de M.[C] au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive à la somme de 4.900 euros, faute de justifier d'un préjudice plus étendu au visa de l'article L.1235-5 du code du travail,

- débouter M.[C] du surplus de ses prétentions,

Sur la garantie de l'A.G.S,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'A.G.S. dans la limite légale de sa garantie, laquelle exclut l'astreinte et l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L 'exécution du contrat de travail

a- le retard de paiement

M. [C] demande paiement de dommages et intérêts à hauteur de 6 500 euros en réparation du préjudice résultant du paiement tardif de salaire et complément de salaire. Il reproche à l'employeur d'avoir tardé à solliciter l'ouverture d'une préjudice collective.

Le mandataire intimé oppose l'absence de préjudice distinct et de mauvaise foi de l'employeur, la date de cessation de paiement étant fixée au 1er juin 2016.

Aux termes de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure sans qu'une perte ne soit justifiée par le débiteur. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts distinct de l'intérêt moratoire.

Il est constant que le chèque en paiement du salaire du mois de mai 2016, daté du 10 juin 2016, était sans provision ; que les salaires des mois d' octobre et novembre 2016 et les compléments de salaire dus au titre de la période d'arrêt de travail pour maladie n'ont été réglés par le mandataire qu'au mois de novembre 2017.

Cependant, le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux a fixé la date de cessation des paiements au 1er juin 2016. La bonne foi de la société est présumée et les pièces versées n'établissent pas que la saisine de cette juridiction a été différée à la suite de la mauvaise foi de l' employeur. M. [C] n'établit pas non plus l'existence d'un préjudice distinct de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de cette demande.

b- les heures supplémentaires

M. [C] fait valoir qu'aucune heure supplémentaire ne lui a été réglée. Versant un décompte et des agendas, il fait valoir que la société Structure dont il était le gérant n'avait plus d'activité et que les trajets entre l' entreprise et les chantiers constituent un temps de travail effectif.

Le mandataire oppose que M. [C] n'avait jamais demandé le paiement d'heures supplémentaires, que les trajets domicile - entreprise ne représentent pas un travail effectif et que M. [C] a travaillé pour la SCI Apatho le 19 octobre 2016.

L'Unédic fait notamment valoir que M. [C] n'a plus travaillé pour la société à compter du 18 novembre 2016.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l' employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l' employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'absence de demande antérieure à la saisine du conseil des prud'hommes ne prive pas M. [C] de son droit à solliciter le paiement d' heures supplémentaires.

Les bulletins de paye ne mentionnent pas le paiement d' heures supplémentaires.

M. [C] verse un décompte des heures supplémentaires effectuées chaque jour et semaine et ses agendas sur la période du 1er septembre 2015 au 28 novembre 2016 qui constituent des éléments suffisamment précis permettant à l' employeur de fournir les horaires effectivement réalisés.

Le mandataire liquidateur ne les précise pas mais il résulte de l'examen des pièces que les agendas :

- des deux premières semaines du mois de septembre 2015 indiquent le départ d'un lieu qui n'était pas le siège social de l' entreprise;

- des semaines suivantes mentionnent un départ de [Localité 3] lieu de résidence du salarié alors que les trajets domicile- entreprise ne représentent pas un temps de travail effectif;

M. [C] a retenu 14 heures de travail pour la journée du 12 octobre 2016 sans contester que le rendez- vous de 20 heures concernait un repas au restaurant dont le lien avec son travail n'est pas établi.

Au vu de ces éléments et du taux horaire majoré et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, la cour a la conviction que la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire doit être fixée à hauteur de 5 697,81 euros et congés payés afférents de 569,78 euros.

Le jugement sera réformé de ce chef.

c-les indemnités kilométriques

M. [C] fait valoir qu'il a utilisé son véhicule personnel jusqu'à mise à disposition d'une voiture de la société à compter du mois d' octobre 2016.

Le mandataire oppose qu'aucune précision n'est apportée et que le salarié prend en compte des trajets entre le domicile et l' entreprise.

M. [C] ne précise ni les dates ni les distances concernées.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.

d- le travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paye ou de mentionner un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli ;

Aux termes de l'article L. 8223- 1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l' article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Les mises en demeure de M. [C] sont postérieures à la période considérée et le seul défaut de paiement d' heures supplémentaires ne caractérise pas l'élément intentionnel du travail dissimulé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de ce chef.

e- l 'exécution déloyale du contrat de travail

Au visa de l' article L 1222-1 du code du travail, M. [C] fait valoir que l' employeur l'avait informé rencontrer des difficultés économiques sans apporter de précision quant à l'avenir de l'entreprise; que le défaut de paiement des salaires et la dégradation de ses conditions de travail ont été la cause de l'altération de son état de santé ayant nécessité des arrêts de travail indiquant un trouble dépressif.

Les parties intimées répondent que les certificats médicaux ne permettent pas d'établir un lien de causalité entre les conditions de travail et l'arrêt maladie.

M. [C] n'a pas reçu de réponse de l'employeur à sa mise en demeure datée du 19 novembre 2016 et aucune information ne lui a été donnée au sujet des difficultés économiques de nature à impacter la pérennité de son contrat de travail.

Cette situation a causé à M. [C] un préjudice moral, peu important que la mention d'un état dépressif ne caractérise pas le lien entre l'arrêt de travail le mentionnant et les conditions de travail. La créance de M. [C] sera fixée à hauteur de 300 euros.

La rupture du contrat de travail

le licenciement

La lettre de licenciement datée du 25 janvier 2017 est ainsi rédigée :

"En qualité de conducteur de travaux, vous êtes en charge du suivi des chantiers

confiés à notre société.

A ce titre, vous vous voyez confier la responsabilité des dossiers de suivi (sous forme papier et sous forme électronique).

Depuis le début de votre arrêt maladie, le 21 novembre 2016, dans la mesure où vous ne nous les aviez pas restitués, nous vous avons invité à nous retourner les dossiers papiers des chantiers que vous suiviez en dernier lieu : HARRIET'S, ESSOR, [N], [X].

Or, malgré nos demandes réitérées, vous vous êtes refusé à cette communication, ce qui a profondément entravé la transmission des données et donc le suivi des projets en cours.

De même, nous vous avons invité, en vain, à nous restituer le matériel d'entreprise nécessaire à notre activité, que vous aviez conservé à votre domicile (ex. tampons encreurs de la société).

Finalement, ce n'est que le jour de l'entretien préalable, et après plusieurs mises en demeure adressées durant de nombreuses semaines, que vous avez daigné nous remettre une partie du matériel confié (ordinateur, tablette, imprimante..), l'autre partie ne nous ayant pas été restituée (les 4 dossiers papier et les tampons encreurs de la société).

En l'absence des dossiers papiers, nous nous sommes reportés au logiciel pour prendre connaissance du dossier dématérialisé, qu'il vous appartient d'instruire.

Or, ici encore, nous avons découvert que ceux-ci n'étaient pas correctement tenus : devis d'entreprises, dossiers d'appels d'offre, courriers divers...

La disparition des 4 dossiers papier nous interpelle d'autant plus qu'en vous succédant dans vos fonctions, nous avons découvert d'importantes lacunes dans les suivis de chantiers, révélant des manquements particulièrement graves à vos attributions.

' Chantier HARRIET'S

Nous avons constaté que vous n'avez pas respecté le protocole de suivi de chantier.

Ainsi, pour certains corps de métier, vous vous êtes dispensé de réaliser un appel d'offre, alors même qu'il s'agit d'une obligation tenant notre société vis-à-vis du client.

Il vous est rappelé que vos fonctions impliquent la gestion des appels d'offre (art2 de votre contrat de travail).

Pire, certaines entreprises (le peintre, par exemple) devant intervenir ignoraient l'étendue de leur participation, puisqu'aucun devis n'avait été réalisé.

De même, il vous appartient de piloter et de suivre les chantiers confiés (art. 2 de votre contrat de travail).

Or, sur ce même chantier, nous avons constaté que vous aviez réalisé très peu de suivi : peu de devis, pas de document informatisé, pas de compte rendu de réunion de chantier systématique.

De même, le client n'a pas systématiquement été prévenu de vos visites, ce qui est d'autant plus préjudiciable, en l'absence de compte rendu...

Nous avons encore constaté un manque évident de suivi: le dernier compte rendu était du 1er novembre, soit 3 semaines avant votre départ.

Lors de l'entretien préalable, vous avez prétexté que ce chantier avançait lentement et qu'il ne s'était rien passé depuis.

Néanmoins, alors que des échanges avait été réalisés depuis avec le client, aucune trace de ceux-ci n'existe dans le dossier informatisé.

De même, aucun devis n'est enregistré.

Enfin, nous constatons de nombreux oublis dans les travaux réalisés (ex. porte, cloison....).

$gt; Chantier [N]

Nous vous rappelons qu'il est de notre devoir de contrôler tant la conformité des travaux au projet que la facturation des prestations.

En effet, en visant les factures émises par les prestataires, vous engagez la responsabilité de la société.

Or, sur ce chantier, nous nous sommes aperçus que certaines prestations ont été facturées au client par les entreprises, sans même avoir été réalisées (ex. porte coupe feu) !

Inversement, certaines sommes ont été payées en double (acompte et facture sans déduction de l'acompte).

Comme nous vous l'avons indiqué, le client nous a manifesté son fort mécontentement, tout à fait légitime.

Votre attitude a donc gravement été préjudiciable à nos intérêts en terme d'image et de professionnalisme.

De plus, nous avons constaté de nombreuses malfaçons (ex. seuil de fenêtre trop haut empêchant la fermeture du volet roulant).

Là encore il semble opportun de vous rappeler que vos fonctions impliquent le pilotage et le suivi des chantiers (art 2 de votre contrat de travail).

Nous avons constaté un manque évident de suivi du chantier depuis le début du mois de novembre.

Encore une fois, lors de l'entretien, votre simple réponse a été « je ne sais pas ».

Cette attitude fait écho au manque évident de professionnalisme que nous venons de démontrer.

Votre inertie au cours des dernières semaines et votre attitude de défiance à notre égard caractérisent également une insubordination qui n'est pas tolérable, ce d'autant moins eu égard à votre statut de cadre appelant nécessairement à l'exemplarité.

Votre inconséquence a placé notre société dans une situation lui étant particulièrement préjudiciable tant en terme financier qu'en terme d'image.

Au vu de ce qui précède, nous n'avons donc d'autre choix que de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse" .

M. [C] fait valoir que l'employeur l'a convoqué à l' entretien préalable à réception de sa mise en demeure de payer les sommes dues, qu'il a contesté les motifs de son licenciement tant lors de l'entretien préalable qu'après la sanction, qu'il a déposé les dossiers papier en fin de semaine, notamment le 18 novembre 2016 lors de la remise d'un chèque en paiement de frais en la présence de l'un des associés et qu'il a demandé de fixer un rendez- vous pour la restitution des matériels de l' entreprise. Il conteste chacun des manquements relatifs aux chantiers et ajoute que ces griefs seraient, en tout état de cause, insuffisants pour justifier la sanction la plus grave.

Le mandataire répond que l'absence de coopération du dirigeant de la société et la tardiveté de la saisine du conseil des prud'hommes ne lui permettent pas de produire de pièce.

Aucune pièce n'est produite pour établir les griefs motivant le licenciement de sorte que la rupture du contrat de travail est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

L'indemnisation du préjudice

Au visa de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable, M. [C] fait valoir qu'il était lors âgé de 58 ans et que, ne trouvant pas d'emploi, il a créé une société peu florissante.

Les parties intimées répondent que la société employait moins de dix salariés et que M. [C] avait une ancienneté inférieure à deux années.

L'ancienneté de M. [C] étant inférieure à deux ans, l'indemnisation à hauteur minimale des six derniers mois de salaire ne s'impose pas.

M. [C] ne produit ni recherche d'emploi ni les résultats de la société Structure dont il était le gérant.

Eu égard à son âge lors du licenciement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de M. [C] à la somme de 4 900 euros.

Le mandataire liquidateur devra délivrer à M. [C] un bulletin de paye rectificatif et une attestation Pôle Emploi conformes à l'arrêt dans le délai de deux mois à compter de sa signification.

Vu l'équité, la créance de M. [C] sera fixée à 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

la cour,

dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [C] de sa demande de paiement d' heures supplémentaires,

- débouté M. [C] de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Fixe la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société Design Conseil Aménagement Commercial aux sommes suivantes :

-5 697,81 euros et 569,78 euros au titre des heures supplémentaires,

- 300 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit la décision opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de Bordeaux dans les limites légales,

Rappelle que la créance relative aux frais irrépétibles n'est pas garantie par l'AGS CGEA de [Localité 4],

Dit que la SELARL EKIP' devra délivrer à M. [C] un bulletin de paye rectificatif et une attestation Pôle Emploi dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt.

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00939
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;20.00939 ?
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