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17/05/2023 | FRANCE | N°19/06771

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 17 mai 2023, 19/06771


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 17 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/06771 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LMDP













Madame [O] [D] divorcée [V]



c/



SARL [J] TP

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée

le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 novembre 2019 (R.G. n°F 17/00064) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2019,





APPELANTE :

Madame [O] [D] épouse [V]

de nationalité Française, demeurant [Adr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 17 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/06771 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LMDP

Madame [O] [D] divorcée [V]

c/

SARL [J] TP

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 novembre 2019 (R.G. n°F 17/00064) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2019,

APPELANTE :

Madame [O] [D] épouse [V]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Julie-Anne BINZONI, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL [J] TP, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

représentée par Me Louis GAUDIN de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Carole MORET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [O] [D] divorcée [V], née en 1979, a été engagée en qualité de secrétaire comptable par l'entreprise [J] [G], par contrat de travail à durée déterminée de deux mois à compter du 13 juin 2003 et jusqu'au 1er août 2003.

A compter du 1er septembre 2003, Mme [D] a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de secrétaire comptable à temps complet.

En 2007, M. [H] [J], fils de M. [G] [J], a repris la gestion de l'entreprise familiale dans le cadre d'une société, la SARL [J] TP.

Le 26 novembre 2014, Mme [D] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Le 19 juin 2015, un second arrêt de travail a été délivré à Mme [D]. D'autres se sont succédés du 3 juillet 2015 au 23 juin 2016, jusqu'à la fin de la relation contractuelle.

Le 25 avril 2016, Mme [D] s'est rendue à une première visite médicale de reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail a émis l'avis suivants : « inapte prévisible au poste de travail, à confirmer dans 15 jours, étude de poste à réaliser ».

Le 9 mai 2016, à l'issue d'une seconde visite médicale de reprise, Mme [D] a été déclarée « inapte définitivement au poste de travail et à tous les postes de l'entreprise », le médecin du travail ajoutant que la salariée « serait apte à un poste similaire dans un environnement différent ».

Par courrier du 12 mai 2016, la société [J] TP a informé Mme [D] des recherches de reclassement engagées.

Par lettre datée du 20 mai 2016, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 juin 2016.

Par courrier du 31 mai 2016, Mme [D] a informé la société [J] TP de son impossibilité de se rendre à cet entretien.

Par lettre du 1er juin 2016, la société [J] TP a maintenu la date de l'entretien préalable.

Mme [D] a ensuite été licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement par lettre datée du 8 juin 2016.

A la date du licenciement, Mme [D] avait une ancienneté de plus de douze années.

Invoquant, à titre principal, la nullité'de son licenciement et, à titre subsidiaire, son absence de cause réelle et sérieuse, réclamant diverses indemnités outre des sommes pour préjudice moral distinct et manquement à l'obligation de sécurité de résultat, Mme [D] a saisi le 13 janvier 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu en formation de départage le 26 novembre 2019, a :

- rejeté l'ensemble des demandes de Mme [D],

- rejeté la demande formée par la société [J] TP au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [D] aux dépens.

Par déclaration du 23 décembre 2019, Mme [D] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 août 2020, Mme [D] demande à la cour de réformer le jugement du conseil de prud'hommes pris en toutes ses dispositions et de :

- dire qu'elle a fait l'objet d'un harcèlement moral,

A titre principal,

- dire que son licenciement est nul,

- condamner la société [J] à lui payer la somme de 41.468,40 euros au titre de la nullité du licenciement,

A titre subsidiaire,

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société [J] à lui payer la somme de 41.468,40 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- condamner la société [J] à lui payer les sommes suivantes :

* 5.529,12 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 552,91 euros bruts d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

* 3.000 euros au titre du préjudice moral distinct,

* 5.000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

- condamner la société [J] TP à rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage dans la limite de 6 mois,

- soumettre les condamnations aux intérêts légaux avec capitalisation,

- condamner la société [J] TP à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 juin 2020, la société [J] TP demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 26 novembre 2019, en ce qu'il a débouté Mme [D] de l'intégralité de ses demandes, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- constater l'absence de harcèlement moral de sa part,

- dire bien-fondé le licenciement pour inaptitude de Mme [D],

- dire qu'elle a parfaitement respecté son obligation de sécurité de résultat,

En conséquence,

- débouter Mme [D] de toutes ses demandes,

- condamner Mme [D] au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [D] soutient que son licenciement est nul car son état de santé dégradé est la conséquence du harcèlement moral dont elle a été victime . Elle prétend également que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, son inaptitude étant consécutive aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en raison du harcèlement subi.

Sur la nullité du licenciement pour avoir subi des agissements de harcèlement moral

Mme [D] expose que la rupture du contrat de travail est intervenue dans un contexte de harcèlement moral.

***

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, l'article L. 1152-2 du code du travail dispose qu'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En vertu de l'article L. 1152-3 du code du travail, le licenciement intervenu en méconnaissance de ces dispositions est nul.

Par ailleurs, l'article L. 1154-1 dans sa version applicable au cas d'espèce prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est constant qu'il incombe à Mme [D] qui se prétend victime de harcèlement de soumettre au juge des éléments de faits laissant présumer, dès lors qu'ils sont vérifiés et pris dans leur ensemble, l'existence de la situation ainsi dénoncée.

Ce n'est que dans un second temps qu'il incombe à l'employeur de prouver que les faits ainsi établis sont étrangers à toute situation de harcèlement.

***

Au soutien de ses demandes, Mme [D] invoque des insultes, des propos rabaissants ainsi que des actes de violences dont elle aurait été victime de la part de M. [G] [J], gérant de l'entreprise au moment de son embauche, puis de la part de son fils, M. [H] [J], qui lui a succédé à compter de décembre 2010 mais également de la part de l'épouse de ce dernier, Mme [F] [J].

Elle veut en justifier en produisant les attestations de:

- M. [W], ancien salarié de l'entreprise qui, s'il dénonce «'des coups de colère incontrôlés de la part du patron'» envers d'autres salariés et lui-même, ne fait nullement référence à un quelconque fait commis au préjudice de Mme [D] ;

- Mme [B], qui a remplacé Mme [D] pendant son congé maternité, relate :

« (...) [G] [J] présentait dès le départ des coups de colère très fréquents qui n'étaient pas justifiés, son humeur était variable d'un jour à l'autre et d'un moment à l'autre donc il était imprévisible. Étant en invalidité depuis mars 1989 pour dépressions répétées, mes nerfs ont pris un sacré coup, j'ai été arrêtée (...) pendant 8 jours...les secrétaires ne restaient pas en poste suite au comportement de M. [G] [J] (...)'» ; outre le fait qu'aucun agissement concernant Mme [D] n'est rapporté, cette attestation est contredite, s'agissant des secrétaires qui se seraient succédées, par l'ancienneté de Mme [D] à ce poste ;

- M. [V], ex-époux de la salariée, selon lequel il a été contacté par l'employeur en juin 2017 afin d'obtenir de sa part une attestation dans le but de : «'dire sur papier que les accusations portées par Mme [D] étaient soi-disant fausses, pourtant j'ai constaté lorsque je vivais avec Mme [D] que sa santé morale déclinait ce qui a eu des conséquences sur sa santé physique. Mme [D] me faisait part du harcèlement et de toute la pression morale qu'elle subissait par son employeur dans son travail et notamment la discrimination et harcèlement moral qu'elle a subi (...)'» sans autre précision quant aux faits en cause et à leur datation,

- Mme [X], étudiante et nièce de la salariée, qui a effectué un stage aux côtés de cette dernière chez l'employeur du 16 au 20 décembre 2013 qui explique :'«' avoir été témoin d'un climat tendu entre M. [J] [H], Mme [J] [F] et Mme [V] [O]. Mme [J] s'adressait à Mme [V] de manière très hostile. Mme [J] faisait sans cesse des allers-retours dans le bureau de Mme [V] pour la perturber dans son travail. M. [J] rabaissait Mme [V] [O] dans l'exécution de son travail, il l'a dévalorisé devant Mme [J] [F]...'» sans aucun précision quant aux propos tenus ;

- M. [X], neveu de la salariée, qui a effectué un stage découverte de cinq semaines chez l'employeur, précisant :'«'les peu de fois où je me rendais aux bureaux de l'entreprise, j'ai constaté une atmosphère pesante (...) j'atteste que Mme [V] [O] m'a confié être épuisée moralement et physiquement de son travail au sein de l'entreprise et plus particulièrement les relations de travail qu'elle entretenait avec M. [J] [H] et M. [J] [F]'» sans autre précision quant aux éventuels insultes, propos rabaissants ou actes de violences ;

- son frère, M. [Y] [D], qui évoque une conversation téléphonique avec sa soeur le 19 juin 2015 aux termes de laquelle cette dernière lui a rapporté que ce jour là Mme [J] lui a demandé un dossier qu'elle n'avait pas, lui a mal parlé et hurlé après elle, son époux est ensuite intervenu en lui expliquant qu'elle avait intérêt à faire ce qui lui avait été demandé et en lui disant : «'tu es nulle ma pauvre'» ; elle a précisé qu'il était rouge de colère, hurlait, qu'elle avait eu très peur, qu'il avait fait tomber l'horloge en claquant la porte très fort en lui disant qu'il avait le droit de mettre des claques à ses salariés; M.[D] indique qu'il avait conseillé à sa soeur de quitter l'entreprise et avait constaté l'évolution de son état de santé au fur et à mesure du temps mais que celle-ci avait opposé la nécessité de travailler afin d'honorer un crédit ; cette attestation ne saurait suffire à établir les faits dont se prévaut la salariée dans la mesure où son frère ne fait que rapporter les propos tenus par elle sans y avoir assisté ;

- son amie, Mme [U], qui relate les déclarations faites par Mme [D] concernant des propos vexatoires et grossiers quotidiens, des propos racistes tenus en 2004, des gestes agressifs au quotidien, des menaces perpétuelles, des humiliations quotidiennes, des persécutions pendant 3 ans et demi de la part des employeurs ; si elle n'a pas été le témoin direct de ces faits en revanche, elle témoigne de la dégradation physique de la salariée, se traduisant par une perte d'appétit, une boule au ventre, une perte de confiance, des insomnies, des angoisses, des vomissements, ajoutant qu'elle souhaitait en finir, ce que les certificats médicaux produits ne permettent pas d'objectiver car pour les périodes concernées, ils font état de douleurs pelviennes, rhinopharyngite, rhinite, rhinosinusite et d'asthénie sans relever d'altération psychique telle que décrite par Mme [U] et invoquée par la salariée, sauf à compter du 19 juin 2015 ;

- de même, les avis d'aptitude délivrés par le médecin du travail au cours de l'emploi de Mme [D] dans cette entreprise ne permettent pas de retrouver les agissements dénoncés par la salariée, pas plus que l'examen de son dossier médical sauf à compter du 28 juin 2015 ;

- de la même façon l'arrêt du travail du 26 novembre 2014, fait état d'anxiété réactionnelle sans autre précision de sorte qu'il ne peut permettre d'établir un lien avec les conditions de travail de la salariée.

La salariée appelante produit également un jugement rendu le 23 novembre 2007 par le conseil des prud'hommes de Bordeaux reprenant les déclarations d'un ancien salarié de l'entreprise faisant état de violences exercées à son endroit par l'employeur -ce que ce dernier a contesté- sans que la juridiction n'en tire de conséquences.

La salariée affirme que le harcèlement invoqué serait à l'origine de la dégradation de son état de santé dont elle entend justifier en produisant les certificats médicaux établis les 19 juin et 3 juillet 2015 pour conduire ensuite à son inaptitude retenue à l'issue des deux visites des 25 avril et 9 mai 2016.

Ces deux certificats médicaux, suivis d'arrêts de travail, précisent certes pour l'un que la salariée «'souhaite un suivi dans un contexte de harcèlement moral au travail (...)'» et pour l'autre :'«'elle me dit être harcelée, se faire régulièrement insulter par son employeur et se sent menacée. Elle est épuisée physiquement et psychologiquement (...)'», mais ils sont consécutifs aux seules déclarations de la salariée, de sorte qu'ils sont insuffisants pour permettre de faire un lien avec ses conditions de travail pas plus que ne l'a fait le médecin du travail lorsqu'il a rendu son avis d'inaptitude, d'origine non professionnelle.

Mme [D] affirme au soutien du harcèlement moral invoqué, avoir été contrainte d'effectuer des tâches ménagères le vendredi soir et produit en ce sens l'attestation de Mme [U] qui ne fait que relater ses propos ainsi que son dossier médical à compter du 28 septembre 2015, date à laquelle elle a indiqué avoir accepté de faire le ménage sans autre précision quant à la contrainte évoquée.

La salariée invoque également l'incident du 19 juin 2015 dont elle justifie par l'attestation de son frère et de Mme [U] qui reprennent ses propos, le certificat médical du 19 juin 2015 et l'arrêt de travail subséquent évoqué supra.

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, les responsabilités à l'origine de cet incident ne sont pas déterminables en l'état de la procédure, l'employeur soulignant la résistance de la salariée à se conformer au processus interne pour la comptabilité de l'entreprise et Mme [D] se considérant une nouvelle fois victime des agissements de l'employeur.

Ainsi, ces éléments de fait, pris dans leur ensemble, ne permettent pas en l'état de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de l'employeur à l'égard de Mme [D].

La demande de Mme [D] tendant à la nullité de son licenciement en raison de faits de harcèlement moral dont elle se prétend victime et ses demandes indemnitaires subséquentes seront rejetées et la décision entreprise sera confirmée de ces chefs.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée indique que son inaptitude aurait été provoquée par l'employeur qui l'a harcelée, manquant ainsi à son obligation de sécurité de résultat sans plus de précisions et sans aucun autre élément probant que l'attestation de M. [W] évoquée supra et le courrier du médecin du travail.

L'employeur s'en défend en soulignant que la salariée n'a jamais saisi l'inspection du travail et la médecine du travail au cours de la relation contractuelle. Il produit des attestations de salariés qui n'ont jamais eu à constater les faits dénoncés par Mme [D].

***

L'employeur, tenu de l'obligation de préserver la santé de ses salariés, doit mettre en place notamment un dispositif de prévention des risques psycho-sociaux.

Mais le seul élément médical produit avant le 19 juin 2015, date à partir de laquelle la salariée a été placée en arrêt de travail jusqu'à la fin de la relation contractuelle, faisant état d'anxiété réactionnelle, sans faire de lien avec l'activité salariale, n'est objectivé par aucun élément probant. Ainsi que le souligne l'employeur, la salariée n'a jamais émis une quelconque plainte sur les faits de harcèlement allégués ni avisé les institutions compétentes alors que les faits auraient été, selon ses dires, quotidiens pendant près de treize années.

Dès lors, il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat.

L'avis d'inaptitude du médecin du travail ne fait pas preuve d'un harcèlement ni d'un quelconque manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

L'employeur n'est pas donc à l'origine de l'inaptitude de son salarié.

La demande de Mme [D] tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à se voir allouer en conséquences des indemnités sera rejetée. Le jugement déféré sera donc également confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts au titre du harcèlement moral

Mme [D] sollicite l'allocation d'une somme de 3.000 euros au titre du préjudice distinct invoquant le harcèlement dont elle se dit victime.

L'employeur réplique que la salariée ne justifie d'aucun préjudice distinct.

Dans la mesure où la salariée a été déboutée de sa demande au titre du licenciement nul en raison d'un harcèlement prétendument subi, sa demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts fondé sur le harcèlement moral sera rejetée et la décision entreprise, confirmée.

Sur les dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat

Pour solliciter la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 5.000 euros à ce titre, la salariée soutient que l'employeur n'a pris aucune mesure pour la protéger, pour éviter tout fait de harcèlement moral et pour y mettre un terme.

En réponse, l'employeur rétorque qu'aucun fait de harcèlement ne peut lui être reproché et que la salariée ne justifie nullement avoir alerté les institutions compétentes.

***

Pour les mêmes motifs que ceux retenus supra au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, la demande de dommages et intérêts fondée sur ce seul manquement ne saurait prospérer.

La décision de première instance sera confirmée.

Sur les autres demandes

Mme [D], partie perdante à l'instance et en son recours, supportera les dépens et sera condamnée à payer à la société une somme arbitrée à 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [D] à verser à la SARL [J] TP la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne Mme [D] aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06771
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;19.06771 ?
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