R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X
N° RG 23/00111 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NIJD
ORDONNANCE
Le SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS à 12 H 00
Nous, Emmanuel BREARD, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, de François CHARTAUD, greffier, lors de l'audience et de Julie LARA, greffier lors du délibéré,
En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,
En présence de Madame Corinne NAUD, représentante du Préfet de La Gironde,
En présence de Monsieur [T] [Z], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux,
En présence de Monsieur [N] [U], né le 09 Janvier 1996 à [Localité 2] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, et de son conseil Maître Cynthia LODIN,
Vu la procédure suivie contre Monsieur [N] [U], né le 09 Janvier 1996 à [Localité 2] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne et l'interdiction judiciaire du territoire français prononcé par la cour d'appel de Bordeaux le 02 février 2022 visant l'intéressé,
Vu l'ordonnance rendue le 13 mai 2023 à 15h34 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [N] [U] à compter du , pour une durée de 28 jours / a autorisé la remise en liberté,
Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [N] [U], né le 09 Janvier 1996 à [Localité 2] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, le 14 mai 2023 à 13h44,
Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,
Vu la plaidoirie de Maître Cynthia LODIN, conseil de Monsieur [N] [U], ainsi que les observations de Madame [X] [O], représentant de la préfecture de La Gironde et les explications de Monsieur [N] [U] qui a eu la parole en dernier,
A l'audience, Monsieur le Conseiller a indiqué que la décision serait rendue le 16 mai 2023 à 12h00,
Avons rendu l'ordonnance suivante :
FAITS ET PROCÉDURE
M. [N] [U], se disant de nationalité algérienne, a fait l'objet d'une décision de placement en rétention pris par le Préfet de la Gironde le 11 mai 2023.
Par requête en date du 11 mai 2023 à 17 heure 55, le conseil de M. [U] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de contestation de l'arrêté de placement en rétention.
Par requête reçue au greffe le 12 mai 2023 à 14 heures 15, M. le préfet de la Gironde a sollicité, au visa des articles L742-1 à L742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la prolongation de la rétention de l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours.
Par ordonnance en date du 13 mai 2023 rendue à 15h34 et notifiée sur le champ à l'intéressé, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux a ordonné la jonction des deux affaires, accordé l'aide juridictionnelle à M. [U], déclaré recevables les requêtes le saisissant, rejeté les moyens relatifs à l'irrégularité de la procédure placement rétention administrative de l'intéressé et la contestation de la régularité de la procédure de placement en rétention administrative, autorisé le maintien de la rétention de M. [U] pour une durée de 28 jours, dit n'y avoir lieu à faire droit à la demande faite sur le fondement de l'article 37 alinéa de la loi du 31 juillet 1991.
Par courriel adressé au greffe le 14 mai 2023 à 13 heures 44, le conseil de M. [U] a fait appel de l ordonnance du juge des libertés et de la détention du 13 mai 2023 demandant à la cour de :
- réformer l'ordonnance précitée en ce qu'elle a ordonné la prolongation de la rétention de l'appelant,
- débouter le préfet de la Gironde de toutes ses demandes,
- ordonner la remise en liberté de M. [U],
- accorder à ce dernier le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ou condamner M. le préfet de la Gironde à verser à l'intéressé la somme de 1.000 euros par application des dispositions combinées des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de loi du 20 juillet 1991.
A l'audience, le conseil de M. [U] met en avant l'insuffisance de motivation de l'arrêté et l'absence de prise en compte de la situation de cette partie, donc l'absence de nécessité du placement en rétention.
Il se prévaut du fait que la motivation de l'arrêté est lacunaire et stérotypée et qu'il n'a pas été retenu le fait que M. [U] a un fils en france et qu'il peut être hébergé par un de ses frères vivant à [Localité 3].
De même, il dénonce l'absence de notification de ses droits en présence un interprète, ce dernier ayant été effectué la traduction par téléphone, sans qu'il soit établi la nécessité du recours à un tel procédé.
Il en déduit que la procédure ne saurait être régulière.
La représentante de la préfecture de la Gironde demande pour sa part la confirmation de l'ordonnance attaquée et le rejet des demandes de la partie adverse. Pour cela, elle affirme que l'arrêté de placement en rétention n'est pas tenu de faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle de M. [U], que ce dernier ne présente pas de garantie de représentation en l'absence de domicile fixe, de ressources légales, qu'il a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 24 septembre 2020 assortie d'une assignation à résidence non respectées, qu'il n'est pas justifié des liens avec son fils ou d'un hébergement à [Localité 3] ou de l'adresse de sa compagne avec laquelle il vivrait à [Localité 1]. Elle estime que les mentions au procès-verbal sont suffisantes pour justifier l'intervention de l'interprète par téléphone.
Il note que le même ne dispose d'aucun document d'identité ou de voyage et qu'il ne saurait de ce fait exister d'erreur d'appréciation de la part de l'administration, ni être proposé d'assignation à résidence. Il observe enfin que les autorités consulaires algériennes ont été saisies dès le 22 février 2023 et relancées le 10 mai suivant aux fins de délivrance d'un laissez-passer et que les conditions de l'article L.741-1 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile sont remplies.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la recevabilité de l'appel
Effectué dans les délais et motivé, l appel est recevable.
2/ Sur la légalité de la décision de placement en rétention (sur la motivation en droit de la décision de placement en rétention)
Il résulte de l article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile (ci-après CESEDA) que peut-être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l administration pénitentiaire, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres c est-à-dire notamment lorsqu il existe un risque que l étranger se soustraie à cette obligation, risque qui, selon les mêmes dispositions peut-être regardé comme établi sauf circonstances particulières lorsque l'étranger s est soustrait à l exécution d une précédente mesure d éloignement ou lorsqu il ne présente pas de garantie de représentation suffisante, notamment parce qu il ne peut justifier de la possession de documents d identité ou de voyage en cours de validité.
Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, "un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".
L'article L.141-3 du même code précise que lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.
En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.
Sur la question de la notification des droits en matière d'asile lors du placement en rétention administrative de M. [I], il doit être remarqué, comme l'a justement fait le premier juge, que les services de l'administration compétents ont non seulement sollicités 3 interprètes en langue arabe autorisés à se rendre en détention, mais qu'aucun n'était disponible, mais qu'en outre, celui choisi n'a pas été autorisé à accéder à la maison d'arrêt, rendant le recours à la télécommunication indispensable.
Ce moyen sera donc rejeté.
De même, il n'est pas établi par le moindre élément que la situation de M. [U] n'ait pas été prise en compte, ni que ce dernier ne justifie d'autres éléments, notamment ceux relatifs à un hébergement, à sa paternité ou à sa vie actuelle de couple.
S'agissant des conditions liées à l'article L.741-1 du CESEDA, il doit être insisté sur le fait que M. [U] ne présente, en l'état, aucun document de voyage ou d'identité, ce qui ne peut que compliquer les formalités à accomplir pour permettre son départ et constitue un motif suffisant pour le maintien en rétention à ce stade. En outre, il est justifié par l'administration française de la saisine des autorités consulaires algériennes, que l'appelant ne dispose par ailleurs d'aucune garantie de représentation, étant sans domicile fixe et sans ressources déclarées. Les diligences entreprises seront donc retenues comme suffisantes aux vues des exigences légales précitées.
Il convient en conséquence de confirmer en totalité la décision du juge de première instance.
Il n'y a pas lieu d'allouer la moindre somme au titre des frais irrépétibles, M. [U] succombant au principal.
PAR CES MOTIFS
Statuant après débats en audience publique par ordonnance contradictoire mise à la disposition au greffe après avis aux parties,
Déclarons l'appel recevable,
Accordons l'aide juridictionnelle provisoire à M. [U],
Confirmons l'ordonnance juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 13 mai 2023,
y ajoutant,
Déboutons M. [U] de sa demande d'indemnité de procédure,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile,
Le Greffier, Le Conseiller délégué,