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10/05/2023 | FRANCE | N°22/05007

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 mai 2023, 22/05007


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 10 MAI 2023









N° RG 22/05007 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M6QL













S.A.S. 1 CLIC RECEPTION



c/



Monsieur [D] [S] [F]

















Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION











Grosse délivrée le :

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à



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 février 2019 (R.G. N°F18/00094) par le conseil de prud'hommes de Saintes- Formation paritaire, Section Commerce - après arrêt de la Cour de cassation rendu le 22 juin 2022, cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 10 septe...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 MAI 2023

N° RG 22/05007 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M6QL

S.A.S. 1 CLIC RECEPTION

c/

Monsieur [D] [S] [F]

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

à

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 février 2019 (R.G. N°F18/00094) par le conseil de prud'hommes de Saintes- Formation paritaire, Section Commerce - après arrêt de la Cour de cassation rendu le 22 juin 2022, cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 10 septembre 2020 , suivant déclaration de saisine du 25 octobre 2022 de la cour d'appel de Bordeaux, désignée cour de renvoi,

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :

S.A.S. 1 CLIC RECEPTION agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER -DEMAISON -GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

DEFENDEUR SUR RENVOI DE CASSATION :

Monsieur [D] [S] [F]

né le 04 Mars 1971 à [Localité 3]de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laure MELLIER de la SCP CALLAUD - MELLIER - KURZAWA, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [D] [F], né en 1971, a été engagé en qualité d'employé par la SAS 1 Clic Réception, par contrat de travail à durée déterminée saisonnier pour la période comprise entre le 23 avril 2018 et le 30 septembre 2018.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [F] s'élevait à la somme de 1.668,37 euros.

Le 21 mai 2018, une altercation a eu lieu entre le salarié et le dirigeant de la société 1 Clic Réception ensuite de laquelle M. [F] a déposé plainte pour violences puis s'est présenté au service des urgences avant d'être examiné par son médecin traitant qui a constaté 'un érythème de 5 x 5 cm dans le cou à droite'.

Le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 21 mai 2018 jusqu'à la fin de la relation contractuelle.

Demandant la rupture anticipée de son contrat de travail aux torts de son employeur ainsi que diverses indemnités outre des dommages et intérêts pour rupture abusive et pour préjudice moral, M. [F] a saisi le 8 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Saintes qui, par jugement rendu le 14 février 2019, a :

- prononcé la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée liant M. [F] à la société 1 Clic Réception, aux torts exclusifs de l'employeur et ce, à la date du 21 mai 2018,

- condamné la société 1 Clic Réception à verser à M. [F] les sommes suivantes :

* 6.673,48 euros à titre de dommages et intérêts,

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [F] de sa demande au titre du préjudice moral,

- débouté la société 1 Clic Réception de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société 1 Clic Réception aux dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée.

Par arrêt rendu le 10 septembre 2020 suite à l'appel formé par la société 1 Clic Réception, la cour d'appel de Poitiers a :

- déclaré irrecevables les demandes de M. [F] tendant à voir condamner la société 1 Clic Réception à lui payer une indemnité de fin de contrat et à lui remettre un bulletin de paie afférent,

- confirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- statuant à nouveau sur ce point, condamné la société 1 Clic Réception à payer à M. [F] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- y ajoutant, condamné la société 1 Clic Réception à verser à M. [F] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens en cause d'appel.

La société 1 Clic réception a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt et la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt de cassation partielle rendu le 22 juin 2022, a :

- cassé et annulé l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers, mais seulement en ce que d'une part, il prononce la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée liant M. [F] à la société 1 Clic Réception aux torts exclusifs de l'employeur et ce, à la date du 21 mai 2018, et d'autre part, condamne la société 1 Clic Réception à verser à M. [F] la somme de 6.673,48 euros à titre de dommages-intérêts,

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux,

- condamné M. [F] aux dépens,

- rejeté les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société 1 Clic Réception a saisi la cour d'appel de Bordeaux par déclaration en date du 25 octobre 2022.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 février 2023, la société 1 Clic Réception demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a retenu une rupture anticipée fautive au 21 mai 2018 et condamné la société 1 Clic réception à verser à M. [F] les sommes suivantes :

* 6.673,48 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 1243-4 du code du travail,

* 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- constater que le contrat de M. [F] est arrivé à son terme le 30 septembre 2018,

- en conséquence, le débouter de sa demande de dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l'article L. 1243-4 du code du travail,

En tout cas,

- le débouter de toutes ses demandes,

- le condamner à verser à la société 1 Clic réception une somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 février 2023, M. [F] demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu le 14 février 2019 par le conseil de prud'hommes de Saintes en ce qu'il a retenu une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée le liant à la société 1 Clic Réception, aux torts exclusifs de l'employeur et ce, à la date du 21 mai 2018,

- le confirmer en ce qu'il a condamné la société 1 Clic Réception à lui verser les sommes suivantes :

* 6.673,48 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L. 1243-4 du code du travail,

* 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- juger que la date d'effet de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée sera fixée au 8 juin 2018, date de la saisine de la juridiction de première instance,

En tout état de cause,

- condamner la société 1 Clic Réception à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés pour sa défense dans le cadre de la présente instance,

- la condamner aux dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Ensuite de l'arrêt rendu le 22 juin 2022 par la chambre sociale de la Cour de cassation, la saisine de la cour est limitée à la demande portant sur la résiliation judiciaire du contrat de travail à durée déterminée liant les parties et à l'allocation des dommages et intérêts évalués à 6.673,48 euros par les premiers juges.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Pour voir infirmer la décision des premiers juges, la société soutient qu'en application des dispositions des articles L.1243-5 et L. 1226-19 du code du travail, le contrat de de travail la liant à M. [F], suspendu par l'effet des arrêts de travail de ce dernier, est arrivé à son échéance le 30 septembre 2018 de sorte qu'il ne pouvait plus être résilié ou rompu de manière rétroactive. Elle ajoute qu'en conséquence, le salarié ne peut prétendre à une quelconque allocation de sommes à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1243-4 du code du travail dans la mesure où il a perçu jusqu'au terme du contrat de travail des indemnités journalières majorées.

En réplique, le salarié sollicite la confirmation de la décision des premiers juges en application des dispositions de l'article 1229 du code civil selon lequel il appartient au juge de fixer la date de résolution du contrat et qu'à défaut, il convient de retenir la date de saisine de la juridiction prud'homale, soit le 8 juin 2018. Il considère sa demande légitime au regard du grave manquement commis par l'employeur à son encontre le 21 mai 2018 justifiant une rupture anticipée de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société.

***

L'introduction par le salarié d'une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur n'a pas pas pour effet de suspendre le contrat de travail ni de le rompre.

Il n'est pas contesté que le 21 mai 2018, alors que M. [F] sollicitait à nouveau le paiement d'heures supplémentaires et bloquait le passage à son employeur, celui-ci l'a saisi par les jambes puis par les épaules, lui occasionnant une excoriation au niveau du cou médicalement constatée en ces termes : 'érythème de 5 x 5 cm dans le cou à droite'.

L'attitude du dirigeant de la société caractérise un manquement grave à ses obligations, le recours à la violence ne pouvant se justifier quelle que soit le comportement du salarié.

Un tel manquement justifie que la résiliation du contrat soit prononcée aux torts exclusifs de l'employeur, ainsi qu'en ont décidé les premiers juges

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 1224, 1227 et 1229 du code civil que la prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur.

En l'espèce, M. [F] a été embauché par'contrat'à'durée'déterminée'de 5 mois courant à compter du 23 avril 2018 jusqu'au 30 septembre 2018.

Il a été placé en arrêt de travail à compter du 21 mai 2018 jusqu'au terme du contrat de travail.

Le 8 juin 2018, il a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat.

La relation de travail ayant pris fin le 30 septembre 2018 à l'échéance du contrat de travail à durée déterminée et ce, avant que la juridiction prud'homale ne se prononce, il y a lieu de fixer au 30 septembre 2018, la date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail, le salarié n'étant plus au service de l'employeur postérieurement à cette date.

Par voie de conséquence, il convient d'infirmer la décision des premiers juges sur ce point.

Sur la demande à titre de dommages et intérêts

Sollicitant l'infirmation de la décision de première instance, la société avance que la demande du salarié fondée sur les dispositions de l'article L.1243-4 du code du travail est la conséquence du préjudice lié à la rupture anticipée du contrat de travail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le contrat de travail s'étant poursuivi jusqu'à son terme. Elle ajoute que le salarié, en arrêt de travail, a perçu des indemnités journalières et ne peut de fait prétendre au paiement d'indemnités pour rupture anticipée.

Pour s'y opposer, M. [F] considère qu'il convient d'assimiler la résiliation judiciaire du contrat à durée indéterminée à une rupture anticipée injustifiée de celui-ci par l'employeur dans les conditions prévues aux articles L.1243-1 et suivants du code du travail. Selon lui, les dommages et intérêts de l'article L. 1243-4 du code du travail constituent une réparation forfaitaire et indépendante du préjudice subi de sorte que les indemnités journalières versées ne peuvent en être déduites.

Il ajoute que sa demande de dommages et intérêts vise à sanctionner le caractère fautif de la cessation de la relation contractuelle imputable à la société et à réparer le préjudice en résultant.

* * *

L'article L. 1243-4 du code du travail prévoyant que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, ne peut trouver application au cas d'espèce dans la mesure où il n'y a pas eu rupture anticipée du contrat de travail qui s'est poursuivi jusqu'à son terme.

En revanche, la résiliation judiciaire du contrat étant prononcée aux torts exclusifs de l'employeur, M. [F] est fondé à solliciter la réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à ses obligations et notamment de l'acte violent qu'il a subi ainsi que de l'arrêt de travail subséquent.

En considération de la faute commise et des conséquences dommageables en résultant pour le salarié, il sera alloué à celui-ci la somme de 2.000 euros.

Par voie de conséquence, la décision de première instance sera infirmée quant au quantum de la somme allouée.

Sur les autres demandes

La société appelante sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [F] la somme complémentaire de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la présente cour.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la rupture anticipée du contrat de travail de M.[F] aux torts exclusifs de la SAS 1 Clic Réception à la date du 21 mai 2018, alloué à M. [F] la somme de 6.673,48 euros à titre de dommages et intérêts et a condamné celle-ci aux dépens ainsi qu'à payer à M. [F] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau dans la limite de la saisine,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M.[F] aux torts exclusifs de la SAS 1 Clic Réception et en fixe la date d'effet au 30 septembre 2018,

Condamne la société 1 Clic Réception à payer à M. [F] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la présente cour,

Condamne la société 1 Clic Réception aux dépens.

Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 22/05007
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;22.05007 ?
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