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10/05/2023 | FRANCE | N°20/01292

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 mai 2023, 20/01292


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 10 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/01292 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LP6F

















Association [1] Gironde



c/



Madame [U] [T]



















Nature de la décision : AU FOND

















Gros

se délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 janvier 2020 (R.G. n°F 18/01639) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 05 mars 2020,





APPELANTE :

Association [1] Gironde, agissant en la personne de son représentant l...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/01292 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LP6F

Association [1] Gironde

c/

Madame [U] [T]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 janvier 2020 (R.G. n°F 18/01639) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 05 mars 2020,

APPELANTE :

Association [1] Gironde, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3]

N° SIRET : 399 536 705

représentée par Me Stéphane PICARD de la SELARL ACTIONS, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉES :

Madame [U] [T]

née le 13 Mars 1962 à de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente, chargée d'instruire l'affaire et Madame Sylvie Tronche,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [U] [T], née en 1962, a été engagée en qualité de chef de service éducatif par l'association Le Gardera, par contrat de travail à durée déterminée, sans terme précis, conclu pour pourvoir au remplacement d'un salarié absent pour maladie, à compter du 28 mai 2018.

Suite à un arrêté du conseil général, le contrat de travail de Mme [T] a été transféré à l'Association [1] Gironde autorisée à gérer le foyer du Gardera dans lequel Mme [T] était affectée et qui accueille des mineurs placés par décision judiciaire ou administrative.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [T] s'élevait à la somme de 3.955,86 euros bruts.

Le 29 août 2018, M. [O], directeur du foyer, a notifié par mail à Mme [T] sa mise à pied à titre conservatoire qui a été confirmée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du même jour.

Par lettre datée du 3 septembre 2018, Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 septembre 2018.

Elle a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 17 septembre 2018.

Soutenant que la rupture de son contrat de travail est abusive et réclamant diverses indemnités outre un rappel de salaire pour la période de mise à pied, Mme [T] a saisi le 31 octobre 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 31 janvier 2020, a :

- dit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée conclu avec Mme [T] est abusive,

- condamné l'Association [1] Gironde à verser à Mme [T] les sommes suivantes :

* indemnité en réparation des préjudices nés du licenciement abusif : 23.932,95 euros,

* rappel de salaire pour la période de mise à pied : 1.963,36 euros,

* congés payés afférents : 196,33 euros,

* rappel d'indemnité de précarité : 1.598,83 euros,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire soit 35.602,74 euros calculés sur la moyenne des trois derniers mois, cette moyenne étant de 35.602,74 euros,

- condamné l'Association [1] Gironde à verser à Mme [T] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné l'Association [1] Gironde aux dépens.

Par déclaration du 5 mars 2020, l'Association [1] Gironde, ci-après dénommée l'association, a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée par le greffe aux parties le 7 février 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juillet 2020, l'association demande à la cour de :

- dire que la rupture du contrat de travail à durée déterminée de Mme [T] repose sur une faute grave,

En conséquence :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [T] de toutes ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

- fixer le montant des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1243-4 du code du travail à la somme maximale de 19.779,30 euros,

Reconventionnellement,

- condamner Mme [T] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 octobre 2020, Mme [T] demande à la cour de'la dire recevable et bien fondée en son appel, de confirmer la décision en ce que la rupture de son contrat a été jugée illégale et quant aux condamnations prononcées sauf à porter à 30.000 euros le montant des dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la rupture abusive, lui allouer la somme supplémentaire de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamner l'appelante aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement adressée le 17 septembre 2018 à Mme [T] est ainsi rédigée :

« (...)

Les motifs de cette décision sont les suivants : Le 29 août 2018, vous avez pris l'initiative de renvoyer les jeunes qui devaient être présents dans l'unité des 'grands' sans en référer au directeur. Vous n'avez pas communiqué et encore moins justifié votre décision. Vous saviez que les moyens mis en 'uvre pour l'ouverture de nouvelles unités de notre établissement nécessitaient un taux d'occupation élevé dont vous n'avez pas tenu compte.

(...) ».

Pour voir infirmer la décision déférée, l'association appelante fait valoir que Mme [T] reconnaît les faits qui ont motivé la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée, se limitant à en contester la gravité.

En effet, dans son courrier du 29 août 2018, elle a indiqué : « ce n'est que tardivement que j'informe par mail Monsieur [O] du changement opéré. Je reconnais que ce manque de partage de décision n'est pas dans l'ordre d'un travail de qualité et je le regrette. (...) J'ai conscience des impacts économiques cependant le manque de connaissances budgétaires et comptables sont un frein à l'exercice de ma délégation ».

L'association fait valoir que la décision prise par Mme [T], de renvoyer 4 mineurs dans leur famille, sans en référer à sa hiérarchie, caractérise un manquement à ses obligations contractuelles d'exercer ses fonctions selon les instructions de la direction.

Elle ajoute que pour compenser les absences de personnel éducatif, M. [O], avait engagé des intérimaires mais que Mme [T] critiquait ce choix fait par son supérieur, estimant que ces intérimaires n'étaient pas suffisamment qualifiés pour prendre en charge les jeunes.

Elle soutient enfin que le personnel présent le 29 août, soit cinq agents, était suffisant pour encadrer les 8 mineurs initialement prévus.

L'association souligne enfin que la décision prise par Mme [O] était contraire aux mesures de placement ordonnées.

Mme [T] fait exposer que le mercredi 29 août, compte tenu des arrêts de travail pour maladie de deux salariés, Messieurs [E] et [Y], aucun éducateur n'était présent sur le groupe des grands avant 11 heures et après 14h30 ; seule une intérimaire était prévue pour intervenir entre 11 h et 14h 30 et ne s'est pas présentée.

Elle précise avoir tenté en vain de faire part à M. [O] de la situation en frappant à plusieurs reprises à la porte de son bureau mais ne pas avoir eu de réponse et explique qu'ensuite, son emploi du temps étant chargé, elle n'a pu l'informer qu'en fin de journée.

Elle conteste avoir reconnu les faits dans sa lettre du 29 août dans laquelle elle relatait au contraire l'ensemble des difficultés rencontrées au cours du mois d'août.

Elle ajoute que sa décision ne contrevenait pas à la situation des quatre enfants concernés : trois d'entre eux étaient en accueil provisoire, le quatrième faisait l'objet d'une mesure d'assistance éducative et les parents avaient un droit de visite.

Elle avait donc seulement à informer l'autorité administrative, ce que sa mise à pied immédiate ne lui a pas permis de faire.

Elle fait enfin valoir qu'aucun des salariés cités par l'association dans ses écritures comme ayant été disponible n'était en réalité présent, ou était affecté sur un autre groupe.

***

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'une pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

En premier lieu, il n'est pas établi par l'association que le jour des faits reprochés à Mme [T], le nombre d'éducateurs présents était suffisant pour assurer la prise en charge des mineurs du groupe des 'grands' accueillis ce jour là.

Si l'association cite dans ses écritures le nom des cinq éducateurs, aucune pièce ne permet de connaître leur affectation et il ressort du planning qu'elle produit que deux d'entre eux étaient absents (M. [K] était en 'MT' et aucune heure de travail ne figure sur le planninget M. [D] avait un rendez-vous avec le département).

En second lieu, Mme [T] n'est pas démentie lorsqu'elle indique avoir tenté en vain d'alerter le directeur, M. [O], licencié quelques mois plus tard, de la situation.

Par ailleurs, les termes du contrat de travail ne définissaient pas les missions confiées à Mme [T] et il n'est ainsi pas démontré que celle-ci, en présence de mineurs qui, faute de personnel, ne pouvaient être encadrés par un éducateur, ne pouvait pas prendre la décision, pour des raisons de sécurité, de les renvoyer au domicile parental.

L'association ne justifie pas que ce retour au domicile était contraire aux décisions lui ayant confié ces mineurs dont Mme [T] expliquait dans son courrier du 29 août, sans là encore être démentie, que l'un d'eux devait assister aux obsèques de son grand-père, que, pour deux d'entre eux, était prévue une sortie en famille relais, que le 4ème était

chez lui avec une perspective de retour en famille et que les deux autres ne voulaient pas rester seuls dans l'établissement, faute d'encadrant.

Enfin, les conséquences prétendument dommageables de la décision prise par Mme [T] ne sont étayées par aucun élément probant.

C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont estimé que la faute grave invoquée au soutien de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Mme [T] n'était pas établie.

Sur les demandes pécuniaires présentées par Mme [T]

L'existence d'une faute grave n'étant pas retenue, la demande au titre du salaire retenu durant la mise à pied à titre conservatoire et des congés payés afférents est fondée et la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné l'association au paiement des sommes de 1.963,36 euros bruts et de 196,33 euros bruts à ce titre.

***

Mme [T] sollicite le paiement de la somme de 30.000 euros à titre d'indemnité, soutenant que l'article L. 1243-4 du code du travail instaure un plancher minimum et non un plafond.

En tout état de cause, elle chiffre les salaires, indemnités de précarité et de congés payés inclus) dûs jusqu'au retour du salarié qu'elle remplaçait, licencié le 21 février 2019, à la somme de 23.932,95 euros qui lui a été allouée par le conseil de prud'hommes incluant :

- les salaires courant du 17 septembre 2018 au 21 février 2019 : 19.779,30 euros (3.955,86 X 5),

- les congés payés : 1.977,93 euros,

- l'indemnité de précarité : 2.175,72 euros.

L'association conclut à titre subsidiaire à la limitation des dommages et intérêts au montant des seuls salaires, soit 19.779,30 euros.

*

En application des dispositions de l'article L. 1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.

Tous les éléments de rémunération liés à la présence effective doivent être pris en compte sur la période concernée, soit une somme due de 19.779,30 euros au titre du salaire mensuel de 3.955,86 euros bruts non contesté, outre l'indemnité de précarité de 10%, soit 1.977,93 euros. En revanche, cette période qui n'est pas assimilée à du temps de travail effectif, n'ouvre pas droit à congés payés.

Enfin, si ainsi que le soutient l'intimée, le montant prévu par le texte susvisé est un minimum, dans la mesure où Mme [T] ne justifie ni même ne précise sa situation postérieurement à la rupture, elle n'établit pas l'existence d'un préjudice supérieur à ce montant.

En conséquence, l'association sera condamnée à lui payer la somme de 21.757,23 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement déféré étant réformé en ce qui concerne le montant de la somme allouée à ce titre.

Sur les autres demandes

L'association, partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à mme [T] la somme complémentaire de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf quant au quantum de la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée abusive du contrat de travail à durée déterminée de Mme [T],

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l'association [1] Gironde à payer à Mme [T] la somme de 21.757,23 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère abusif de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties,

Condamne l'association [1] Gironde aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [T] la somme complémentaire de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/01292
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.01292 ?
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