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10/05/2023 | FRANCE | N°20/01024

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 mai 2023, 20/01024


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 10 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/01024 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPHC













Monsieur [W] [P]



c/



Association PETITE ENFANCE, ENFANCE ET FAMILLE APEEF

















Nature de la décision : AU FOND
















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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 janvier 2020 (R.G. n°F 18/01846) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 21 février 2020,





APPELANT :

Monsieur [W] [P]

né le 02 Novembr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/01024 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPHC

Monsieur [W] [P]

c/

Association PETITE ENFANCE, ENFANCE ET FAMILLE APEEF

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 janvier 2020 (R.G. n°F 18/01846) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 21 février 2020,

APPELANT :

Monsieur [W] [P]

né le 02 Novembre 1974 à [Localité 3] ([Localité 3]) de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alain LAWLESS de la SELARL ART LEYES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Association Petite Enfance, Enfance et Famille (APEEF), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 418 760 716 00039

représentée par Me Anthony FOLLMER, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [W] [P] a été engagé en qualité de psychomotricien par l'association Petite Enfance, Enfance et Famille (ci après dénommée l'APEEF), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2002.

Il a ensuite été promu directeur technique d'établissement à compter du 4 mai 2015.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'animation.

Le 12 octobre 2016, M. [P] a entrepris de suivre une formation pour l'obtention d'un Certificat d'Aptitude aux Fonctions d'Encadrement et de responsable d'Unité d'Intervention Sociale (CAFERUIS) mais il a notifié l'arrêt de celle-ci à l'APEEF le 5 janvier 2018.

Le 23 avril 2018, l'APEEF a remis un protocole de rupture conventionnelle au salarié qui n'a pas souhaité accepter.

Par courrier du 26 avril 2018, l'APEEF a maintenu les conditions de sa proposition.

Par lettre datée du 27 avril 2018, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 14 mai 2018.

M. [P] a ensuite été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre datée du 17 mai 2018.

Le salarié a ensuite été placé en arrêt de travail pour maladie durant une semaine.

Par courrier du 7 juin 2018, M. [P] a contesté les faits reprochés aux termes de la lettre de licenciement.

Le 5 novembre 2018, le conseil de M. [P] a mis en demeure l'APEEF de lui verser des dommages et intérêts, invoquant le préjudice subi du fait du licenciement selon lui infondé.

A la date du licenciement, M. [P] avait une ancienneté de 15 ans et 8 mois et l'association occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et revendiquant le statut de cadre et sollicitant le paiement de indemnités et rappels de salaires, M. [P] a saisi le 4 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 31 janvier 2020, a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes et a condamné le salarié aux dépens.

Par déclaration du 21 février 2020, M. [P] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 février 2023, M. [P] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- dire que son licenciement pour insuffisance professionnelle n'est pas fondé et doit être qualifié comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- dire qu'il aurait dû bénéficier du statut cadre et ordonner la modification de son contrat de travail,

- condamner l'association APEEF à lui verser les sommes de :

* 33.636,33 euros à titre de dommages et intérêts,

* 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en l'absence de prise en compte du statut cadre à son contrat de travail,

* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner le remboursement par l'employeur des allocations chômage à hauteur de six mois d'indemnisation,

- condamner l'association APEEF aux dépens y compris les frais d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 février 2023, l'APEEF demande à la cour de'confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté M. [P] de l'intégralité de ses demandes, de l'infirmer pour le surplus, et, statuant à nouveau, de :

- juger les pièces n°11 et 44 produites par M. [P] irrecevables comme obtenues de manière déloyale,

- condamner M. [P] à payer à l'APEEF la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de 1ère instance et d'appel outre les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité des pièces 11 et 44 produites par M. [P]

L'association intimée demande que les pièces numéros 11 et 44 produites par M. [P], qui sont la retranscription du compte rendu de l'entretien préalable, soient déclarées irrecevables, considérant qu'elles ont été élaborées à partir d'un enregistrement audio réalisé frauduleusement.

M. [P] ne fait valoir aucune observation sur ce point.

Cette demande doit être accueillie car le salarié, en procédant à l'enregistrement de cet entretien à l'insu de son interlocuteur, produit un moyen de preuve obtenu de façon déloyale. Ces pièces seront en conséquences écartées.

Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de la direction, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

* * *

La lettre de licenciement adressée à M. [P] comporte deux séries de griefs à savoir son inaptitude à investir la fonction de directeur et son incapacité à animer une équipe de salariés entrainant notamment une baisse du taux de fréquentation de l'établissement et ce, malgré la formation CAFERUIS dispensée, à laquelle M.[P] a mis un terme avant son échéance, pour des motifs personnels.

Le salarié considère que cette lettre ne comporte aucun élément objectif pour qualifier l'insuffisance professionnelle retenue à son égard alors que son licenciement reposerait en réalité sur un motif économique au regard des difficultés de l'établissement préexistantes à son licenciement.

- Sur l'inaptitude de M. [P] à investir une fonction de directeur

Ce premier grief est ainsi développé dans la lettre de licenciement :

« A la réunion du 6 novembre 2017, [O] [X] a mis l'accent sur le constat alarmant des taux de remplissage de votre établissement en septembre et octobre 2017. Sans aucune explication a priori, votre établissement a affiché des chiffres très faibles par rapport à ceux qui sont habituellement réalisés et en tout état de cause très inférieurs aux priorités définies par la direction et clairement énoncés lors des réunions de coordination mensuelles'».

Au soutien de ce grief, l'association précise que malgré certains aménagements et l'aide apportée au salarié par la coordinatrice des directions de pôles afin de tenter d'atteindre les objectifs, malgré la formation diplômante CAFERUIS dispensée au salarié à sa demande et interrompue par lui pour des motifs personnels, le taux d'occupation de la structure dirigée par M. [P] a été faible.

L'association invoque les éléments suivants :

- le contrat de travail la liant au salarié engagé à compter du 4 mai 2015 en qualité de directeur technique multi-accueil, classé au groupe E de la convention collective de l'animation, coefficient 350,

- la fiche de poste du directeur technique multi-accueil dont il ressort qu'il assure notamment la bonne marche administrative et financière du service en suivant la saisie des inscriptions et la fréquentation des accueils,

- un indicateur mensuel d'activité faisant apparaître un taux d'occupation de 29,9% pour le mois de septembre 2017,

- l'entretien d'évaluation du salarié pour l'année 2015 à l'issue duquel une formation CAFERUIS est envisagée afin d'améliorer les compétences de gestion administrative et d'affirmer une fonction de direction,

- la prise en charge financière de la formation CAFERUIS pour 820 heures d'octobre 2016 à juin 2018 pour un montant de 7.950 euros au titre du coût pédagogique outre le paiement des salaires mensuels de M. [P],

- un courrier adressé à l'association le 5 janvier 2018 par M. [P] qui indique ne pas souhaiter poursuivre la formation pour raisons personnelles et vouloir réintégrer son poste sur les jours initialement prévus en congé individuel de formation,

- l'attestation de Mme [X], directrice Petite Enfance et Parentalité de l'association, précisant avoir pallié l'absence du salarié pendant sa formation et être restée à la disposition de son équipe,

- le courrier en date du 26 janvier 2018 adressé au salarié par M. [E], directeur de l'association, déplorant la décision de M. [P] et lui proposant une nouvelle organisation de son temps de travail afin de lui permettre de poursuivre cette formation,

- l'entretien d'évaluation 2017 du salarié qui s'est déroulé le 9 octobre 2017, signé par ses soins, dont il résulte que les compétences de direction sont «'à soutenir encore'» et un positionnement de directeur à affirmer en terminant la formation CAFERUIS, le salarié s'étant interrogé sur son tempérament et sa personnalité pour la direction au cours de l'entretien, ce que confirme Mme [X] aux termes de son attestation.

De son côté, M. [P] explique qu'après avoir évolué au sein de de l'établissement du «'Jardin de l'eau vive'»' en qualité de psychomotricien pendant plus de douze ans, il a été nommé au poste de directeur technique en mai 2015 suite à sa candidature à ce poste.

Il affirme qu'aucune marque d'insatisfaction ne lui a jamais été adressée avant l'année 2017 à partir de laquelle il estime que l'association a connu une situation de crise liée à des difficultés relationnelles entre la direction et certains membres du personnel outre une réduction et une suppression de certaines subventions municipales entrainant de graves difficultés économiques, la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la suppression d'emplois et la fermeture en décembre 2018 de l'établissement du «'Jardin de l'eau vive'».

ll fait valoir que son entretien d'évaluation de 2015 intervenu un mois après sa prise de poste ne peut suffire à caractériser une quelconque insuffisance professionnelle de sa part.

S'agissant de l'interruption de sa formation, il affirme ne pas avoir eu d'autres choix dans la mesure où sa présence était indispensable au sein de l'établissement et produit en ce sens l'attestation de Mme [N], éducatrice de jeunes enfants, qui, ayant occupé un poste au sein du Jardin de l'eau vive de 1992 à juillet 2019, met en avant les qualités professionnelles et les relations cordiales entretenues avec le salarié et explique que ce dernier a décidé de suspendre sa formation pour un an car «'il avait besoin de se rendre disponible pour la structure et l'équipe'», sans autre précision quant aux difficultés subies par l'établissement du fait de l'absence de son directeur technique alors que par ailleurs, au cours de l'entretien préalable le salarié a pu préciser sur ce point avoir : «'fait le choix entre son mal-être et sa capacité à continuer à travailler'».

Il ressort des pièces et explications des parties qu'aucun élément ne vient contredire l'argument de l'employeur selon lequel il avait été pourvu au remplacement de M. [P] pendant sa formation. D'ailleurs le courrier que lui a adressé le directeur de la structure témoigne de l'accompagnement proposé pour poursuivre la formation entamée dont la nécessité a été rappelée au cours des différentes évaluations du salarié, ce dont il avait convenu.

S'agissant de l'entretien individuel de 2017, le salarié considère que les doutes qu'il avait émis quant à son aptitude à ce poste sont insuffisants à démontrer son incompétence, n'ayant jamais été destinataire de reproches concernant son exercice.

Il ajoute avoir parfaitement rempli les missions assignées aux termes de sa fiche de fonctions. Selon lui, il n'avait pas en charge la politique de fréquentation de l'établissement, cette mission relevant de la responsabilité de la direction générale.

Néanmoins, il ressort de sa fiche de fonction qu'il devait assurer la bonne marche administrative et financière du service et notamment la fréquentation des accueils. Or l'étude de la fréquentation de l'établissement démontre, à l'aune des pièces versées par le salarié'lui-même, que le taux de remplissage a connu une baisse significative en septembre 2017 au regard de ceux de 76 % et 71 % en 2015 et 2016 sans que M. [P], interrogé par l'employeur sur ce point, ne fournisse d'explications objectives.

Dans ses écritures, il indique que le nombre d'enfants accueillis était volontairement inférieur au nombre maximal car il s'agissait pour la plupart d'enfants ayant des retards et des troubles du développement et/ou des familles en grande difficulté, suivant ainsi une orientation stratégique de la direction de l'association sans toutefois étayer cette affirmation par le moindre élément probant.

De la même façon, le projet éducatif de l'association pour l'année 2017 produit par M. [P] concerne l'ensemble des établissements de l'association ce qui ne peut expliquer la baisse de fréquentation relevée pour le seul établissement le Jardin de l'eau vive.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, ce grief est établi car ainsi que le souligne l'employeur, le salarié a abandonné la formation CAFERUIS sans justification objective alors même que son utilité avait été mise en avant à plusieurs reprises pour lui permettre d'assurer ses nouvelles responsabilités de directeur technique, ce qu'il n'avait pas contesté.

- Sur l'incapacité de M. [P] à animer une équipe de salariés

Ce grief est décliné comme suit :

«'(...) le 27 mars 2018 j'ai été alerté par le CHSCT, destinataire d'un courrier de plainte émis par l'équipe de votre site qui l'adressait concomitamment au secrétaire de la DUP, à la médecine du travail et à l'inspection du travail. Ce courrier mettait en exergue toutes les difficultés rencontrées par ces salariés dans leur exercice professionnel quotidien. On y retrouve notamment les termes de stress, épuisement, dévalorisation du travail, manque de soutien souffrance au travail...il est incompréhensible que les problèmes invoqués par ces salariés n'aient fait l'objet d'aucune remontées d'information de votre part auprès de votre hiérarchie et que vous n'ayez mis en place aucune action corrective en vue de les résoudre (...). Le 3 avril 2018, vous avez été reçu par [O] [X] pour recevoir vos observations. Vous n'avez pas fourni d'éléments de nature à nous rassurer sur votre capacité à animer une équipe ou sur votre aptitude à réagir en directeur dans un contexte socio-économique délicat. Le 4 avril 2018, j'ai reçu l'équipe du Jardin de l'eau vive en votre présence et je leur ai notamment demandé pourquoi ils n'avaient pas utilisé la voie hiérarchique pour exprimer leur malaise. Pour ma surprise, ils ont déclaré qu'ils avaient fait part de leurs difficultés à plusieurs reprises et que devant l'absence de réponse, ils ont été contraints de passer au dessus. Ce nouveau constat de votre insuffisance à assumer correctement vos fonctions met en cause la bonne marche de l'établissement et lors des entretiens des 5 et 25 avril 2018, vous n'avez pas fourni d'éléments de nature à nous faire espérer un quelconque changement (...)'».

L'association verse aux débats les pièces suivantes :

- le courrier des cinq salariés du Jardin de l'eau vive faisant état notamment d'un manque d'information sur les changements envisagés, les orientations et objectifs de l'association, un manque de reconnaissance, des rumeurs sur le manque de professionnalisme de l'équipe, sur son incompétence, une mauvaise adéquation du travail à la capacité et aux moyens mis à la disposition des salariés, l'exposition à un environnement agressif, l'ensemble de ces facteurs engendrant du stress de l'épuisement, l'impression de ne pouvoir faire face à la situation, une dévalorisation du travail, un manque de soutien ainsi que des difficultés à concilier vie professionnelle et personnelle,

- l'attestation de Mme [X] qui, d'une part, relate avoir interrogé M. [P] à ce sujet et avoir eu pour réponse qu'il était au courant de cette démarche et la comprenait sur de nombreux points évoqués et, d'autre part, confirme que les salariés ont été reçus ainsi que M. [P] par le directeur de l'association.

De son côté, le salarié soutient ne pas avoir participé à la rédaction de ce courrier qui ne concernait pas l'exercice de ses fonctions mais davantage les orientations stratégiques de la direction générale. Il ajoute que lors de la réunion du 4 avril 2018, il n'avait pu s'exprimer et l'ensemble des salariés avait précisé qu'il avait fait remonter ces dysfonctionnements à la direction générale. Il produit en ce sens les attestations de Mmes [N], [M] et [Y].

Si ces attestations mettent en avant les qualités humaines et professionnelles de M. [P], aucune ne précise que ce dernier avait avisé la direction des difficultés évoquées dans le courrier en cause. Ces salariées exposent au contraire que M. [P] a «'manifesté sa compréhension et son soutien à son équipe'» conscient des difficultés rencontrées par elle.

Par voie de conséquence, ce grief est établi dès lors qu'il n'est pas démontré, contrairement à ce qu'il prétend, que M. [P] a avisé sa hiérarchie des difficultés éprouvées par son équipe traduisant en cela son incapacité à animer une équipe, prendre en compte ses attentes et ses demandes, y apporter des réponses et anticiper ses besoins en lien avec sa hiérarchie.

- Sur le motif économique «dissimulé»

L'affirmation de l'appelant selon laquelle son licenciement relèverait d'un motif économique au regard des difficultés de l'établissement préexistantes à son licenciement n'est étayée par aucun élément objectif, un seul licenciement économique étant intervenu après la procédure mise en oeuvre à son encontre, soit en octobre 2018 et concernait une animatrice de l'association travaillant au sein des écoles, en raison de la réforme des rythmes scolaires mise en oeuvre en septembre 2018.

* * *

Les éléments retenus ci-avant établissent un manquement du salarié à ses obligations professionnelles notamment au regard de sa fiche de poste alors que l'association a mis en oeuvre les moyens propres à lui permettre d'exercer ses nouvelles missions par une formation qu'il avait sollicitée et en l'accompagnant à cet effet.

Par voie de conséquence, le licenciement du salarié repose sur une cause sérieuse.

La décision des premiers juges sera donc confirmée de ce chef.

Sur la demande relative au statut cadre et les demandes de rappels de salaires subséquentes

Sollicitant l'allocation d'une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, M. [P] affirme que les fonctions exercées correspondaient à celles d'un cadre dans la mesure où, en raison des difficultés financières de l'association, il avait géré en parfaite autonomie la structure et avait agi comme s'il détenait une délégation permanente de responsabilité relevant des missions d'un cadre du groupe G de la convention collective applicable, sans toutefois les préciser et les objectiver par des éléments probants.

Ainsi que le souligne l'employeur, le statut de cadre au niveau G fait état de personnel disposant d'une délégation permanente de responsabilité et d'une autonomie qui implique que le contrôle s'appuie notamment sur une évaluation des écarts entre les objectifs et les résultats.

La classification du niveau E retenue aux termes du contrat de travail de M. [P] prévoit les critères suivants : le salarié peut être responsable de manière permanente d'une équipe, il définit le programme de travail de l'équipe ou du service et conduit son exécution. Il peut avoir la responsabilité de l'exécution d'un budget de service ou d'équipement. Il peut bénéficier d'une délégation de responsabilité dans la procédure de recrutement. Il peut porter tout ou partie du projet à l'extérieur dans le cadre de ses missions. Son autonomie repose sur une délégation hiérarchique budgétaire et de représentation sous le contrôle régulier du directeur ou d'un responsable hiérarchique.

Le salarié qui se limite à affirmer avoir agi comme s'il détenait une délégation permanente de responsabilité sans en justifier et sans démontrer avoir accompli des actes relevant de cette classification, sera débouté de sa demande à ce titre.

La décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

Partie perdante à l'instance et en son recours, M. [P] supportera les dépens et sera condamner à verser à l'association la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare irrecevables les pièces 11 et 44 produites par M. [P],

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [P] à verser à l'association Petite enfance, Enfance et Famille la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamne M. [P] aux dépens.

Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/01024
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.01024 ?
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