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10/05/2023 | FRANCE | N°20/01023

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 mai 2023, 20/01023


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 10 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/01023 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPHA













Madame [G] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 33063/02/20/6736 du 18/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



c/



Monsieur [Z] [B]

Madame [H] [I]

Madame [O] [A]

M

adame [R] [B]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02540) par le Conseil de Prud'hommes - Fo...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/01023 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPHA

Madame [G] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 33063/02/20/6736 du 18/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

Monsieur [Z] [B]

Madame [H] [I]

Madame [O] [A]

Madame [R] [B]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02540) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 21 février 2020,

APPELANTE :

Madame [G] [P] née [D]

née le 05 Juin 1967 à [Localité 4] (GABON) de nationalité Gabonaise, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Clémence TOSTIVINT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [Z] [B], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Madame [H] [B] épouse [I], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Madame [O] [B] épouse [A], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

Madame [R] [B] née [S], née le 17 Décembre 1933 à [Localité 5] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

en leur qualité d'ayants droit de Monsieur [T] [B]

représentés par Me Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Lourdement handicapé à la suite d'un accident de la circulation, Monsieur [T] [B], a engagé Madame [G] [D] épouse [P], née en 1967, en qualité d'aide à domicile, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2009.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du particulier employeur.

M. [B] est décédé le 2 janvier 2013.

Le lendemain, Mme [P] a adressé une correspondance à la famille de M. [B] afin d'obtenir des informations quant à son éventuel licenciement et solliciter un rappel de salaire.

Par courrier du 7 février 2013, Mme [O] [B], agissant en qualité de représentant de l'indivision des ayants droit de M. [B], composée outre d'elle-même de Mme [R] [B], M. [Z] [B] et Mme [H] [B], a informé Mme [P] de la rupture automatique de son contrat de travail du fait du décès.

Sollicitant le paiement d'heures supplémentaires et des rappels de salaires, Mme [P] a saisi le 20 octobre 2016 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu en formation de départage le 14 janvier 2020, a :

- rejeté l'intégralité des demandes formées par Mme[P] à l'encontre de Mmes [B] née [S], [B] épouse [I], [B] épouse [A] et M. [Z] [B],

- rejeté la demande d'indemnité pour frais irrépétibles présentée par l'indivision,

- condamné Mme [D] épouse [P] aux dépens.

Par déclaration du 21 février 2020, Mme [P] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe reçue le 22 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 février 2023, Mme [P] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- condamner les consorts [B] à lui verser la somme totale de 60.805,66 euros, soit

* à titre principal, 34.708,52 euros au titre du rappel de salaire dû en raison du non-respect des heures contractuelles de travail effectif réalisées,

* à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que la totalité du temps de travail ne constituait pas du temps de travail effectif, 24.424,71 euros,

* 703,34 euros au titre du non-paiement des majorations des heures supplémentaires contractuellement prévues,

* 12.650 euros au titre du non-paiement des heures supplémentaires réalisées,

* 923,51 euros au titre de l'indemnité de licenciement recalculée,

* 1.850,29 euros au titre de l'indemnité de préavis recalculée,

* 10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts,

- débouter les consorts [B] de l'ensemble de leurs demandes,

- les condamner à lui verser la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 février 2023, Mme [R] [B], M. [Z] [B], Mme [H] [B] et Mme [O] [B] demandent à la cour de dire mal fondées et injustifiées les demandes de Mme [P] et de :

Sur la demande de rappel de salaire :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré

- débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes toutes injustifiées et infondées,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour réformait le jugement et entrait en voie de condamnation :

- limiter le montant des rappels de salaire à la somme de 14.336,92 euros bruts,

Sur la demande d'heures supplémentaires :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux,

- débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes toutes injustifiées et infondées,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour réformait le jugement et entrait en voie de condamnation :

- limiter le montant du rappel d'heures supplémentaires à la somme de 1.070,01 euros bruts,

- constater qu'ils s'en remettent à l'appréciation de la cour sur la demande de rappel de salaire au titre de la majoration des heures supplémentaires,

Sur la demande de rappel de préavis :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux et débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes toutes injustifiées et infondées,

Sur la demande de reliquat d'indemnité de licenciement :

- débouter Mme [P] de cette demande à titre principal,

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour entrait en voie de condamnation, limiter le montant du reliquat d'indemnité de licenciement à la somme de 100,59 euros,

Sur la demande de dommages et intérêts :

- débouter Mme [P] de cette demande, irrecevable à titre principal et infondée à titre subsidiaire,

En tout état de cause,

- faire droit à la demande reconventionnelle des ayants droit de M. [B] et condamner Mme [P] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'instance en ce compris les frais d'exécution,

- faire droit à leur demande reconventionnelle et condamner Mme [P] à leur allouer la somme de 442,56 euros à titre de remboursement du trop-perçu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes nouvelles

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les demandes énoncées au dispositif.

Aucune irrecevabilité de demandes nouvelles portant sur le paiement de la majoration des heures supplémentaires payées et au titre du reliquat au titre de l'indemnité de licenciement, n'a été soulevée par les consorts [B] dans le dispositif de leurs dernières conclusions d'appel, de sorte que les développements des parties à cet égard sont sans objet.

Quant à la demande à titre de dommages et intérêts , elle présente un lien suffisant avec les prétentions formulées en première instance et est donc recevable.

Sur la demande de rappel de salaire et la demande au titre des heures supplémentaires

Mme [P] soutient d'une part, ne pas avoir été rétribuée de l'intégralité des heures de travail contractuellement arrêtées à hauteur de 241 heures mensuelles lorsqu'elle était au service de M. [B] et, d'autre part, avoir effectué 8 heures supplémentaires chaque semaine pendant trois ans, au-delà des 241 heures mensuelles prévues au contrat.

Relevant que la répartition de son temps de travail entre les heures de travail effectif et les heures de présence responsable ne figure pas sur son contrat de travail, Mme [P] fait valoir que les éléments fournis par ses soins aux débats permettent de caractériser un temps effectif de travail conforme aux horaires prévus au contrat de travail ainsi arrêtés :

«'horaire hebdomadaire : en roulement du lundi au vendredi de 18h30 à 9 h00, week-end: 2 par mois du samedi 9h00 au lundi 9h00'».

Elle conclut avoir ainsi effectué 241 heures chaque mois de travail réparties de la façon suivante :

- 14,30 heures par jour X 5 X 2 semaines = 145 heures par mois

- 48 heures par semaine X 2 semaines = 96 heures,

dont elle dit ne pas avoir été intégralement rémunérée, estimant que cette durée contractuelle est supérieure à la durée hebdomadaire prévue par la convention collective applicable.

S'agissant des heures supplémentaires, Mme [P] indique n'avoir cessé d'être à la disposition de son employeur, ce dernier la sollicitant à toute heure du jour et de la nuit.

Elle soutient par ailleurs que le taux de rémunération de 9,12 euros appliqué par l'employeur est inférieur au taux horaire de 9,20 euros prévu par la convention collective.

Selon l'appelante, en raison de la situation de dépendance intégrale de son employeur dont elle s'occupait, son temps de travail ne pouvait s'analyser en temps de présence responsable dans la mesure où il ne dormait que très rarement la nuit et faisait appel à elle pour fumer, regarder la télévision, aller aux toilettes ou recevoir des massages sur ses membres ankylosés.

*

Rappelant les dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, les consorts [B] soutiennent que la salariée ne fournit aucun élément probant au soutien de ses réclamations et contestent la pertinence des attestations produites soit quant à leur régularité en ce qu'elles ne répondent pas aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, soit quant à leur caractère imprécis.

Selon eux, M. [B] ne pouvait ni compléter ni signer les bulletins de salaire en raison de sa situation de handicap de sorte que ceux-ci ont été complétés par Monsieur [W], autre salarié de M. [B], à partir d'un relevé de ses horaires qu'elle établissait avec M. [B] ainsi qu'elle l'avait indiqué à l'audience de première instance.

Ils exposent qu'en raison de son état, trois personnes intervenaient aux cotés de M. [B] dont Mme [P] qui assurait, deux semaines par mois, la surveillance le soir et la nuit, lui préparait son repas du soir et le lui servait alors qu'il était déjà couché.

Les intimés ajoutent qu'elle disposait d'une chambre à côté de celle de M. [B] et ne pouvait comme elle le prétend l'accompagner jusqu'aux toilettes car, tétraplégique, il ne pouvait se déplacer.

Ils affirment que les heures contractuelles telles que soutenues par Mme [P] ne peuvent correspondre en totalité à du temps de travail effectif et font état d'un volume horaire mensuel fixé à 110 heures 30.

Enfin, ils concluent que Mme [P] a été remplie de ses droits et même au-delà.

* * *

Si les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et au temps partiel ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, il n'en va pas de même de celles de l'article L. 3171-4 du code du travail'relatives à la preuve de l'existence ou du nombre des'heures'effectuées.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d''heures'de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d''heures'de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux'heures'non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des'heures'de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments.

Par ailleurs l'article 3 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur applicable, consacré à la'présence'responsable,'énonce que les salariés occupant un poste d''emploi'à caractère'familial'assument une responsabilité auprès de personnes : enfants, personnes âgées handicapées, ou dépendantes.

Sont visés l'ensemble des emplois repères du domaine « Adulte », du domaine « Enfant » et l'emploi-repère « Employé(e)'familial'(e) auprès d'enfants ».

Dans le cadre de l'horaire défini dans le contrat de travail, ces salariés peuvent effectuer des'heures'de travail effectif mais aussi des'heures'de'présence'responsable.

Ces'heures'de'présence'responsable'sont celles où le salarié peut utiliser son temps pour lui-même, tout en restant vigilant pour intervenir, s'il y a lieu. Elles ne se décomptent pas comme des'heures'normales de travail effectif : en effet, une heure de présence responsable équivaut à 2/3 d'une heure de travail effectif.

A raison de l'emploi'occupé auprès de M. [B], personne handicapée, Mme [P] relève de ces dispositions.

En outre, l'article 6 prévoit que :

«'La'présence'de nuit, compatible avec un'emploi'de jour, s'entend de l'obligation pour le salarié de dormir sur place dans une pièce séparée, sans travail effectif habituel, tout en étant tenu d'intervenir éventuellement dans le cadre de sa fonction.

Cette'présence'de nuit ne peut excéder 12'heures'.

Il ne pourra être demandé plus de 5 nuits consécutives, sauf cas exceptionnel.

Pour les salariés tenus à une'présence'de nuit, le logement ne sera pas pris en compte dans l'évaluation des prestations en nature et donc ne sera pas déduit du salaire net.

Cette'présence'de nuit sera prévue au contrat et rémunérée pour sa durée par une indemnité forfaitaire dont le montant ne pourra être inférieur à 1/6 du salaire conventionnel versé pour une même durée de travail effectif. Cette indemnité sera majorée en fonction de la nature et du nombre des interventions.

Si le salarié est appelé à intervenir toutes les nuits à plusieurs reprises, toutes les'heures'de nuit sont considérées comme des'heures'de'présence'responsable'.

Cette situation ne peut être que transitoire. Si elle perdure le contrat sera revu ».

En l'espèce, Mme [P] produit au soutien de ses demandes tant au titre du rappel de salaire qu'au titre des heures supplémentaires:

- son contrat de travail qui ne fixe pas la répartition entre les heures'de travail effectif et les'heures'de'présence'responsable,

- ses bulletins de salaire des mois d'octobre 2009 à janvier 2013,

- un tableau synthétique «'à titre principal'» reprenant les heures payées et celles restant à devoir au regard de l'horaire contractuel qu'elle fixe à hauteur de 241 heures mensuelles de mai 2009 à novembre 2012 sans plus de précision quant aux horaires journaliers et hebdomadaires réalisés,

- un tableau synthétique «'à titre subsidiaire'» reprenant l'horaire mensuel contractuel de 241 heures retenu par ses soins, composé de 84 heures au titre des heures de présence responsable et 157 heures au titre des heures de travail effectif, de mai 2009 à novembre 2012, tableau qui n'est pas plus précis quant aux horaires journaliers et hebdomadaires réalisés,

- un document d'une ligne faisant état de 8 heures supplémentaires hebdomadaires pendant 3 années dont elle déduit les 16 semaines d'hospitalisation de M. [B],

- une déclaration sur l'honneur de Mme [M] domiciliée en Guyane depuis 2011, expliquant avoir occupé l'emploi d'aide à domicile auprès de M. [B] avant Mme [P], de 18 heures à 9 h00, afin de s'assurer un complément de revenus et estimant que ce travail ne lui semblait pas trop pénible,

- une attestation de M. [F] [U], ami de la famille [P], qui affirme que la salariée travaillait de 18h30 à 9h00 en plus d'un week-end sur deux du samedi 9h00 au lundi 9h00,

- une attestation commune de trois infirmières à domicile confirmant la présence de Mme [P] au domicile de M. [B] de mai 2009 à décembre 2012, certains jours de la semaine, week-end et jours fériés,

- une attestation «'d'emploi détaillé'» établie le 6 décembre 2010 sur laquelle figure la signature de M. [B], mettant en avant les qualités humaines et professionnelles de la salariée en précisant que trois personnes se succèdaient auprès de lui pour assurer les actes quotidiens, sans autre précision quant aux horaires de la salariée.

En l'absence d'un décompte des heures réalisées, les tableaux synthétiques versées par la salariée - ajustables à la cause et ne présentant de fait aucun caractère de fiabilité - ne sauraient constituer des éléments suffisamment précis alors qu'il est démontré par ailleurs que M. [B] a été hospitalisé 16 semaines sur cette période sans qu'il en soit tenu compte par la salariée dans ses tableaux établis à l'appui de sa demande de rappels de salaire, cette période étant en revanche prise en compte au titre du tableau des heures supplémentaires.

Par ailleurs, les déclarations faites par Mme [M] ou par M. [F] [U], outre qu'elles ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, ne sont pas plus éclairantes sur les heures de travail réellement effectuées par Mme [P] notamment quant à la nature des tâches accomplies par celle-ci.

Dés lors, les éléments produits sont insuffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et de justifier des horaires effectivement réalisés.

Les premiers juges ont ainsi retenu à juste titre que la salariée n'a pas accompli d'heures au-delà du volume pour lequel elle a été rémunérée chaque mois.

*

S'agissant des demandes au titre du taux horaire, Mme [P] sollicite un rappel de salaire sur la base d'un taux horaire de 9,20 euros pour les trois premières années et de 9,48 euros pour les trois derniers mois, ce que contestent les intimés estimant que la salariée est redevable à leur endroit de la somme de 442,56 euros au titre du trop perçu.

Procédant à l'examen tant du tableau synthétique que Mme [P] a établi à cet effet que de ses bulletins de salaire, il convient de constater que :

- entre le mois d'octobre 2009 et le mois de mai 2011 soit 19 mois, le taux horaire appliqué était celui de 9,12 euros au lieu de 9,20 euros,

- de juin 2011 au mois d'octobre 2012, soit 16 mois, le taux horaire réglé était de 9,90 euros pour atteindre 10 euros en novembre 2012 au lieu du taux de 9,20 euros conventionnel passant à 9,48 les trois derniers mois.

Il résulte dès lors de ces éléments que Mme [P] est redevable de la somme de 442,56 euros à titre de trop perçu.

En conséquence, il convient par confirmation du jugement entrepris, de débouter Mme [P] de ses demandes de rappel de salaire et d'heures supplémentaires.

Elle sera en revanche condamnée à verser à l'indivision [B] la somme de 442,56 euros à titre de trop perçu.

Sur la demande au titre du non paiement des majorations des heures supplémentaires

Après avoir rappelé les dispositions légales en la matière, l'appelante sollicite le paiement de la somme de 703,34 euros au titre des majorations des heures supplémentaires effectuées en novembre et décembre 2009 figurant sur ses bulletins de salaire, ce qui n'est pas contesté par les intimés.

Par voie de conséquence, au regard des bulletins de salaire versés à la procédure il convient de condamner l'indivision [B] à verser à Mme [P] la somme de 703,34 euros au titre de la majoration des heures supplémentaires.

Le jugement dont appel sera infirmé sur ce point.

Sur le reliquat au titre de l'indemnité de licenciement et de préavis

Mme [P] sollicite l'allocation de la somme de 923,51 euros et celle de 1.850,29 euros représentant le solde des indemnités de rupture recalculées à partir des rappels de salaire sollicités, ce à quoi s'opposent les intimés estimant qu'elle a été remplie de ses droits.

L'appelante ayant été déboutée pour l'essentiel de ses demandes de rappel de salaire et se voyant seulement allouer une somme au titre des mois de novembre et décembre 2009 il n'y a pas lieu de procéder à une nouvelle évaluation des indemnités dues au titre de la rupture du contrat intervenue suite au décès de M. [B] survenu le 2 janvier 2013..

La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a débouté l'appelante de ce chef de demande.

Sur la demande à titre de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat

Sollicitant l'allocation d'une somme de 10.000 euros, Mme [P] soutient que l'employeur a manqué à ses obligations contractuelles en ce qu'il l'a placée dans une situation de précarité en l'empêchant d'anticiper les horaires de travail demandés chaque mois et en ne respectant pas les durées maximales de travail et de repos obligatoires.

En réplique, les intimés affirment que la salariée est mal venue de prétendre que l'employeur aurait manqué à ses obligations contractuelles alors qu'elle a contribué au paiement des salaires qu'elle conteste puisque c'est elle qui complétait ses bulletins de salaire. Ils ajoutent qu'elle ne verse aucun élément probant au soutien de ses demandes.

* * *

L'article L.1221-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Eu égard aux développements supra et notamment au fait que la salariée n'a pas été rémunérée des majorations des heures supplémentaires dues, il convient de condamner l'employeur à lui verser la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

L'indivision [B] intimée, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens.

La solution du litige et l'équité commandent d'ordonner que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [P] de ses demandes au titre du rappel de salaire et des heures supplémentaires,

L'infirmant pour le surplus et y ajoutant,

Condamne Mme [P] à verser à Mme [O] [B], Mme [R] [B], M. [Z] [B] et Mme [H] [B] ayants droit de M. [T] [B], la somme de 442,56 euros à titre de trop perçu,

Condamne Mme [O] [B], Mme [R] [B], M. [Z] [B] et Mme [H] [B], ayants droit de M. [T] [B] à verser à Mme [P] les sommes suivantes :

- 703,34 euros au titre de la majoration des heures supplémentaires accomplies,

- 200 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Déboute Mme [P] de sa demande au titre du reliquat des indemnités de rupture,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles,

Condamne Mme [O] [B], Mme [R] [B], M. [Z] [B] et Mme [H] [B], ayants droit de M. [T] [B] aux dépens.

Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/01023
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.01023 ?
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