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10/05/2023 | FRANCE | N°20/00811

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 mai 2023, 20/00811


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 10 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00811 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOU4















Monsieur [N] [Y]



c/



S.A.S.U. 42

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :





à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 janvier 2020 (R.G. n°F 19/00042) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 13 février 2020,





APPELANT :

Monsieur [N] [Y]

né le 01 Juin 1989 à [Localité 2] (MALI) de nationalit...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00811 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOU4

Monsieur [N] [Y]

c/

S.A.S.U. 42

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 janvier 2020 (R.G. n°F 19/00042) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 13 février 2020,

APPELANT :

Monsieur [N] [Y]

né le 01 Juin 1989 à [Localité 2] (MALI) de nationalité Malienne

Profession : Soudeur, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alexandre ALJOUBAHI, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉE :

SASU 42, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social,8, [Adresse 3]

N° SIRET : 837 953 165

représentée par Me Elizaveta VASINA-DUGUINE de la SELARL LEX-PORT, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Géraldine AUDINET, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente et Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [N] [Y], né en 1989, a été engagé en qualité d'employé d'exploitation de nuit au sein d'un hôtel situé à Boulazac en Dordogne par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (104,01 heures par mois) à compter du 5 décembre 2014 par la SNC Lourdes Invest Hôtels, reprise ensuite par la SASU 42.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [Y] s'élevait à la somme de 1.029,60 euros.

Le 4 septembre 2018, M. [Y] a reçu un avertissement pour ne pas s'être présenté sur son lieu de travail sans avoir prévenu les 31 août et 1er septembre.

Par courrier du 30 octobre 2018, la directrice de l'hôtel a informé la société du comportement violent et agressif de M. [Y].

Par lettre datée du 30 octobre 2018, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 novembre 2018, avec mise à pied à titre conservatoire.

M. [Y] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 19 novembre 2018.

A la date du licenciement, M. [Y] avait une ancienneté de 3 ans et 11 mois et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et demandant l'annulation de la mise à pied conservatoire ainsi que le paiement de diverses indemnités, M. [Y] a saisi le 22 février 2019 le conseil de prud'hommes de Périgueux qui, par jugement rendu le 21 janvier 2020, a :

- dit que le licenciement de M. [Y] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [Y] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société 42 de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 13 février 2020, M. [Y] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 avril 2020, M. [Y] demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu, en ce que cette décision :

* dit que son licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

* le déboute de l'intégralité de ses demandes,

* le condamne aux dépens,

Statuant à nouveau,

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- annuler la mise à pied conservatoire,

En conséquence,

- condamner la SASU 42 anciennement dénommée EURL 42 à lui payer les sommes suivantes :

* 2.059,20 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 178,16 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

* 712,60 euros bruts au titre des 20 jours de mise à pied à titre conservatoire,

* 89,075 euros bruts (sic) au titre des congés payés afférent à la mise à pied conservatoire,

* 1.108,96 euros bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 5.148 euros bruts de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- dire que toutes les sommes réclamées seront productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes, soit le 19 février 2019,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la SASU 42 anciennement dénommée EURL 42 en cause d'appel (sic), à verser à Maître Aljoubahi la somme de 2.000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 juin 2020, la société 42 demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Périgueux en date du 21 janvier 2020,

- en conséquence, dire que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [Y] est fondé, et la faute grave caractérisée, avec toutes conséquences de droit,

- débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner à payer à la société 42 la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement adressée à M. [Y] le 19 novembre 2018 est ainsi rédigée :

« [...]

votre comportement est inacceptable.

Vous êtes d'une agressivité et d'une insubordination intolérable.

Vous terrorisez vos collègues ainsi que In directrice, ils ont peur de travailler à votre contact et craignent les représailles. Typiquement, vous vous exprimez avec les poings serrés, hors de vous, sans aucune maîtrise, jouant de votre carrure pour impressionner vos collègues.

Votre manque de respect à leur égard est significatif et s'illustre dans des propos outrageants, menaçants et injurieux réitérés.

Par exemple, le 27 octobre dernier, vous avez tellement hurlé au téléphone contre la Directrice Madame [G], votre supérieure hiérarchique, qu'un client est sorti de sa chambre alerté par vos vociférations. Il précise que vous avez tenu des propos injurieux et orduriers envers la directrice. Ce n'est pas tout, puisque, toujours en ligne avec la directrice vous avez poursuivis votre collègue Madame [S] jusqu'à sa voiture garée sur le parking de l'hôtel, totalement furieux et en hurlant. Madame [S] a eu très peur de vous.

Votre état d'énervement constant est tout à fait inapproprié, d'autant plus que nous recevons de la clientèle. Ce faisant, notre image, notre sérieux, sont particulièrement entachés.

De plus, vous critiquez constamment la direction devant les clients et collègues de travail.

Vous tenez des propos mensongers afin de décrédibiliser l'ensemble de la direction. Vous cherchez manifestement à nuire au bon fonctionnement de l'hôtel et à saper leur autorité.

Par ailleurs, vous introduisez des personnes étrangères au service, sur votre lieu de travail [...]

Pire, vous avez détérioré la porte du logement de fonction de la Directrice, notamment en essayant d'y pénétrer de force, ce faisant, vous avez cassé la serrure. Comme cela n'était pas suffisant, vous avez démonté le plafond du hall de la VMC pour vérifier s'il n'y avait pas de caméra dissimulée.

Votre comportement est inquiétant et anxyogène pour toutes les personnes qui sont en contact avec vous.

Enfin, votre insubordination s'illustre également dans votre absence du 20 octobre que vous n'avez jamais justifiée.

Nous considérons que l'ensemble de ces faits constitue une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise.

[...] ».

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

Pour voir infirmer le jugement déféré, l'appelant soutient que les motifs du licenciement sont 'trop évasifs' pour justifier un licenciement pour faute grave et que le seul motif qui pourrait être retenu est celui de l'altercation avec la directrice, estimant qu'il s'agit d'un cas isolé où il a pu effectivement perdre son sang-froid.

Il fait par ailleurs valoir que les autres motifs ne reposent que sur les dires de la directrice de l'hôtel et de la sous-directrice qui ne font pas état de faits précis ou circonstanciés.

Sans en solliciter l'annulation, il soutient que l'avertissement adressé le 4 septembre 2018 n'est pas justifié car il n'avait pas été destinataire de son planning et ne savait pas qu'il devait venir travailler les nuits durant lesquelles il lui a été reproché de ne pas s'être présenté.

Au soutien des griefs invoqués à l'appui du licenciement, la société verse aux débats :

- un courrier adressé par Mme [I] [G] le 30 octobre 2018 qui déplore subir quotidiennement le comportement agressif et violent de M. [Y] et évoque un incident survenu le 27 octobre 2018 à 21h15, exposant avoir reçu un appel de la part de ce dernier 'très agressif, manque de respect et ce n'est pas la première fois qu'il a un comportement agressif'. Elle ajoute qu'elle s'est aperçue que M. [Y] recevait des personnes la nuit et que suite à cela, elle a fait changer les barillets des portes, sans qu'il puisse avoir une clé et que depuis, il est violent verbalement et menaçant car elle refuse de lui remettre une clé alors que cela ne le gêne pas pour sa mission, qu'il a essayé de pénétrer dans son appartement de fonction et a cassé le verrou qui se trouve à l'intérieur ; elle déclare qu'elle-même et son équipe se sentent en insécurité face à ces agissements répétés ;

- une attestation de Mme [G] qui relate l'incident survenu le 27 octobre, indiquant qu'après l'appel de M. [Y], elle s'est rendue à l'hôtel accompagnée de son mari, que M. [Y] a appelé la police qui est arrivée : M. [Y] aurait alors monopolisé la parole, la rabaissant en disant qu'elle ne savait pas faire son travail et qu'elle faisait faire son travail à l'équipe et lorsqu'elle lui a dit qu'il mentait, il lui a répondu très agité : 'Vous je ne vous parle pas' ;

- le témoignage du compagnon de Mme [G] qui confirme les propos agressifs tenus par M. [Y] au téléphone et son regard également agressif lorsqu'ils sont arrivés à l'hôtel ;

- un écrit émanant de M. [K], client de l'hôtel, qui indique avoir été réveillé dans la soirée du 26 octobre par des cris et des hurlements, être alors sorti de sa chambre et avoir vu le veilleur de nuit injurier la responsable de l'hôtel ; il ajoute que voyant que ce vacarme alertait d'autres clients, le veilleur de nuit est parti tout en continuant à vociférer des propos injurieux ;

- l'attestation de Mme [C] [B] qui indique que M. [Y] était très agressif avec tout le monde et, plus particulièrement avec la directrice Mme [G], qu'il se mettait souvent dans un état d'énervement incontrôlable et donnait l'impression de vouloir tout casser, qu'elle avait peur de lui, de ses réactions et de ses représailles si on parlait de son comportement et qu'elle était effrayée de travailler les mêmes jours que lui ;

- l'attestation de Mme [S], réceptionniste de l'hôtel, qui indique : 'le vendredi 26 octobre 2018 à 21H05 Mr [Y] est arrivé pour prendre son poste de veilleur de nuit. J'étais en train de m'occuper d'un client et il m'a demander si [I] ou [C] avait laisser quelque chose pour lui, je lui ai dis NON et il m'a re-demander si on avait pas laissé une clef, je lui est redis NON, et là il s'est mis dans une colère et a pris le téléphone pour appeler [I] (...) 21h10 il était au téléphone avec [I] je lui ai fais signe que je partais et là il m'a suivi dehors toujours au téléphone en hurlant sur [I].

Le lendemain matin à mon arrivée il été en train de faire des photocopies des plannings, il m'a expliquer ce qui c'était passer après mon départ la veille et qu'il allait porter plainte contre [I] - ensuite il s'est diriger vers le logement de fonction a essayer d'ouvrir la porte, ensuite il est sorti pour voir s'il y avait quelqu'un dans le logement et après il a taper sur la plaque de la VMC de la salle petit déjeuner en pensant qu'on y avait mis une caméra'.

Il sera relevé en premier lieu que la lettre de licenciement contient des motifs suffisamment précis au sens de l'article L.1232-6 du code du travail.

Sur le fond, le motif lié au comportement agressif du salarié vis-à-vis de sa hiérarchie et de ses collègues résulte des déclarations circontanciéés faites par Mme [G], qui sont corroborées par les autres témoignages.

En particulier, l'incident survenu fin octobre 2018, lors de la prise de service de M. [Y], tel qu'il est décrit tant par Mme [G] que par son compagnon mais aussi par Mme [S] et M. [K], client de l'hôtel, ne peut se justifier ni par la machination alléguée par le salarié qui ne repose que sur ses seules affirmations ni par une 'perte de sang-froid' : en effet, même à supposer que M. [Y] soit en désaccord avec sa supérieure, il ne pouvait adopter un tel comportement - cris, hurlements et propos orduriers -, attitude contraire à la nécessaire courtoisie et au respect qui doivent présider les relations entre salariés.

Ce fait caractérise à lui seul une faute grave du salarié rendant impossible son maintein dans l'entreprise étant observé, d'une part, que si Mme [B] ne fait pas état d'événement prévis, elle témoigne de la peur que lui suscitait M. [Y] et, d'autre part, que celui-ci avait déjà fait l'objet d'un avertissement deux mois auparavant.

Or, au vu du planning détaillé figurant dans son contrat de travail, M. [Y] travaillait notamment les vendredis et samedis soir, correspondant aux jours d'absence

(31 août et 1er septembre 2018) qui lui ont été reprochés, l'avertissement étant dès lors justifié.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [Y] de l'ensemble de ses prétentions.

Sur les autres demandes

M. [Y], partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la société 42 une somme arbitrée en équitée à 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [N] [Y] aux dépens ainsi qu'à payer à la société 42 la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00811
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.00811 ?
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