La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2023 | FRANCE | N°20/00619

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 mai 2023, 20/00619


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 10 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00619 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOCV















Monsieur [B], [J], [H] [P]



c/



SAS Colas France venant aux droits de SAS Colas Sud-Ouest venant aux droits de la Société Illacaise de Canalisations

















Nature de la déc

ision : AU FOND















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 15/02015) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'ap...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00619 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOCV

Monsieur [B], [J], [H] [P]

c/

SAS Colas France venant aux droits de SAS Colas Sud-Ouest venant aux droits de la Société Illacaise de Canalisations

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 15/02015) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 05 février 2020,

APPELANT :

Monsieur [B], [J], [H] [P]

né le 02 Mars 1961 à [Localité 5] de nationalité Française Profession : Conducteur de travaux publics, demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Colas France venant aux droits de SAS Colas Sud-Ouest venant aux droits de la Société Illacaise de Canalisations, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social demeurant [Adresse 3]

N° SIRET : 329 405 211

représentée par Me Laurence MUNIER de la SELAS GESTION SOCIALE APPLIQUEE G.S.A., avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [P], né en 1961, a été engagé par le groupe Colas le 28 octobre 1985.

Selon avenant à son contrat de travail du 1er janvier 2007, il a occupé les fonctions de chef de centre au sein de la filiale Société Illacaise de Canalisations (société SIC) position B3.

Par avenant du 1er avril 2013 , M. [P] a bénéficié de la classification cadre B4, affecté au centre de [Localité 6] pour la Société Illacaise de Canalisations, avec une reprise d'ancienneté au 28 octobre 1985.

Le 17 décembre 2014, dans le cadre d'une nouvelle organisation de la société, il a été proposé à M. [P] une mutation vers une filiale du groupe, l'agence Novello située à [Localité 4], que le salarié a refusée par courrier du 19 décembre 2014.

Par lettre datée du 22 décembre 2014, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire.

Il a ensuite été licencié par lettre du 8 janvier 2015 pour faute grave en raison de son refus de mutation malgré la clause de mobilité insérée à son contrat de travail.

A la date du licenciement, M. [P] avait une ancienneté de 29 ans et 2 mois, et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des cadres des entreprises de Travaux Publics.

Contestant la légitimité et le motif de son licenciement, demandant la nullité de la clause de mobilité insérée à son contrat de travail et réclamant diverses indemnités notamment au titre de la contrepartie obligatoire en repos et pour travail dissimulé, outre des rappels de salaires au titre d'heures supplémentaires, M. [P] a saisi le 1er octobre 2015 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 14 janvier 2020 en la formation de départage, a :

- dit partiellement nulle, pour sa partie prévoyant l'acceptation d'office de mutation du salarié dans d'autres sociétés du groupe, la clause de mobilité stipulée entre la société Illacaise de canalisations et M. [P] par avenant, signé et entré en vigueur le 1er avril 2013, afférent au contrat de travail les ayant liés,

- débouté M. [P] de l'ensemble de ses autres demandes principales et accessoires,

- débouté la société Colas Sud Ouest de sa demande reconventionnelle au titre de ses frais irrépétibles,

- condamné M. [P] aux dépens.

Par déclaration du 5 février 2020, M. [P] a relevé appel de cette décision, notifiée le 14 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 novembre 2021, M. [P] demande à la cour de :

- dire recevable et bien fondé son appel,

- en conséquence réformer la décision entreprise,

Statuant de nouveau,

- juger que le motif premier et déterminant de son licenciement est économique,

- juger nulle et inopposable la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail,

- juger que le licenciement prononcé par la société Ilacaise de canalisations à son encontre est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Colas Sud-Ouest venue au droit de la société Illacaise de canalisations à réparer les conséquences de la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse, en lui versant les sommes suivantes :

* 126.000 euros au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

* 15.832,74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.583,27

euros de congés payés,

* 79.164,66 euros au titre de son indemnité de licenciement,

* 2.990,62 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

outre 299,06 euros de congés payés,

- condamner la société Colas Sud-Ouest venue au droit de la société Illacaise de canalisations à lui verser les sommes suivantes :

* 110.869,99 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires,

outre 11.086,96 euros de congés payés afférents,

* 66.988,20 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, outre 6.698,82 euros de congés payés afférents,

* 46.004 euros sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail,

- ordonner à la société Colas Sud-Ouest la délivrance de l'attestation Pôle Emploi, de bulletins de paie et du certificat pour la caisse des congés payés, rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jours de retard et par documents,

- dire irrecevable et en tout cas non fondé l'appel incident formulé par la société Colas Sud-Ouest,

- la débouter de sa demande de réformation de la décision en ce qu'elle a jugé qu'il y avait lieu d'écarter le statut de cadre dirigeant de M. [P],

- la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles à hauteur de 2.500 euros, l'équité commandant de ne mettre à la charge de M. [P] aucune somme de ce chef,

- condamner la société Colas Sud-Ouest aux dépens et au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 septembre 2020, la société Colas France demande à la cour de :

- réformer la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 14 janvier 2020 en ce qu'il a été jugé qu'il y avait lieu d'écarter le statut de cadre dirigeant à M. [P],

- confirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 14 janvier 2020 en ce qu'il a jugé qu'il y avait lieu de débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner à verser, à la société, outre les dépens, la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La médiation proposée aux parties le 4 mai 2022, par le conseiller de la mise en état, n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-I- Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la qualité de cadre dirigeant de M. [P]

Aux termes de ses écritures, M. [P] qui sollicite des rappels de salaire pour heures supplémentaires, travail dissimulé et absence de contrepartie obligatoire en repos, soutient qu'il ne bénéficiait pas du statut de cadre dirigeant.

Les cadres dirigeants ne sont en effet pas soumis aux dispositions des articles L. 3121-1 à L. 3134-16 relatifs à la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires et aux repos et jours fériés sauf s'il existe des stipulations plus favorables prévues dans leur contrat de travail ou dans un accord collectif.

Pour ce faire, M. [P] affirme que de façon contradictoire, son contrat de travail lui octroie le statut de cadre dirigeant et dans le même temps fait référence à une rémunération forfaitaire en lien avec le nombre de jours travaillés, au bénéfice de dispositions relatives à la réduction du temps de travail ainsi qu'au compte épargne temps et prévoit qu'il ne peut librement déterminer ses propres périodes de congés. Il relève ne pouvoir bénéficier du statut de cadre dirigeant dans la mesure où fait défaut la condition tenant à l'habilitation à prendre des décisions de manière largement autonome et à la participation effective à la direction de l'entreprise résultant des dispositions de l'article L.3111-2 du code du travail. Il soutient ainsi, ne pas avoir participé aux décisions stratégiques de l'entreprise, ne pas avoir été associé à la réflexion relative à la réorganisation des entités SIC et NOVELLO, n'avoir disposé d'aucune autonomie en matière de recrutement et d'augmentation de salaires, avoir été contraint de solliciter des autorisations pour ses congés. Il ajoute que les délégations de pouvoirs qu'il avait acceptées en janvier 2013 étaient désormais caduques à la suite de son nouveau contrat de travail conclu en avril 2013. Il produit au soutien de ses affirmations les attestations de Mme [M], secrétaire au sein de l'agence SIC, de M. [U], son adjoint, de M. [N], chef de chantier et délégué du personnel, ses deux courriels demandant la validation du recrutement de M. [D] et de Mme [A], la présentation faite par la société de sa migration vers la filiale Novello, son contrat de travail, son courriel en date du 12 décembre 2014, un courriel relatif à un appel d'offres de la mairie de [Localité 4] ainsi que deux autres courriels de sa part portant tous demande d'autorisation d'engagement de travaux adressés au dirigeant.

Pour s'y opposer la société affirme que contrairement à ce que prétend le salarié, la qualification de cadre dirigeant, figurant au contrat de travail de M. [P], ne peut être écartée au seul motif qu'il n'est pas démontré qu'il participait réellement à la direction de l'entreprise, considérant que ce critère ne peut se substituer aux trois critères légaux de l'article L.3111-2 du code du travail au regard desquels il convient d'examiner la situation du salarié. Selon la société, M. [P] qui participait aux réunions stratégiques, disposait du pouvoir de la représenter, bénéficiait de délégations de pouvoirs, travaillait en totale autonomie, procédait à des recrutement, à des licenciements ainsi qu'à des augmentations de salaire, bénéficiait d'un revenu élevé, était un salarié qui participait nécessairement à la direction de l'entreprise, ce critère n'étant pas en critère en soi mais la conséquence directe de la réunion des trois critères légaux. A l'appui de ses affirmations, la société verse notamment les convocations adressées à M. [P] aux réunions portant sur les budgets et les orientations à prendre, l'organigramme de la société SIC, un pouvoir de représentation donné par le gérant de la société à M. [P], une délégation de pouvoir en matière de sécurité et de règlements, une délégation de pouvoirs à hauteur d'un million d'euros, des contrats signés par le salarié postérieurement au 1er avril 2013, les entretiens individuels d'embauche assurés par le salarié, des contrats de travail portant la signature du salarié, un protocole d'accord pré-électoral dans le cadre des négociations pour les élections des délégués du personnel signé par lui ainsi que son entretien d'évaluation du 6 novembre 2013.

* * *

Aux termes de l'article L.3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant, les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Il résulte de ce texte, qui définit trois critères cumulatifs, que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l'entreprise.

Le cadre dirigeant doit disposer du pouvoir de prendre des décisions de façon largement autonome. Tel n'est pas le cas de celui qui ne participe pas à la définition de la stratégie de l'entreprise et à ses instances dirigeantes. Cependant, la participation à la direction de l'entreprise ne constitue pas un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux.

Il appartient au juge, pour déterminer si un salarié a la qualité d'un cadre dirigeant, d'examiner la fonction qu'il exerçait réellement au regard des trois critères cumulatifs énoncés par le texte précité.

En l'espèce, à l'examen des pièces produites par l'une et l'autre des parties, il est établi que M. [P] disposait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et les documents qu'il produit tendent à démontrer qu'il devait obtenir l'autorisation de son employeur pour prendre des congés ne constituent en réalité qu'une information de ce dernier de ses dates de congés. Ainsi que le souligne à juste titre l'employeur, ces documents ne comportent aucune validation de sa part. L'appelant a par ailleurs précisé lors de son entretien d 'évaluation du mois de novembre 2013 avoir adapté son rythme de travail pour préserver sa santé.

Il est également établi et non contesté que M. [P], percevant une rémunération forfaitaire sans référence à un nombre de jours ou d'heures travaillées tel que cela ressort des dispositions contractuelles, bénéficiait de la classification cadre niveau cadre B position 4 de la convention collective nationale du 1er juin 2004 concernant les cadres employés par les entreprises de travaux publics et de la rémunération la plus élevée de l'établissement en sa qualité de chef de centre. A ce titre, sur l'organigramme de la société SIC, filiale du groupe Colas, il était présenté à la tête de la structure. En revanche, il n'est pas rapporté ni justifié que le salarié bénéficiait de journées de RTT, cela ne ressort d'ailleurs pas de son bulletin de salaire.

Il résulte également des pièces versées par l'employeur que M. [P] bénéficiait, contrairement à ce qu'il prétend, d'une grande autonomie dans l'exercice de ses fonctions puisque s'agissant de ses missions opérationnelles, il disposait de délégations de pouvoirs en date du 3 janvier 2013 tant en ce qui concerne les marchés, les accords-cadres, les soumissions d'entreprises permettant d'engager la société jusqu'à un million d'euros pour les marchés passés avec les collectivités publiques et la clientèle privée qu'en ce qui relève de la gestion du personnel, de la sécurité et de la réglementation. Ces délégations ont perduré jusqu'à la fin de la relation contractuelle, aucune révocation expresse telle que prévue lors de leur signature n'étant intervenue. La société verse plusieurs actes d'engagements signés par le salarié pour des marchés compris entre 17 000 euros et plus de 90.000 euros. Pour les contester, M. [P] produit trois courriels de sa part qui démontreraient son absence d'autonomie pour les engagements financiers de l'entreprise. Il s'agit d'accords sollicités pour engager la société conjointement avec Sogepa pour la partie assainissement pluvial sans autre précision, pour engager la société conjointement avec la société Akvo dans le cafre d'un appel d'offres de la mairie de [Localité 4] et d'une demande d'autorisation d'engagement pour des travaux d'un montant de 31 891 euros sans engagement bancaire du client. Ces seuls éléments sont toutefois insuffisants car d'une part, ils ne reflètent pas le quotidien de son activité et d'autre part, s'expliquent par la spécificité de leur objet tenant soit à une situation de co-traitance soit à l'absence de garantie financière du co-contractant. De la même façon, M. [P] soutient que les demandes d'autorisation qu'il a du formuler pour un don de 250 euros aux pompiers de la commune de [Localité 6] et pour des coffrets cadeaux et chèques alloués aux salariés et à leurs enfants traduisent son manque d'autonomie. Cependant, une note du 12 février 2023 prévoit que les demandes relatives au mécénat, au parrainage ou aux frais de réception doivent être préalablement soumises à l'accord de la direction générale de Colas Sud-Ouest. En outre l'attestation de Mme [M] selon laquelle les demandes d'achats de matériels que M. [P] souhaitait acquérir pour le fonctionnement de la société étaient soumises à la validation du groupe Colas, n'est étayée par aucun élément probant. Ce faisant, la cour rappelle qu'il n'est pas demandé à un cadre dirigeant d'être le seul dirigeant de l'entreprise mais de disposer d'un pouvoir lui permettant de prendre des décision de façon largement autonome.

S'agissant de la gestion du personnel, il est également démontré par l'employeur que M. [P] procédait aux recrutements et aux licenciements des salariés de la société SIC mais également à leurs entretiens d'évaluation. En attestent les lettres de licenciement et les différentes contrats de travail signés par ses soins. Il a également organisé les élections des délégués du personnel et a signé le protocole d'accord afférent. L'attestation de Mme [M] selon laquelle «...pour les embauches, il remplissait un dossier de candidature que je transmettais à la DRH régionale du groupe Colas, le chef d'agence se contentant d'attendre la décision d'acceptation ou de refus de la part de la direction régionale du groupe Colas » n'étant corroborée par aucun autre élément probant. Ainsi, s'agissant de la « demande de validation » du recrutement de Mme [A], il ressort des pièces versées par l'appelant, qu'il s'agissait d'une création de poste de sorte qu'il n'est pas contradictoire de solliciter l'accord de l'employeur à cet effet. Il en est de même pour la situation de M. [E]. Il n'est pas démontré que le salarié s'est vu imposer le choix des candidats quant aux postes créés. Le courriel relatif au contrat en alternance de M. [D] n'est corroboré par aucun élément probant. Ces derniers éléments sont donc insuffisants à démontrer l'absence d'autonomie du salarié dans le recrutement du personnel. En outre et ainsi que le relève à juste titre l'employeur, M. [P] n'était pas présent lors de l'engagement de M. [U] parce qu'il était en congés et en justifie par le versement de la lettre d'engagement du 13 mai 2011 et de la période de congé de M. [P] du 12 mai 2011 au 23 mai 2011. La cour observe que c'est bien M. [P] qui a validé le 9 décembre 2011 la période d'essai de M. [U]. Concernant l'attribution des primes et des gratifications, le salarié prétend qu'il n'avait aucune latitude en la matière et produit à cet effet un document relatif à la prime de M. [X]. Néanmoins, ce document démontre que le choix d'accorder une augmentation ou une prime appartenait à M. [P] avant d'être soumis à l'appréciation de l'employeur, financeur, ce qui témoigne de sa totale autonomie.

Les nombreux courriels adressés à M. [P] pour le convier aux réunions périodiques organisées à destination des chefs d'établissement et le contenu de leur ordre du jour (résultats, chiffre d'affaires, objectifs Colas Sud Ouest, élaboration du plan d'action commerciale, stratégie budget, optimisation des frais de structure, etc...) témoignent de sa participation aux instances de direction au cours desquelles se réunissent les dirigeants du groupe Colas et de leurs filiales afin d'y définir des stratégies, suivre l'activité du groupe et mettre au point des axes de développement.

Par ailleurs il est précisé aux termes de la lettre de licenciement du 8 janvier 2015 que l'appelant a été associé à la réorganisation consistant à rapprocher les deux filiales SIC et Novello du groupe Colas : « vous avez été associé à cette réorganisation et vous avez signé la convocation puis animé avec moi la réunion des délégués du personnel du 16 octobre 2014 au cours de laquelle les représentants du personnel ont émis un avis favorable à la mise en place de la nouvelle organisation prévue dans le secteur assainissement de Colas Sud-Ouest au 1er janvier 2015... ». cette affirmation est corroborée par le procès-verbal de la réunion qui s'est tenue le 16 octobre 2014 à laquelle participait M. [P] et dont l'ordre du jour portait sur la nouvelle organisation de Colas Sud-Ouest dans le secteur de l'assainissement. En conséquence, l'argument selon lequel l'appelant ne faisait pas partie : « du tout premier cercle de collaborateurs autour du représentant légal » est dès lors inopérant.

Ainsi, la réunion des trois critères légaux et sa participation à la direction de l'entreprise témoignent de son statut de cadre dirigeant; il n'est dès lors pas fondé à revendiquer des heures supplémentaires.

Dans ces conditions, M. [P] doit être débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires ainsi qu'au titre des repos compensateurs et de l'indemnité pour travail dissimulé.

La décision de première instance sera confirmée de ce chef.

-II- Sur le licenciement pour faute grave et ses conséquences indemnitaires

La faute grave privative du droit aux indemnités de rupture, qu'il appartient à l'employeur de démontrer, correspond à un fait ou un ensemble de faits qui, imputables au salarié, constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis .

M.[P] a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception dans les termes suivants :

«...Comme suite à notre entretien préalable du 5 janvier 2015, faisant suite à notre convocation du 22 décembre 2014, nous avons le regret de vous notifier que nous mettons fin à votre contrat de travail pour faute grave, pour le motif que nous avons indiqué lors de cet entretien et qui est le suivant :

Inexécution fautive de vos obligations contractuelles : refus de mutation

Vous êtes Chef de Centre de la SIC, filiale de COLAS Sud-Ouest.

Il a été décidé voici plusieurs mois, afin de renforcer notre pôle canalisation en Gironde, de modifier notre organisation, en rapprochant la filiale SIC de la filiale NOVELLO.

La Direction de COLAS Sud-Ouest s'est fixée comme objectif, que le secteur assainissement de COLAS Sud-Ouest, tout en préservant l'emploi, devienne encore plus réactif et efficace, notamment en augmentant ses forces, sa visibilité et sa qualité de service vis-à-vis de ses clients.

Dans un premier temps, il a été décidé de nommer [G] [Y] responsable de ces deux entités afin de faire fonctionner au mieux les synergies.

Vous avez été associé à cette réorganisation, et avez signé la convocation, puis animé avec moi, la réunion des Délégués du Personnel du 16 octobre 2014, au cours de laquelle les représentants du personnel ont émis un avis favorable à la mise en place de la nouvelle organisation prévue dans le secteur assainissement de COLAS Sud-Ouest au 1er janvier 2015.

Vous aviez été reçu à plusieurs reprises, par votre Directeur de Région, [W] [K], par notre PDG, [S] [T], et par moi-même.

Vous aviez donné un accord de principe à notre proposition, accord de principe que nous tenions pour acquis de la part d'un Chef de Centre en qui nous avions confiance, proposition qui n'a donc été formalisée par écrit que le 17 décembre 2014 : « Nous vous confirmons qu'à compter de début janvier 2015, sans modifier votre classification ni vos éléments de rémunération, vous serez affecté à l'agence

NOVELLO, sise [Adresse 2].

Vous y occuperez la fonction de Chef de Centre, en charge du développement commercial, de l'activité désamiantage et des études, sous la responsabilité du Chef d'agence, [G] [Y].»

Vous avez indiqué oralement mardi 16 décembre 2014 à votre Directeur de Région, que vous refusiez ce changement de lieu de travail ainsi que le poste proposé.

Vous avez confirmé votre refus par un courrier du 19 décembre 2014 que vous êtes venu m'amener en main propre.

Nous vous rappelons que l'article 3 de l'annexe à votre contrat de travail, signé par vos soins, stipule :

« Mobilité : L'un des aspects fondamentaux de la politique de notre Groupe à l'égard des Cadres, compte tenu de la nature et du niveau des fonctions qui vous sont confiées, est de considérer que la mobilité constitue un élément essentiel du contrat de travail, pour les deux parties. La mobilité permet en effet de contribuer à la protection des intérêts légitimes des sociétés du Groupe / .... Il est en conséquence convenu d'un commun accord entre nous que, si les circonstances le rendent nécessaires, la société pourra décider de vous muter dans l'un quelconque de ses établissements ou auprès de toute autre Société du Groupe /...! ».

Le poste de « numéro 2 » que nous vous proposons chez NOVELLO (37 + 20 salariés) est comparable à celui que vous occupez actuellement au sein de la SIC (20 salariés), et les deux agences sises à quelques kilomètres de distance. De plus, nous prenons en charge les frais professionnels de vos déplacements.

Votre refus tardif, et réitéré, de respecter vos obligations contractuelles, met à mal la nouvelle organisation mise en place, et constitue une faute grave.

Nous avons bien noté que vous reconnaissiez les griefs exposés ci-dessus, et n'avez fourni aucune explication autre que votre refus de travailler chez NOVELLO, sous la responsabilité de [G] [Y].

Par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.

En conséquence, la présente mesure de licenciement prendra effet à la date d'envoi de la présente lettre recommandée avec accusé de réception... ».

*****

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise. La charge de la preuve incombe à l'employeur.

Sollicitant la réformation de la décision entreprise, M. [P] argue d'une part de la substitution de motif ayant présidé à son licenciement, la véritable cause procédant d'un motif économique et d'autre part de la nullité de la clause de mobilité insérée à son contrat de travail de sorte que le licenciement prononcé à son encontre est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur le motif économique « déguisé » du licenciement

Après avoir procédé à une présentation des sociétés du groupe COLAS et rappelé les dispositions légales ainsi que la procédure applicable en matière de licenciement pour motif économique, M. [P] affirme qu'une fusion a été opérée entre les sociétés SIC et NOVELLO dès 2014, lesquelles ont disparu au profit d'une seule et même entité posant une problématique de doublon qui va impacter sa situation. Il soutient que la lettre de licenciement en cause fait expressément référence à un motif économique lié à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, cette réorganisation engendrant un changement d'employeur puisqu'il devait rejoindre la société NOVELLO, distincte de la société SIC au regard de leur numéros SIRET différents. Il ajoute que son accord était indispensable pour cette opération dans la mesure où elle n'obéissait pas aux dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail relatives au changement de plein droit de l'employeur ensuite d'une opération de cession ou de fusion, les sociétés en cause n'ayant pas encore fait l'objet d'une fusion. Il soutient que la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique. Il fait valoir que son licenciement s'est inscrit dans un contexte économique consécutif au rapprochement des filiales SIC et NOVELLO du groupe COLAS, destiné à renforcer le pôle canalisation en Gironde. Outre la lettre de licenciement, il verse en ce sens aux débats le courrier en date du 17 décembre 2014 de proposition par la société SIC de modification de son contrat de travail ainsi que son courriel du 12 décembre 2014 faisant état de ses inquiétudes quant à son avenir professionnel dans le groupe. Il explique cette substitution de motif par l'économie qu'elle a engendrée pour l'employeur, dispensé du versement des indemnités de rupture. Il fait valoir que production du registre du personnel de la société SIC aurait démontré qu'il n'a jamais été remplacé et que son poste a été supprimé. Il affirme qu'en devenant le subordonné de M. [Y], chef de centre de la société NOVELLO, ses fonctions étaient modifiées pour être davantage commerciales.

En réplique, l'employeur conteste la présentation du groupe ainsi réalisée par le salarié et lui oppose une fusion absorption des deux sociétés par la société COLAS SUD OUEST intervenue en mars 2016 et le projet de son affectation au sein de l'agence NOVELLO en janvier 2015. Il ajoute que le salarié n'avait jamais fait état d'une quelconque difficulté avec M. [Y] avant la présente procédure et que les inquiétudes dont il fait mention dans son courriel du 12 décembre 2014 sont en lien avec une éventuelle rétrogradation et aucunement avec la personnalité de M. [Y]. L'employeur affirme avoir répondu à ce courriel aux termes de son courrier du 17 décembre 2014 qui n'a jamais été contesté. Il souligne que le salarié procède par affirmation en indiquant qu'il n'est pas établi qu'il aurait dans un premier temps accepté la proposition d'affectation à l'agence NOVELLO avant de la refuser. Il conteste le motif économique du licenciement excipé par le salarié en se référant aux termes de la lettre de licenciement, la réorganisation visée -dont le salarié avait connaissance- s'inscrivant dans un souci de réactivité et de lisibilité des services. Il souligne que M. [P] a été remplacé dans ses fonctions par M. [F]. Il conteste la référence à un changement d'employeur dans la lettre de licenciement laquelle évoque l'affectation dans un établissement du groupe, ce qui n'implique pas un changement d'employeur contrairement à ce que soutient le salarié. Selon l'employeur, aucune suppression du poste du salarié n'est intervenue et la création d'un niveau intermédiaire entre le salarié et son supérieur hiérarchique n'entraîne ni rétrogradation ni modification de ses fonctions. La société expose que, malgré leur rapprochement les deux sociétés sont restées distinctes avec des numéros SIRET différents jusqu'au 30 mars 2016. Elle conclut qu'en refusant son affectation sur l'agence NOVELLO située à [Localité 4], le salarié a manqué à ses obligations contractuelles de sorte que la cause de la rupture du contrat de travail est fondée sur un motif personnel.

***

Il résulte des pièces versées par l'une et l'autre des parties et notamment de la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige que la proposition litigieuse s'inscrivait dans un projet de : « mise en place de la nouvelle organisation prévue dans le secteur assainissement de COLAS SUD OUEST au 1er janvier 2015...afin de renforcer notre pôle canalisation en Gironde, de modifier notre organisation en rapprochant la filiale SIC de la filiale NOVELLO. La direction de COLAS SUD OUEST s'est fixée comme objectif que le secteur assainissement de COLAS SUD OUEST, tout en préservant l'emploi, devienne encore plus réactif et efficace, notamment en augmentant ses forces, sa visibilité et sa qualité de service vis-à vis des clients » sans jamais faire référence à une quelconque réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à des difficultés économiques.

Contrairement à ce que soutient le salarié, lors de la proposition de son affectation à l'agence NOVELLO, sans modification ni de sa classification ni de sa rémunération ni de ses fonctions, aucune fusion absorption des deux sociétés par la société COLAS SUD OUEST n'était intervenue et les deux filiales du groupe exerçaient la même activité, de sorte que la proposition qui lui était faite ne lui imposait nullement un changement d'employeur, seul un rapprochement à ce stade était projeté ainsi qu'une affectation physique dans les locaux de l'agence NOVELLO de sorte que l'argument selon lequel les deux filiales du groupe disposaient d'un numéro de SIRET distinct pour justifier d'un changement d'employeur, est indifférent, il conservait la qualité de salarié de la société SIC.

Ainsi que le souligne l'employeur, au regard des éléments de la procédure, en janvier 2015, les deux entités existaient et la réorganisation envisagée consistait à les réunir dans un même endroit dans un premier temps; Par ailleurs, il est établi par les éléments de la procédure que le poste de M. [P] n'a pas été supprimé et a été attribué à M. [F].

Par voie de conséquence, le motif économique tenant de la réorganisation des activités du groupe COLAS emportant changement d'employeur, ne peut prospérer.

- Sur la clause de mobilité figurant au contrat de travail

M. [P] soutient que l'employeur ne saurait tirer de son refus de voir mettre en oeuvre sa clause de mobilité un motif de licenciement dans la mesure où elle est frappée de nullité. Selon lui, cette clause de mobilité insérée au contrat de travail, qu'il considère imprécise, nulle et illicite, lui est inopposable en ce qu'elle autorise par avance sa mutation dans toute autre société du groupe et emporte changement d'employeur. Il considère être autorisé à refuser toute mutation dans le groupe ou dans l'unité économique et sociale sans commettre de faute. Il devait être muté au sein de la société NOVELLO, qu'il considère comme un nouvel employeur, en qualité de « numéro 2 » placé sous la direction de M. [Y]. Il affirme que la société SIC n'avait aucune possibilité de se prévaloir de la clause de mobilité pour le licencier dans la mesure où elle était frappée de nullité d'une part et d'autre part, qu' elle avait refusé de s'en prévaloir en mettant en oeuvre la procédure de modification du contrat de travail de l'article L.1222-6 du code du travail.

La société s'y oppose arguant de la validité de la clause de mobilité figurant au contrat de travail de M. [P], l'affectation projetée l'obligeant à se déplacer à une vingtaine de kilomètres de son ancien lieu de travail sans qu'il ne soit soumis à une quelconque modification de son contrat de travail et alors qu'il disposait d'un véhicule de fonction.

* * *

Le refus par le salarié de la mise en oeuvre d'une clause de mobilité figurant à son contrat de travail constitue un manquement à une obligation contractuelle pouvant légitimer son licenciement dès lors que la modification du lieu de travail s'analyse alors en un simple changement des conditions de travail.

Ainsi, l'employeur peut imposer une mutation au salarié dont le contrat de travail comporte une clause de mobilité à condition que celle-ci soit valable, que sa mise en oeuvre soit dictée par l'intérêt de l'entreprise, qu'elle ne donne lieu ni à un abus de droit ni à un détournement de pouvoir de la part de l'employeur et que l'atteinte portée à la vie personnelle et familiale du salarié soit justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. De même, pour être valable, la clause de mobilité géographique doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne pas conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée. Le salarié qui signe une clause de mobilité doit connaître l'étendue de son obligation et donc la zone géographique dans laquelle elle s'applique.

La bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont pas à rechercher si la décision de l'employeur de faire jouer la clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail est conforme à l'intérêt de l'entreprise et il incombe au salarié de démontrer que cette décision a en réalité été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt ou qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

* * *

- Sur la validité de la clause

En l'espèce M. [P] a consenti, aux termes de son contrat de travail, à une clause de mobilité ainsi libellée: « L'un des aspects fondamentaux de la politique de notre Groupe à l'égard des cadres, compte tenu de la nature et du niveau des fonctions qui vous sont confiées est de considérer que la mobilité constitue un élément essentiel du contrat de travail pour les deux parties. La mobilité permet en effet de contribuer à la protection des intérêts légitimes des sociétés du Groupe en participant notamment au développement de leurs activités ainsi qu'à l'évolution de carrière de leurs personnels Cadres au sein du Groupe. Il est en conséquence convenu d'un commun accord entre nous que, si les circonstances le rendent nécessaires, la société pourra décider de vous muter dans l'un quelconque des établissements ou auprès de toute autre société du groupe, sur le territoire métropolitain ou en Corse. En cas de mutation entraînant un changement de résidence, vous bénéficierez d'une indemnisation des frais afférents dans des  conditions prévues en pareille hypothèse par la convention collective et les règles en vigueur dans la société. Compte tenu de la présente clause de mobilité tout refus de mutation de votre part constituerait une inexécution fautive de vos obligations contractuelles ».

La clause définit précisément le périmètre de l'affectation du salarié « sur le territoire métropolitain ou en Corse » mais cette affectation pouvait s'appliquer sur  « toute autre société du groupe » donc au service d'un autre employeur alors qu'un salarié ne peut par avance accepter un quelconque changement d'employeur.

Cette clause est nulle et le licenciement, fondé sur son non-respect est dès lors sans cause réelle et sérieuse. La décision dont appel sera infirmée de ce chef.

-Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire

M. [P] sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 2.990,62 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et celle de 299,06 euros de congés payés, soutenant avoir dû quitter son poste de travail pendant 17 jours soit du 22 décembre 2014 au 5 janvier 2015.

L'employeur, qui ne conclut pas sur ce point, ne justifie pas des retenues effectuées sur le salaire de M. [P] au titre de sa mise à pied conservatoire.

Dès lors, eu égard au salaire de référence qu'il convient de retenir à hauteur de la somme de 4 615 euros, la société sera condamnée à verser à M. [P] la somme de 2 615,16 euros à ce titre, outre celle de 261,50 euros représentant les congés payés afférents.

. Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Le salarié sollicite l'allocation de la somme de 15.832,74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.583,27 euros au titre des congés payés,

Il résulte des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis de deux mois s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans sauf si la convention collective applicable est plus favorable au salarié.

L'article 7.1 du titre III de la convention collective applicable prévoit qu'en cas de licenciement autre que pour faute grave, la durée du préavis est fixée à deux mois si le cadre a moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et à trois mois au-delà de sorte qu'il sera alloué à M. [P] la somme de 13 845 euros (3 X 4.615 euros) à ce titre outre celle de 1 384,50 euros représentant les congés payés y afférents.

. Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Le salarié demande l'allocation de la somme de 79.164,66 euros au titre de son indemnité de licenciement sur le fondement de l'article 7.5 du titre VII de la convention collective applicable selon lequel : « Le montant de l'indemnité de licenciement est calculé selon l'ancienneté du cadre telle que définie à l'article 7.11, en mois de rémunération, selon le barème suivant :
' 3/10 de mois par année d'ancienneté, à partir de 2 ans révolus et jusqu'à 10 ans d'ancienneté ;
' 6/10 de mois par année d'ancienneté pour les années au-delà de 10 ans d'ancienneté. L'indemnité de licenciement ne peut dépasser la valeur de 15 mois. »

Par voie de conséquence, eu égard au salaire de référence retenu, la société sera condamnée à verser au salarié la somme de 63 687 euros.

Sur l' indemnité pour rupture abusive

M. [P], qui ne souhaite pas réintégrer l'entreprise, sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 126.000 euros au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Son indemnisation relève des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Eu égard notamment aux circonstances de la rupture, au montant de la rémunération versée à M.[P] le salaire mensuel de référence étant fixé à la somme de 4 615 euros , à son âge, à son ancienneté de près de 30 années décomptée à compter d'octobre 1985 selon le contrat de travail du 1er avril 2013, aux conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 70 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

- Sur les autres demandes

-S'agissant de la demande relative à la remise des documents de fin de contrat:

En considération des condamnations prononcées, la société devra délivrer au salarié un bulletin récapitulatif des sommes allouées, l'attestation destinée à Pôle emploi ainsi qu'un certificat de travail rectifiés en considération du présent arrêt, dans le délai de deux mois suivant la signification de celui-ci, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte à cet effet.

- S'agissant des demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile:

La société, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [P] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d'appel.

La décision entreprise sera infirmée de ce chef.

PAR CES MOTIFS ,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [P] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que M. [P] avait le statut de cadre dirigeant,

Dit que le licenciement de M. [P] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Colas France à verser à M. [P] les sommes suivantes :

2 615,16 euros au titre de sa mise à pied conservatoire,

261,50 euros représentant les congés payés afférents,

13 845 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

1 384,50 euros représentant les congés payés afférents,

63 687 euros au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle,

70 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , toutes procédures confondues,

Dit que l'employeur devra délivrer à M. [P] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SAS Colas France aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00619
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.00619 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award