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10/05/2023 | FRANCE | N°20/00254

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 mai 2023, 20/00254


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 10 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00254 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNCY















Monsieur [F] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/20/3295 du 02/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



c/



SARL DRAKKAR PROTECTION SECURITE






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Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 décembre 2019 (R.G. n°F 18/01814) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX,...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00254 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNCY

Monsieur [F] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/20/3295 du 02/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

SARL DRAKKAR PROTECTION SECURITE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 décembre 2019 (R.G. n°F 18/01814) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 16 janvier 2020,

APPELANT :

Monsieur [F] [L]

né le 14 Septembre 1956 à [Localité 3] (ALGÉRIE) de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Christian DUBARRY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Drakkar Protection Sécurité, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 499 793 966

représentée par Me Fabienne GUILLEBOT-POURQUIER de la SELARL GUILLEBOT POURQUIER, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente et Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [F] [L] a été engagé en qualité d'agent de sécurité par la SARL Drakkar Protection Sécurité par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er mars 2013.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

La durée du temps de travail de M. [L] a été modifiée par quatre avenants des 1er janvier, 1er février, 1er mai et 1er septembre 2015.

Par lettre en date du 12 juin 2018, M. [L] a été informé du transfert de son contrat de travail à une autre société, qu'il a refusé par lettre du 26 juin 2018.

Par courrier daté du 10 septembre 2018, la société Drakkar Protection Sécurité a mis en demeure M. [L] de justifier de son absence à son poste depuis le 5 septembre 2018.

Par lettre datée du 21 septembre 2018, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 octobre 2018, avec mise à pied à titre conservatoire.

Ladite lettre étant revenue avec la mention 'défaut d'adressage manque de prénom', la société a proposé au salarié de maintenir l'entretien ou de le repousser au 8 octobre 2018, par courriel du 28 septembre 2018, mais ce dernier n'y a pas donné suite.

La société a relancé M. [L] par courriel daté du 4 octobre 2018.

Par lettre datée du 5 octobre 2018, M. [L] a été convoqué à un nouvel entretien préalable fixé au 17 octobre 2018, avec mise à pied à titre conservatoire.

M. [L] a ensuite été licencié pour faute grave (absence injustifiée) par lettre datée du 22 octobre 2018.

A la date du licenciement, M. [L] avait une ancienneté de 5 ans et 7 mois et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités outre des rappels de salaires et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et travail dissimulé, M. [L] a saisi le 3 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 17 décembre 2019, a dit que le licenciement notifié à M. [L] repose sur une faute grave, a débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes, a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné le salarié aux dépens.

Par déclaration du 16 janvier 2020, M. [L] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 avril 2020, M. [L] demande à la cour de réformer la décision prise par le conseil de prud'hommes,

- voir rectifier les fiches de paie pour les mois d'avril 2014, mai 2014, juin 2014, juillet 2014, novembre 2014, pour les mois de février 2015, mars 2015, avril 2015, mai 2015, juin 2015, juillet 2015, septembre 2015, décembre 2015 ainsi que pour les mois de janvier 2016, mars 2016, avril 2016 et novembre 2016 et ce, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision rendue par la cour,

- dire que son licenciement est sans gravité et abusif,

- condamner la société Drakkar Protection Sécurité à lui payer les sommes suivantes :

* 666,90 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er septembre au 20 septembre 2018 avec la transmission du bulletin de paie de septembre sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,

* 889,20 euros au titre de la mise à pied,

* 1.778,40 euros au titre du préavis,

* 177,84 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 488,95 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 5.335,20 euros pourle licenciement abusif,

* 3.556,80 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

* 5.335,20 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 mai 2020, la société Drakkar Protection Sécurité demande à la cour de'confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux et de :

- dire que le licenciement notifié à M. [L] repose sur une faute grave,

- le débouter de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularisation des bulletins de salaires

Le salarié qui sollicite la rectification des bulletins de salaire des mois d'avril 2014, mai 2014, juin 2014, juillet 2014, novembre 2014, pour les mois de février 2015, mars 2015, avril 2015, mai 2015, juin 2015, juillet 2015, septembre 2015, décembre 2015 pour les mois de janvier 2016, mars 2016, avril 2016 et novembre 2016 et ce, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, soutient avoir perçu le règlement d'heures supplémentaires par chèque sans que celui-ci n'apparaisse sur lesdits bulletins.

En réponse l'employeur expose que le règlement en cause correspond à des remboursements de frais professionnels.

Il en justifie par le versement des plannings du salarié pour les périodes considérées ainsi que les documents comptables sériant les frais professionnels du salarié, déclarés auprès de l'URSSAF.

Par voie de conséquence, au regard de ces éléments et sur le fondement de la circulaire DRT 18/88 du 13 décembre 1988 relative au contenu du bulletin de salaire qui autorise l'absence de mention du remboursement des frais professionnels sur le bulletin de salaire pour les remboursements opérés au fur et à mesure que les salariés présentent les justificatifs de leurs dépenses, il convient de rejeter cette demande et de confirmer la décision dont appel sur ce point.

Sur le licenciement pour faute grave

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

La société soutient qu'en congé du 1er au 31 août 2018, M. [L] a été destinataire d'un mail adressé le 27 août lui communiquant son planning pour le mois de septembre. Un second courriel lui a été adressé par M. [R], gérant de la société, le 2 septembre à cette fin. Constatant l'absence du salarié à son poste depuis le 5 septembre, l'employeur lui a adressé en vain le 10 septembre une lettre recommandée avec avis de réception afin qu'il justifie de son absence, le salarié s'étant contenté de lui rappelé par courrier du 15 septembre 2018, le délai légal pour recevoir son planning sans jamais indiquer qu'il ne l'avait pas reçu. L'employeur affirme avoir été dans l'obligation de faire appel en urgence à un sous-traitant pour remplacer le salarié et avoir ensuite de cet incident subi la résiliation du contrat de prestation conclu avec le client.

M. [L] soutient ne pas avoir été destinataire du planning en cause et que l'employeur n'a jamais respecté le délai de prévenance prévu tant à son contrat de travail qu'en application des dispositions conventionnelles pour lui faire parvenir les plannings. Il ajoute que malgré l'explication qu'il avait pu donner le 15 septembre s'agissant de son absence, l'employeur n'avait pas hésité à le licencier pour faute grave alors qu'il ne justifiait pas d'une quelconque désorganisation de son activité. Il considère avoir été licencié en raison de son refus de voir son contrat de travail être transféré vers une autre société.

Il résulte des pièces versées aux débats par les parties que M. [L] ne peut sérieusement soutenir ne pas avoir été destinataire du planning en cause alors qu'il produit son relevé de mails sur lequel figure le courriel qui lui a été adressé le 2 septembre 2018. La cour observe en outre que l'envoi du planning le 27 août 2018 est justifié. Il prévoyait une prise de poste le 5 septembre chez le client Challancin KFC durant tout le mois de septembre.

Par ailleurs, si l'absence de M. [L] en raison du non-respect du délai de prévenance ainsi qu'il le prétend, peut se justifier pour le 5 septembre, en revanche M. [L] n'explique pas pourquoi il a été absent de son poste les jours suivants soit les 6, 7, 8 et 9 septembre alors qu'il a pu contacter son employeur le 9 septembre afin de réclamer son bulletin de salaire du mois en cours sans se préoccuper du planning du mois de septembre qu'il dit ne pas avoir reçu.

L'absence de M. [L] du 5 septembre au 9 septembre, contrairement à ce qu'il prétend a effectivement désorganisé tant l'employeur, contraint de solliciter les services d'un sous-traitant pour un coût représentant 1.550 euros, que son client la société Challancin, ce dernier ayant résilié le contrat de prestations de services dès le mois d'octobre 2018. Le préjudice de l'employeur est de fait indéniable.

Par voie de conséquence, le licenciement de M. [L] est fondé sur une faute grave de sorte qu'il sera débouté de ses demandes indemnitaires consécutives à la rupture du contrat ainsi que celle au titre de rappel de salaire sur la période du 1er septembre au 20 septembre, le salarié ayant fait le choix de ne pas se présenter sur son lieu de travail

malgré la transmission du planning et la mise en demeure du 10 septembre d'avoir à justifier de son absence.

La décision dont appel sera confirmée de ce chef.

Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat

L'article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

M. [L] considère qu'en établissant des bulletins de salaire qui ne correspondent pas à la réalité du travail effectué, qu'en modifiant le contrat de travail de façon unilatérale pour ne pas avoir à régler les majorations des heures supplémentaires accomplies et qu'en ayant effectué des interventions en qualité de SSIAR 1, agent d'incendie, sans être rétribué en conséquence, l'employeur a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat.

En réplique, l'employeur rétorque que les modifications du contrat de travail relevées par le salarié ont fait l'objet de plusieurs avenants, tous signés par celui-ci, ce que confirment les avenants fournis.

Il invoque les bulletins de salaire sur lesquels figurent les majorations des heures supplémentaires réclamées à tort par M. [L] et produit les bulletins de salaires concernés tandis que celui-ci ne produit aucun élément au soutien de sa demande.

L'employeur souligne, à juste titre, que s'agissant de la réclamation de la rétribution relative à l'intervention de M. [L] en qualité d'agent incendie, outre le fait que celui-ci ne justifie pas de cette qualification ni qu'il a été engagé en cette qualité, les seules mentions de son intervention à ce titre ont été portées de façon manuscrite par M. [L] lui-même sur les plannings qu'il produit, de sorte qu'aucun élément ne vient étayer cette demande, ce que corrobore l'examen des plannings versés par le salarié. En outre le salarié a été débouté de sa demande au titre de la modification de ses bulletins de salaire, le remboursement des frais professionnels pouvant ne pas figurer sur le bulletin de salaire.

En considération de l'ensemble de ces éléments, M. [L] sera débouté de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat.

La décision de première instance sera confirmée sur ce point.

Sur le travail dissimulé

M.[L] soutient avoir réalisé des heures supplémentaires qui ont été rémunérées mais qui ne figuraient pas sur ses bulletins de salaire outre le fait que des heures en qualité de SSIAP 1 ont été réalisées sans être rémunérées mais il ne réclame pas de rappel de salaire à ce titre. Il produit des plannings de mars 2014 à juillet 2014.

Pour s'y opposer, l'employeur produit les fiches fiscales individuelles du salarié, les plannings signés par ce dernier et affirme que les demandes antérieures à décembre 2015 sont prescrites.

***

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux' déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L 8223-1 du même code prévoit qu'en cas de rupture de la relation de'travail', le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits énoncés à l'article précédent, a droit à une'indemnité'forfaitaire'égale à 6 mois de salaire.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel de la dissimulation d'emploi.

***

La demande de M. [L] formée dans le cadre du litige prud'homal, sans qu'aucune réclamation antérieure n'ait été formulée, ne peut prospérer dans la mesure où il n'a été retenu aucune irrégularité dans l'établissement des bulletins de salaire par l'employeur et qu'il n'est pas justifié de l'accomplissement de mission en qualité d'agent incendie.

La décision dont appel sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. [L] de sa demande de ce chef.

Sur les autres demandes

M. [L], partie perdante à l'instance et en son recours, supportera la charge des dépens.

L'équité commande de condamner M. [L] à verser à l'employeur la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [L] à verser à la société Drakkar Protection Sécurité la somme de 300 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [L] aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00254
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.00254 ?
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