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10/05/2023 | FRANCE | N°20/00002

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 10 mai 2023, 20/00002


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



TROISIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 10 MAI 2023









N° RG 20/00002 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LMK4









[O] [J] [U] épouse [L]



c/



[X] [F] [U]



















Nature de la décision : AU FOND







28A



Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à

la Cour : jugement rendu le 03 décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX (RG n° 15/02489) suivant déclaration d'appel du 31 décembre 2019





APPELANTE :



[O] [J] [U] épouse [L]

née le 17 Septembre 1947 à [Localité 29]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 28]



Représent...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 10 MAI 2023

N° RG 20/00002 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LMK4

[O] [J] [U] épouse [L]

c/

[X] [F] [U]

Nature de la décision : AU FOND

28A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX (RG n° 15/02489) suivant déclaration d'appel du 31 décembre 2019

APPELANTE :

[O] [J] [U] épouse [L]

née le 17 Septembre 1947 à [Localité 29]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 28]

Représentée par Me Alice DELAIRE de la SELARL SELARL PIPAT - DE MENDITTE - DELAIRE - DOTAL, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉ :

[X] [F] [U]

né le 16 Août 1952 à [Localité 29]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Murielle NOEL de la SELARL EDINLAW, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : Hélène MORNET

Conseiller: Danièle PUYDEBAT

Conseiller : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

[K] [U] et [T] [C] se sont mariés le 15 février 1947 à [Localité 29], Dordogne, sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, selon contrat reçu par Me [W], notaire à [Localité 30].

De leur union sont issus deux enfants :

- [O] [J] [U] épouse [L],

- [X] [F] [U].

Aux termes d'un acte de donation-partage en date du 15 mars 1976, [X] [U] et [O] [L] ont reçu chacun donation de parcelles de terre, ces biens étant évalués à la date de la donation à hauteur de 3.048,98 euros chacun.

[T] [C] épouse [U] a rédigé trois testaments olographes :

- le 28 janvier 2000 instituant [X] [U] en qualité de légataire universel,

- le 18 mars 2002, instituant [X] [U] en qualité de légataire à titre particulier,

- le 21 mai 2003, instituant [X] [U] en qualité de légataire à titre particulier.

Elle a également effectué trois donations à son fils [X] :

- donation préciputaire du 4 septembre 2002, portant sur une propriété rurale comprenant une maison d'habitation et bâtiment d'exploitation ainsi que diverses parcelles de terrain en nature de lande, pré et taillis, cadastrée à [Localité 29] section AK n° [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 14], ces biens étant évalués à la date de la donation à hauteur de 252.000 euros ;

- donation préciputaire du 21 janvier 2003, portant sur une parcelle de terrain en nature de pré, cadastrée à [Localité 29] section AK n° [Cadastre 17], ce bien étant évalué à la date de la donation à hauteur de 21.186 euros ;

- donation préciputaire du 2 mai 2003, portant sur une parcelle de terrain en nature de taillis, cadastrée à [Localité 29] section AK n° [Cadastre 20], ce bien étant évalué à la date de la donation à hauteur de 27.000 euros.

[K] [U] a rédigé deux testaments olographes :

- le 28 janvier 2000, léguant la quotité disponible de sa succession à [X] [U],

- le 2 mai 2003, léguant par préciput et hors part tout le matériel et outillage existant à son décès à [X] [U].

[T] [C] épouse [U] est décédée le 11 novembre 2007 à [Localité 29] laissant pour lui succéder son conjoint survivant bénéficiant d'une donation entre époux du 15 mars 1976 dans le cadre de laquelle il a opté pour l'usufruit total des biens composant la sucession de son épouse et ses deux enfants.

A la suite de désaccords entre les héritiers, Mme [L] a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise.

Par ordonnance en date du 17 décembre 2009, le président du tribunal de grande instance de Périgueux a fait droit à la demande de Mme [L] et désigné M. [A], en qualité d'expert, avec notamment pour mission de :

* évaluer les biens ayant fait l'objet de donations ou donations-partage, à la date du décès de Mme [T] [U] ;

* évaluer les immeubles appartenant en propre à Mme [T] [U] au moment du décès ;

* rechercher et chiffrer les récompenses dues par la succession à la communauté ou par la communauté à la succession ;

* se faire communiquer l'ensemble des comptes bancaires de Mme [T] [U] ainsi que ceux de M. [K] [U] durant les dix années précédant le décès de Mme [T] [U] ;

* dire si des remises d'argent ont pu bénéficier à M. [X] [U] et dans l'affirmative, de donner les éléments permettant d'évaluer le montant des avantages susceptibles d'avoir été consentis en faveur de M. [X] [U] ;

* dire si M. [X] [U] avait pu profiter de coupes de bois ou si elles avaient fait l'objet d'une vente par ce dernier à des tiers dans l'affirmative pour quel prix ;

* indiquer si le contrat d'assurance-vie souscrit par Mme [T] [U] auprès de Predica et dont M. [X] [U] est le bénéficiaire avait fait l'objet de versement de primes par la de cujus, manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

[K] [U] est décédé le 6 septembre 2010 à [Localité 29].

Par ordonnance en date du 5 juillet 2012, le juge des référés a déclaré l'expertise commune et opposable à [N] [U], fils de [X] [U], qui selon l'expert, avait acheté à sa grand-mère paternelle une parcelle de terrain à bâtir située à [Localité 29].

L'expert a déposé son rapport le 30 juin 2014, y annexant le rapport de son sapiteur M. [M], auquel il avait demandé d'examiner les flux financiers ayant pu intervenir à partir des comptes bancaires de [T] [U] ou de [K] [U] vers des comptes bancaires ouverts au nom de [X] [U], ainsi qu'au nom de [N] [U]. Il était également demandé à M. [M] d'examiner le montant des primes versées dans le cadre du contrat d'assurance-vie souscrit par [T] [U] auprès de Predica et de se prononcer sur le caractère exagéré ou non de ces versements.

Par acte d'huissier en date du 16 décembre 2015, Mme [L] a assigné [X] [U] devant le tribunal de grande instance de Périgueux afin, notamment, de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre leurs parents et de la succession de chacun d'eux.

Selon jugement en date du 3 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Périgueux a pour l'essentiel :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre Mme [T] [U] et M. [K] [U] et de la succession de chacun d'eux,

- commis pour y procéder M. Le Président de la chambre départementale des notaires de Dordogne avec faculté de délégation, étant précisé que le notaire ainsi délégué ne pourra être ni Me [S], ni Me [B], ni Me [V] ou tout autre notaire exerçant dans leurs études respectives,

- commis M. Hervé Ballereau, Vice-Président au tribunal de grande instance de Périgueux, en qualité de juge commissaire pour en surveiller le cours et faire rapport en cas de difficultés,

- donné acte à Mme [L] de ce qu'elle se désiste de sa demande au titre d'une créance de salaire différé,

- débouté Mme [L] de toutes ses autres demandes,

- débouté M. [X] [U] de sa demande reconventionnelle tendant à la désignation d'un nouvel expert judiciaire,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens, incluant ceux afférents à la procédure de référé, dont les frais d'expertise judiciaire, ainsi que les frais de la médiation judiciaire, seront employés en frais privilégiés de partage.

Procédure d'appel :

Par déclaration du 31 décembre 2019, Mme [L] a relevé appel limité du jugement, en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses autres demandes.

Selon dernières conclusions en date du 28 février 2022, Mme [L] demande à la cour de :

- juger recevable son appel,

Infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- juger que [X] [U] sera tenu de rapporter à la succession de sa mère les frais réglés par cette dernière relatifs aux trois actes de donation du 4 septembre 2002, 21 janvier 2003 et 2 mai 2003, soit respectivement les sommes de 44.700 euros, 5.285,06 euros et 6.600 euros,

- subsidiairement, si les donations consenties à [X] [U] par sa mère au titre des frais relatifs aux trois actes de donation précités n'étaient pas jugés rapportables, juger qu'elles sont préciputaires,

- juger que [X] [U] sera tenu de rapporter à la succession de sa mère, en application des articles L 132-13 du code des assurances le montant des primes versées au titre du contrat d'assurance-vie Predica n° 82400201044304, soit la somme de 123.484,07 euros,

- juger que l'ensemble de ces donations, y compris celles faites par [K] [U] et [T] [U] à leur petit-fils [N] [U] sera pris en compte pour le calcul de la quotité disponible, en application de l'article 922 du code civil,

- désigner un expert avec l'essentiel de la mission précédemment impartie à M. [A], par l'ordonnance de référé du 17 décembre 2009, c'est-à-dire :

* évaluer les biens ayant fait l'objet de donations ou donations-partage, par les de cujus, à la date de leur décès et leur valeur actuelle ;

* évaluer les immeubles propres de [T] [U] et de [K] [U] et ceux dépendant de leur communauté au jour de leur décès et à leur valeur actuelle ;

* rechercher et chiffrer les récompenses dues par la succession à la communauté ou par la communauté à la succession ;

* se faire communiquer l'ensemble des relevés des comptes bancaires de [T] [U] individuels ou joints ainsi que ceux de [K] [U] (au Crédit Agricole ou auprès d'autres banques) durant les dix années antérieures aux deux décès, l'expert pouvant interroger, si besoin est le Ficoba ;

* donner les éléments permettant d'apprécier à travers les opérations relevées sur ces comptes bancaires si des remises d'argent ont pu bénéficier à [X] [U] et dans l'affirmative, de donner les éléments permettant d'évaluer le montant des avantages susceptibles d'avoir été consentis en faveur de [X] [U] ;

* dire que l'expert, s'il l'estime nécessaire, pourra recourir à un sapiteur de son choix dans un domaine ne relevant pas de sa spécialité ;

* dire que l'expert devra déposer un pré-rapport et répondre aux dires dans un délai minimum d'un mois avant le dépôt de son rapport définitif ;

- dire que la provision à valoir sur la rémunération de l'expert sera prélevée sur les comptes des successions tenues par la SCP Nectoux [S] Pillaud Barnieras Desplas, notaire à Périgueux,

- condamner [X] [U] à payer à Mme [L] une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de partage.

Selon dernières conclusions en date du 22 mars 2022, M. [X] [U] demande à la cour de :

- juger l'appel interjeté par Mme [L] à l'encontre du jugement prononcé le 3 décembre 2019 recevable mais mal fondé,

Au principal :

- confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire :

- si par impossible la cour réformait le jugement prononcé le 3 décembre 2019 en ce qu'il a débouté Mme [L] de ses demandes tendant à voir rapporter à la succession les frais afférents aux trois actes de donation des 4 septembre 2002, 21 janvier 2003 et 2 mai 2003, juger qu'il s'agit de donations rémunératoires et donc non rapportables à la succession,

- débouter en conséquence Mme [L] de sa demande tendant à les voir qualifier de donations préciputaires,

- si par impossible la cour jugeait fondée la demande d'expertise judiciaire présentée par Mme [L], désigner tel expert qu'il plaira avec partie de la mission précédemment impartie à M. [A] par ordonnance de référé en date du 17décembre 2009 :

* évaluer les biens ayant fait l'objet de donations ou donations-partages par les de cujus à la date de leur décès et leur valeur actuelle, et ce en fonction de la liste des donations figurant dans le projet de déclaration de succession,

* évaluer les immeubles propres de la de cujus au jour de son décès et à leur valeur actuelle, tels qu'ils sont désignés ci-dessus,

* rechercher et chiffrer toute récompense due par la succession à la communauté ou par la communauté à la succession,

- débouter Mme [L] de toutes autres demandes,

- dire que les frais d'expertise seront assumés par Mme [L] seule,

En tout état de cause,

- débouter Mme [L] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] à verser à M. [X] [U] la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que les dépens d'appel, en ce compris des frais inhérents à l'éventuelle nouvelle expertise susceptible d'être ordonnée par la cour resteront à la charge de Mme [L] seule.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rapport par [X] [U] à la succession de sa mère des frais réglés par cette dernière relatifs aux trois actes de donation du 4 septembre 2002, 21 janvier 2003 et 2 mai 2003, soit respectivement les sommes de 44.700 euros, 5.285,06 euros et 6.600 euros

La décision déférée a rejeté cette demande en retenant que :

- s'agissant de donations faites par préciput, elles sont présumées dispensées du rapport à la succession,

- la demanderesse ne produisait pas les actes de donation litigieux et ne rapportait pas la preuve, par sa simple affirmation, que la donatrice n'avait rien stipulé concernant les frais de donation, de l'intention libérale de leur mère,

- le défendeur démontrait qu'il avait apporté à ses parents une aide dépassant manifestement le cadre de la simple piété filiale,

- en l'absence de preuve d'une intention libérale de la donatrice, il n'était pas justifié de réserver un sort distinct à la donation préciputaire, dispensée du rapport, et aux droits de mutation qui en résultent.

La cour constate que Mme [L] ne verse toujours pas aux débats les trois donations litigieuses. La question n'est pas de savoir si la donatrice a payé les frais afférents aux dits actes, ce qui n'est pas contesté, mais de savoir si les actes réservent un sort particulier aux dits frais. A défaut de les produire, l'appelante ne peut soutenir que la donatrice n'a rien stipulé concernant les frais de donation et en conclure qu'ils seront rapportables à la succession.

Au surplus, Mme [L], cohéritière qui réclame le rapport au titre de la prise en charge des frais, doit rapporter la preuve de l'intention libérale de la donatrice.

Cette intention libérale ne peut résulter, ainsi qu'elle l'affirme, 'du fait que les frais d'acte pris en charge par les donateurs sont relatifs aux trois actes de donation et qu'on ne voit pas pourquoi cette libéralité supplémentaire serait exclue du rapport' alors même que la prise en charge par la donatrice des frais des actes ne caractérise pas forcément son intention libérale puisqu'elle peut être causée par une intention rémunératrice.

L'intention libérale ne peut pas plus résulter du fait que les parents auraient consenti des legs de la quotité disponible à leur fils et auraient ainsi voulu l'avantager ce qui relève de leur choix le plus strict dans le cadre légal ; quant aux donations préciputaires elles-mêmes, elles ne constituent pas un avantage puisqu'elles sont sujettes à rapport en cas d'atteinte à la réserve.

Au contraire, l'intimé établit, par ses pièces versées aux débats, qu'il a apporté à ses parents une aide et une assistance dépassant celle qui relève de la piété filiale, dans des conditions justifiant une rémunération du service rendu, alors que l'appelante ne communique aucune pièce qui établirait qu'elle a été volontairement écartée par ses parents.

Dans ces conditions, alors que l'appelante n'invoque pas le caractère excessif de la donation, seule la partie jugée excessive pouvant alors être rapportée à la succession et éventuellement réduite si elle porte atteinte à la réserve des héritiers, il convient de confirmer que le paiement des frais des trois donations litigieuses par la donatrice constitue une donation rémunératoire qui n'est pas soumise au principe du rapport à la succession et qui échappe au calcul des droits des héritiers réservataires.

Sur le demande de rapport du montant des primes à hauteur de 123 484,07 €

Aux termes de l'article L. 131-12 du code des assurances, ni le capital, ni les primes versées ne sont rapportables à la succession.

Toutefois, l'article L. 131-13 du code des assurances dispose que les primes manifestement excessives par rapport à la fortune et aux revenus du souscripteur font l'objet d'un rapport. Le caractère manifestement excessif des primes s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur, et de l'utilité du contrat pour celui-ci.

Pour débouter Mme [L] de cette demande, la décision déférée a retenu que :

- le contrat d'assurance-vie litigieux n° 824 00201044304, a été souscrit par Mme [C] le 23 août 1996 alors qu'elle était âgée de 75 ans, auprès de la société PREDICA,

- elle a versé à la souscription la somme de 75 000 francs soit 11 433, 68 €,

- trois autres versements sont intervenus, 60 000 Frs (9 146,94 €) le 20 mars 1999, 50 000 Frs (7 622,45 €) le 25 juin 1999 et 95 280 € le 23 novembre 2002, entre 77 et 81 ans, Mme [C] étant décédée à 86 ans le 11 novembre 2007,

- l'actif net de succession est de 229 171,38 €,

- la perception de l'APA par les époux [U]/[C] n'est pas de nature à influer sur le caractère exagéré ou non des primes versées au regard des revenus de la titulaire du contrat, la demande mentionnant le 26 septembre 2006, l'existence de placements financiers à hauteur de 302 597,83 € en capital et 11 657,44 € au titre des intérêts des mêmes capitaux,

- le réinvestissement en assurance-vie par Mme [C] d'une partie du produit de la vente de biens immobiliers dont elle était propriétaire (les 7 mai 1999, 3 mai 2002 et 4 septembre 2002) pour 301 849,04 € n'est pas déterminant, au regard du produit de ces ventes, du patrimoine global de l'intéressée tel qu'il ressort de la déclaration de succession, et nonobstant la donation à son fils du 4 septembre 2002 d'autres biens immobiliers évalués 252 000 € (à la date de la donation), de la caractérisation de primes manifestement excessives eu égard aux facultés de la titulaire du contrat,

- aucun élément n'établit que l'espérance de vie de la souscriptrice, dont l'autonomie jusqu'à son décès n'est pas discutée, ait été objectivement compromise par la maladie au moment des versements effectués tandis qu'elle pouvait avoir un intérêt légitime à se constituer un capital monétaire pour couvrir de façon viagère ses frais d'hébergement et d'assistance pouvant résulter d'une perte d'autonomie due à l'âge,

- il n'est pas démontré que la souscription du contrat et les versements effectués aient été dépourvus d'utilité pour Mme [C] et que le montant des primes ait été manifestement exagéré eu égard à ses facultés,

- la seule considération de la stipulation d'une clause bénéficiaire au bénéfice de [X] [U] ne saurait faire présumer, dans ces circonstances, que soient réunies les conditions requises par l'article L132-13 alinéa 2 du code des assurances, pour qu'un rapport à la succession puisse intervenir.

C'est par des motifs complets et pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel, et que la cour fait siens, que le premier juge a considéré que les primes litigieuses n'étaient manifestement pas exagérées au moment de leur versement, au regard de l'âge, de la situation patrimoniale et familiale de la souscriptrice et de l'utilité du contrat pour celle-ci.

En effet, sans qu'il soit utile de se référer au rapport du sapiteur [M], lequel se contente d'estimer, dans le cadre de considérations générales, que le montant des versements effectués sur le contrat n'est pas exagéré, il convient de retenir que si les primes ont été versées, pour celle du 29 mars 1999, grâce à des fonds issus d'un remboursement d'un produit d'épargne du Crédit Agricole dénommé VARIUS 7, pour les deux dernières, en date des 25 juin 1999 et 25 novembre 2002, grâce à des fonds issus de ventes de biens immobiliers appartenant en propre à Mme [C], l'appelante reste taisante sur l'âge auquel sa mère a versé les primes litigieuse (77, 78 puis 81 ans), sur l'état de santé de la souscriptrice à ces dates, l'appelante ne soutenant pas qu'il aurait jamais été déficient alors que Mme [C] n'est décédée que le 11 novembre 2007, à 86 ans, sur ses revenus encore dès lors que si Mme [L] soutient que les revenus de ses parents étaient 'extrêmement faibles', elle n'en justifie par aucune pièce versée aux débats, la décision déférée ayant rappelé à juste titre qu'une simple demande d'allocation personnalisée d'autonomie était insuffisante à démontrer une quelconque faiblesse de revenus, alors même que quand la demande a été faite par l'intimé, le 26 septembre 2006, les époux disposaient de placements à hauteurs de plus de 302 000 euros en capital, incluant effectivement les assurances-vie, qui n'en constituent pas moins une épargne sûre et disponible, et plus de 11000 euros en intérêts des placements (pièce 35 de l'appelante).

Par ailleurs, le projet de déclaration de succession a chiffré l'actif successoral à 355 284,89 euros, le passif à 126 113,51 €, comprenant, à hauteur de 124 486,64 €, la différence entre les récompenses dues par la succession (574 813, 82 €) et celles dues par la communauté [U]/[C] (450 327,18 €) par suite de l'encaissement du prix de vente de biens immobiliers appartenant en propre à l'épouse, soit un actif net de 229 171, 28 €.

Il en ressort que le montant total des primes versées est en lui-même largement inférieur au montant des ventes des biens propres de la souscriptrice pendant la vie commune et qu'il n'est d'aucun intérêt dans le débat de soutenir qu'au 25 novembre 2002, Mme [T] [U] n'avait plus la pleine propriété de la majeure partie de ses biens', ce qui n'a aucune incidence sur le caractère exagéré ou non des primes.

Dès lors, le simple énoncé par l'appelante du réinvestissement en assurance-vie d'une partie du produit des ventes d'immeubles propres par la souscriptrice, nonobstant la donation du 4 septembre 2002 au profit de l'intimé d'immeubles estimés 252 000 euros, ne permet pas de retenir que les primes auraient été ni manifestement excessives ni d'aucune utilité pour Mme [C].

En effet, outre que le premier versement apparaît comme une réorganisation de son épargne par la souscriptrice, le choix de capitaliser son patrimoine immobilier avait une utilité certaine pour Mme [C] qui pouvait ainsi disposer d'une épargne en vue de financer son maintien à domicile ou son entrée en maison de retraite ou de santé et/ou ceux de son époux.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée.

Sur la réunion à la masse de calcul de la quotité disponible des donations dont a bénéficié [N] [U]

Contrairement à ce que soutient l'intimé, il est constant que la décision déférée a omis de statuer sur la demande de Mme [L] visant à 'juger que l'ensemble des donations, y compris celle faite par M.et Mme [U]/[C] à leur petit-fils [N] [U] sera pris en compte pour le calcul de la quotité disponible en application de l'article 922 du code civil'.

En effet, le jugement rappelle pourtant que Mme [L] répliquait au défendeur que [N] n'avait pas à être appelé à la cause puisqu'il n'était pas héritier et que M. [U] concluait au débouté, précisant que la demande de rapport n'était pas recevable en l'absence d'appel à la cause mais n'apporte aucune réponse.

Il est constant que [N] [U] n'est pas héritier et que la question du rapport ne se pose, ni pour lui ni pour ses parents, qui ne sont pas concernés par l'obligation de rapporter pour lui. En revanche, il est tout aussi constant qu'il faut que les sommes reçues n'excèdent pas la quotité disponible et que pour se faire, le notaire doit prendre en compte les donations faites par les grands-parents, et notamment celle à leur petit-fils de 30 000 euros du 21 janvier 2003 (pièce 26 de l'appelante).

Quoi qu'il en soit, la demande de l'appelante ressort simplement de la mission habituelle du notaire en la matière.

Il sera ajouté en ce sens à la décision.

Sur la désignation d'un nouvel expert

Le rapport d'expertise de M. [A] a été clos le 30 juin 2014 ; le tribunal de grande instance de Périgueux a été saisi par assignation délivrée le 16 décembre 2015 et jamais Mme [L] n'a saisi le juge de la mise en état d'une demande de nouvelle expertise dans le cadre des dispositions de l'article 771 ancien du code de procédure civile.

Il convient de rappeler que le tribunal n'était pas tenu d'ordonner une mesure d'expertise sous le seul prétexte que les deux parties s'accordaient sur sa nécessité.

En appel, ne reste en litige que la question de l'évaluation des biens ayant fait l'objet de donations, ou donations-partage par les époux [U]/[C], à la date de leur décès et leur valeur actuelle, (en fonction de la liste des donations figurant dans le projet de déclaration de succession pour l'intimé) et de l'évaluation des immeubles propres de Mme [C] (et de M. [U] et ceux dépendant de leur communauté pour l'appelante) au jour de leur décès et à leur valeur actuelle, Mme [L] n'ayant pas maintenu son appel en ce qui concerne le rejet de ses demandes de rapport de la somme de 41 354,47 €, de celle de 26 929,90 €, de celle de 4 100,21 €.

Dès lors la mission de l'expert n'a pas à s'étendre, ainsi que l'appelante le demande, à l'examen des relevés des comptes bancaires des défunts pour apprécier si des remises d'argent ont pu bénéficier à M. [U] et évaluer le montant des avantages susceptibles d'avoir été consentis en sa faveur.

Mais en tout état de cause, sauf à soutenir que l'expert aurait été dépassé par l'ampleur de la tâche, et de citer le courrier de Me [B] du 9 juillet 2014, l'appelante ne précise pas sur quelles demandes le rapport de M.[A] ne permettrait pas de trancher.

Il résulte essentiellement de ce courrier que Me [B] critiquait le prix retenu par M. [A] quant aux terrains en zone UG et leur classement en qualité de terrains constructibles, notamment les parcelles AK [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 16] et partie des parcelles [Cadastre 15] et [Cadastre 9], le caractère constructible de la parcelle AK [Cadastre 18] concernée par un espace boisé classé, le prix des parcelles appartenant à [X] [U], objet de la donation rapportable, parcelles AK [Cadastre 17], partie de la parcelle AK [Cadastre 5], parcelle AK [Cadastre 20], l'omission du classement de certaines parcelles en zone AU du plan local d'urbanisme de la ville de [Localité 29], parcelles AK [Cadastre 9], [Cadastre 25], [Cadastre 19] et [Cadastre 2] sur la propriété de Mme [C], parcelles AK [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23] et [Cadastre 24] sur la propriété de [X] [U], l'omission de certains bâtiments (deux garages, une grange et un hucher) enfin l'explication quant au montant de 326 283, 96 € retenu par l'expert au titre des donations non rapportées et le calcul des reprises et récompenses en page 22-23.

Toutefois, alors que Mme [C] est décédée le 11 novembre 2007 et M. [U] le 6 septembre 2010, il n'a pas été procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de leur communauté et de leurs successions respectives alors même qu'un notaire a été désigné par la décision déférée, et que ce point n'a pas été frappé d'appel.

Or la mission du notaire désigné est, en application de l'article 922 du code civil, de former la masse de tous les biens existant au décès des donateurs, ceux dont ils ont disposé par donations entre vifs étant fictivement réunis à cette masse.

Le notaire est apte à évaluer les biens, notamment sur la base des rapports existant en l'espèce, de M. [Z] même s'il est ancien, de M. [A] même s'il est contesté sur certains points, au besoin en demandant aux parties de lui fournir des estimations des biens plus récentes ou d'en fournir lui-même aux parties si elles y consentent.

La mission du notaire, et non celle d'un expert désigné, est ensuite de chiffrer les récompenses dues par la succession à la communauté ou par la communauté à la succession afin de parvenir à l'établissement d'un acte liquidatif, voire d'un projet qui serait ensuite soumis au tribunal si les parties ne s'accordent pas.

Il convient ainsi de confirmer la décision déférée qui a rejeté la demande de nouvelle expertise, laquelle apparaît inutile à la solution du litige.

Mme [L], qui succombe essentiellement, sera condamnée au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en faveur de M. [U], au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant dans les limites de l'appel,

CONFIRME la jugement déféré ;

Y ajoutant,

RAPPELLE que l'ensemble des donations, y compris celles faites par M. [U] et/ou Mme [C], à leur petit-fils [N] [U], seront prises en compte pour le calcul de la quotité disponible ;

CONDAMNE Mme [L] au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en faveur de M. [U], au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Signé par Hélène MORNET, Présidente de la chambre et par Véronique DUPHIL Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 20/00002
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.00002 ?
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