COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 04 MAI 2023
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 21/02635 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDBK
Madame [L] [R]
c/
CPAM DE LA CHARENTE
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 avril 2021 (R.G. n°19/00293) par le Pôle social du TJ d'ANGOULEME, suivant déclaration d'appel du 05 mai 2021.
APPELANTE :
Madame [L] [R]
née le 07 Mars 1970 à [Localité 3] ([Localité 3])
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Monsieur [W] [G], muni d'un pouvoir
INTIMÉE :
CPAM DE LA CHARENTE
[Adresse 1]
représentée par madame [P] [Y], munie d'un pouvoir régulier
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 février 2023, en audience publique, devant Monsieur Eric VEYSSIERE, Président magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président
Madame Sophie Lésineau, conseillère
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
Le 25 novembre 2016, Mme [R] a établi une déclaration de maladie professionnelle dans les termes suivants : 'canal carpien gauche'.
Le certificat médical initial, établi le 25 octobre 2016, mentionne un 'canal carpien gauche'.
Par décision du 27 février 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente (la caisse) a notifié à Mme [R] la prise en charge de la maladie au titre des risques professionnels.
L'état de santé de Mme [R] a été considéré comme guéri le 16 janvier 2017.
Le 22 février 2019, Mme [R] a adressé à la caisse un certificat médical de rechute, établi le 20 février 2019, mentionnant 'une atteinte bilatérale des canaux carpien, opéré (octobre 2016 et janvier 2017), + kyste articulaire et synovectomie index et carpe'.
Par décision du 16 juillet 2019, la caisse a notifié à Mme [R] le refus de prise en charge de la rechute au titre des risques professionnels.
Le 6 août 2019, Mme [R] a saisi la commission de recours amiable de la caisse aux fins de contestation de cette décision.
Par décision du 3 septembre 2019, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté le recours intenté.
Le 17 septembre 2019, Mme [R] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance d'Angoulême aux fins de contester la décision de la commission de recours amiable.
Par jugement du 12 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire d'Angoulême a :
- débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes,
- confirmé la décision de refus de prise en charge de la rechute invoquée en date du 20 février 2019,
- laissé les éventuels dépens à la charge de Mme [R].
Par déclaration du 5 mai 2021, Mme [R] a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions enregistrées le 22 juillet 2021, Mme [R] demande à la cour de:
- infirmer le jugement rendu le 12 avril 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Angoulême,
- annuler le rapport d'expertise du Dr [X] du 3 juillet 2019,
- ordonner une nouvelle mesure d'instruction confiée à un expert spécialiste avec mission de:
- prendre connaissance de l'entier dossier médical de Mme [R],
- décrire les lésions dont elle souffre,
- concernant les lésions du poignet droit, dire si l'arrêt de travail à compter du 20 février 2019 doit être pris en charge au titre d'une rechute de la maladie professionnelle du 6 janvier 2017 ou à être indemnisé en maladie pour cause d'affection intercurrente,
- concernant les lésions du poignet gauche, dire si l'arrêt à compter du 20 février 2019 doit être pris en charge au titre d'une rechute de la maladie professionnelle du 25 octobre 2016 ou à être indemnisé en maladie pour cause 'affection intercurrente,
- dire que le règlement des frais d'expertise incombera à la caisse,
- condamner la caisse aux éventuels dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 23 août 2021, la caisse sollicite de la cour qu'elle:
- confirme le refus de prise en charge de la rechute invoquée en date du 20 février 2019,
- confirme le jugement déféré,
- condamne Mme [R] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.
Motifs de la décision
L'article R. 141-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, dispose que, dès qu'elle est informée de la désignation du médecin expert, la caisse établit un protocole mentionnant obligatoirement :
1°) l'avis du médecin traitant nommément désigné ;
2°) l'avis du médecin conseil ;
3°) lorsque l'expertise est demandée par le malade ou la victime, les motifs invoqués à l'appui de la demande ;
4°) la mission confiée à l'expert ou au comité et l'énoncé précis des questions qui lui sont posées.
La caisse adresse au médecin expert la demande d'expertise obligatoirement accompagnée de ce protocole, par pli recommandé avec demande d'avis de réception.
Selon l'alinéa 5 de l'article R. 141-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, le rapport du médecin expert ou du comité comporte : le rappel du protocole mentionné ci-dessus, l'exposé des constatations qu'il a faites au cours de son examen, la discussion des points qui lui ont été soumis et les conclusions motivées mentionnées aux alinéas précédents.
Si le protocole doit mentionner l'avis du médecin traitant, encore faut-il qu'un tel avis ait été exprimé et dès lors qu'il est établi qu'il a été sollicité.
Mme [R] sollicite l'annulation de l'expertise réalisée par le Docteur [X] en raison de graves vices de forme dans le rapport d'expertise du Docteur [X]. Elle affirme qu'il manque le rappel des éléments constitutifs du protocole d'expertise et plus précisément l'avis du médecin traitant de l'assuré et celui du médecin conseil et que cette carence tend à démontrer que l'expert n'a pas eu accès à l'intégralité du protocole d'expertise et a donc effectué son examen sans avoir connaissance d'éléments essentiels à la bonne réalisation de sa mission.
Elle ajoute que l'absence de rappels des éléments substantiels constitutifs du protocole d'expertise constitue une violation des dispositions de l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale, entrainant l'annulation de l'expertise réalisée.
Elle demande la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise auprès d'un autre praticien spécialiste.
En l'espèce, la caisse fournit à la cour le courrier adressé au médecin traitant de Mme [R], Docteur [O], par lequel elle l'interroge sur l'ordre de préférence des deux noms d'expert proposés pour effectuer l'expertise médicale. Ce courrier remplit, daté et signé par le médecin traitant est accompagné d'un protocole d'expertise que la caisse lui demande de compléter et de lui retourner dans les plus brefs délais.
Le protocole d'expertise est composé de 5 points à savoir :
- I - Motifs invoqués par la patiente à l'appui de sa demande,
- II - Avis du Praticien Conseil,
- III - Avis du Praticien désigné,
- IV - Questions posées à l'expert,
- V- Pièces jointes.
A la lecture de ce document, il convient de relever que les points I, II, IV et V sont déjà complétés par la caisse.
Le point III relatif à l'avis du praticien désigné n'est pas complété alors que le médecin traitant a signé et daté le protocole d'expertise et qu'il y a apposé son cachet.
Il s'en déduit que le médecin traitant, bien qu'il ait été régulièrement sollicité à donner son avis, ne l'a pas fait puisqu'il n'a pas rempli le point III qui lui était attribué.
Le rapport du 3 juillet 2019 du Docteur [X], médecin expert, précise qu'il a été 'désigné dans les conditions prévues instituées par les articles L141.1 et R141.1 du code de la sécurité sociale, ayant reçu mission d'entendre les parties en leurs dires et observations, de procéder à l'examen du malade, de prendre connaissance du dossier et de tous les certificats médicaux et documents qui pourront être produits par les parties'. Il indique également l'objet du litige, à savoir :
'- dire si l'arrêt à compter du 20/02/2013 pour le poignet droit doit être pris en charge au titre d'une rechute de la MP du 06/01/2017' Ou à indemniser en maladie pour infection intercurrente'
- dire si les soins à compter du 20/02/2019 pour le poignet gauche doivent être pris en charge au titre d'une rechute de la MP du 25/10/2016 ' Ou à indemniser en maladie pour affection intercurrente ''
Ce rapport mentionne ensuite un exposé des faits qui retranscrit les propos mentionnés par le médecin conseil dans le protocole d'expertise (Point II) et notamment ses conclusions, s'entendant comme un avis, à savoir 'Rejet de rechute arrêt pour poignet droit et rejet de rechute soins pour carpien gauche'.
Par conséquent, le rapport de l'expert ne contenant pas l'avis du médecin traitant, alors que la caisse lui a demandé de remplir le protocole d'expertise, ne peut être annulé pour ce motif de sorte que Mme [R] sera déboutée de sa demande d'annulation de l'expertise et de sa demande de nouvelle expertise.
Le jugement sera, en conséquence, confirmé.
Mme [R], partie perdante, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement rendu le 12 avril 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Angoulême,
Y ajoutant,
Condamne Mme [R] aux dépens.
Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Evelyne Gombaud, greffière, à
laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E. Gombaud E. Veyssière