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03/05/2023 | FRANCE | N°20/00789

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 03 mai 2023, 20/00789


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 03 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00789 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOSM















Monsieur [N] [G]



c/



SAS DERICHEBOURG PROPRETE

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivré

e le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 janvier 2020 (R.G. n°F 16/01239) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 12 février 2020,





APPELANT :

Monsieur [N] [G]

né le 14 Février 1966 à BRUGES (33520) de natio...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 03 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00789 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOSM

Monsieur [N] [G]

c/

SAS DERICHEBOURG PROPRETE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 janvier 2020 (R.G. n°F 16/01239) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 12 février 2020,

APPELANT :

Monsieur [N] [G]

né le 14 Février 1966 à BRUGES (33520) de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Hugo tahar JALAIN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Derichebourg Propreté, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 702 021 114

représentée par Me Lisiane FENIE-BARADAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Johanna SLAWNY substituant Me Geoffrey CENNAMO de la SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bénédicte Lamarque, conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 11 mars 2013, Monsieur [N] [G], né en 1966, a été engagé en qualité de chef d'agence, statut cadre, niveau 2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, par la SAS Derichebourg Propreté qui emploie plus de 20 salariés.

Par avenant signé entre les parties le même jour, a été déterminé le régime de la part variable de la rémunération versée à M.[G] en contrepartie de l'exécution de ses fonctions.

M. [G] a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre datée du 27 novembre 2013.

Par courrier du 7 février 2014, M. [G] a mis en demeure la société Derichebourg Propreté en vue d'obtenir le paiement de ses heures supplémentaires. Celle-ci, dans un courrier du 26 février 2014 lui a opposé son statut cadre et la mention au contrat de travail de ce que sa rémunération était indépendante du temps de travail effectif.

Soutenant que la rémunération au forfait lui est inopposable et réclamant outre un rappel d'heures supplémentaires, un rappel de repos compensateurs obligatoires et la remise de bulletins de salaire rectifiés sous astreinte, M. [G] a saisi le 27 mai 2016 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 7 janvier 2020, a :

- constaté l'inopposabilité de la convention de forfait en jours à M. [G],

- déclaré irrecevables les demandes en paiement de sommes à titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs pour la période de mars à mai 2013,

- débouté M. [G] de ses demandes en paiement des sommes de :

* 27.376,21 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période de juin 2013 au 28 novembre 2013,

* 2.737,62 euros au titre des congés payés afférents,

* 13.938,81 euros à titre de rappel de repos compensateurs obligatoires sur la même période,

* 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [G] de sa demande visant à voir ordonner à la société Derichebourg Propreté la remise de bulletins de salaire rectificatifs sous astreinte de 80 euros par jour de retard,

- débouté M. [G] de sa demande tendant à voir juger que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice,

- condamné M. [G] à payer à la société Derichebourg Propreté la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] aux dépens,

- rejeté les autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 12 février 2020, M. [G] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée par le greffe aux parties le 13 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 janvier 2023, M. [G] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la convention de forfait en jours lui était inopposable,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes d'heures supplémentaires sur la période de mai 2013 à novembre 2013,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remise de bulletins de salaire rectificatifs ainsi que de sa demande de capitalisation des intérêts à compter de la demande en justice,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à une somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- dire que son contrat de travail est assujetti à la durée légale de travail, soit 151,67 heures par mois tel qu'indiqué sur ses bulletins de salaire,

- acter la réalité des heures supplémentaires non réglées pour la période du 11 mars 2013 au 28 novembre 2013 sur la base d'un décompte précis distinguant son temps de travail effectif de ses temps anormaux de trajet,

- condamner la société Derichebourg Propreté à lui verser les sommes suivantes :

* rappel des heures supplémentaires pour la période du 27 mai 2013 au 28 novembre 2013, 431,70 heures majorées, soit 17.877,46 euros bruts outre 1.787,74 euros bruts de congés payés sur heures supplémentaires ainsi que la somme de 999,87 euros bruts au titre de la contrepartie sur les temps de trajet anormaux,

* rappel des repos compensateurs obligatoires pour la même période de 7.171,16 euros bruts outre 717,11 euros au titre des congés payés,

* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise de bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 80 euros par jour de retard,

- dire que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice,

- condamner la société Derichebourg Propreté aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 octobre 2020, la société Derichebourg Propreté demande à la cour de':

- confirmer intégralement le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 7 janvier 2020 en ce qu'il a débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter M. [G] de sa demande nouvelle en cause d'appel relative à la contrepartie sur les temps de trajet anormaux,

En tout état de cause,

- condamner M. [G] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La demande de M. [G] en ce qu'elle porte sur la rémunération des temps de trajet était déjà incluse dans la demande présentée en première instance au titre des heures supplémentaires et ne constitue donc pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Elle est donc recevable.

Sur la demande au titre de l'inopposabilité d'une convention de forfait liée au statut de cadre dirigeant

Le jugement du conseil des prud'hommes de Bordeaux est ainsi rédigé :

« En l'espèce, la SAS Derichebourg Propreté ne conteste pas l'inopposabilité de la convention de forfait jour. Il y a donc lieu de le constater ».

M. [G] en demande la confirmation sans que la société ne conclut sur ce point ni ne demande l'infirmation du jugement, reconnaissant que M. [G] était soumis au régime légal de la durée du travail, soit 35 heures par semaine.

En l'absence de signature entre les parties d'une convention de forfait, il ne peut être opposé une telle convention au salarié.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande en paiement au titre des heures supplémentaires et temps de trajet

Pour voir la société condamner à lui verser les sommes de 17.977,46 euros au titre des heures supplémentaires réalisées, de 1.787,74 euros pour les congés payés et de 999,87 euros au titre de la contrepartie du temps de trajet anormal, M. [G] soutient avoir effectué du 27 mai au 28 novembre 2013, un total de 431 heures supplémentaires correspondant à 68 heures de travail par semaine et 84 h 25 d'heures de déplacements excédant le temps normal de trajet.

Il fait valoir que ses temps de déplacements pour se rendre chez des client situés à [Localité 6], [Localité 9] ou [Localité 5] étaient des temps de travail effectif en ce qu'ils dépassaient la durée normale de trajet, sollicitant une contrepartie financière égale à 40% de son taux horaire fixé à 11,86 euros. Il mentionne qu'il était également fréquent qu'il passe à l'agence avant de prendre l'autoroute pour se rendre à un rendez-vous le matin ou qu'il repasse le soir à l'agence après un rendez-vous.

***

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

En vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

M. [G] produit un décompte des heures effectuées, son agenda 2013 portant mention des heures de travail effectuées sur la période concernée ainsi que certains mails envoyés de son adresse professionnelle avant de partir en déplacement ou au retour de déplacement, qui constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en justifiant les horaires effectivement réalisés.

La société s'oppose aux demandes du salarié en ce que les temps de trajets ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif et que M. [G] ne peut donc être rémunéré à ce titre ni au titre des heures supplémentaires, opérant confusion entre son temps de travail effectif et les temps de trajet :

- s'agissant du relevé des heures portées sur son agenda, la société relève tout d'abord des erreurs et invraisemblances :

* il aurait commencé et fini tous les jours à des horaires 'ronds' et aurait ainsi forfaitisé sa demande en arrondissant ses horaires,

* il y aurait ensuite porté des modifications en cours de procédure,

* il n'a pas contesté le paiement des heures réalisées pendant plusieurs années après la fin de la période contractuelle,

* les amplitudes de travail dont il se prévaut sont contestées, sa résidence étant à 25 mn du péage de [Localité 10] lorsqu'il se rendait au Nord de [Localité 4] et à 18 mn du péage de [Localité 8] lorsqu'il se rendait au Sud de [Localité 4] ;

- s'agissant de la demande de contrepartie financière à hauteur de 40% du temps de trajet pour se rendre de son domicile au lieu de son premier rendez-vous, la société soutient qu'il ne pourrait être tenu compte que du temps de trajet dit 'anormal' dépassant le temps de trajet habituel, qui est de 30 mn selon la circulation. Par ailleurs, elle souligne que la contrepartie de 40% de son taux horaire de base est supérieure aux 'standards' en la matière, se référent notamment à la convention collective des entreprises de service à la personne.

*

Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

L'article L.3121-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que :

« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire ».

Ainsi, le temps de trajet qui dépasse le temps normal de trajet n'est pas considéré comme un temps de travail effectif, mais ouvre droit à une contrepartie et n'a pas à être pris en compte pour le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, ni à être rémunéré comme des heures de travail.

Si le contrat de travail de M. [G] précise « qu'en raison de la nature du statut, des fonctions et des responsabilisés exercées (...), sa rémunération est indépendante du temps qu'il consacrera effectivement à son activité professionnelle', le salarié n'a signé aucune convention individuelle de forfait ni d'aménagement d'horaire et le contrat ne fait référence à aucune convention collective.

Il convient de se reporter à la durée du temps de travail légalement applicable, avec majoration des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 35ème heure.

M. [G] produit un agenda précis de ses temps de présence à l'agence, de ses déplacements auprès des clients, la société produisant les relevés de péage à partir de la carte de télépéage mise à la disposition du salarié ainsi que la carte de paiement Total pour les pleins d'essence permettant de vérifier les horaires des déplacements.

Il ne peut être fait reproche à M. [G] que les temps retenus pour se rendre de l'agence situé à [Localité 7] ou de son domicile situé à [Localité 3] au péage de [Localité 10] ou à celui de [Localité 8] diffèrent du fait es conditions de circulation variables autour de l'agglomération bordelaise.

M. [G], dont la mission principale était d'assurer la pérennité des relations commerciales avec les clients et pour ce faire, de se rendre systématiquement chez les clients de son secteur, a modifié en cause d'appel son décompte pour faire figurer ses temps de trajets qu'il a déduit du temps de travail décompté chaque jour.

En revanche, l'employeur démontre que certains décomptes horaires journaliers et hebdomadaires sont erronés :

- des incohérences sont notées entre l'agenda et le relevé journalier des heures effectuées avec les heures de passage au péage de l'autoroute empruntée en sortant de [Localité 4] le matin pour se rendre chez un client ou pour rentrer le soir, M. [G] n'ayant pas mentionné le retour à l'agence sur son agenda. Ces temps de trajet sont d'ailleurs décomptés comme tels mais la durée de temps de travail doit donc être réduite en ce qu'après être passé au péage, le salarié est rentré chez lui et n'a pas fait des heures supplémentaires à l'agence : ainsi les 7, 18, 24, 28 juin, 5, 17, 18, 19 et 24 juillet, 1er, 27, 29 et 30 août, 3, 5, 6, 13 et 16 septembre ;

- des temps de trajet ont été décomptés comme du temps de travail effectif : les 18, 24 et 30 juillet, les 6 et 13 septembre ;

- M. [G] a adapté ses explications entre la première instance et en cause d'appel, afin de tenir compte des relevés de télépéage produits par la société (21 juin). - le salarié reconnaît enfin avoir 'arrondi' les horaires effectués réellement, au quart d'heure supplémentaire et face aux observations de l'employeur relevant les incohérences, avoir terminé certaines réunions plus tôt (25 septembre) ou avoir rectifier le planning initial produit (3 et 18 juin, 18, 24 et 29 juillet, 27 et 29 août), sans toutefois modifier ses demandes d'heures supplémentaires.

En produisant plusieurs courriels envoyés à des heures de fin de journée ou en début de matinée avant le départ en rendez-vous clients, M. [G] ne démontre pas être passé à l'agence, pouvant se connecter à sa messagerie de son domicile. Seulement deux courriels sont envoyés avant 8 heures le matin et aucun le dimanche.

Compte tenu des incohérences et invraisemblances relevées et en l'absence de tout autre élément, l'employeur rapportant la preuve d'un contrôle des déplacements du salarié, la cour a la conviction que M. [G], au cours de la période de mai à novembre 2013, a

effectué des heures supplémentaires non rémunérées, mais pas à la hauteur de la somme qu'il revendique.

En conséquence et, au vu des éléments dont la cour dispose, la créance de M. [G] sera fixée à la somme de 8.189,28 euros bruts outre 818,92 euros bruts au titre des congés payés y afférents pour la période du 28 mai 2013 au 27 novembre 2013 inclus.

En l'absence d'accord collectif ou d'engagement unilatéral de l'employeur sur la contrepartie due en cas de déplacement professionnel qui excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il appartient au juge de fixer le montant de cette contrepartie. Pour ce faire, il ne peut assimiler ce temps de déplacement à un temps de travail effectif.

Il n'est pas contesté que durant sa collaboration avec la société, le temps normal de déplacement entre le domicile de M. [G] et son lieu habituel de travail était de 30 minutes. Il n'est pas non plus contesté qu'il a été amené à se déplacer chez les clients de la société alors que ni la convention collective ni une décision unilatérale de l'employeur ne fixent la contrepartie financière lorsque le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail.

M. [G] verse un décompte des temps de trajets aller et/ou retour qui ont excédé le temps normal de déplacement à hauteur de 84h25, sans toutefois déduire les 30 minutes au-delà desquels le temps est considéré comme anormal. Il ressort du tableau fourni que ces temps de déplacements concernent ceux qu'il a effectués entre son domicile et les lieux divers d'exécution du contrat de travail entre le 27 mai et le 27 novembre 2013 et qui ont pu être supérieurs à 30 mn, soit 62,75 heures.

Les circonstances de l'espèce commandent d'évaluer la contrepartie financière à laquelle le salarié a droit sur la base de 30% de son taux horaire, M. [G] bénéficiant par ailleurs de la mise à disposition d'un véhicule par la société, consistant en un avantage en nature de 100 euros brut par mois.

M. [G] sera en conséquence indemnisé à hauteur de 558,53 euros de ses temps de trajets effectués entre le 27 mai et le 27 novembre 2013.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre des repos compensateurs

Toute heure supplémentaire accomplie au delà du contingent annuel donne droit à une contrepartie obligatoire en repos, laquelle est fixée à 50% pour les entreprises de moins de 20 salariés et à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.

La convention collective en son l'article 4.7.2, fixe à 190 le nombre d'heures supplémentaires au-delà duquel un repos compensateur est dû.

M. [G] sollicite le paiement de 241,70 heures de repos compensateurs non pris, devant être compensés à 100%, soit la somme de 7.171,16 euros.

Au regard des heures supplémentaires retenues et du contingent conventionnel, il convient de fixer la somme correspondant à la contrepartie obligatoire en repos à 693,42 euros outre 69,34 euros au titre des congés payés.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

La société devra délivrer à M. [G] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Derichbourg Propreté, partie perdante, sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement à M. [G] de la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare recevable la demande formée par M. [G] au titre des temps de trajet,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit inopposable à M. [G] la convention de forfait applicable aux cadres dirigeants,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS Derichbourg Propreté à payer à M. [G] les sommes de :

- 8.189,28 euros bruts au titre des heures supplémentaires,

- 818,92 euros au titre des congés payés y afférents,

- 558,53 euros à titre de contrepartie des temps de trajet,

- 693,42 euros bruts au titre de la contrepartie obligatoire en en repos,

- 69,34 euros au titre des congés payés,

Rappelle que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes,

Ordonne à la SAS Derichbourg Propreté de délivrer à M. [G] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la SAS Derichbourg Propreté à payer à M. [G] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SAS Derichbourg Propreté aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00789
Date de la décision : 03/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-03;20.00789 ?
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