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03/05/2023 | FRANCE | N°20/00687

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 03 mai 2023, 20/00687


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 3 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00687 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOIR













Monsieur [C] [U]

Syndicat CFDT Communication Conseil Culture du Nord Pas de Calais



c/



S.A. SOLOCAL

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 janvier 2020 (R.G. n°F 15/02688) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 07 février 2020,





APPELANTS :

Monsieur [C] [U...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 3 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00687 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOIR

Monsieur [C] [U]

Syndicat CFDT Communication Conseil Culture du Nord Pas de Calais

c/

S.A. SOLOCAL

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 janvier 2020 (R.G. n°F 15/02688) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 07 février 2020,

APPELANTS :

Monsieur [C] [U]

né le 15 Avril 1966 à [Localité 6] de nationalité Française demeurant [Adresse 2]

Syndicat CFDT Communication Conseil Culture du Nord Pas-de-Calais (S3C 59-62) pris en la personne de son secrétaire domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

assistés de Me Alexandre MANRY substituant Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, représentés par Me Claire MELIANDE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA Solocal venant aux droits de la Société Pages Jaunes, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 444 212 955

représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de

assistée de Me BARAQUE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 mars 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée Le 9 mars 1998, Monsieur [C] [U], né en 1966, a été engagé en qualité de télévendeur prospects, coefficient 300, par la société ODA, aux droits de laquelle vient la SA Solocal (anciennement dénommée Pages Jaunes).

Il a ensuite évolué aux postes de :

- conseiller internet, statut cadre coefficient 400, à compter du 1er novembre 1999,

- responsable de vente clients coefficient 425, à compter du 15 juillet 2003,

- formateur commercial à compter du 19 juillet 2004,

- adjoint au chef de vente-force de vente prospects niveau 3.3 à compter du 16 juillet 2007,

- chef de vente intérimaire à compter du 16 février 2009 jusqu'au mois d'avril 2010, sur l'agence de [Localité 5], avant de regagner son poste d'adjoint au chef de vente,

- chef de vente-force de vente locale à compter du 1er octobre 2011, pour la zone Nord, puis pour la zone Sud,

- responsable vente terrain à compter du 28 avril 2014.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des cadres, techniciens et employés de la publicité française.

Parallèlement à ses fonctions, M. [U] a été investi de plusieurs mandats en qualité de délégué du personnel à l'agence de [Localité 7] en 2001 et 2002 puis à l'agence de [Localité 5] en 2003 et 2004 puis de délégué syndical de 2002 à 2005. Il a également été désigné administrateur au conseil d'administration de la société de 2007 à 2011.

A l'occasion d'une réorganisation du fonctionnement de l'entreprise, la société a supprimé le poste occupé par M. [U], ce dont il a été informé par courriers des 7 et 14 janvier 2014. Dans le même temps, il a été avisé de son placement en phase de reclassement interne, période durant laquelle la société l'a dispensé de son activité tout en maintenant sa rémunération.

Les 16 janvier, 19 février et 10 mars 2014, la société a proposé des offres de reclassement à M. [U].

Par courrier du 18 mars 2014, le salarié a accepté celle relative à un poste de responsable des ventes terrain tout en sollicitant une réévaluation du salaire proposé.

Par courrier en date du 9 avril 2014, la société a pris acte de l'acceptation de M. [U] d'un poste de reclassement et lui a notifié la fin de période de dispense d'activité.

Le salarié a pris ses nouvelles fonctions le 14 avril 2014.

M. [U] a été placé en arrêt de travail d'origine professionnelle à compter du 19 septembre 2014 et son contrat de travail est depuis suspendu.

Le 12 juin 2015, le salarié a écrit à son employeur pour dénoncer sa situation qu'il estimait discriminatoire.

Par courrier du 17 juillet 2015, le conseil de M. [U] a pris attache avec la société lui demandant de solutionner la situation de ce dernier.

Par courrier du 5 août 2015, la société a réfuté les assertions de M. [U].

S'estimant victime d'une discrimination syndicale, ou à tout le moins d'une exécution déloyale du contrat de travail, invoquant aussi le caractère déloyal de son reclassement et sollicitant le paiement de rappels de salaire outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, M. [U] a saisi le 23 décembre 2015 le conseil de prud'hommes de Bordeaux.

Le syndicat CFDT Communication Conseil Culture du Nord Pas-de-Calais, ci-après dénommé le syndicat CFDT, s'est associé à l'action en qualité d'intervenant volontaire.

En cours de procédure, au second semestre 2018, M. [U] a demandé à bénéficier du congé de mobilité mis en place par la société, ce que cette dernière a refusé par courriel du 13 juillet 2018.

Par jugement rendu le 3 janvier 2020, la juridiction prud'homale a :

- débouté M. [U] et le syndicat CFDT de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné M. [U] à rembourser à la société Solocal la somme de 460,89 euros au titre des dépenses effectuées avec la carte essence à titre personnel,

- débouté la société Solocal du surplus de ses demandes reconventionnelles,

- condamné M. [U] et le syndicat CFDT aux dépens.

Par déclaration du 7 février 2020, M. [U] et le syndicat CFDT ont relevé appel de cette décision qui avait été notifiée par lettre adressée par le greffe aux parties le 15 janvier 2020.

Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 avril 2022, M. [U] et le syndicat CFDT demandent à la cour d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et, statuant à nouveau, de :

S'agissant de M. [U] :

- juger recevables et bien fondées ses demandes,

- en conséquence, réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux sauf en ce qu'il a débouté la société Pages Jaunes de sa demande reconventionnelle,

- juger que M. [U] a été victime d'une discrimination syndicale ou, à tout le moins, d'une exécution déloyale de son contrat de travail,

- condamner la société Solocal à lui verser les sommes suivantes :

* 95.000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

* 192.528 euros à titre de rappel de salaire,

* 19.253 euros au titre des congés payés afférents,

- juger que le reclassement a été déloyal,

- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 40.000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

- rejeter les demandes reconventionnelles formulées par la société Solocal,

En tout état de cause,

- condamner la société Solocal à lui verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3.000 euros au titre des frais engagés pour la première instance ainsi que celle de 3.000 euros, en cause d'appel,

- condamner la société Solocal aux dépens de l'instance,

- débouter la société Solocal de sa demande reconventionnelle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

S'agissant du syndicat CFDT :

- juger recevable son intervention,

- juger bien fondées ses demandes,

- en conséquence, réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux,

- condamner la société Solocal à lui verser les sommes suivantes :

* 5.000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

* 3.000 euros nets en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés lors de la première instance,

* 3.000 euros nets en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la société Solocal aux dépens de l'instance,

- la débouter de sa demande reconventionnelle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 juillet 2020, la société Solocal demande à la cour de':

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de restitution du matériel mis à la disposition de M. [U] pour l'exercice de ses fonctions,

Et, statuant à nouveau sur ce point :

- condamner M. [U] à restituer sa carte essence et le matériel mis à sa disposition par l'entreprise, incluant l'ordinateur portable (référence : Lenovo X201, numéro de série R99NR0G, Réf. Solocal G1999), sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision de la cour,

- se réserver le droit de procéder à la liquidation de cette astreinte,

- condamner solidairement M. [U] et le syndicat CFDT à lui verser une indemnité de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [U] et le syndicat CFDT aux dépens ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour devait juger que M. [U] a fait l'objet d'une discrimination syndicale et/ou d'une exécution déloyale de son contrat de travail et/ou d'un reclassement déloyal, fixer le montant des dommages et intérêts et rappels de salaire alloués à M. [U] et au syndicat CFDT à plus justes proportions.

La médiation proposée aux parties par le conseiller de la mise en état le 4 mai 2022 n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la discrimination syndicale ou l'exécution déloyale du contrat de travail

- Sur la'discrimination syndicale

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion

professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales.

L'article L.1134-1 du même code prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une'discrimination'directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute'discrimination'et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [U] soutient avoir été victime de'discrimination'syndicale'liée à ses différents mandats et fait valoir que son employeur ne lui a pas permis de bénéficier d'une évolution de salaire et de carrière normale, malgré son investissement, son professionnalisme et ses excellents résultats. Il expose ne pas avoir bénéficié d'entretiens professionnels réguliers ni de formations qualifiantes malgré son souhait et les dispositions conventionnelles en la matière.

Il invoque les faits suivants :

- constatant une différence de traitement par rapport à ses collègues lors de son reclassement intervenu en cours d'année 2014 en qualité de responsable de vente terrain sur la zone de [Localité 3], il avait écrit à la société le 12 juin 2015 pour lui indiquer que le statut de directeur régional aurait du lui être accordé tant au regard du management des équipes qui lui avait été confié, de sa participation aux réunions de directeurs, de sa délégation de pouvoir ou des termes figurant à son contrat de travail ou encore de l'intitulé des postes occupés par ses homologues ;

- il est convaincu de la volonté de l'employeur d'avoir voulu mettre un terme à sa carrière de manager ;

- il relève avoir été l'objet observe un traitement moins favorable que celui de ses collègues ;

- il dit avoir obtenu de bon résultats notamment dans les deux ans ayant précédé le plan de sauvegarde de l'emploi ;

- il était apprécié de ses collègues et produit en ce sens les attestations de M. [L] et de Mme [K] ;

- il indique avoir permis au Pôle formation d'assurer ses objectifs et produit pour ce faire son entretien d'évaluation 2007 aux termes duquel sa note est de 8,5 sur 10 (pièce 63) ainsi que son entretien d'évaluation 2008 à l'issue duquel sa note est de 7 sur 10 (piéce 53), la hiérarchie ayant indiqué :'« la collaboration d'[C] a permis de monter le niveau de formation télé-vente'» ;

- Messieurs [Z], [T] et [X] ont bénéficié de ces formations et de ces excellents résultats de sorte qu'aucune raison objective, hormis la prise de mandats, ne peut expliquer ce traitement en terme d'évolution de carrière ;

- il produit un tableau interne de 2013 (chiffre d'affaires de janvier 2013) procédant à une comparaison entre tous les canaux commerciaux et la force télévente qu'il dirigeait et explique que lorsque ses résultats étaient en baisse, (pièce 64) cette diminution restait néanmoins inférieure à celle subie par les autres services ;

- la société ne justifie pas du respect des accord de droit syndical internes notamment quant à son évolution de carrière ;

- avant la prise de mandats (2001) il évoluait rapidement de 1998 à 2001, occupant les postes de télé-vendeur puis de conseiller internet et acquérait le statut de cadre rapidement coefficient 400 ;

- postérieurement à la prise de mandats, il passait de la position 3,2 en 1999 au niveau 3.3 en 2007 au niveau 3.4 en décembre 2012, en ayant occupé les postes de responsable de vente, formateur commercial, responsable pôle formation, adjoint au chef de vente, responsable vente terrain ;

- tous les postes à responsabilités sont positionnés entre 3.2 et 3.4 ;

- il n'a jamais atteint le statut de directeur d'agence télévente alors que d'autres collaborateurs qu'il a pu former ont progressé par rapport à lui ;

- il compare sa situation à celle de :

* M. [X] (pièce adverse 53), qui avait plus d'ancienneté mais dont le service était de taille inférieure, en 2007, qui était responsable vente terrain mais avait un salaire plus élevé que le sien pour un même positionnement ; en 2011 M. [X] a été nommé directeur régional avec un salaire supérieur au sien de 1.000 euros ; en 2014, tous deux avaient les mêmes fonctions de responsable vente terrain tandis que M. [X] bénéficiait d'une meilleure rémunération, différence qui s'accentuait en 2016 ;

* M. [T] (pièce 52 adverse) : plus jeune et moins ancien en 2011, il occupait le poste de directeur d'agence stagiaire avec un salaire supérieur de plus de 1.000 euros ;

* M. [Z] plus vieux et plus ancien : (pièce adverse 54): il occupait le poste de chef de vente télévente en 2007 pour un salaire fixe supérieur au sien, puis celui de directeur d'agence télévente en 2012, puis directeur des ventes régional avec un salaire de plus de 1.738 euros supérieur au sien ;

Mme [J] (pièce adverse 50) : avec une ancienneté de 2 ans supérieure à la sienne, elle a occupé le poste d'adjoint au chef des ventes et a été nommée directrice agence télévente en 2012 avec un salaire forfaitaire de 4.700 euros alors qu'il percevait environ 1.000 euros de moins ;

* Mme [B]( pièce adverse 49) : son ancienneté est moins importante que la sienne mais en 2009, en qualité de chef de vente, sa rémunération était pourtant supérieure à la sienne et elle a ensuite été nommée directrice d'agence en 2011, son salaire était supérieur au sien de plus de 1.500 euros ;

- son affectation à une mission intérimaire durable en qualité de chef de vente en février 2009 à l'agence télévente de [Localité 5] pendant 14 mois sans avenant, sans augmentation de salaire et sans formation, ce poste l'ayant empêché d'être nommé chef de vente par la suite, ;

- si ses résultats en tant que chef de vente par intérim sur cette période n'ont pas été concluants comme le prétend la société, c'est parce qu'il a été nommé en urgence sur ce poste et il ne serait pas resté si longtemps sur cette mission s'il avait été incompétent : la situation de cette agence était délicate depuis 3 ans, ces éléments ayant été repris dans le compte rendu d'entretien annuel figurant à la pièce adverse n°30 et la société s'abstient de produire des éléments chiffrés alors qu'il avait stabilisé la situation permettant ainsi à son successeur de rétablir l'équilibre de l'agence ;

- ses multiples affectations entre 1998 et 2012 l'obligeant à déménager à 6 reprises en 14 ans, ce qui avait eu pour effet d'entraver l'exercice de ses mandats ;

- à la place de sa nomination en qualité de chef de vente à compter d'octobre 2011, il aurait dû bénéficier d'un poste de directeur d'agence télévente car la direction avait décidé en 2011, dans le cadre d'une meilleure reconnaissance du métier de chef de vente, de modifier l'intitulé de ce poste qui devenait directeur d'agence télévente et d'aligner la rémunération à celle des directeurs d'agence, ce dont il a été exclu alors qu'il exerçait les mêmes missions au regard des fiches de poste respectives, à savoir, encadrer et animer une équipe de télévente, développer le nombre de clients ainsi que le chiffre d'affaire afin d'atteindre les objectifs fixés, participer au recrutement et à la formation, faire respecter les règles en vigueur au sein de la société, veiller à la qualité du service rendu ; en outre, il avait une délégation de pouvoir (pièce 8), faisait partie de la liste de diffusion des directeurs d'agence (pièces 22, 52, 59), représentait la société (pièce 23), disposait d'un véhicule de fonction uniquement accordé aux directeurs d'agence et ses résultats, très bons, étaient comparables à ceux des directeurs d'agence ;

- pour un même poste, la société usait de différentes titres : responsable de vente TV (télévente) ou chef de vente VL(vente locale) ;

- les commerciaux placés sous sa responsabilité percevaient un niveau de rémunération élevé ;

- il était le seul collaborateur à ne pas se voir octroyer une rémunération annuelle sécurisée avec une rémunération variable indexée sur son salaire fixe, sa rémunération étant basée sur l'ancienne rémunération des directeurs d'agence, ses objectifs étaient différents de ceux de ses collaborateurs ;

- aucune insuffisance de résultats ne lui avait été reprochée,

- le panel de 29 noms produit par la partie adverse ne démontre pas contrairement à ce que cette dernière soutient, une évolution de carrière s'inscrivant dans un processus normal par rapport aux autres salariés en ce que font défaut la qualification, le niveau de positionnement ainsi que la rémunération de chacun d'entre eux ;

- il en déduit avoir évolué plus rapidement qu'eux en début de carrière mais s'est retrouvé au même niveau ; selon lui, il aurait dû avoir la même évolution professionnelle que neuf des salariés visés qui ont atteint des postes de directeur ;

- s'agissant de l'évolution de sa rémunération, il n'a pas bénéficié du salaire auquel il aurait pu prétendre, a été le seul à ne pas voir sa rémunération évoluer (pièce 20) malgré ses demandes d'explications à plusieurs reprises (pièces 4, 13 et 28) ;

- sur la tenue irrégulière des entretiens professionnels : en application des dispositions conventionnelles, ils auraient dû se tenir tous les 2 ans et seuls sont versés ceux de 2009, 2010, 2013, 2014 mais aucun n'est signé et plusieurs ne sont pas dûment remplis ; celui de 2008 fait défaut, ce qui permet à la société de prétendre à des insuffisance professionnelles,

- s'agissant du défaut de formation : certaines des 53 formations revendiquées par la société soit ont eu lieu avant 2001, soit ont trait aux fonctions de représentant du personnel ou ont été réalisées à titre personnel.

Au regard de ces éléments, M. [U] établit ainsi l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une'discrimination'syndicale'à son encontre.

L'employeur répond que, dans le souci du respect du droit syndical, ont été adoptés des accords collectifs les 31 mai 2000, 5 février 2004 et 6 mai 2014, étendant les droits des représentants du personnel en prévoyant notamment l'octroi d'une enveloppe annuelle d'heures de délégations supplémentaires pour les organisation syndicales représentatives et en mettant en oeuvre des mesures afin d'éviter que les représentants du personnel ne soient défavorisés en matière de rémunération.

Il ajoute que le salarié ne s'est jamais plaint de n'avoir pu exercer ses missions de représentants du personnel durant toute cette période.

Il soutient que M. [U] a régulièrement évolué au sein de l'entreprise, y compris après la prise des mandats de représentant du personnel, dans la mesure où, en l'espace de 13 ans, il est passé du poste de télévendeur, statut maîtrise, à celui de chef de vente, statut cadre.

Il verse en ce sens les différents contrats de travail, un courrier de nomination au poste de formateur, des entretiens d'évaluation professionnelle dont il résulte que M. [U] a occupé les emplois suivants :

- télévendeur prospects, coefficient 300, statut maîtrise, lors de son engagement dans l'entreprise en 1998, avec une rémunération mensuelle composée exclusivement de commissions et un minimum garanti de 8 533 francs,

- un an plus tard, conseiller internet, avec le statut cadre, coefficient 400 avec une rémunération fixe de 12.500 francs mensuelle outre une partie variable pouvant atteindre 40.000 francs par an ainsi qu'une prime annuelle de service clients de 10.000 francs,

- en 2001, le salarié est investi de son premier mandat de représentant du personnel,

- en 2003, il bénéficie d'une promotion et devient responsable de vente terrain, coefficient 425 en contrepartie d'une rémunération fixe mensuelle de plus de 2.000 euros et d'un variable de plus de 20.000 euros à objectifs atteints,

- en juillet 2004, il devient formateur, qualification attaché de direction 3 CAT, avec un salaire mensuel de 2.250 euros,

- en juillet 2007 il est nommé adjoint au chef de vente-force de vente prospects niveau 3.3 et sa rémunération fixe mensuelle est de 3.000 euros outre une part variable composée d'un intéressement sur objectif en nombre de nouveaux clients plafonné à 19.000 euros, d'un intéressement sur objectif du chiffre d'affaires plafonné à 19.000 euros, ainsi que d'une prime de performance,

- de février 2009 à avril 2010 il a accepté d'assurer l'intérim du poste de chef des ventes-force de vente prospects en l'absence de sa titulaire et a perçu à ce titre une prime de détachement mensuelle de 400 euros tel que cela ressort des bulletins de salaire pour cette période,

- il a ensuite regagné son poste d'adjoint au chef de vente avant d'être promu en octobre 2011 chef de vente-force de vente locale, sa rémunération fixe mensuelle étant de 3.601 euros outre une prime mensuelle de mobilité de 500 euros et une partie variable composée d'un intéressement sur objectif en nombre de nouveaux clients plafonné à 19.000 euros, d'un intéressement sur objectif du chiffre d'affaires plafonné à 19.000 euros et d'une prime de performance, outre le bénéfice d'un véhicule de fonction,

- il a ensuite été reclassé au poste de responsable vente terrain à compter du 28 avril 2014.

Pour justifier ses dires, l'employeur produit un panel de 29 salariés embauchés comme M. [U] en tant que télévendeurs. Or, il en ressort qu'en décembre 2014, 7 salariés occupaient un poste de niveau inférieur à celui du salarié reclassé en avril 2014 responsable vente terrain, 5 salariés occupaient le même poste, 2 autres étaient directeurs de clientèle, 2 autres étaient directeurs régionaux des ventes, un salarié occupait le poste de responsable groupe relation clients et deux autres, celui de responsable relation clients, ce qui contredit l'argument tiré d'une évolution anormale de carrière.

Il produit également une étude de la rémunération moyenne du panel entre 2007 et 2015 comparée à celle de M. [U] dont il déduit que ce dernier a perçu une rémunération largement supérieure à la moyenne dudit panel.

Toutefois cet élément sera écarté dans la mesure où il ne fait pas état des rémunérations des salariés concernés de sorte que les chiffres ainsi présentés sont invérifiables.

M. [U] soutient que certains des salariés qu'il a pu former ont eu une évolution de carrière autrement favorable et cite à titre d'exemple le cas de messieurs [X], [Z] et [T].

Cependant l'examen des bulletins de salaire versés par l'employeur s'agissant de M. [X] permet de constater que ce dernier, entré dans la société en 1990 sans que l'on ait de précision quant au poste occupé, était responsable vente terrain dès 2002, bien avant M. [U], de sorte que leurs rémunérations ne peuvent être comparées.

Il en est de même concernant la situation de M. [Z], aucune précision n'étant donnée quant au poste occupé lors de son engagement et à ses qualifications.

La comparaison de la situation du salarié à celle de M. [T] n'est pas plus pertinente dans la mesure où ce dernier a été engagé en qualité de directeur d'agence stagiaire.

La comparaison avec la situation de Mme [J], entrée dans la société en 1996, est insuffisante à démontrer un quelconque déroulement anormal de carrière, la cour ne disposant d'aucun élément quant à ses qualifications et l'emploi pour lequel elle a été engagée en 1996. Il en est de même en ce qui concerne la situation de Mme [B].

L'employeur fait également valoir que la progression du salarié a été cohérente avec ses performances professionnelles tant au regard de ses résultats en qualité de chef de vente par intérim à [Localité 5] qu'en ce qui concerne la spécificité du poste de chef de vente-force de vente locale qui n'est pas assimilable à un poste de directeur d'agence télévente.

Si, comme le souligne le salarié, ses évaluations professionnelles ont été satisfaisantes en 2007 et 2008 en sa qualité d'adjoint au chef de vente, en revanche l'employeur produit son entretien d'évaluation de 2010, établi à l'issue de sa mission à [Localité 5] pour laquelle il avait disposé d'une délégation de pouvoirs, relatant de façon circonstanciée les problèmes rencontrés par le salarié au cours de cette période et les appréciations sur son aptitude à un tel poste.

Il est relevé que les objectifs soit ont été partiellement réalisés, soit non réalisés entraînant l'octroi d'une note de 3,2 sur 10.

Il est ainsi précisé «'les résultats sur les trois segments sont en écart négatif par rapport à N-1 notamment sur le client et le prospect, la situation était pourtant déjà très en retrait ... 2 stages nouveaux télévendeurs ... avec un taux de confirmation respectif de 10% et 20%, la qualité du sourcing a été évoqué avec Randstatt... néanmoins l'intégration sur les plateaux (dans le process existant) n'a pas fait l'objet d'un suivi rigoureux'».

Au titre de l'encadrement et de l'animation il est indiqué : «'... l'exigence n'a pas été assez marquée pour assurer les résultats, l'organisation de l'agence n'a jamais fait l'objet d'un suivi suffisamment rigoureux et qui aurait permis une meilleure analyse et réactivité'».

En ce qui concerne la qualité du service rendu il est noté :'«' la charge de travail a été dense sur la période mais a été gérée avec rigueur sans altérer le niveau de qualité'». Cet entretien se conclut ainsi: «'[C] doit tirer profit de cette expérience pour progresser en matière d'efficacité (analyse, action et suivi) et d'organisation de son temps (travailler sur les priorités) tout en veillant à rendre compte'» ce que n'a pas contesté le salarié qui a expliqué souhaiter s'améliorer sur les points évoqués, indiquant :' «'c'est l'essentiel de ma mission'».

L'employeur verse également les résultats obtenus pour cette agence entre 2009 et 2013 dont il résulte que sur la période où M. [U] a officié, ils ont été insuffisants, plaçant l'agence à la dernière place du classement pour deux items sur trois.

Il est également produit un courriel extrêmement circonstancié adressé par M. [Z], chef de vente et supérieur hiérarchique à M. [U] en mai 2011, reprochant au salarié son attitude accusatrice et menaçante ainsi que sa remise en question de ses décisions et de sa position de supérieur hiérarchique alors qu'il était son adjoint.

S'agissant des prétentions du salarié à occuper un poste de directeur d'agence télévente, l'employeur, après avoir présenté le service de la force de vente locale au sein duquel M. [U] a été nommé chef de vente, oppose la spécificité de ce poste pour justifier de son incompatibilité avec celui de directeur d'agence télévente.

Il produit à ce titre, le projet de déploiement du service force de vente locale présenté au comité d'entreprise le 7 juin 2010 qui fait état de tests menés : «'afin de valider le fonctionnement d'une force de vente itinérante, dédiée au renouvellement de clients de petite taille sur différentes typologies d'activité. Le bilan des tests est positif et nous amène donc à proposer le déploiement d'une force de vente itinérante intervenant sur le renouvellement de clients de petit budget'» ; il est prévu que la force de vente locale dont la supervision dépendra directement du siège de [Localité 8] «'sera rattachée au directeur de la télévente et sera placée sous la responsabilité du chef de vente force de vente locale, celui-ci sera accompagné dans sa mission par un adjoint'», que la rémunération des responsables force de vente locale comportera «'une rémunération cible de 60K€ à objectifs atteints'» et une part fixe qui «'sera intermédiaire entre la fourchette des responsable de vente télévente et les responsables de vente force de vente terrain'», enfin que le chef de vente aura sous sa responsabilité des commerciaux statut VRP.

Pour confirmer la distinction à opérer entre ses deux postes, l'employeur verse le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise qui s'est tenue le 28 septembre 2011 aux termes duquel il est évoqué le renfort de la télévente intervenu en 2011 au bénéfice de la force de vente locale de sorte qu'il a été décidé de «'ressourcer la force de vente locale pour l'édition 2012 par l'arrivée de quatre nouveaux groupes et des aménagements de locaux en faveur de ces quatre nouveaux groupes ont été planifiés'» et, qu'afin d'assurer «'la supervision de ces nouveaux groupes la hiérarchie sera renforcée avec la nomination d'un 2ème chef de vente de la FVL'» ; c'est dans ce contexte, ainsi que le souligne l'employeur, que le poste de chef de vente force de vente locale a été proposé en 2011 à M. [U], ce qui n'est pas contestable.

L'employeur indique encore que ces deux fonctions ne relèvent pas du même niveau de classification, le poste de chef de vente FVL étant classé au niveau 3.4 tandis que celui de directeur d'agence télévente est positionné hors classification, tel que cela ressort des divers bulletins de paie de différents salariés, versés à la procédure.

Il affirme à juste titre que la mesure présentée en juillet 2011 au comité d'entreprise n'a vocation à s'appliquer qu'aux chefs de vente de la télévente et non aux chefs de vente FVL, contrairement à ce que soutient le salarié et, pour s'en convaincre, il suffit de se reporter à ce document.

Par ailleurs, il est établi que dans le cadre de son contrat de chef de vente FVL, la rémunération annuelle de M. [U] à objectifs atteints était fixée à 78.414 euros bruts et composée d'un fixe de 46.813 euros, d'une prime de mobilité de 6.000 euros et d'une part variable de 25.601 euros tandis que la rémunération d'un directeur d'agence télévente est de 78.515 euros et est composée d'un fixe de 54.288 euros, d'une prime de mobilité de 6.108 euros et d'un variable de 18.119 euros.

La cour observe par ailleurs que s'agissant de l'évolution de sa rémunération, le salarié a sollicité des explications postérieurement à son reclassement et, contrairement à ce qu'il soutient, obtenu des réponses de la part de son employeur,.

Ces éléments démontrent que tant l'évolution de la carrière que celle de la rémunération de M. [U] ne sont pas anormales en l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour et que ses mandats de représentants du personnel et de délégué syndical ne sont donc pas la cause d'une quelconque entrave à sa progression au sein de l'entreprise.

S'agissant de la formation, la société'Solocal'produit une liste des formations suivies par M. [U] entre le mois de mars 1998 et le mois de juillet 2014. Il en ressort que le salarié a suivi un nombre de formations considérable et ce, de manière régulière, puisqu'il a bénéficié de 53 formations en lien avec ses fonctions ( management, leadership, prise de nouvelles fonctions).

Dès lors aucun manquement n'est établi sur ce point.

Enfin, l'absence de la production des entretiens d'évaluation avant 2008 ne saurait à elle seule caractériser la'discrimination'invoquée au regard des dispositions conventionnelles visées, à savoir l'avenant du 1er février 2012 prévoyant un entretien professionnel tous les deux ans mais également un bilan d'étape professionnel dans l'année qui suit l'acquisition de 45 ans, les prescriptions conventionnelles étant entrées en vigueur postérieurement aux manquements mis en avant alors qu'il résulte de la procédure que la société a satisfait à cette obligation à tout le moins, à compter de 2008.

Il est dès lors démontré que les faits nvoquéar M. [U] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute'discrimination.

Les demandes relatives à la discrimination syndicale doivent par conséquent être rejetées et la décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.

- Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

L'article L.1221-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

M. [U] soutient que les arguments présentés au titre de la discrimination syndicale traduisent à tout le moins une exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur.

Cependant, eu égard aux éléments retenus supra témoignant d'une évolution normale de carrière et de salaire de M. [U], lequel a par ailleurs bénéficié de toutes les formations nécessaires et des entretiens professionnels prévus aux termes de la convention collective applicable, cette demande ne peut qu'être rejetée.

La décision de première instance sera par conséquent confirmée sur ce point.

Sur le reclassement interne

Après avoir rappelé les dispositions légales en la matière, le salarié considère d'une part que la suppression de son poste n'est pas avérée et d'autre part, que le nouveau poste qu'il a accepté constitue une rétrogradation. Il explique qu'occupant, dans les faits, un poste de directeur d'agence télévente en ce qu'il était convié aux mêmes réunions que les directeurs d'agence télévente, il a souhaité postuler sur son poste requalifié de «'coordinateur'» mais il lui a été opposé qu'il était réservé aux seuls salariés directeurs. Selon lui, les postes proposés correspondaient à des postes qu'il avait antérieurement occupés. Il considère la procédure de reclassement déloyale car s'il avait pu bénéficier dès 2011 d'un poste de directeur d'agence télévente, la direction n'aurait pu soutenir qu'il était le seul dans sa catégorie et aurait procédé à une recherche sérieuse en corrélation avec ses responsabilités.

En réplique, l'employeur conteste cette présentation des faits en rappelant la nécessaire réorganisation de son modèle commercial du fait de la multiplication des alternatives publicitaires proposées aux annonceurs et de la nouvelle configuration du marché mise en place à compter de 2008. Il précise que le décalage entre son fonctionnement et les attentes des clients a conduit à une dégradation de sa situation économique se traduisant par une réduction du nombre de ses clients et une diminution de son chiffre d'affaires. Il explique avoir décidé en 2014 de revoir son modèle économique en concertation avec les organisations syndicales et dans ce cadre, une logique de spécialisation a été mise en oeuvre entraînant notamment une redéfinition de la force de vente locale en la réduisant à la seule activité de dépannage et en rattachant les différents groupes qui la composent aux agences terrain, de sorte que le poste de M. [U] n'avait plus vocation à perdurer et a été supprimé.

L'employeur précise que cette suppression a été compensée par la création d'un nouveau poste d'adjoint au directeur d'agence télévente à [Localité 8]. Il produit à ce titre un document portant projet de réorganisation.

Il soutient avoir procédé à une recherche de reclassement sérieuse et loyale à l'échelle de l'entreprise et du groupe en permettant notamment au salarié de bénéficier de deux mois intégralement rémunérés pour se consacrer à son reclassement.

Il produit les propositions de postes offertes au salarié, notamment celle d'adjoint au directeur d'agence télévente localisé à [Localité 8], poste créé à la suite de la suppression du sien. Il considère que les propositions ainsi émises ne constituent pas une rétrogradation.

***

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure mais avec l'accord exprès du salarié.

Les offres de reclassement proposées sont écrites et précises.

L'employeur doit donc oeuvrer afin de maintenir l'emploi du salarié et justifier des moyens ainsi mis en oeuvre dans le cadre d'une recherche loyale et sérieuse.

En l'espèce, il est établi à l'examen des pièces de la procédure, que la société a informé le salarié par courrier en date du 14 janvier 2014 des différentes mesures prévues à l'occasion de la procédure de reclassement et lui a proposé le 16 janvier 2014 le poste d'adjoint directeur d'agence télévente créé pour compenser la suppression de son poste. Cette proposition comportait toutes les informations utiles afin de permettre au salarié de se positionner quant à la localisation, la classification, le statut, la rémunération, la fiche de poste, la date de prise de fonction et la durée du travail.

M. [U] n'a pas répondu.

D'autres propositions lui ont été transmises le 19 février 2014 sur des postes de responsable terrain vente disponibles au sein de la société dans les mêmes conditions que la première proposition. Aucune réponse n'a été apportée par le salarié.

Le 18 mars 2014, le salarié a accepté la proposition de poste de responsable ventes terrain localisé à [Localité 3] mais a sollicité une augmentation conséquente de sa rémunération, considérant cette proposition comme une rétrogradation.

Par courriel du 7 avril 2014, M. [D], DRH lui écrivait : «'je te confirme les termes de notre proposition concernant ton reclassement sur le poste de RV sur [Localité 3]. En effet la rémunération proposée est de 83 K€ à objectifs atteints (hors frais) te positionnant à la médiane de la plage de rémunération du poste là où elle était de 71 K€ sur ton poste précédent (71 K€ qui est également la moyenne de tes rémunérations réelles sur les 3 dernières éditions) . Nous considérons donc cette proposition tout à fait cohérente et nous ne la modifierons pas.'», ce que le salarié a accepté sans réserve.

La lecture des bulletins de salaire versés par l'appelant confirment qu'il percevait à raison de son nouveau poste une rémunération forfaitaire mensuelle de 5.200 euros outre une partie variable alors que, pour ses anciennes fonctions supprimées, il percevait un salaire forfaitaire de 3.601 euros ainsi qu'une partie variable.

Il ne peut dès lors se prévaloir d'une quelconque rétrogradation, tant au regard de son poste supprimé qu'au regard de celui de responsable de vente terrain en contrepartie duquel son salaire était nettement inférieur.

En outre, la cour observe, qu'il a donné son accord pour occuper ce nouveau poste.

L'ensemble de ces éléments établissent qu'en permettant au salarié de conserver un poste de même classification mais avec une rémunération supérieure, ce qu'il a accepté, l'employeur a parfaitement rempli son obligation de reclassement à l'égard de M. [U].

Ses demandes à ce titre seront donc rejetées et la décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.

- Sur les demandes de restitution d'un ordinateur portable et de remboursement de frais d'essence, de péage et de parking engagés pendant la suspension du contrat de travail

Pour solliciter la restitution de l'ordinateur mis à la disposition du salarié ainsi que le remboursement de frais d'essence, de péage et de parking, la société se fonde sur les dispositions contractuelles prévoyant la restitution du matériel sur simple demande et l'exclusion de la prise en charge des frais liés aux déplacements personnels.

En réplique le salarié indique avoir restitué l'ordinateur sollicité en même temps que le véhicule de fonction et produit pour ce faire un procès verbal en date du 25 janvier 2018.

***

Le procès verbal produit démontre que seul le véhicule a été rendu.

En conséquence, il sera condamné à restituer l'ordinateur à la société sous astreinte et à rembourser la somme de 460,89 euros au titre des dépenses effectuées à titre personnel avec la carte essence de l'entreprise.

La décision entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a débouté la société de sa demande de restitution portant sur l'ordinateur.

Sur les demandes du Syndicat CFDT Communication Conseil Culture Nord Pas de Calais:

En l'état de la procédure, il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire du syndicat ; en revanche compte tenu de ce qui a été retenu précédemment, sa demande au titre du préjudice subi doit être rejetée.

La décision de première instance sera confirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

M. [U] et le syndicat CFDT, parties perdantes à l'instance et en leur recours, seront condamnés solidairement à supporter les dépens ainsi qu'à verser à la société la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant rejeté la demande de restitution de l'ordinateur présentée par la société d'une part, et celle relative aux frais irrépétibles, d'autre part,

Infirmant le jugement de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [U] a restituer à la SA Solocal l'ordinateur Lenovo X201, numéro de série R99NR0G, Réf. Solocal G1999, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine, passé ce délai d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, pendant une durée de trois mois, passé lequel délai, il sera à nouveau fait droit à la requête de la partie la plus diligente,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne solidairement M. [U] et le syndicat CFDT Communication Conseil Culture Nord Pas de Calais à verser à la SA Solocal la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement M. [U] et le syndicat CFDT Communication Conseil Culture Nord Pas de Calais aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00687
Date de la décision : 03/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-03;20.00687 ?
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