COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 03 MAI 2023
N° RG 19/05581 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LI4N
SAS FONTENAY AUTOMOBILES
c/
Monsieur [O] [Y]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 juin 2019 (R.G. 19/00331) par le Tribunal de Grande Instance d'ANGOULEME, 1ère chambre civile, suivant déclaration d'appel du 21 octobre 2019
APPELANTE :
SAS FONTENAY AUTOMOBILES
société au capital de 20.000 €, immatriculée au RCS de LA ROCHE SUR YON sous le numéro 531 265 551, dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice
Représentée par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistée de Me Valérie ROUVREAU, avocat au barreau de la CHARENTE
INTIMÉ :
[O] [Y]
né le 24 Juillet 1967 à [Localité 3] (16)
de nationalité Française
Profession : Technicien
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Rachid RAHMANI de la SELARL RACHID RAHMANI SEL, avocat au barreau de CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI
Greffier lors du prononcé : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur [O] [Y] a acquis le 12 janvier 2015 un véhicule Fiat Ducato, auprès de la SAS Fontenay Automobiles, concessionnaire de Ford, pour un montant de 10 990 euros.
En mai 2015, M. [Y] a constaté un dysfonctionnement de la boîte de vitesse.
L'Agena, protection juridique de M. [Y], a sollicité par courrier adressé à la SAS Fontenay Automobiles une prise en charge par cette dernière des réparations nécessaires sur ledit véhicule et a missionné en janvier 2016, Charentes Expertise Auto pour la réalisation d'une expertise amiable contradictoire, confiée à M. [V].
Un protocole transactionnel a été signé entre la SAS Fontenay Automobile et M. [Y] au mois d'avril 2016 et la SAS Geneve Automobiles est intervenue sur ordre de la SAS Fontenay Automobiles pour procéder au remplacement de la boîte de vitesse.
Les désordres sont réapparus peu de temps après la réparation.
Une mesure d'expertise judiciaire a été ordonnée par ordonnance de référé en date du 22 mars 2017 et confiée à M. [G] qui a déposé son rapport le 31 mai 2018.
Par acte du 5 février 2019, M. [Y] a assigné la SAS Fontenay Automobiles devant le tribunal de grande instance d'Angoulême.
Par jugement du 27 juin 2019, le tribunal de grande instance d'Angoulême a :
- dit que la SAS Fontenay Automobiles doit sa garantie au titre des vices cachés présentés par le véhicule Fiat Ducato,
- condamné la SAS Fontenay Automobiles à verser à M. [Y] les sommes de :
- 34,32 euros au titre des frais engagés par lui du fait du vice caché,
- 118,80 euros au titre des frais d'immobilisation,
- 2 000 euros en réparation du préjudice d'agrément,
- débouté M. [Y] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice moral,
- condamné la SAS Fontenay Automobiles à verser à M. [Y] la somme 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Fontenay Automobiles aux entiers dépens qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
La SAS Fontenay Automobiles a relevé appel de l'ensemble des dispositions du du jugement le 21 octobre 2019, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 juin 2020, la SAS Fontenay Automobiles demande à la cour de :
- la juger recevable et fondée en son appel,
- réformer le jugement critiqué,
- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusion y compris celles formulées au titre de son appel incident,
- le condamner à l'indemniser à hauteur de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire.
[Y].
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 13 juillet 2020, M. [Y] demande à la cour de :
- dire et juger l'appel de la SAS Fontenay Automobiles recevable, mais mal fondé,
- débouter la SAS Fontenay Automobiles de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dire et juger l'appel incident de M. [Y] recevable et bien fondé en ce que le tribunal :
- a limité son indemnisation au titre de l'immobilisation à 118,80 euros,
- a limité son indemnisation au titre du préjudice d'agrément à 2 000 euros,
- l'a débouté de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice moral,
- n'a pas condamné la SAS Fontenay Automobiles à la somme de 1 083 euros au titre de l'expertise amiable,
statuant à nouveau et y ajoutant,
- condamner la SAS Fontenay Automobiles à verser à M. [Y], les sommes suivantes :
- 297 euros au titre de l'immobilisation du véhicule,
- 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
- 4 000 euros au titre du préjudice moral,
- 1 083 au titre de l'expertise amiable,
- confirmer le jugement en ce qu'il a mis à la charge de la SAS Fontenay Automobiles la somme 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens qui comprendront l'expertise judiciaire, y ajoutant,
- condamner la SAS Fontenay Automobiles à verser à M. [Y] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Fontenay Automobiles aux entiers d'appel.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1 mars 2023.
L'affaire a été appelée à l'audience du 15 mars 2023 et mise en délibéré au 3 mai 2023.
MOTIFS :
Sur la garantie des vices cachés due par le vendeur,
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
En l'espèce, la société Fontenay Automobiles critique le jugement déféré qui l'a condamnée, sur le fondement de la garantie des vices cachés, à indemniser M. [O] [Y] du préjudice qu'il a subi du fait de la défectuosité de la boite de vitesse du véhicule automobile Fiat Ducato qu'il a acquis auprès d'elle.
Au soutien de son appel, la SAS Fontenay Automobiles expose que M. [Y] a constaté le dysfonctionnement de la boite à vitresse lors de l'essai avec le vendeur et a donc acheté le véhicule en connaissance de cause. Ses déclarations en cours d'expertise témoignent de sa connaissance des problèmes du véhicule lors de l'achat, en sorte qu'il ne peut se prévaloir de la garantie des vices cachés.
En outre, elle fait valoir que M. [Y], de par son comportement, est à l'origine même du vice qu'il invoque, puisqu'il a été informé de ce que la boîte de vitesse bénéficiait d'une garantie applicable dans le réseau Fiat qu'il n'a pas actionnée. De plus, au lieu de procéder à l'immobilisation du véhicule, il a continué à le conduire, en évitant de passer le troisième rapport, ce qui a pu détruire prématurément le mécanisme d'amortissement du disque d'embrayage.
M. [Y] répond que la boîte à vitesse qui a été posée par l'entreprise Fontenay Automobiles a mal été révisée, car dotée d'un synchronisateur de troisième vitesse usé. Cette défectuosité engage selon lui la garantie du vendeur au titre de la garantie des vices cachés. Il précise en outre qu'étant en relation contractuelle avec la SAS Fontenay Automobiles et disposant d'une action directe contre cette dernière, il n'est pas tenu d'agir contre le constructeur, qui a fourni cette pièce défectueuse et dont l'expert judiciaire retient la faute.
Il indique enfin que si sa façon de conduire a pu atteindre prématurément le mécanisme d'amortissement du disque d'embrayage, cet élément est inopérant pour exclure la responsabilité du vendeur dans la pose d'une boîte à vitesse défectueuse, en sorte que la responsabilité de la SAS Fontenay Automobiles au titre des vices cachés est parfaitement justifiée.
En l'espèce, il s'évince du rapport d'expertise judicaire que la boite à vitesse échange standard fournie par le constructeur présente une défectuosité. Les ressorts du disque d'embrayage sont exagèrement usés et présentent tellement de jeu qu'ils battent librement au point de tourner sur eux-mêmes.
L'expert indique en outre que la détérioration du système d'amortissement du disque d'embrayage, hors usure normale, peut avoir plusieurs causes, notamment un défaut de la pièce ou l'utilisation frèquente du véhicule avec des fortes charges et/ou avec de nombreux démarrages en côté.
Il précise que le fait que M. [Y] ait souvent omis de passer volontairement la 3ème vitesse, en passant directement de la seconde poussée à haut régime à la 4ème, n'explique pas forcèment cette situation s'il a laissé le régime moteur redescendre lors de l'enclenchement de la 4ème vitesse.
Il s'évince donc du rapport d'expertise que la boite à vitesse, qui a fait l'objet d'un échange standard par le SAS Fontenay Automobiles est atteinte d'un vice intrinsèque, consistant en une dégradation prématurée du disque d'embrayage.
Contrairement à ce que soutient la société appelante, ce vice n'était pas connu de M. [Y] au moment de la vente, même s'il est exact que l'intimé s'était plaint initialement d'un bruit de grenaille afférent à la boite à vitesse de son véhicule.
Il n'a en réalité eu connaissance du vice invoqué dans toute son ampleur qu'après dépôt du rapport d'expertise, lequel a permis de mettre en exergue une détérioration prématurée du disque d'embrayage de la boite à vitesse.
En outre, ce vice est bien de nature à rendre le véhicule automobile acquis impropre à sa destination, puisque la boite de vitesse est dysfonctionnelle et que par conséquent certains rapports de vitesse ne peuvent être mis en oeuvre.
Enfin, la SAS Fontenay Automobiles ne peut se voir exonérer de sa garantie en arguant d'une faute imputable à M. [Y], puisque l'expert retient que la conduite de ce dernier, consistant à forcer la 2ème vitesse pour passer directement à la 4ème, n'est pas forcément en lien avec le désordre constaté.
Dans ces conditions, le jugement déféré ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a retenu la garantie de la société venderesse à l'égard de M. [O] [Y] sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Sur l'indemnisation du préjudice subi par l'acquéreur,
L'article 1645 du code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
Sur le fondement de la disposition précitée, M. [Y] a interjeté appel incident du jugement déféré, sollicitant une majoration des sommes qui lui ont été allouées en indemnisation de son préjudice, consécutif à la défaillance de la boite à vitesse de son véhicule.
Il sollicite par conséquent la condamnation de la société Fontenay Automobiles à lui verser la somme de 297 euros au titre de l'immobilisation du véhicule pendant 30 jours, celle de 5000 euros au titre de son préjudice d'agrément, faute d'avoir pu procéder au transport de sa moto dans le cadre de son activité de loisir et d'avoir été privé durant trois années d'inscription à des courses de vitesse.
Il chiffre son préjudice moral à la somme de 4 000 euros, celui-ci étant induit par le comportement indigne du vendeur, qui a eu une attitude méprisante à son égard et réclame le paiement des frais d'expertise amiable à hauteur de 1083 euros.
Enfin, il demande, dans le corps de ses conclusions, la condamnation de la société appelante à lui régler la somme de 34, 32 euros au titre du nettoyage du circuit du carburant intervenu avant la dépose de la boite à vitesse, sans reprendre cette demande dans le dispositif de ses conclusions. La cour ne pourra donc statuer sur cette prétention en application de l'article 954 du code de procédure civile.
En sa qualité de vendeur professionnel, la SAS Fontenay Automobiles est présumée connaître les vices affectant la chose venue, en sorte qu'elle doit être condamnée à indemniser M. [Y] de l'ensemble des préjudices qu'il a subis.
S'agissant de l'immobilisation du véhicule, la cour ne pourra que confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à M. [Y] la somme de 118, 80 euros à ce titre, reprenant pour ce faire la proposition de l'expert judiciaire, qui a fixé à 12 jours la durée de l'immobilisation du véhicule, à concurrence de 9, 90 euros par jour.
Pour le surplus, M. [Y] sera débouté de ses autres demandes, lesquelles ne sont justifiées par aucun élément objectif.
Il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé s'agissant de l'indemnisation du préjudice subi par l'intimé, sauf s'agissant du préjudice d'agrément pour lequel il sera débouté de sa demande en l'absence de justificatif.
Sur les autres demandes,
Il ne paraît pas inéquitable de condamner la SAS Fontenay Automobiles, qui succombe en son appel, à payer à M. [O] [Y] la somme de 4000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.
La société appelante sera pour sa part déboutée des demandes formées à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SAS Fontenay Automobiles à payer à M. [O] [Y] la somme de 200 euros au titre de son préjudice d'agrément,
Statuant de nouveau de ce chef,
Déboute M. [O] [Y] de sa demande formée au titre du préjudice d'agrément,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Fontenay Automobiles à payer à M. [O] [Y] la somme de 4000 euros, en appplication de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Fontenay Automobiles aux entiers dépens d'appel,
Déboute la SAS Fontenay Automobiles de ses demandes formées à ces titres.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE