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27/04/2023 | FRANCE | N°22/04598

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 27 avril 2023, 22/04598


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 27 AVRIL 2023









N° RG 22/04598 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M5LT







S.A.S. MAISONS DU MONDE FRANCE



c/



S.A.S. YLIADES

S.A.S.U. FABRIQUE DE STYLES

S.A.S.U. FABRIQUE DE STYLES OCEANE

S.A.S.U. FABRIQUE DE STYLES [Localité 3]

S.A.S.U. AEVUM

S.A.R.L. FDS AJACCIO

S.A.S. ABRIVE

S.A.S. CARGO



























Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

















Grosse délivrée le :27 avril 2023



aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 04 octobre 2022 par le Tribunal ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 27 AVRIL 2023

N° RG 22/04598 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M5LT

S.A.S. MAISONS DU MONDE FRANCE

c/

S.A.S. YLIADES

S.A.S.U. FABRIQUE DE STYLES

S.A.S.U. FABRIQUE DE STYLES OCEANE

S.A.S.U. FABRIQUE DE STYLES [Localité 3]

S.A.S.U. AEVUM

S.A.R.L. FDS AJACCIO

S.A.S. ABRIVE

S.A.S. CARGO

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :27 avril 2023

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 04 octobre 2022 par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX ( RG : 2022R00598) suivant déclaration d'appel du 07 octobre 2022

APPELANTE :

S.A.S. MAISONS DU MONDE FRANCE représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité au siège[Adresse 6]

Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée par Me LOUEMBRE et Me Pierre MASSOT de la SELEURL SELARL ARENAIRE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ ES :

S.A.S. YLIADES RCS 532 429 081 prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége [Adresse 8]

S.A.S.U. FABRIQUE DE STYLES RCS 829 637 461 prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége [Adresse 8]

S.A.S.U. FABRIQUE DE STYLES OCEANE RCS 881 297 030 prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége [Adresse 1]

S.A.S.U. FABRIQUE DE STYLES [Localité 3] RCS 901 521 799 prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége [Adresse 5]

S.A.S.U. AEVUM RCS 893 330 209 prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége[Adresse 10]

S.A.R.L. FDS AJACCIO RCS 902 402 494 prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége [Adresse 4]

S.A.S. ABRIVE RCS 376 080 412 prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége[Adresse 2]

S.A.S. CARGO RCS 483 108 551 prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége [Adresse 11]

Représentées par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés par Me Emmanuel LARERE de l'AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS et par Me Jean-hyacinthe DE MITRY de l'AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS et Me CHEVALLIER, avocat du barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

Greffier lors du prononcé : Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La SAS Maisons du Monde France (MDM) est une société spécialisée dans l'aménagement de la maison, décoration et ameublement.

La SAS Yliades est une filiale de la SAS Cargo, qui est à la tête d'un groupe spécialisé dans l'importation et la distribution de produits non alimentaire en France.

La SASU Fabrique de Styles (FDS), spécialisée dans la décoration et l'ameublement et filiale de la société Yliades, a ouvert ses magasins à compter de 2019.

Entre mai 2020 et mars 2022, cinq franchisés de la société Fabrique de Styles ont ouvert des magasins :

- Fabrique de Styles Océane

- Aevum

- Fabrique de Styles [Localité 3]

- Fabrique de Styles Ajaccio

- Abrive

***

Le 5 octobre 2020, la société MDM a assigné la société FDS et son franchisé FDS Océane devant le tribunal de commerce de Paris pour concurrence déloyale et parasitaire.

En avril 2022, suite à l'ouverture de nouveaux magasins litigieux en cours de procédure, la société MDM a fait assigner les quatre nouveaux franchisés devant le tribunal de commerce de Paris (Aevum, FDS [Localité 3], FDS Ajaccio, Abrive).

Ces procédures, jointes sous le numéro RG J2022000343, seront plaidées courant 2023 devant le tribunal de commerce de Paris.

***

Le 15 juillet 2022, la société MDM a déposé devant le président du tribunal de commerce de Bordeaux une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile à l'encontre de la société Yliades afin d'obtenir une mesure d'instruction in futurum en vue d'engager une action en parasitisme contre la société Yliades.

En parallèle, des requêtes similaires ont été déposées devant les présidents des tribunaux de commerce de Toulouse et de Paris à l'encontre de la société Cargo et de la société Zagass Design.

Pour justifier ces mesures, la société MDM a exposé que la procédure parisienne contre FDS et ses franchisés concerne l'exploitation de magasins et de codes de communication imitant ceux de la société MDM, alors que les procédures sur requête se rapportent à l'élaboration en amont par les société Yliades et Cargo dudit concept imitant celui de MDM.

***

Par ordonnance du 19 juillet 2022, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a autorisé la mesure d'instruction sollicitée et désigné la SELARL Bonnamy-Vizoso & Leon afin d'investiguer au siège de la société Yliades, sise à Bègles.

La mesure a été exécutée le 31 août 2022 au sein de la société Yliades en vain, le directeur général de celle-ci ayant refusé de prêter son concours à l'huissier de justice.

Le 7 septembre 2022, la société MDM a fait assigner la société Yliades en référé d'heure à heure indiquée devant le président du tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d'obtenir l'exécution sous astreinte de l'ordonnance du 19 juillet 2022, des mesures complémentaires permettant de préserver les éléments de preuve recherchés ainsi que la somme de 200.000 euros à titre provisionnel pour le préjudice subi du fait de la disparition irrémédiable des preuves.

Le 13 septembre 2022, les sociétés Yliades, Cargo, Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDS Ajaccio, et ABRIVE ont fait assigner la société Maisons du Monde France en rétractation de l'ordonnance du 19 juillet 2022.

Par ordonnance de référé du 4 octobre 2022, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a :

- rétracté l'ordonnance du 19 juillet 2022,

- déclaré nulles les constatations effectuées et fait interdiction à la société Maisons du Monde France d'utiliser le procès-verbal dressé à l'occasion des opérations de constatations dans toute procédure judiciaire, en France et à l'étranger, ainsi que d'en faire état dans tout document, ceci sous astreinte de 50 000 euros par infraction constatée,

- condamné la société Maisons du Monde France à payer à l'ensemble des demanderesses une somme totale de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Maisons du Monde France aux dépens.

Le premier juge a considéré notamment que la condition tenant au caractère préalable à tout procès de la requête posée par l'article 145 du code de procédure civile faisait défaut et justifiait pour ce seul motif de rétracter l'ordonnance critiquée.

Par ordonnance du 11 octobre 2022, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a, du fait de la rétractation de l'ordonnance du 19 juillet 2022, dit n'y avoir lieu à faire droit aux demandes de la société MDM tendant à l'exécution sous astreinte de ladite ordonnance et à l'obtention de mesures complémentaires et d'une provision.

Par déclaration du 7 octobre 2022, la société MDM a relevé appel de l'ordonnance du 4 octobre 2022 (n° RG 22/04598).

Par déclaration du 27 octobre 2022, la société MDM a interjeté appel de l'ordonnance du 11 octobre 2022 (n°RG 22/04939).

Par acte du 1er décembre 2022, la société MDM a assigné les sociétés Cargo et Yliades devant le tribunal de commerce de Toulouse en responsabilité pour actes de parasitisme au titre de l'élaboration d'un kit de copie du concept de magasin et d'éléments de communication type copiant ceux de MDM en amont d'actes d'exploitation commis par FDS et les franchisés.

La présente procédure concerne l'appel de l'ordonnance rendue le 4 octobre 2022 (n° RG 22/04598).

***

Par conclusions déposées le 7 février 2023, la société Maisons du Monde France demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance rendue le 4 octobre 2022 par M. Philippe Passault, président de chambre ayant délégation de la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux en toutes ses dispositions et la mettre à néant,

- déclarer irrecevables les demandes formées par les sociétés Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDS Ajaccio et ABRIVE pour défaut d'intérêt personnel et légitime à agir,

- juger que la demande de rétractation formée par les société Yliades, Cargo, Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDS Ajaccio et ABRIVE est en tout état de cause mal fondée,

- débouter les sociétés Yliades, Cargo, Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDJ Ajaccio et ABRIVE, de leur demande de rétractation de l'ordonnance du 19 juillet 2022 ainsi que toutes leurs autres demandes,

En tout état de cause,

- juger irrecevables et mal fondées l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés Yliades, Cargo, Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDJ Ajaccio et ABRIVE et les en débouter,

- condamner les sociétés Yliades, Cargo, Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDJ Ajaccio et ABRIVE à verser à la société Maisons du Monde France la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 8 février 2023, les sociétés Yliades, Cargo, Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDJ Ajaccio et ABRIVE demandent à la cour de :

- débouter la société Maisons du Monde France de ses entières demandes, fins et prétentions,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux rendue le 4 octobre 2022 (RG n° 2022R00598),

- condamner la société Maisons du Monde France à payer aux sociétés Yliades, Cargo, Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDJ Ajaccio et ABRIVE la somme supplémentaire de 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Maisons du Monde France aux entiers dépens de la présente instance en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 23 février 2023, avec clôture de la procédure à la date du 9 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'intérêt à agir en rétractation de la société FDS et ses franchisés

La société MDM soutient que la demande en rétractation de la société FDS et de ses franchisés est irrecevable en application de l'article 31 du code de procédure civile, pour défaut d'intérêt à agir dès lors que l'ordonnance du 19 juillet 2022 ne concerne que la société Yliades pour des faits qui lui sont propres. Elle ajoute que la société FDS et ses franchisés ont d'autant moins un intérêt à solliciter la rétractation de la mesure d'instruction visant la société Yliades que les faits reprochés à cette dernière ont été commis en amont des actes d'exploitation commis par la société FDS et ses franchisés.

Les intimés répliquent que la société FDS et ses franchisés justifient d'un intérêt à agir en rétractation dès lors que la société MDM fait grief aux sociétés Cargo et Yliades d'avoir élaboré l'aménagement type et les codes de communication type qu'elle reproche à la société FDS d'utiliser, qu'il s'agit donc des mêmes faits de parasitisme allégués, seule l'imputation changeant. Elle précise que toutes les pièces que la société MDM parviendra à obtenir seront produites dans le cadre du litige pendant contre la société FDS et ses franchisés à [Localité 7], de sorte que la mesure d'instruction querellée vise directement ces dernières.

Sur ce,

En application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Selon l'article 496 alinéa 2 du même code : 'S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance'.

Il est de jurisprudence constante que lorsqu'une mesure d'instruction est ordonnée sur requête, le défendeur potentiel à l'action au fond envisagée est nécessairement une personne intéressée au sens de l'article 496 précité, même si cette ordonnance ne lui est pas opposée au sens de l'article 495 du code de procédure civile.

En l'espèce, comme le soulignent justement les intimés, dès lors qu'il leur est fait grief d'utiliser un concept de magasins et des codes de communication copiés par les sociétés Yliades et Cargo, la société FDS et ses franchisés peuvent être considérés à raison comme des défendeurs potentiels à l'action au fond en parasitisme envisagée à l'encontre de la société mère et du franchiseur.

La société FDS en sa qualité de filiale de la société Yliades, elle-même filiale de Cargo et ses franchisés les sociétés Aevum, Fabrique de Styles [Localité 3], Fabrique de Styles Ajaccio et Abrive justifient par conséquent de leur intérêt, au sens de l'article 31 du code de procédure civile, à solliciter la rétractation de l'ordonnance sur requête du 19 juillet 2022 ayant autorisé un huissier à se rendre au siège de la société Yliades afin de rechercher des éléments de preuve au soutien des actes de parasitisme dénoncés contre cette dernière.

L'ordonnance critiquée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ce moyen d'irrecevabilité tiré du défaut d'intérêt à agir en rétractation.

Sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête

Selon l'article 145 du code de procédure civile, 'S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.'

L'obtention de telles mesures est subordonnée à trois conditions :

- l'absence de procès devant le juge du fond

- l'existence d'un motif légitime

- l'intérêt probatoire du demandeur, apprécié notamment au regard de la mesure sollicitée et des intérêts du défendeur.

Celui qui, sur le fondement de l'article 145 précité, opte pour la procédure sur requête plutôt que pour la procédure de référé, doit faire la preuve de l'existence de circonstances imposant qu'il soit fait exception au respect du contradictoire.

Ainsi, en application de l'article 493 du même code, les mesures d'instruction prévues à l'article 145 ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.

Il appartient au juge de vérifier l'existence de ces circonstances, étant rappelé qu'il n'est pas besoin de caractériser l'urgence.

1- Sur l'absence de procès antérieur

Lorsqu'un procès est déjà engagé, les mesures d'instruction destinées à établir ou conserver les preuves des faits du litige ne peuvent plus être demandées, par requête ou en référé, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Le fondement de cette règle réside, d'abord, dans la volonté d'éviter une interférence entre les compétences d'attribution des juridictions et, ensuite, dans l'idée que, lorsqu'il est saisi, c'est le juge du fond qui est à même d'apprécier l'utilité de la mesure d'instruction.

L'absence de procès au fond est donc une condition de recevabilité de la demande et doit s'apprécier à la date de la saisine du juge des requêtes.

Les intimées soutiennent que la mesure d'instruction ne pouvait être ordonnée en raison du procès déjà engagé au fond, au jour de la requête, devant le tribunal de commerce de Paris à l'encontre de la société FDS et de ses franchisés. Elles affirment que contrairement à l'article 1355 du code civil relatif à l'autorité de chose jugée, l'article 145 du code de procédure civile ne prévoit nullement la condition de triple identité de parties, objet et cause et qu'il existe en l'espèce un lien très étroit entre les deux instances puisqu'il y a :

- une identité du demandeur (la société MDM), seule condition exigée par la jurisprudence (Civ. 2ème, 1er juillet 1992, n°91-10.128),

- une identité partielle de défendeurs puisque la mesure in futurum sollicitée à l'encontre des sociétés mères, a vocation à alimenter le procès en cours à Paris et vise donc indirectement la société FDS,

- une identité de cause et d'objet. Sur ce point, elles soutiennent que la distinction opérée par la société MDM entre 'élaboration du concept' et 'exploitation du concept' est parfaitement artificielle puisque les faits reprochés à Cargo et Yliades sont les mêmes que ceux reprochés à la société FDS et ses franchisés, à savoir la copie d'un concept de magains (identité de fait générateur), que le fondement juridique de concurrence déloyale par acte de parasitisme est le même, que les demandes formulées par MDM à [Localité 7] visent à la cessation des actes de parasitisme (soit l'interdiction d'exploiter la copie du concept) et la réparation du préjudice de sorte que l'objet du litige est le même, qu'enfin, dès son assignation du 5 octobre 2020, la société MDM avait identifié Cargo et Yliades comme étant les co-responsables des prétendus actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés à la société FDS, le litige étant alors envisagé dans sa globalité par la société MDM elle-même.

La MDM réplique que l'existence d'une instance en cours ne constitue un obstacle à une mesure d'instruction in futurum que si l'instance au fond est ouverte sur le même litige et qu'il n'y a un même litige que lorsqu'il y a une triple identité de parties, d'objet et de cause, un simple lien entre deux litiges étant jugé insuffisant et la Cour de cassation ayant clairement rejeté le critère de la connexité dans son arrêt du 30 septembre 2021 confirmant ainsi la doctrine dominante. Elle estime qu'en l'espèce :

- les parties ne sont pas les mêmes puisque la société Yliades, à l'encontre de laquelle la mesure d'instruction a été sollicitée, n'est pas partie à la procédure pendante au fond devant le tribunal de commerce de Paris.

- la cause des litiges est différente :

* d'une part, en ce qu'ils reposent sur des faits matériellement différents s'agissant, au fond, des actes d'exploitation par la société FDS et ses franchisés de magasins et d'éléments de communication créant un risque de confusion avec ceux de MDM et, ici, de rechercher le processus d'élaboration d'un kit de copie d'un concept de magasin et d'un concept de communication MDM soit tout acte en amont des actes d'exploitation,

* d'autre part, en ce que ces actes matériels distincts ont été commis par des personnes morales différentes,

* enfin, le fait d'élaborer un kit de copie d'un concept de magasin concurrent et/ou un kit de copie de la communication d'un concurrent constitue un acte de parasitisme en tant que tel, indépendamment du fait que ces kits de copie soient utilisés par la suite par des sociétés distinctes.

- l'objet du litige, c'est-à-dire 'la somme des prétentions soumises au juge', n'est pas le même puisqu'au fond, il est demandé de mettre un terme aux actes d'exploitation et de réparer par des dommages et intérêts les préjudices résultant de ces actes de concurrence déloyale et parasitaire alors que les demandes envisagées dans le cadre d'un procès futur contre Yliades et Cargo seront nécessairement distinctes en ce qu'elles viseront des sociétés différentes (Yliades et Cargo), des actes matériellements différents générant des préjudices distincts. Elle fait d'ailleurs valoir que dans son assignation au fond délivré le 1er décembre 2022 à l'encontre des sociétés Cargo et Yliades, elles demandent la destruction de la documentation litigieuse correspondant à l'aménagement-type et aux codes de communication litigieux et la réparation du préjudice relatif aux actes de parasitisme propres commis par ces sociétés.

Enfin, elle souligne que contrairement à ce que prétend la partie adverse, la solution du litige au fond à Paris ne dépend pas de la mesure sollicitée.

Sur ce,

Il est constant qu'un procès au fond au jour de la demande constitue un obstacle à ce qu'une mesure d'instruction soit ordonnée sur requête à deux conditions cumulatives :

- le requérant doit être partie au procès au fond

- le litige doit être le même : il n'y a pas, en effet, d'interdiction de saisir le juge d'une requête lorsque le litige déjà engagé est distinct de celui en vue duquel la requête aux fins de mesures d'instruction in futurum est formée.

Il est établi que la première condition, qui résulte de l'arrêt de la Cour de cassation Civ. 2ème, 1er juillet 1992, n°91-10.128, est remplie en l'espèce.

Les parties s'opposent en revanche sur ce que recouvre la notion de 'même litige'.

Il doit être admis que la condition d'une mesure sollicitée 'avant tout procès' ne vaut que si le litige au fond dont un juge serait saisi par ailleurs est le même que celui engagé sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, dans son objet, sa cause et dans ses parties.

En effet, une simple connexité entre le procès au fond et le procès sur demande de mesure in futurum ne saurait suffire à rendre irrecevable l'action sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Dès lors, il incombe au juge d'examiner s'il existe ou non une absence d'identité des parties, de cause et d'objet entre la requête et le procès en cours (Civ. 2ème, 14 novembre 2019, n°18-22.008)

En l'espèce, la société MDM a, par actes des 5 octobre 2020 et 21, 22 et 26 avril 2022, fait assigner la société FDS et ses cinq franchisés FDS Océane, Aevum, Ajaccio, Abrive et [Localité 3], devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la cessation d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, ainsi que la réparation du préjudice subi par l'octroi de dommages et intérêts, leur reprochant en substance de copier le concept des magasins MDM (aménagement, merchandising) et les codes de la communication de MDM (code couleur de l'enseigne, caractéristiques du site internet, typographies), les actes litigieux créant des risques de confusion dans l'esprit de la clientèle avec les magasins MDM et ayant permis aux sociétés défenderesses de se placer dans le sillage de la société MDM en profitant sans bourse déliée de ses investissements, de son succès et de son attractivité.

La requête déposée le 15 juillet 2022 devant le président du tribunal de commerce de Bordeaux tendant à l'obtention d'une mesure d'instruction in futurum énonce que la société MDM recherche des éléments de preuve relatifs aux agissements parasitaires suspectés de la société Yliades et, plus précisément, au rôle de cette dernière dans l'élaboration d'une stratégie parasitaire globale à l'encontre de MDM, en amont de l'ouverture des magasins et du site litigieux exploités par sa filiale FDS. La mesure d'instruction litigieuse était justifiée par la découverte, à l'occasion de la procédure engagée par la société MDM devant le tribunal de commerce de Paris à l'encontre de la société FDS et ses franchisés, de factures démontrant que la société Cargo avait demandé à l'agence ZAGASS DESIGN de créer un aménagement-type de magasin de décoration et mobilier - s'avérant être un kit de copie du concept de magasin MDM-, pour le bénéfice de la société Yliades, en amont des actes d'exploitation commis par la filiale FDS.

Ainsi, l'instance pendante au fond devant le tribunal de commerce de Paris oppose la société MDM d'une part et la société FDS et ses cinq franchisés FDS Océane, Aevum, Ajaccio, Abrive et [Localité 3] d'autre part, tandis que la requête dont la société MDM a sollicité le président du tribunal de commerce de Bordeaux était dirigée contre la société Yliades.

Quant à l'objet du litige qui, selon l'article 4 du code de procédure civile, est déterminé par les prétentions respectives des parties, celui envisagé contre la société Yliades est nécessairement distinct de l'objet de l'instance en cours à Paris qui vise principalement à interdire à la société FDS et ses franchisés des actes d'exploitation de leurs magasins et de leurs codes de communication dès lors qu'il est acquis que la sociéyé Yliades n'exploite ni les magasins ni le site web litigieux. Comme le souligne pertinemment la société appelante, ses demandes contre la société Yliades dans le cadre d'un procès futur ne seront pas les mêmes que celles exposées à l'encontre de la société FDS et ses franchisés puisqu'elles viseront une société différente c'est-à-dire la société Yliades, des actes commis en propre par cette dernière à qui il est reproché d'avoir, avec la société Cargo, élaboré en amont un kit de copie du concept d'un magasin et de la communication de la société MDM, ces faits générant un préjudice distinct de ceux reprochés à la société FDS et ses franchisés.

Au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, il sera retenu qu'au jour de la requête, l'instance au fond devant la juridiction commerciale parisienne n'était pas ouverte sur le même litige, en l'absence d'identité des parties et d'identité d'objet.

L'ordonnance attaquée sera par conséquent infirmée en ce qu'elle a considérée que la demande fondée sur l'article 145 du code de procédure civile était irrecevable pour ne pas avoir été engagée avant tout procès au fond.

2- Le motif légitime

En application de l'article 145 du code de procédure civile, le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer la réalité de ses suppositions à cet égard, cette mesure in futurum étant précisément destinée à l'établir mais il doit justifier d'éléments les rendant crédibles et établir que le procès en germe en vue duquel il sollicite cette expertise n'est pas dénué de toute chance de succès. Ni l'urgence, ni l'absence de contestation sérieuse, ne sont des conditions d'application de ce texte.

Le juge doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

En l'espèce, la société MDM expose qu'elle a découvert, à la lecture des pièces communiquées par la société FDS dans le cadre de la procédure au fond pendante devant le tribunal de commerce de Paris que les sociétés Cargo et Yliades ont collaboré avec l'agence Zagass Design pour l'élaboration d'un aménagement type de magasin qui copie celui de MDM, que la société Cargo était la destinataire des factures de cette agence et que la mission avait été confiée à celle-ci pour la société Yliades. La société MDM soupçonne la société Yliades d'avoir défini, en collaboration avec la société Cargo, la stratégie parasitaire visant à copier en amont son concept de magasin et ses codes de communication. Elle envisage d'engager une action parasitaire contre Yliades et fait valoir qu'elle a besoin d'éléments probatoires pour déterminer le rôle et l'étendue exacts des actes commis par la société Yliades.

Au soutien de sa requête, elle verse notamment aux débats :

- des documents relatifs à l'exploitation du logo MDM en noir et blanc, à l'implantation du concept de magasin MDM, à son identité visuelle et sa typographie (articles de presse, catalogues, sites internet, factures, attestations, extraits de blog et pages Facebook)

- des documents relatifs à l'ouverture des magasins FDS et ses franchisés (articles de presse, pages Facebook

- des vidéos de comparaison des magasins en conflit, planches photographiques comparatives relatives à l'aménagement intérieurs des magasins en conflit, de leur merchandising, typographie, communication interne et externe, procès-verbaux de constat d'huissier

- quatre factures établies par l'agence Zagass Design entre novembre 2018 et novembre 2019, adressées à la société Cargo et libellées comme suit : 'collaboration pour la création d'un concept de magasin de décoration et mobilier pour Yliades'.

L'examen de ces éléments rend crédibles les allégations selon lesquelles, d'une part, les magasins exploités par la société FDS et ses franchisés reprennent des combinaisons d'éléments propres aux magasins et aux codes de la société MDM et, d'autre part, les sociétés Cargo et Yliades ont, en amont et en collaboration avec l'agence Zagass Design, élaboré un aménagement-type de magasin et des codes de communication copiés sur les concepts MDM.

En conséquence, la société MDM justifie d'un motif légitime pour solliciter une mesure d'instruction à l'encontre de la société Yliades afin de déterminer son implication et son rôle exacts dans la commission des actes litigieux et établir avant tout procès la preuve de faits de parasitisme.

3- Sur la dérogation au principe du contradictoire

Selon les articles 145 et 493 du code de procédure civile, le juge, saisi d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, doit s'assurer de l'existence, dans la requête et l'ordonnance, des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

Le juge doit donc rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.

En l'espèce, la société MDM soutient que :

- la requête et l'ordonnance sont parfaitement motivées et visent des circonstances propres à l'espèce justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, au regard de la nature et de l'ampleur des actes de parasitisme, des condamnations antérieures de certaines filiales du groupe Cargo pour contrefaçon et concurrence déloyale et de la chronologie des faits démontrant un faisceau d'indices attestant une volonté délibérée de copier MDM,

- les éléments recherchés peuvent être modifiés ou supprimés pour masquer l'intention parasitaire, en particulier s'agissant des instructions ou éléments informatiques,

- il était indispensable de procéder à ces mesures concomitamment à celles ordonnées contre Cargo à [Localité 9] et contre le designer Zagass Design à [Localité 7],

- peu importe la connaissance des griefs reprochés, voire l'absence d'effet de surprise, dès lors que le risque de déperdition des preuves est patent,

- l'effet de surprise doit au demeurant être apprécié par rapport à la connaissance par la société concernée de la mesure d'instruction sollicitée,

- or, contrairement à qu'affirment les intimées, les sociétés Yliades et Cargo ne s'attendaient visiblement pas à une mesure d'instruction contre elle pour des faits distincts de ceux visés dans la procédure parisienne, le fait même que la société FDS ait produit des factures de l'agence Zagass Design comme ses propres investissements montre bien que les sociétés Cargo et Yliades pensaient pouvoir masquer leur véritable rôle, ce qui traduit une volonté de dissimulation et de présentation trompeuse.

Les sociétés intimées répliquent qu'il n'y avait aucune raison de déroger au contradictoire en ce que :

- la société MDM n'est pas fondée à soutenir l'effet de surprise alors que la société Yliades est informée depuis l'assignation du 5 octobre 2020 du procès initié au fond contre sa filiale et ses franchisés et de l'intention de MDM d'engager une action en responsabilité à son encontre,

- la société MDM a, dans ses conclusions du 4 février 2022 devant le tribunal de commerce de Paris, exposé l'implication qu'elle soupçonne des sociétés Cargo et Yliades dans l'élaboration des actes de parasitisme reprochés,

- à la date de la requête, cela faisait donc plus de deux ans que les sociétés Cargo et Yliades étaient parfaitement informées des faits précis qui leur sont reprochés par MDM et qu'elles avaient par conséquent tout loisir de se concerter, le cas échéant avec Zagass Design, et/ou de supprimer toute trace de leurs prétendus agissements répréhensibles,

- le 22 janvier 2021, la société FDS a spontanément produit les factures de Zagass à l'attention de 'Cargo Groupe', de même la société Cargo a spontanément remis les pièces qui lui étaient demandées le 18 octobre 2021 (dépôt des comptes annuels des années 2015 à 2017 et 2020),

- les pièces visées par la requête couvrent la période s'étendant du 1er septembre 2017 au 22 novembre 2019, de sorte qu'aucun élément nouveau ou récent ne justifie d'agir à l'insu de la société concernée,

- la nature informatique des pièces recherchées est insuffisante à démontrer le risque de destruction des preuves,

- le déroulé des opérations de la mesure d'instruction ordonnée chez l'agence Zagass Design montre bien qu'il n'y a pas eu de concertation.

Sur ce,

Aux termes de la requête déposée le 15 juillet 2022 et des pièces annexées, la société MDM expose que le constat sollicité doit être fait non contradictoirement en considération de:

- la nature et l'ampleur des actes de parasitisme dénoncés puisqu'il s'agit de l'élaboration d'un aménagement-type de magasin copié sur le concept du magasin MDM, soit des actes de parasitisme particulièrement graves dont le caractère nécessairement mûrement réfléchi rend évident l'absence de volonté de coopérer,

- la spécificité du contexte en ce que plusieurs filiales de Cargo ont déjà été condamnées pour contrefaçon, concurrence déloyale et parasitaire pour copie de produits MDM antérieurement aux actes commis par FDS depuis 2019,

- la chronologie des actes litigieux tendant à montrer que Cargo cherchait depuis plusieurs années un canal de distribution plus attractif pour vendre les marques en déclin rachetées par sa filiale Yliades et qu'elle a missionné à cette fin, en collaboration avec Yliades, une agence de design pour élaborer un aménagement-type de magasin exploité par la suite par sa filiale FDS pour concurrencer MDM de manière déloyale,

- le risque de dépérissement des éléments de recherche qui peuvent être aisément modifiés ou supprimés par des manipulations informatiques en l'absence d'effet de surprise puisqu'il s'agit de devis, instructions, courriers, courriels, messages envoyés par téléphones,

- la nécessité de procéder aux opérations de constat sollicitées de manière concomitante à celles sollicitées parallèlement à l'encontre des sociétés Cargo et Zagass Design qui ont collaboré à l'élaboration d'un amenagement-type copiant le concept de magasin MDM.

L'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux du 19 juillet 2022, rendue au visa de la requête précitée, énonce qu' 'Il ressort des circonstances rapportées que si la mesure sollicitée, en raison de sa nature même, n'était pas prise de façon non contradictoire, il pourrait exister un risque de déperdition ou de déperissement des éventuelles preuves à conserver et d'inefficacité en l'absence d'effet de surprise.'

Il est exact, comme le soulignent les sociétés intimées, que dès avant la requête, la société Yliades était informée des griefs dont elle était l'objet puisque l'assignation délivrée le 5 octobre 2020 à l'encontre de sa filiale FDS mentionnait expressément que 'MDM se réserve (...) le droit de mettre dans la cause Yliades et Cargo qui participent, contrôlent et financent les activités de FDS.'

Cependant, nonobstant l'absence d'un éventuel effet de surprise, il n'en demeure pas moins que la dérogation au principe du contradictoire était justifiée compte tenu du risque de dépérissement des preuves caractérisé par :

- la nature des faits de parasitisme qui, par définition, supposent un comportement contraire au principe de la bonne foi,

- du contexte particulier puisque plusieurs filiales du groupe Cargo ont déjà été condamnées pour des actes de concurrence déloyale et parasitaire concernant des produits MDM,

- la nature même des données informatiques recherchées en ce que les devis, courriers, courriels, messages par téléphone peuvent être aisément supprimés ou altérés par des manipulations informatiques.

En outre, une mesure d'instruction similaire était sollicitée au siège des sociétés Cargo et Zagass Design, de sorte que la concomitance de la recherche des éléments de preuve au sein des trois sociétés était nécessaire pour garantir l'efficacité de la mesure et éviter toute concertation, étant observé sur ce point que l'argument des intimées, selon lequel le résultat des opérations de constat chez l'agence Zagass Design montrerait l'absence de concertation entre les parties, est dénué de pertinence puisque pour apprécier les circonstances de la cause susceptibles de justifier une dérogation au principe du contradictoire, le juge doit se placer au jour de la requête ou au jour de l'ordonnance.

En conséquence, la requête, tout comme l'ordonnance rendue à son visa, caractérisent les circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction et satisfont ainsi aux exigences des articles précités.

4- Sur la proportionnalité de la mesure ordonnée

Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

En l'espèce, les sociétés intimées font grief à l'ordonnance sur requête du 19 juillet 2022 d'avoir permis au commissaire de justice de mener les investigations les plus larges, la mesure autorisée s'apparentant à une perquisition civile. Plus précisément, elles font valoir que les mesures vont bien au-delà de ce qui légalement admissible en ce que :

- la recherche n'est pas suffisamment circonscrite dans son objet au regard des supports de recherche et des mots-clés particulièrement larges qui laissent une trop grande liberté d'appréciation à l'huissier et qui permettent de recueillir des données étrangères au litige, attentatoires à la liberté de travailler, à la vie privée, au secret des affaires et à la sécurité informatique de l'entreprise,

- la période de recherche entre le 1er septembre 2017 et le 22 novembre 2019 n'est pas suffisamment circonscrite.

Elles ajoutent que les opérations conduites les 30 novembre et 5 décembre 2022 au siège de la société Cargo en exécution d'une ordonnance identique à celle rendue contre Yliades se sont révélées impossibles à réaliser compte tenu de leur caractère disproportionné.

La mission confiée à la Selarl Bonnamy-Vizoso & Léon, huissiers de justice, consistait à se faire assister de tous experts informatiques de son choix et à :

'1- Se rendre au siège social de la société Yliades, sise à Bègles (33130) ainsi que dans tous autres lieux (tels que notamment : atelier, bureau), sis dans le ressort de ce tribunal où les opérations réveleraient que des actes litigieux sont susceptibles d'avoir été commis et/ou d'être constatés ou encore en tout autre lieu où serait assurée la gestion administrative ou financiere de la société dans le ressort de ce tribunal.

2- Se faire communiquer, ou à défaut rechercher, à l'effet d'en prendre copie, tous éléments relatifs à l'élaboration de l'aménagement type de magasin (y compris le mobilier) mis au point par la société Zagass Design pour les sociétés Yliades et Cargo correspondant au 'concept de magasin de décoration et mobilier' visé dans les factures YLI01 1811 422, YLI01 1901 431, YLI01 1905 440 et YLI01 1911 456 de ZAGASS DESIGN (piece l9.4b), et notamment tous croquis, visuels, photos, vidéos de magasins (y compris de magasins Maisons du Monde), maquettes, plans, instructions, devis, bons de commandes, cahiers des charges, courriers et courriels avec leurs éventuelles pièces jointes, notes d'agenda relatives aux rendez-vous ou visioconférences faisant apparaitre les participants, fichiers (quels qu'en soient les formats ou

supports, papier, vidéo, informatique ou autre), factures détaillées des agences, entrepreneurs et fournisseurs concernés par l'aménagement litigieux ainsi que tous autres documents relatifs à l'élaboration de l'aménagement litigieux, y compris les documents préparatoires, émanant en particulier des sociétés Cargo, Yliades, Zagass Design.

Disons que les recherches s'effectueront sur une période allant du 1er septembre 2017 au 22 novembre 2019.

Pour ce faire, l'huissier pourra notamment procéder à une recherche par mots clés en utilisant, si besoin est, les mots-clés suivants (en majuscules comme en minuscules, au singulier ou au pluriel, éventuellement en abrégé; par ex. 'MDM' pour 'MAISONS DU MONDE') :

- 'MAISONS DU MONDE' OU 'MDM' ET 'concept' OU 'magasin' OU 'boutique' OU 'aménagement' OU 'Guide d'Application'

- ' ZAGASS' ET 'concept' OU 'magasin' OU 'boutique' OU 'aménagement' OU 'Guide d'Application'

- 'YLIADES' ET 'concept' OU 'magasin' OU 'boutique' OU 'aménagement' OU 'Guide d'Application'

- 'CARGO' ET 'concept' OU 'magasin' OU 'boutique' OU 'aménagement' OU 'Guide d'Application'

- 'ZAGASS' ET 'MAISONS DU MONDE' OU 'MDM'

- 'ZAGASS' ET 'YLIADES' OU 'CARGO'

- 'mobilier' ET 'MAISONS DU MONDE' OU'MDM' OU 'ZAGASS'

- 'parcours client » ET 'MAISONS DU MONDE' OU 'MDM' OU 'ZAGASS'

- 'merchandising' OU 'merch' ET 'MAISONS DU MONDE » OU 'MDM' OU 'ZAGASS'

- 'MAISONS DU MONDE' OU 'MDM' ET 'copie' OU 'visite' OU 'repérage' OU 'video' OU 'photo'.

3- Se faire remettre, ou à défaut rechercher, à l'effet d'en prendre copie, tous éléments relatifs à l'élaboration des codes couleurs de l'enseigne et des codes visuels liés à l'aménagement type de magasin litigieux visé au point 2, y compris les éléments relatifs à la signalétique, l'identité visuelle, la typographie, toute charte graphique ou de communication utilisées en relation avec ledit aménagement litigieux, et notamment les instructions, visuels, photos, vidéos de magasins (y compris de magasins MAISONS DU MONDE), devis, correspondances (comprenant leurs éventuelles pieces jointes), ou fichiers (quels qu'en soient les formats ou supports, papier, informatique ou autre) ainsi que tous autres documents relatifs à l'élaboration desdits codes couleurs d'enseigne et desdits codes visuels, y compris les documents préparatoires, émanant en particulier des sociétés CARGO, YLIADES et ZAGASS DESIGN.

Disons que les recherches s'effectueront sur une période allant du 1er septembre 2017 au 22 novembre 2019.

Pour ce faire, l'huissier pourra notamment procéder à une recherche par mots clés en utilisant, si besoin est, les mots-clés suivants (en majuscules comme en minuscules, au singulier ou au pluriel, éventuellement en abregé) :

- 'MAISONS DU MONDE' OU 'MDM' ET 'charte' OU 'identité visuelle' OU ' typographie' OU 'graphique' OU 'codes'

- 'ZAGASS' ET 'charte' OU 'identite visuelle' OU 'typographie' OU 'graphique' OU 'codes'

- 'MAISONS DU MONDE' OU 'MDM' ET 'signaletique' OU 'enseigne'

- 'ZAGASS' ET 'signaletique' OU 'enseigne'

- 'MAISONS DU MONDE' OU 'MDM' ET 'copie' OU 'visite' OU 'repérage'OU 'vidéo'

OU 'photo'.

4- Se faire remettre les appareils et terminaux téléphoniques utilisés à titre professionnel et/ou personnel par Monsieur [M] [L], son assistant(e) de direction ainsi que par les salariés du service marketing de la société YLIADES et tous autres salaries d'YLIADES dont les opérations révèleraient qu'ils ont participé aux faits litigieux, et ce afin de rechercher, sur les données des terminaux, les SMS et logiciels de messageries instantanees WhatsApp et/ou Telegram ou autre, les messages échangés au sein de toute discussion ou tout autre groupe de discussion ainsi que tous éléments et/ou documents et/ou fichiers relatifs à l'élaboration de l'aménagement-type litigieux par la societé ZAGASS DESIGN pour les sociétés YLIADES et CARGO ainsi que ceux relatifs à l'élaboration des codes couleurs de l'enseigne et des codes visuels liés à l'aménagement litigieux, et en prendre copie.

Disons que les recherches s'effectueront sur une période allant du 1er septembre 2017 au 22 novembre 2019".

Il était également mentionné que l'huissier instrumentaire et l'expert informatique choisi par lui étaient autorisés à :

- accéder à l'ensemble des serveurs et postes informatiques de la societe YLIADES ou de toute société qui la contrôlerait, mais également à tout support, tout système d'information renfermant les données recherchées et aux supports des salariés et du dirigeant de la société YLIADES, aux fins d'y rechercher, pour en prendre copie, les éléments relatifs aux faits litigieux.

- se faire communiquer par la société YLIADES, ses salariés, son dirigeant et/ou toutepersonne/prestataire externe, les codes d'accès et mots de passe de l'ensemble de supports et serveurs visés ci-avant, à y avoir accès, à installer tout logiciel ou brancher tout périphérique pour les besoins des opérations, à passer outre les éventuelles protections informatiques qui empêcheraient l'huissier instrumentaire d'accomplir sa mission.

- procéder à toute recherche relative aux faits litigieux sur tous supports utiles (externes et internes, clé USB, disque externe, et/ou périphériques de stockage, aux téléphones portables professionnels et personnels, messageries instantanées, WhatsApp, Slack etc.), ainsi qu'aux bases de données distantes et/ou plateformes de travail, et/ou espaces virtuels de type Office 365, Cloud

ou Dropbox, sans que cette liste soit limitative et à faire activer la fonction eDiscovery, si elle existe.

- procéder à toute recherche relative aux faits litigieux sur tout support d'archivage informatique, qu'il s'agisse notamment de disquettes, disques optiques, numériques, disques magneto optiques, sauvegarde sur bandes magnetiques ou tout support numerique et/ou à se connecter à tous serveurs accessibles à distance par voie electronique à partir des équipements informatiques présents sur les lieux des opérations, y compris auprès d'hébergeurs cloud, aux fins

d'exécution de la mission.

- procéder si nécessaire à l'extraction des disques durs des unites centrales des ordinateurs concernés, à leur examen à l'aide des outils d'investigation de leur choix, puis à la remise en place de ces disques durs dans leur unite centrale respective après en avoir pris copie.

Il était prévu une exclusion du champ de la recherche de l'huissier instrumentaire tout document ou dossier intitulé 'Personnel', 'Perso' ou 'Privé'.

L'huissier était autorisé, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume, ou en cas de difficultés rencontrées dans l'accès aux supports informatiques de la société à procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui lui paraitront nécessaires en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre servira de référentiel et ne sera pas transmise à la partie requérante, et l'autre copie servira au mandataire à procéder, de manière différée, avec l'aide de l'expert ou technicien choisi par lui, à l'ensemble des recherches visées ci-dessus.

Une mesure de séquestre des éléments recueillis était enfin prévue.

Sur ce,

Il ressort des termes précités de l'ordonnance du 19 juillet 2022 que le juge a circonscrit les investigations de l'huissier :

- dans l'espace, la mesure devant être exécutée au siège social de la société Yliades, situé [Adresse 8], ou tout autre lieu (tels que atelier, bureau), sis dans le ressort du tribunal où les opérations révéleraient que des actes litigieux sont susceptibles d'avoir été commis et/ou d'être constatés ou encore en tout autre lieu où serait assurée la gestion administrative ou financière de la société dans le ressort de ce tribunal.

- dans le temps, l'ordonnance autorisant une saisie des documents sur une période allant du 1er septembre 2017 - correspondant au moment où Cargo et Yliades sont susceptibles d'avoir commencé leur politique parasitaire à l'encontre de MDM - au 22 novembre 2019, date de la dernière facture de l'agence Zagass Design à l'attention de Cargo pour la 'création d'un concept de magasin de décoration et mobilier pour Yliades'. A cet égard, la société MDM fait justement valoir, d'une part, qu'elle ne peut savoir quand ont commencé les actes litigieux commis par Cargo et Yliades, la mesure d'instruction visant précisément à établir l'origine et la chronologie de ceux-ci, et d'autre part, qu'une période de deux ans pour élaborer un kit de copie d'un concept de magasin apparaît raisonnable au regard des études minutieuses et de la préparation qu'une telle copie suppose (repérages, instructions pour copier, sélection des éléments à copier)

- dans son objet, les éléments à saisir étant en lien direct avec les faits précédemment dénoncés dans la requête [soit 'les éléments relatifs à l'élaboration de l'aménagement type de magasin mis au point par la société Zagass Design pour les sociétés Yliades et Cargo correspondant au 'concept de magasin de décoration et mobilier' visé dans les factures YLI01 1811 422, YLI01 1901 431, YLI01 1905 440 et YLI01 1911 456 de ZAGASS DESIGN' (point 2 de l'ordonnance) et 'les éléments relatifs à l'élaboration des codes couleurs de l'enseigne et des codes visuels liés à l'aménagement type de magasin litigieux visé au point 2" (point 3 de l'ordonnance)], et restreints par l'utilisation de la combinaison de mots-clés énumérés dans l'ordonnance, laquelle précise expressément que ces combinaisons de mots-clés sont utilisées 'pour ce faire', c'est-à-dire pour faire les recherches précisément visées aux points 2 et 3.

L'argumentation des sociétés intimées selon laquelle l'huissier de justice serait investi d'une 'liberté d'appréciation exorbitante' d'une part, et les supports de recherche ne seraient pas suffisamment identifiés d'autre part, n'est pas pertinente dès lors que la mesure d'instruction, quelle que soit son étendue, est circonscrite aux faits litigieux.

En outre, même si l'huissier s'est vu autoriser l'accès à tous les supports informatiques, y compris les téléphones personnels, susceptibles de contenir des documents, il ne peut y avoir atteinte disproportionnée à la vie privée des employés et dirigeants de la société Yliades dès lors, d'une part, que les recherches sont liées aux faits litigieux et limitées dans le temps et par les combinaisons de mots clés définis aux points 2 et 3 de la mission, d'autre part, que la mission exclut expressément du champ de la recherche de l'huissier instrumentaire tout document ou dossier intitulé 'Personnel', 'Perso' ou 'Privé'.

Il ne peut non plus être invoqué une atteinte à la liberté de travailler et de communiquer dès lors que la remise des téléphones et ordinateurs doit se faire le jour de l'exécution de la mission, lesdits appareils étant immédiatement rendus à leurs utilisateurs respectifs après analyse.

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, les investigations ne sont pas de nature à porter atteinte au secret des affaires dès lors que l'huissier n'est autorisé à appréhender que les documents en lien avec les faits dénoncés et que la recherche d'éléments sur les appareils est limitée par l'usage de mots-clés. Au surplus, une mesure de séquestre des éléments recueillis a été prévue afin de préserver, le cas échéant, le secret des affaires.

Il n'est pas démontré que le fait de permettre à l'expert informatique d'installer 'tout logiciel' externe sur les ordinateurs de l'entreprise créerait un risque d'atteinte à la sécurité informatique celle-ci alors que les logiciels de recherche utilisés par les experts informatiques sont des produits officiels et sécurisés et que l'ordonnance souligne que ces mesures sont strictement liées à la mission confiée.

Enfin, doit être écartée l'argumentation des sociétés intimées selon laquelle les opérations conduites au siège des sociétés Cargo et Zagass Design en exécution d'une ordonnance sur requête identique à celle rendue contre Yliades se sont révélées impossibles à réaliser compte tenu de la volumétrie des données à examiner, dès lors que la régularité des mesures ordonnées doit être appréciée au moment de son prononcé et non de son exécution.

Au regard de l'ensemble des motifs qui précèdent, la mesure ordonnée, utile et proportionnée au regard du but poursuivi, ne s'apparente pas à une mesure d'investigation générale excédant les prévisions de l'article 145 du code de procédure civile ni ne porte d'atteinte illégitime aux droits de la société Yliades.

En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance du 4 octobre 202 et de dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du 19 juillet 2022, laquelle produit tous ses effets.

Les sociétés Yliades, Cargo, Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDJ Ajaccio et ABRIVE, qui succombent, supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel, et seront condamnées à verser à la société Maisons du Monde la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux du 4 octobre 2022, sauf en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir en rétractation des sociétés Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDJ Ajaccio et ABRIVE,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce de Bordeaux du 19 juillet 2022, laquelle produit tous ses effets,

- Condamne in solidum les sociétés Yliades, Cargo, Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDJ Ajaccio et ABRIVE à payer à la société Maisons du Monde France la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum les sociétés Yliades, Cargo, Fabrique de Styles, Fabrique de Styles Océane, AEVUM, Fabrique de Styles [Localité 3], FDJ Ajaccio et ABRIVE aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/04598
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;22.04598 ?
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