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26/04/2023 | FRANCE | N°23/00225

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 26 avril 2023, 23/00225


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 26 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 23/00225 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NCH5











Madame [Z] [D]



c/



Monsieur [F] [P]

S.A.S. SEA LEADER TRAINING

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse

délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 novembre 2022 (R.G. n°F21/00147) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 16 janvier 2023,





APPELANTE :

Madame [Z] [D]

née le 20 Septembre 2001 à [Localité...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 26 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 23/00225 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NCH5

Madame [Z] [D]

c/

Monsieur [F] [P]

S.A.S. SEA LEADER TRAINING

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 novembre 2022 (R.G. n°F21/00147) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 16 janvier 2023,

APPELANTE :

Madame [Z] [D]

née le 20 Septembre 2001 à [Localité 4] de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Florian BECAM, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉS :

Monsieur [F] [P]

né le 27 Janvier 1989 à [Localité 3] de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

S.A.S. SEA LEADER TRAINING prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 838 704 138

représentés et assistés de Me Sylvie BOURDENS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Madame Sylvie Tronche, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Leader Training, créée en 2018 par M. [F] [P], né en 1987, a pour activité la mise en oeuvre d'actions de formation professionnelle et continue, l'audit et le conseil en matière de sécurité et de risques professionnels dans le domaine de la sûreté et de la sécurité portuaire, fluvial et maritime.

Selon statuts modifiés le 10 juillet 2020, le capital de la société d'un montant de 400 euros a été réparti ainsi qu'il suit :

- [F] [P] : 20 actions,

- [G] [O] qui était l'ancienne compagne de M. [P] : 10 actions,

- Mme [Z] [D], née en 2001 - qui était devenue la 'nouvelle petite amie' de M. [P], au moins selon les dires de celui-ci - : 10 actions.

Le même jour, l'assemblée générale de la société a mandaté Mme [D] en qualité de directrice générale, Mme [O] étant désignée en qualité de directrice générale déléguée.

Les relations entre Mme [D] et M. [P] se sont ensuite dégradées à partir de la fin de l'année 2020 pour s'interrompre en février 2021, M. [P] convoquant les associés à une assemblée générale prévue le 21 mars puis le 8 avril 2021 en vue de la révocation du mandat de directrice générale de Mme [D] et de la cession des parts de celle-ci à Mme [O].

Le 9 août 2021, Mme [Z] [D] a saisi le le conseil de prud'hommes d'Angoulême de demandes dirigées tant contre la société qu'à l'égard de son dirigeant,M. [P], en vue de faire constater l'existence d'un contrat de travail entre elle et la société Sea Leader Training, d'en faire prononcer la rupture aux torts de l'employeur et d'obtenir le paiement de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel ainsi que des rappels de salaires.

Par jugement rendu le 28 novembre 2022, le conseil a :

- constaté que la société Sea Leader Training n'est pas l'employeur de Mme [D],

- a constaté son incompétence d'attribution,

- débouté la société Sea Leader Training de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [D] aux dépens.

Par déclaration du 12 décembre 2022, Mme [D] a relevé appel de cette décision.

Par requête du 13 décembre 2022, Mme [D] a sollicité l'autorisation de faire assigner à jour fixe la société Sea Leader Training et M. [P], joignant ses conclusions à sa requête.

Suite à l'ordonnance de fixation à bref délai rendue le 14 décembre 2022, fixant la date d'audience au 6 mars 2023, Mme [D] a fait délivrer une assignation à comparaitre à la société Sea Leader Training et à M. [P] par actes d'huissier remis en l'étude de l'huissier instrumentaire le 5 janvier 2023.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 décembre 2022, Mme [D] demande à la cour de la déclarer bien fondée en ses demandes, d'infirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions et de :

- juger que le litige l'opposant à la société Sea Leader Training et à M. [F] [P] relève de la compétence d'attribution du conseil de prud'hommes, conformément aux dispositions de l'article L. 1411-1 du code du travail,

- renvoyer les parties devant le conseil de prud'hommes d'Angoulême afin que l'instance se poursuive à la diligence du juge, conformément aux dispositions de l'article 86 du code de procédure civile,

- condamner conjointement et solidairement la société Sea Leader Training et M. [F] [P] à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sea Leader Training et M. [F] [P] aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 janvier 2023, la société Sea Leader Training et M. [F] [P] demandent à la cour de':

- débouter Mme [D] de son appel,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême en date du 28 novembre 2022,

- débouter Mme [D] de sa demande de condamnation solidaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre reconventionnel,

- condamner Mme [D] à payer à la société Sea Leader Training une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [D] à payer à M. [P] une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour voir infirmer le jugement déféré, Mme [D] soutient avoir eu en réalité la qualité de salariée de la société et ce, dès sa désignation en qualité de directrice générale. Elle invoque le caractère fictif de ce mandat au regard de son jeune âge, de sa formation et de son expérience professionnelle limitée ainsi que du fait qu'elle n'a jamais exercé aucun acte de direction, d'administration ou de gestion de la société.

Elle prétend ainsi avoir été placée sous le lien de subordination de M. [P] qui assurait son hébergement dans une résidence hôtelière à proximité des nouveaux locaux de la société, lui dictait ses horaires et en veut pour preuve :

- un message qu'il lui a adressé le 17 février 2021 : 'Vous ne vous êtes plus présenté à votre poste de travail le 17/02/2021. Or, nous n'avons pas à ce jour de justificatif d'absence';

- le fait que la société ne conteste pas qu'elle a participé à une session de formation sur l'utilisation du défibrillateur pour la SNMS de [Localité 5] ;

- une attestation d'employeur,

- un certificat médical d'aptitude à la navigation maritime établi le 24 novembre 2020 par le médecin de la direction des affaires maritimes,

- le fait qu'elle a bénéficié à compter du 30 octobre 2020 du chômage partiel.

La société conclut à la confirmation du jugement, soutenant que Mme [D] n'était pas salariée, ayant été régulièrement désignée en qualité de directrice générale, mandataire social.

Si elle reconnaît qu'avait été envisagée la conclusion d'un contrat de travail en qualité de formatrice, elle explique notamment que compte tenu de la crise sanitaire, ce projet ne s'est pas concrétisé.

***

Il y a contrat de travail quand une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre personne, moyennant rémunération.

La relation salariée suppose la fourniture d'un travail en contrepartie du versement d'une rémunération ainsi que l'existence d'un lien de subordination entre l'employeur et le salarié, qui est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Au soutien de ses prétentions, Mme [D] verse notamment aux débats les pièces suivantes :

- une attestation d'employeur datée du 6 janvier 2021 non signée, qui ne porte pas mention d'un nom de salarié et qui, au vu d'un échange de SMS à ce sujet, a été établie pour l'obtention d'un logement par Mme [D] ;

- un certificat médical d'aptitude à la navigation maritime établi le 24 novembre 2020 par le médecin de la direction des affaires maritimes par lequel il est attesté que Mme [D] remplit les conditions médicales requises pour toutes les fonctions à bord y compris la veille à la passerelle : outre que ce document ne fait pas référence à la société, il n'y a aucun lien entre cette aptitude médicale et l'activité de la société ;

- des copies d'écran de téléphones, datant, selon le sommaire qu'elle a établi, des mois de novembre 2020 à mars 2021.

Mme [D] produit également des 'bulletins de paie' :

- un bulletin pour le mois de septembre 2020 qui ne fait état que d'une rémunération en qualité de dirigeant pour la période du 14 au 30 septembre ;

- à partir du mois d'octobre 2020, figurent à la fois :

* une rémunération 'dirigeant' : 2.231,66 euros

* une déduction 'd'heures pour activité partielle' : 103 euros pour 7 heures à 14,7139 euros,

- de novembre 2020 à janvier 2021, les bulletins délivrés vont porter les mêmes mentions :

* une rémunération 'dirigeant' : 2.231,66 euros

* une déduction 'd'heures pour activité partielle' : 144,67 heures à 14,7139 euros.

Jusqu'à la date du 30 octobre 2020, en l'absence de contrat de travail apparent, il appartient à Mme [D] de rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail, preuve qui ne peut résulter du seul caractère 'artificiel' de son mandat social de dirigeant qu'elle a accepté.

Or, la cour relève que Mme [D] est totalement taisante sur la nature de la prestation de travail qu'elle aurait accomplie pour le compte de la société, depuis sa désignation en qualité de directrice générale, sans être rémunérée : aucun document ne permet en particulier de déterminer les tâches dont elle aurait été chargée, ni ne permet de retenir que M. [P] lui aurait donné des instructions à ce sujet.

Si elle évoque une formation qu'elle aurait suivie 'sur l'utilisation du défibrillateur pour la SNSM de [Localité 5]', la qualité de sa participation à cette formation n'est pas précisée, pas plus que sa date, aucune pièce n'étant produite à se sujet, seule la société y ayant fait référence dans son courrier du 27 mai 2021 où la société indique ne pas en avoir été informée.

L'existence d'un contrat de travail ne peut donc être retenue pour cette période.

Postérieurement au 29 octobre 2020, les mentions portées sur les 'bulletins de paie' sont à mettre en lien avec l'autorisation donnée à la société de mettre en oeuvre l'activité partielle pour 'un salarié du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020, avec un maximum d'heures autorisées sur la période de 303,34 heures dans le cadre des dispositions de l'article L. 5122-1 du code du travail' (pièce 5 de l'appelante).

En vertu de ce dispositif particulièrement utilisé par les entreprises à la suite de la crise sanitaire liée au Covid 19, les salariés, placés en position d'activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l'autorité administrative, s'ils subissent une perte de rémunération imputable soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d'établissement, soit à la réduction de l'horaire de travail pratiqué dans l'établissement ou partie d'établissement en deçà de la durée légale de travail, reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur qui perçoit une allocation financée conjointement par l'Etat et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage.

Les parties ne sont guère explicites au sujet des conditions du recours à un financement public qui a permis à Mme [D] de percevoir une indemnité pour réduction de son activité prétendument salariée alors que la rémunération versée seulement à partir du 14 septembre 2020 correspondait à sa qualité de dirigeant et ce, jusqu'au 30 octobre 2020.

En dehors de ce financement, Mme [D] ne justifie ni même n'allègue d'un changement de situation qui permettrait de retenir le caractère réel de son 'placement en activité partielle' manifestement sollicité aux fins d'obtenir une aide de l'Etat.

A partir d'ailleurs de cette date, Mme [D] va alléguer de cette activité partielle pour justifier de son absence dans les locaux de l'entreprise (sms non daté mais qui, selon l'appelante, correspondait au mois de novembre 2020).

Dans ces conditions les bulletins de paie ne peuvent être considérés comme établissant l'existence d'un contrat de travail apparent.

Les échanges de SMS produits en pièce 23 par l'appelante, qui, pour la plupart d'entre eux, ne portent aucune date, témoignent surtout des disputes incessantes entre M. [P] et Mme [D] et, spécialement quant à la relation affective de celle-ci avec un tiers.

Par ailleurs, le 'sommaire' de ces SMS figurant en pièce 22 de l'appelante n'est pas toujours le reflet du contenu exact des mails produits en pièce 23 qui, s'ils témoignent de ce que M. [P] a souhaité à plusieurs reprises faire sortir Mme [D] 'de la boîte', ne permettent pas de déduire la qualité de salariée de celle-ci.

Enfin, la proposition d'une simulation d'un contrat de travail de formatrice qui semble avoir été faite en septembre 2020 n'a été suivie d'aucune concrétisation.

Or, ainsi qu'il l'a été relevé pour la période antérieure, Mme [D] ne justifie pas plus ni même ne précise quelle aurait été son activité au sein de la société après le 29 octobre 2020.

Le seul élément qui pourrait être retenu, à savoir le mail adressé le 17 février 2021 dans lequel M. [P] demande à Mme [D] de le contacter puisqu'elle est absente de 'son poste de travail le 17/02/2021' sans justificatif pour 'clarifier la situation', ne peut suffire à caractériser l'existence d'un contrat de travail, les messages suivants établissant seulement que M. [P] souhaitait récupérer les outils de travail remis à Mme [D] (clés du local, carte sim professionnelle et téléphone).

Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a retenu qu'en l'absence de contrat de travail, il n'était pas compétent pour statuer sur le litige opposant Mme [D] à la société ainsi qu'à M. [P].

Mme [D], partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamnée aux dépens mais il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré dans l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [D] aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 23/00225
Date de la décision : 26/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-26;23.00225 ?
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