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26/04/2023 | FRANCE | N°20/00698

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 26 avril 2023, 20/00698


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 26 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00698 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOJX













Monsieur [W] [A]



c/



S.A. [Localité 6] [Localité 7] AERO

















Nature de la décision : AU FOND



















Gr

osse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 janvier 2020 (R.G. n°F 18/00031) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 10 février 2020,





APPELANT :

Monsieur [W] [A]

né le 07 Novembre 1987 de nationalité ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 26 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00698 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOJX

Monsieur [W] [A]

c/

S.A. [Localité 6] [Localité 7] AERO

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 janvier 2020 (R.G. n°F 18/00031) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 10 février 2020,

APPELANT :

Monsieur [W] [A]

né le 07 Novembre 1987 de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Me [O] substituant Me Pascal-henri MOREAU de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA [Localité 6] [Localité 7] Aéro, prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2]

N° SIRET : 433 804 952

représentée par Me Henri ARAN de la SELARL FLORENCE DASSONNEVILLE - HENRI ARAN, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Me Pierre JULHE substituant Me Jean-Marie BEDRY de la SELARL BEDRY- JULHE-BLANCHARD 'BJB', avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Sylvie Tronche, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [W] [A], né en 1987, a été engagé en qualité de 'Master Achats Internationaux' par la SA [Localité 6] [Localité 7] Aéro, ci-après dénommée sociéte PSD Aéro, par contrat de travail à de droit français durée indéterminée conclu le 25 février 2015, pour occuper le poste de responsable 'Entité ASEAN' en Malaisie à compter du 9 mars 2015, moyennant une rémunération brute mensuelle de 4.400 euros.

La société PSD est spécialisée dans la commercialisation en France et à l'étranger d'aciers et métaux à destination notamment du secteur aéronautique et emploie plus de

vingt salariés.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, aux accords nationaux de la métallurgie et à la convention collective régionale de la métallurgie de l'Oise.

Par lettre du 7 mars 2017, M. [A] a sollicité de la société PSD Aéro une rupture conventionnelle de son contrat de travail, qui a été signée le 15 mars 2017, avec une fin de contrat prévue au 27 avril 2017, la convention ayant été tacitement homologuée par la DIRECCTE le 22 avril 2017.

La relation de travail a pris fin à la date prévue soit le 28 avril 2017.

Par écrit signé des deux parties le 28 juin 2017, il a été convenu de la non-application de la clause de non-concurrence qui était prévue au contrat de travail de M. [A].

Les parties ont été ensuite en désaccord à propos :

- d'une demande présentée par M. [A] auprès de la société pour la prise en charge de ses frais de déplacement en Malaisie afin d'y effectuer les formalités nécessaires à l'annulation de son visa de travail sur place, ce que la société a refusé début mai 2017 ;

- de l'affirmation faite par M. [A], contestée par la société, de ce qu'il aurait travaillé pour le compte de celle-ci durant les mois de mai et juin 2017 à la réalisation d'une plaquette et d'une vidéo de présentation de l'entreprise pour le Salon du [Localité 3] prévue à la fin du mois de juin 2017.

Le 25 août 2017, la société a confirmé au salarié qu'elle s'occupait des formalités d'annulation de son visa de travail auprès de l'administration fiscale malaisienne et lui a demandé de lui confier son passeport à cet effet, ce que M. [A] a refusé, demandant de se joindre à un prochain voyage en Malaisie aux frais de l'entreprise.

Soutenant avoir travaillé pour le compte de son employeur après la rupture de son contrat de travail, contestant la rupture de ce nouveau contrat de travail et sollicitant le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour manquement partiel à l'obligation de rapatriement, de rappels de salaires, dont certains pour heures supplémentaires et au titre de la contrepartie obligatoire en repos du fait de la privation d'effet de son forfait annuel en jours ainsi qu'au titre du travail dissimulé, M. [A] a saisi le 9 janvier 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 22 janvier 2020, a :

- jugé que :

* si la demande de M. [A] est recevable, elle est, en revanche, mal fondée,

* M. [A] n'apporte pas d'éléments susceptibles d'étayer sa demande d'heures supplémentaires, tant dans son principe que dans son montant et qui ne soient pas contredits par les pièces de la société PSD Aéro,

* il n'apporte aucun élément probant quant au prétendu manquement de la société dans l'exécution de l'obligation contractuelle de rapatriement et quant à la prétendue atteinte injustifiée à la liberté du travail,

* il n'apporte aucun élément probant quant à l'existence d'une prestation de travail, sous lien de subordination de la société PSD Aéro postérieure à la rupture conventionnelle de son contrat de travail qu'il a appelée de ses v'ux,

- débouté en conséquence M. [A] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné reconventionnellement M. [A] à régler à la société PSD Aéro la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'instance.

Par déclaration du 10 février 2020, M. [A] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 février 2023, M. [A] demande à la cour de le juger recevable et bien fondé en son appel, de réformer / infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 22 janvier 2020 et, statuant à nouveau, de :

Sur le forfait :

- ordonner à la société PSD Aéro de communiquer les documents énoncés aux articles L. 3171-2, L. 3171-3, D. 3171-8 et D. 3171-16 du code du travail et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- juger que l'application à M. [A] d'une convention de forfait est nulle,

- condamner la société PSD Aéro à lui verser les sommes de :

* 58.558,25 euros à titre d'heures supplémentaires outre 5.855,82 euros de congés payés afférents,

* 22.649 euros à titre de contrepartie obligatoire en repos outre 2.264,90 euros de congés payés afférents,

Sur l'obligation de rapatriement :

- juger que la société PSD Aéro a partiellement méconnu son obligation de rapatriement en ne procédant pas à l'annulation de son visa de travail,

- juger que cette situation a pour effet d'entraver sa liberté de travail,

- par conséquent, condamner la société PSD Aéro, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à procéder à l'annulation effective du visa de travail, laquelle implique d'organiser et de prendre en charge ses frais de déplacement et d'hébergement pour [Localité 5],

- condamner la société PSD Aéro à lui verser la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour manquement dans l'exécution de son obligation contractuelle de rapatriement et atteinte injustifiée à la liberté de travail,

Sur le travail fourni postérieurement à la rupture de son contrat de travail :

- juger qu'après la rupture de son contrat de travail devenue effective le 27 avril 2017, il a travaillé pour le compte de la société PSD Aéro en mai et juin 2017,

- juger qu'il s'agit donc d'une nouvelle relation contractuelle, qui en l'absence de contrat écrit, est à durée indéterminée et reprend les caractéristiques salariales du premier contrat et notamment le statut cadre, la rémunération mensuelle brute de 4.400 euros et l'ancienneté acquise de 2 ans et 1 mois au 1er mai 2017,

- juger que la société PSD Aéro a mis un terme à la nouvelle relation contractuelle en ne lui donnant plus aucun travail, et ce, sans motifs ni respect de la procédure légale, ce qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société PSD Aéro à lui verser les sommes suivantes :

* 8.800 euros au titre des salaires des mois de mai et juin 2017 outre la somme de 880 euros pour les congés afférents, et lu remettre les bulletins de salaire correspondants,

* 26.400 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 13.200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1.320 euros au titre des congés payés afférents,

* 1.980 euros à titre d'indemnité de licenciement ([4.400 euros / 5] x 2,25 ans),

Sur le travail dissimulé,

- juger que la société PSD Aéro a intentionnellement dissimulé une partie de son activité au titre de son premier contrat de travail, notamment en ne comptabilisant pas ses temps de travail et en ne rémunérant ni ne déclarant les heures supplémentaires effectivement réalisées,

- juger qu'elle a intentionnellement dissimulé son activité au titre du second contrat de travail, en ne procédant pas à la déclaration préalable à l'embauche, et en ne payant ni ne déclarant un salaire,

- par conséquent, la condamner à lui verser la somme de 26.400 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

Sur la demande de la société PSD Aéro :

- juger que son appel n'est pas abusif,

- débouter la société PSD Aéro de sa demande tendant à le voir condamner au paiement de la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

En tout état de cause,

- juger qu'il sera fait application des intérêts de droit à compter de la saisine du conseil sur les demandes de nature salariale et à compter de l'arrêt sur les demandes indemnitaires et qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts en application des articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil (anciens articles 1153 et suivants et 1154 du code civil),

- condamner la société PSD Aéro à lui verserla somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 février 2023, la société PSD Aéro demande à la cour de':

- déclarer M. [A] irrecevable en ses demandes relatives à la prétendue obligation de rapatriement,

- écarter des débats les pièces 43 et 44 produites par M. [A],

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 22 janvier 2020 et débouter M. [A] de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 6 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes au titre des heures supplémentaires

M. [A] fait valoir que la société lui a appliqué un forfait annuel de 218 jours alors qu'il n'avait signé aucune convention de forfait et qu'elle n'a mis en oeuvre aucune des modalités de suivi de la charge de travail prescrites par l'article 14 de l'accord national du 3 mars 2006.

La société ne conteste pas l'absence de signature d'une convention de forfait.

***

En l'absence de convention de forfait conclue par écrit entre les parties, il convient de faire application des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qui prévoient, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M. [A] soutient avoir effectué a minima 10 heures de travail par jour soit 50 heures hebdomadaires, évoquant les éléments suivants :

- son poste de 'responsable entité Asean' impliquait 'nécessairement' un temps de travail supérieur à la durée légale ;

- il intervenait sur un large secteur géographique composé des pays de l'Asie du Sud-Est ;

- du fait du décalage horaire (6 à 7 heures), il était amené à devoir traiter dans la nuit des appels et des mails ;

- la durée légale du travail en Malaisie étant de 48 heures par semaine, il se devait de répondre à ses interlocuteurs pendant les heures de travail de ceux-ci.

- il a même été amené à travailler durant ses congés.

M. [A] verse notamment aux débats les pièces suivantes :

- pièce 20-1 ; 'résultats export de 2014 à 2017' de la société ;

- pièce 21-1 : mail adressé à Mme [I], directrice générale de la société, dans lequel il décrit son travail durant la semaine du 19 au 22 décembre 2016, faisant état du nombre de mails reçus (environ 28 par jour) et envoyés (environ 28 également) ainsi que de l'envoi de documents ; dans ce message, il ajoute avoir envoyé 33 mails durant ses congés ;

- pièce 22-1 : il s'agit de factures de téléphone correspondant aux mois d'avril, mai, juin d'octobre, novembre et décembre 2016 sur lesquelles ont été surlignés les appels passés avec la société PSD et avec Mme [I] ;

- pièce 20-4 : ses états de frais pour octobre et novembre 2016.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à la société d'y répondre.

La société conclut au rejet de la demande de M. [A] estimant que celui-ci n'apporte pas d'éléments de nature à étayer sa demande, ne produisant aucun décompte.

Elle fait notamment observer que, sur la durée de la relation contractuelle, M. [A] ne s'est déplacé que 5 fois :

- à Bangkok les 26 et 27 mai 2015,

- à [Localité 4] les 21 et 22 octobre 2015,

- en Indonésie en janvier 2016,

- à Singapour du 15 au 19 février 2016,

- à [Localité 8] du 12 au 16 octobre 2016.

Elle ajoute que la pièce 22-1 (factures de téléphone) qu'il produit ne démontre pas une activité téléphonique débordante puisque représentant en moyenne 1 à 2 appels professionnels par jour vers la France et ne témoigne d'aucune activité le matin, soulignant que M. [A] se garde d'indiquer les autres tâches qu'il aurait effectuées.

Par ailleurs, la société indique que la durée de travail de 48 heures alléguée est un maximum et que le nombre de jours fériés en Malaisie est de 18 à 19 jours par an.

Enfin, elle conteste que M. [A] ait travaillé pendant ses congés, soutenant que ses résultats financiers, ainsi que cela ressort de ses propres pièces, démontreraient que ses activités ont été réduites et qu'en réalité, il a profité de ses fonctions pour faire du tourisme aux frais de son employeur et pour poser les jalons de sa future activité sur place.

Le décompte proposé par M. [A] est également critiqué en ce qu'il n'a travaillé sur la période concernée que 92,10 semaines et non 98,4 ainsi qu'il le prétend et qu'il omet de tenir compte de son retour en France à partir du 13 mars 2017.

***

Il ne peut qu'être relevé que la société ne produit aucun élément de nature à justifier la réalité des horaires de travail effectués par M. [A] en Malaisie.

Toutefois, l'affirmation de 'travail durant les congés' qui ne repose que sur les allégations du salarié est trop imprécise pour permettre une réponse utile de l'employeur et, par ailleurs, la durée de travail invoquée par l'appelant en Malaisie est, ainsi que la société le soutient, au maximum de 48 heures et rien ne permet de retenir que les interlocuteurs malaisiens de M. [A] travaillaient selon un tel horaire.

En outre, l'examen des factures de téléphone ne fait pas apparaître un nombre d'appels très important vers la société ou avec la directrice générale de celle-ci pas plus que leur caractère nocturne et le nombre quotidien de mails mentionnés en pièce 21-1 ne présente pas un caractère excessif.

En revanche, la société n'a manifestement pas tenu compte de tous les déplacements du salarié dont les états de frais d'octobre et novembre 2016 témoignent de voyages au Japon (en octobre), à Bangkok et en Chine (en novembre).

Enfin, il sera tenu compte, dans la fixation des sommes dues, des congés payés figurant sur les bulletins de paie et du retour en France à compter du 13 mars 2017, M. [A] ne fournissant aucune précision sur l'activité menée jusqu'à la rupture de son contrat le 27 avril 2017.

En considération de ces éléments, la cour a la conviction que M. [A] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées mais pas à la hauteur de celles qu'il revendique, sa créance à ce titre étant fixée, sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, à la somme de 22.910 euros bruts outre 2.291 euros bruts pour les congés payés afférents.

***

S'agissant de la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos égale à 100% de ces heures dans les entreprises de plus de 20 salariés.

Le dépassement s'apprécie sur l'année civile.

Sur la base du contingent conventionnel de 220 heures et compte tenu du nombre d'heures supplémentaires ci-avant retenues, la créance de M. [A] sera fixée à la somme de 3.712 euros outre 371,20 euros pour les congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du manquement de la société à son obligation de rapatriement

M. [A] sollicite le paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société à son obligation contractuelle de rapatriement et entrave à sa liberté de travail ainsi que la condamnation de la société, sous astreinte, à procéder à l'annulation effective de son visa de travail, qui impliquerait selon lui la prise en charge de ses frais de déplacement et d'hébergement en Malaisie.

Au soutien de ses demandes, il prétend que le défaut d'annulation de son visa de travail a des incidences sur un plan fiscal et social car il aurait dû faire sa déclaration d'impôts en Malaisie, 'ce qui entraîna des difficultés pour l'obtention de la Tax Clearance' [document attestant que le contribuable n'est redevable d'aucun impôt]) et ce, au visa de sa pièce 25 : il s'agit d'un mail reçu par lui émanant de '[L] [J]' rédigé en français auquel est joint un courrier en anglais non traduit émanant du service des impôts de Malaisie.

M. [A] fait valoir que l'annulation de ce visa exige sa présence en Malaisie au moins 5 jours au vu de sa pièce 42 qui est constituée d'un mail adressé par lui à Mme [I] en avril 2017, suivi d'un mail en anglais émanant de 'Luther services' dont M. [A] indique qu'il s'agit d'un cabinet d'avocats, mail traduit par ses soins dans ses

écritures : 'il sera conseillé de rester en Malaisie pour un minimum de 5 jours pour finaliser la Tax Clearance et la procédure d'annulation du visa de travail'.

Il invoque également ses pièces 43 et 44 dont le rejet est sollicité par la société ainsi que sa pièce 46, constituée par un mail émanant de Mme [U] [R], 'Business Support Services Manager' de la Chambre de commerce et d'industrie France Malaisie, daté du 1er février 2023.

Il soutient que cette situation l'empêche de pouvoir exercer un nouvel emploi en Malaisie puisque pour les autorités malaisiennes, il est toujours juridiquement lié à son ancien employeur.

La société sollicite le rejet des pièces 43 et 44 produites par M. [A] :

- pièce 43 : il s'agit d'un échange de mails en anglais entre M. [A] et Mme [U] [R], 'Business Support Services Manager' de la Chambre de commerce et d'industrie France-Malaisie datant du mois d'octobre 2022 ; la réponse donnée à M. [A] a été traduite au moyen de 'Google traduction' ;

- pièce 44 : il s'agit d'un échange de mails en anglais entre M. [A] et le 'MIDA' [Malaysian Investment Development Authority] ; la réponse donnée à M. [A] a également été traduite au moyen de 'Google traduction'.

L'ordonnance de [Localité 9] invoquée par l'intimée ne concerne que les actes de procédure et il appartient au juge du fond d'apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis dans une langue étrangère.

Ainsi que le soutient la société, la traduction de ces pièces n'est pas fiable au regard des approximations y figurant mais en ce qui concerne la pièce 43, Mme [R] a adressé un nouveau mail rédigé en langue française (pièce 46 de l'appelant) le 1er février 2023.

Il résulte des pièces produites de part et d'autre les éléments suivants :

- la présence en Malaisie de M. [A] pour l'annulation de son visa de travail n'était nullement requise puisqu'il était seulement nécessaire que soit présenté son passeport aux autorités malaisiennes, ce qui ressort très clairement de la réponse faite par Mme [R] (pièce 46 appelant) et n'est pas en contradiction avec le courriel émanant de 'Luther Services' qui mentionne seulement qu'il 'est conseillé' de se déplacer ;

- il ressort aussi du courriel de Mme [J] qu'une démarche pouvait être faite auprès de l'ambassade de Malaisie à [Localité 6] (pièce 25 salarié) ;

- de ce même courriel, conforté par celui de Mme [R] adressé à la société le 23 avril 2018 (pièce 40 intimée), il ressort que les services d'immigration du MIDA ont été avisés du départ de M. [A] et que le quitus fiscal a été effectué 'malgré un léger retard en raison de la non-coopération avec votre employé', ce qui établit, en conformité avec le mail de Mme [J], que c'est la société qui a réglé les pénalités dues au retard dans la déclaration d'impôt 2016.

Par ailleurs, le visa de travail de M. [A] expirait le 18 septembre 2017.

Or, d'une part, dans la période ayant couru depuis la rupture conventionnelle, la société avait demandé en août 2017 à M. [A] de lui laisser son passeport pour faire enregistrer son départ en Malaisie (pièce 16 intimée) ; M. [A], qui n'a pas souhaité le faire (au motif, au demeurant non justifié, qu'il avait besoin de ce document) n'est pas dès lors fondé à invoquer un manquement de la société à ses obligations.

D'autre part, compte tenu de l'expiration de ce visa, la demande en vue de son annulation, plus de 5 ans plus tard, est dépourvue d'objet.

Il sera en outre relevé que 'l'entrave à sa liberté de travail' invoquée par M. [A] est parfaitement en contradiction avec le procès verbal de constat dressé le 20 février 2018 (pièce 15 société) décrivant le Profil Linkedin de M. [A] à cette date comme étant 'Export Sales Manager chez Busby Métals. Inc' à [Localité 5] en Malaisie.

M. [A] produit certes un contrat de travail à durée déterminée daté du 1er octobre 2017, en contradiction avec ce profil - puisqu'il mentionne un travail à domicile avec des déplacements en France et en Europe tout en précisant néanmoins qu'il comprend les fonctions de marketing et vente à destination du marché asiatique et la fourniture d'une assistance marketing pour les marchés chinois et corréen.

Mais la cour relève que M. [A] n'a pas été répondu à la demande de communication de la copie de son passeport adressée par le conseil de la société le 1er mars 2019.

N'établissant ni le manquement allégué ni le préjudice invoqué, M. [A] doit être débouté de sa demande à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes au titre de l'activité poursuivie postérieurement au 27 avril 2017

M. [A] soutient qu'après la fin de son contrat de travail, il a de nouveau été amené à travailler de mai à juin 2017 dans le cadre d'une relation salariale pour le compte de la société qui lui avait demandé de réaliser une vidéo et une plaquette de présentation de l'entreprise pour le Salon du [Localité 3] prévu du 19 au 25 juin 2017 et ce, en lien direct avec la directrice générale de la société, Mme [I] ainsi qu'avec M. [M], chef de projet de la société.

Il fait valoir que la société allègue sans le prouver qu'il n'aurait été qu'un simple intermédiaire, que la réalisation de la plaquette aurait été confiée à l'entreprise [X] et que la réalisation de la vidéo aurait été confiée à l'entreprise Barrel Vision dont le dirigeant est son cousin, ce qu'il conteste en soutenant n'avoir aucun lien familial avec un membre de cette entreprise.

Il fait valoir les éléments suivants :

- il a effectivement travaillé pour la réalisation de cette plaquette ;

- le devis et la facture produits mentionnent non Mme [I] mais lui-même ;

- il était en copie des échanges de mails relatifs à la réalisation de cette prestation, ce qui démontrerait qu'il n'était pas un simple intermédiaire ;

- le 22 mai 2017, par exemple, il a donné des instructions très précises à la société Barrel Vision pour la réalisation de la vidéo ;

- il était perçu, tant par cette société que par l'entreprise [X], comme étant en charge de ce dossier et leur collaborateur principal au sein de la société PSD, plus de 130 mails, non produits, ayant été échangés à propos de la réalisation de ces supports ;

- il recevait des directives de la société PSD notamment de la part de M. [M] qui contrôlait leur exécution, preuve en étant du nombre d'appels téléphoniques échangés représentant plus de deux heures de communication entre le 29 mai et le 28 juin.

La société conclut au rejet des prétentions de M. [A] au titre d'une relation salariale qui se serait poursuivie après la rupture du contrat de travail, estimant que les éléments apportés par l'appelant n'en sont pas la démonstration.

Elle précise que la vidéo devait être réalisée par l'association Barrel Vision pour laquelle travaillait le cousin de M. [A], dont il avait appuyé la candidature et que la réalisation de la plaquette avait été confiée à la société 'Monsieur [X]' .

Elle ajoute qu'il avait été initialement prévu que M. [A] devait présenter son travail pour la plaquette avant fin mars 2017 et que, ce délai n'ayant pas été respecté, M. [M], responsable de la communication, a dû prendre le relais après le départ de M. [A].

Selon la société, il est normal que le nom de M. [A] soit mentionné sur le devis établi le 31 mars 2017 par la société Barrel Vision puisqu'à cette date, il était encore salarié de la société PSD, la reproduction du même nom sur la facture établie étant dépourvue de pertinence.

Elle souligne enfin que les quelques mails produits par l'appelant ne démontrent rien et notamment pas qu'un lien de subordination ait subsisté après le 27 avril 2017.

***

Le contrat de travail conclu entre les parties a pris fin le 27 avril 2017.

En l'absence de contrat apparent pour la période postérieure, il appartient à M. [A] de démontrer qu'il a ensuite mené pour le compte de la société intimée une activité s'inscrivant dans le cadre d'une relation salariale caractérisée par l'accomplissement d'une activité pour le compte de la société, exercée moyennant rémunération et dans le cadre d'un lien de subordination.

Il résulte des pièces produites par les parties les éléments suivants :

- selon devis accepté par Mme [I] établi le 31 mars 2017, soit avant la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [A], la société a confié à l'entreprise Barrel Vision la réalisation d'une vidéo (pièce 9 société) ; ce devis mentionne 'M. [A]' comme contact ;

- la facture datée du 20 juin 2017 a été validée par Mme [I] : le fait que M. [A] y figure comme 'contact' au sein de la société n'est pas la démonstration qu'il y travaillait encore comme salarié, l'entreprise à l'origine de l'établissement de cette facture n'étant pas nécessairement informée de la rupture du contrat de travail de l'appelant ;

- M. [B] [S], responsable de publication de l'entreprise 'Monsieur [X]' a délivré une attestation pour M. [A] (pièce 32-2) où il indique être son cousin ; son témoignage établit que la réalisation de la plaquette de présentation a été confiée à la SAS 'Monsieur [X]', conseil Web et multimédia ;

- sa duplication a été facturée par la SARL Script Laser et acquittée le 21 juin 2017.

Les échanges de mails versés aux débats (notamment pièces 9, 24, 27 société) démontrent qu'ainsi que le soutient l'intimée, M. [A] avait été en charge de l'élaboration de ces documents de présentation avant la rupture du contrat mais que le tournage de la vidéo et l'élaboration de la plaquette avaient pris du retard, M. [A] indiquant le 20 avril 2017 à Mme [I] et M. [M] : ' Le tournage aurait dû avoir lieu en avril (...). Maintenant qu'il a lieu en Mai je ne pourrais pas être la, cependant je rencontre l'équipe de tournage demain et je vais les briefer une dernière fois sur tout ce que l'on souhaite voir sur la vidéo comme plan'.

Ce courriel faisait suite à la demande de Mme [I] quant à sa présence lors des tournages des 10 et 12 mai : la réponse faite par M. [A] témoigne de ce qu'il s'estimait, à ces dates, libéré de tout lien de subordination.

Par ailleurs, il est établi qu'après le 27 avril 2017, la responsabilité du projet a été confiée à M. [M], ce dont attestent d'ailleurs tant M. [Z] (entreprise Barrel Vision) que M. [S].

Si M. [A] justifie être intervenu dans la finalisation de cette plaquette, aucune des pièces qu'il invoque et notamment les mails échangés avec M. [M] et avec Mme [I] ne permettent de retenir qu'après le 27 avril 2017, il était placé dans un lien de subordination à l'égard de la société PSD, la perception que les prestataires de service de la société en ont eu étant à cet égard dépourvue de pertinence, comme n'étant pas la démonstration de ce que M. [A] intervenait en qualité de salarié de la société PSD.

En conséquence, M. [A], qui ne démontre pas qu'une relation contractuelle se serait 'poursuivie' après le 27 avril 2017 dans le cadre d'un lien de subordination avec la société PSD, a été à juste titre débouté de l'ensemble de ses demandes relatives à la poursuite d'un contrat de travail après cette date.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

M. [A], invoquant la dissimulation intentionnelle d'une partie de son activité au titre de son premier contrat de travail et de l'activité résultant de 'son second contrat', sollicite le paiement de la somme de 26.400 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

***

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 prévoit qu'en cas de rupture du contrat, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus au texte susvisé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

D'une part, M. [A] est débouté de ses demandes relatives à l'existence d'un 'second contrat de travail'.

D'autre part, s'agissant du contrat de travail l'ayant lié à la société PSD du 9 mars 2015 au 27 avril 2017, il n'obtient que partiellement gain de cause quant aux heures supplémentaires réalisées et seulement au terme d'un long débat judiciaire qui n'a été précédé d'aucune demande du salarié quant aux heures de travail effectuées, en sorte que l'élément intentionnel requis par les textes susvisés n'est pas suffisamment établi.

Sur les autres demandes

Le recours de M. [A], qui obtient partiellement gain de cause en appel, ne peut être considéré comme abusif.

La société PSD, condamnée en paiement au titre des heures supplémentaires effectuées et de la contrepartie obligatoire en repos, devra supporter les dépens de l'instance et sera

condamnée à payer à M. [A] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [W] [A] de ses demandes en paiement au titre des heures supplémentaires effectuées et de la contrepartie obligatoire en repos et l'a condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la société [Localité 6] [Localité 7] Aéro la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs de la décision infirmés et y ajoutant,

Condamne la société [Localité 6] [Localité 7] Aéro à payer à M. [W] [A] les sommes suivantes :

- 22.910 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées outre 2.291 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 3.712 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos outre 371,20 euros pour les congés payés afférents,

- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société [Localité 6] [Localité 7] Aéro aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00698
Date de la décision : 26/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-26;20.00698 ?
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