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26/04/2023 | FRANCE | N°19/06581

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 26 avril 2023, 19/06581


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 26 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/06581 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLUI

















SAS WILL DISTRIBUTION



c/



Madame [M] [H]

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse déli

vrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 novembre 2019 (R.G. n°F 18/01207) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 13 décembre 2019,





APPELANTE :

SAS Will Distribution - enseigne 'Canelés Baillardran', agissant en l...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 26 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/06581 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLUI

SAS WILL DISTRIBUTION

c/

Madame [M] [H]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 novembre 2019 (R.G. n°F 18/01207) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 13 décembre 2019,

APPELANTE :

SAS Will Distribution - enseigne 'Canelés Baillardran', agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 520 465 576

représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Marie GIRINON substituant Me Brigitte LOOTEN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [M] [H]

née le 16 Décembre 1987 à [Localité 5] de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Adeline CORNIC, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Bénédicte LAMARQUE, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [M] [H], née en 1987 a été engagée en qualité de vendeuse par la SAS Will Distribution exerçant sous l'enseigne 'Canelés Baillardran', par contrat de travail à durée déterminée à compter du 25 août 2014.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la pâtisserie.

A compter du 1er mars 2015, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.

La rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [H] est discutée.

Par courrier du 21 novembre 2017, Mme [H] a notifié sa démission à l' employeur.

A la date de la fin du contrat, Mme [H] avait une ancienneté de trois ans et trois mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 9 janvier 2018, la société Will Distribution a communiqué par courrier à Mme [H] ses documents de fin de contrat ainsi que son bulletin de paie du mois de décembre 2017.

Soutenant qu'elle a réellement exercé des fonctions de responsable de boutique dès son embauche en contrat à durée indéterminée, qu'elle aurait dû être salariée au coefficient 210 de la convention collective nationale de la pâtisserie, que la démission doit être requalifiée en prise d'acte de la rupture devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, réclamant paiement de diverses indemnités, outre un rappel de salaire, et des dommages et intérêts, Mme [H] a saisi, le 27 juillet 201, le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 29 novembre 2019, rectifié par jugement du 12 février 2020, a :

- dit que la classification 210 doit être reconnue à Mme [H] à compter du 1er mars 2015,

- condamné la société Will Distribution à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

* 4.500 euros au titre de rappel de salaire correspondant aux minimas du coefficient 210, déduction faite des primes de responsabilité déjà versées,

* 450 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,

* 1.825 euros au titre de dommages et intérêts à titre d' indemnité de licenciement,

* 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Will Distribution à verser à Mme [H] un bulletin de paie pour le versement du rappel de salaire de 4.500 euros et du rappel de congés payés de 450 euros,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- dit que les parties seront renvoyées devant une audience de départition pour la demande de 9.125 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement abusif.

Par déclaration du 13 décembre 2019, la société Will Distribution a relevé appel de cette décision, notifiée le 3 décembre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 novembre 2020, la société Will Distribution demande à la cour de :

- dire qu'elle est recevable et bien fondée en son appel,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions rendu le 29 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux, rectifié par jugement du 12 février 2020,

En conséquence:

- dire que Mme [H] exerçait des fonctions correspondant aux coefficients conventionnels qui lui ont été attribués par elle au cours de la relation de travail,

- rejeter, en conséquence, la demande de Mme [H] à titre de rappel de salaires et de congés payés y afférent,

- rejeter, en conséquence, la demande de Mme [H] portant sur la remise de bulletins de paie modifiés sous astreinte,

- dire que Mme [H] a démissionné de son poste de travail au sein de la société Will Distribution,

- rejeter la demande de Mme [H] à titre d'indemnité de licenciement,

- rejeter la demande de Mme [H] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- rejeter la demande de Mme [H] à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter pour le surplus l'intégralité des demandes, fins et prétentions de Mme [H],

En toutes hypothèses :

- rejeter pour le surplus l'intégralité des demandes, fins et prétentions de Mme [H],

- condamner Mme [H] au versement de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [H] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 août 2020, Mme [H] demande à la cour de':

- faire application du principe de réalité de la relation de travail,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

* dit qu'elle a réellement exercé des fonctions de responsable de boutique « Canelés Baillardran » dès son embauche en contrat à durée indéterminée, dès le 1er mars 2015, et jusqu'au 21 décembre 2017,

* dit qu'elle aurait dû être salariée au coefficient 210 de la convention collective nationale de la pâtisserie sur la période litigieuse,

*condamné la société Will Distribution exerçant sous l'enseigne « Canelés Baillardran » à lui verser le rappel de salaire afférent à hauteur de 4.500 euros brut, outre l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à hauteur 450 euros brut,

* condamné la société Will Distribution exerçant sous l'enseigne « Canelés Baillardran » à lui remettre ses bulletins de paie modifiés,

* requalifié sa démission en démission équivoque, imputable aux graves manquements de l'employeur envers elle, et en ce qu'il a requalifié la rupture en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la société Will Distribution exerçant sous l'enseigne 'Canelés Baillardran' à lui payer l'indemnité de licenciement à hauteur de 1.825 euros,

* condamné la société Will Distribution exerçant sous l'enseigne 'Canelés Baillardran' à lui payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 900 euros pour les frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

- si par extraordinaire, le jugement d'appel n'était pas confirmé en ce qui concerne le quantum du rappel de salaires dû, fixer le rappel de salaire à 3.632, 46 euros brut et condamner la société Will Distribution exerçant sous l'enseigne 'Canelés Baillardran' à lui payer le rappel de salaire dû à hauteur de 3.632, 44 euros, ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à hauteur de 363,24 euros,

- dire recevable son appel incident,

- condamner la société Will Distribution exerçant sous l'enseigne 'Canelés Baillardran' à lui remettre les bulletins de paie modifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours suite à la notification de l'arrêt à intervenir, sur la période du 1er mars 2015 jusqu'au 21 décembre 2017,

- condamner la société Will Distribution exerçant sous l'enseigne 'Canelés Baillardran' à lui payer à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 8.164 euros en réparation du préjudice subi par la rupture abusive du contrat de travail,

- condamner la société Will Distribution exerçant sous l'enseigne 'Canelés Baillardran' à lui payer une indemnité de 2.000 euros pour les frais irrépétibles exposés pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel,

- débouter la société Will Distribution exerçant sous l'enseigne 'Canelés Baillardran' de toutes ses demandes.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La classification des fonctions

a - les fonctions exercées

Pour l'essentiel, la société fait valoir que les fonctions de Mme [H] relevaient du coefficient 165 ( 2ème catégorie) du 1er mars 2015 au 1er mai 2016, date à laquelle elle a été promue au coefficient 175 de la 3ème catégorie; que la salariée percevait une prime de responsabilisation mensuelle de 200 euros pour être référente principale de la boutique, soit la personne à laquelle la direction s'adresse en priorité pour toute transmission relative à la vie de la boutique.

La partie appelante ajoute que Mme [H] ne recrutait pas le personnel, n'établissait pas de planning et exécutait les autres tâches dont elle revendique la réalisation, comme les autres vendeuses.

Mme [H] répond que la notion de salariée référente n'est pas mentionnée dans la convention collective, quelle assurait des fonctions de responsable de boutique (management de l'équipe de vente, formation des nouvelles vendeuses, gestion des réclamations, du stock des fournitures et gâteaux, inventaires mensuels, bonne tenue du magasin et nettoyage du linge).

La salariée qui revendique l'application d'un coefficient plus élevé que celui qui lui a été reconnu, doit établir qu'elle exécutait des fonctions relevant de la classification recherchée.

Engagée en qualité de vendeuse, catégorie employée coefficient 160, le 25 août 2014, Mme [H] a été promue au coefficient 170 à compter du 1er mars 2015 et a perçu une prime dite de responsabilisation mensuelle de 100 euros.

À compter du 1er juin 2016, le montant de cette prime a été porté à la somme de 200 euros. Les bulletins de paye établis à compter du 1er mai 2016 mentionnent le coefficient 175.

Aux termes de la convention collective de la pâtisserie, le salarié exerçant des fonctions relevant du coefficient 210, est un professionnel de la vente présentant des qualités exigées pour les coefficients précédents ( connaissance parfaite des produits en vue de conseiller les clients, exécution des opérations de caisse sous sa propre responsabilité, responsabilité du magasin, connaissance de l'organisation du laboratoire, coordination du travail de trois personnes à la vente) et capable de coordonner le travail de trois à six salariés.

Mme [H] verse six attestations d'anciennes salariées aux termes desquelles elle était responsable de la boutique située [Adresse 4]à [Localité 3] et :

- formait des nouvelles vendeuses des boutiques bordelaises (une trentaine de personnes),

- traitait les commandes et prenait en charge les intervenants extérieurs,

- gérait les stocks et fournitures,

- manageait l'équipe de vendeuses (au moins quatre selon Mme [I])

- nettoyait le linge du magasin (torchons, lavettes, chiffons),

voire :

- réalisait au minimum trois fermetures par semaine et travaillait le samedi. (Mme [L]).

Le compte-rendu de l'entretien professionnel réalisé le 3 novembre 2015 mentionne, au titre des principales missions, la vente de canelés, l'organisation de la boutique et la gestion du stock. Ces missions ne peuvent dès lors pas être contestées aujourd'hui, peu important que la responsabilité de la boutique n'ait pas été reconnue par l'employeur à cette date.

Des attestations sont versées par la société, émanant de salariées en poste à la date de leur rédaction :

- Mme [P] atteste être responsable du suivi de toutes les hôtesses de vente de la société Baillardan et du bon fonctionnement de toutes les boutiques; elle ajoute que toutes les hôtesses de vente participent à la réalisation des inventaires, à la gestion des vitrines, de la commande des boitages, de la formation des nouvelles vendeuses et des relations avec les intervenants,

-Mme [O], responsable de production, écrit établir les plannings de production quotidiens pour chaque boutique, aucune vendeuse ou responsable n'ayant à procéder aux commandes;

- deux vendeuses font état de ce qu'elles lavent le linge des magasins. Mais aucun élément ne rattache cette mission aux fonctions de responsable de boutique ;

- Mme [C], ancienne vendeuse au magasin de la [Adresse 4], écrit que Mme [H] avait une attitude désagréable à son égard, que la boutique était dans un état de saleté proche de l'abandon, que les inventaires étaient erronés,

les produits congelés étant périmés. Mme [H] était donc responsable de ces missions.

La formation des nouvelles vendeuses par Mme [H] n'est pas contestée, peu important que cette dernière ne les ait pas recrutées - ce qui relevait du pouvoir de la direction -. Mme [H] travaillait à temps plein et l'employeur n'évoque pas le nom de salariées de la boutique de la [Adresse 4] qui l'aurait remplacée en qualité de ' référente' c'est à dire d'interlocutrice de la direction y compris pour la gestion des stocks, peu important que l'élaboration des plannings de fabrication ait été effectuée par la directrice de fabrication.

La connaissance des produits et du laboratoire et l'exécution des opérations de caisse sous la responsabilité de la salariée ne sont pas contredites par les pièces de l' employeur.

Mme [H] - dont il est attesté qu'elle pouvait manager quatre salariées, soit entre trois et six ainsi que prévu par la convention collective - percevait une prime de responsabilisation qui, si les mots ont un sens, rémunérait une responsabilité et non la seule faculté pour l' employeur de l'appeler elle plutôt qu'une autre salariée.

La cour retient donc que les fonctions effectivement réalisées par Mme [H] relevaient du coefficient 210 de la convention collective de la pâtisserie. Le jugement sera confirmé de ce chef.

b- le rappel de salaire

A titre subsidiaire, la société fait valoir que la comparaison des rémunérations versées et dues doit être réalisée au mois le mois et non sur l'année, que la rémunération des jours fériés, les primes de chiffre d'affaires et de responsabilisation doivent être incluses dans le salaire et qu'il faut tenir compte de la date d'application des dispositions de la convention collective étendue.

Selon l' employeur, le rappel de salaire serait de 34,69 euros.

Mme [H] oppose que ni la rémunération des jours fériés ni la prime de chiffre d'affaires - aléatoire- ne doivent être prises en compte et qu'à supposer que la prime de responsabilisation doive être intégrée, le rappel de salaire porterait sur la somme de 3 632,46 euros.

La rémunération des jours fériés doit être prise en compte puisque rémunérant un travail, la convention collective ne l'excluant pas.

La prime sur chiffre d'affaires a toujours été versée et n'était donc pas aléatoire, peu important que son montant ait varié en fonction des ventes réalisées par la boutique.

La prime de responsabilisation - de 100 euros puis de 200 euros - était versée chaque mois à Mme [H] en application du taux applicable au regard de la convention collective. Elle doit être intégrée dans le salaire versé à comparer avec les taux conventionnels.

Enfin, la comparaison doit être effectuée au mois le mois considération prise de la date d'effet.

La société fait valoir que Mme [H] qui travaillait à la boutique de la gare de [Localité 3] en 2015 n'était alors pas référente et qu'aucune somme ne lui est due pour cette période.

La cour retiendra cependant qu'une prime de responsabilisation a été versée à Mme [H] à compter du 1er mars 2015 et que le coefficient 210 doit lui être reconnu à compter de cette date, peu important la reconnaissance par l' employeur de la qualité de référente à compter du 1er janvier 2016, aucun élément n'indiquant la modification des missions à compter de cette date.

Dans ces conditions, la société sera condamnée à payer à Mme [H] un rappel de salaire d'un montant de 289,07 euros majoré des congés payés afférents ( 28,90 euros). Le jugement sera réformé sur le quantum.

La société devra délivrer à Mme [H] un bulletin de paye rectificatif dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt sans que les éléments de la cause justifient le prononcé d'une astreinte.

La rupture du contrat de travail

Par lettre datée du 21 novembre 2017, Mme [H] a informé l' employeur qu'elle démissionnait en invoquant ' les missions imposées par vos soins qui ne sont pas correllées avec la qualification de mon contrat. D'autres points seront abordés plus tard devant la juridiction compétente'.

Devant la cour, Mme [H] fait état de ce qu'elle ne percevait pas le salaire correspondant à ses fonctions, qu'en raison de sa situation familiale - mère célibataire d'un très jeune enfant - et de la fermeture tardive du magasin ( 19h30 ou 20 heures), elle s'était accordée avec une collègue qui assurait la fermeture une fois par semaine mais que l'employeur a interdit cet accord ; qu'alors qu'elle ne devait pas travailler le dimanche, le planning des fêtes de fin d'année prévoyait qu'elle devait travailler le dimanche 24 décembre et le lundi 25 décembre 2017. Elle estime avoir été victime d'une inégalité de traitement.

La société répond que les minima conventionnels ont été respectés ou qu'en tout état de cause, le rappel de salaire serait minime, Mmet [H] n'ayant jamais réclamé le paiement d' un salaire majoré ; qu'elle ne pouvait confirmer l'accord passé entre Mme [H] et Mme [B] qui aurait dû assumer cinq soirs de fermeture selon les plannings du 23 octobre 2017 ; que les autres salariées avaient aussi des obligations familiales ; qu'en signant son contrat de travail, Mme [H] acceptait de travailler le dimanche et qu'exceptionnellement, il lui a été demandé de travailler le dimanche 24 et le lundi 25 décembre 2017, enfin que ce planning a été transmis un mois avant ces dates et que Mme [H] pouvait s'organiser.

La démission de Mme [H] est motivée et donc équivoque et constitue une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.

Lorsqu'un salarié, sans évoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits imputables à l' employeur, cette prise d'acte emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits sont avérés et, dans le cas contraire d'une démission. Ces faits doivent être d'une gravité telle qu'ils justifient la rupture de la relation de travail.

Il a été retenu que la société n'avait pas appliqué le taux minimum attaché au coefficient 210 mais le rappel de salaire sur trois années est modique et Mme [H] n'avait pas interpellé l' employeur avant de décider de rompre la relation de travail.

Mme [B] atteste de ce que l' employeur a refusé d'étendre dans le temps l'accord pris avec Mme [H] permettant à celle-ci de ne pas assurer la fermeture du mardi soir mais l'inégalité de traitement invoquée par la salariée n'est pas établie dès lors qu'aucune précision n'est apportée par Mme [H] sur le nombre de fermetures réalisées par les autres salariées au cours de la semaine, Mme [Y] attestant au contraire que les plannings étaient élaborés de manière à ce que toutes les salariées assurent trois fermetures par semaine.

S'agissant des journées des 24 et 25 décembre 2017, Mme [H] en a été informée plusieurs semaines auparavant et pouvait s'organiser. Il n'est pas contesté qu'en dépit de la mention de son contrat de travail - aux termes duquel Mme [H] acceptait de travailler le dimanche- l' employeur a permis qu'elle ne travaille pas le dimanche. La seule injonction faite à la salariée de travailler le dimanche 24 et le lundi 25 décembre 2017 - les autres Noël n'étant pas évoqués- ne constituait pas un manquement de l' employeur justifiant la rupture du contrat de travail.

La prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [H] constitue une démission. Mme [H] sera déboutée de sa demande de paiement d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts. Le jugement sera réformé de ce chef.

Vu l'équité, la société devra verser à Mme [H] la somme totale de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Chacune des parties supportera ses dépens.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que le coefficient 210 devait être appliqué aux fonctions réalisées par Mme [H],

L'infirme pour le surplus,

statuant à nouveau,

Condamne la SAS Will Distribution à payer à Mme [H] la somme de 289,07 euros et congés payés afférents (28, 90 euros) à titre de rappel de salaire sur la période du 1ermars 2015 au 21 décembre 2017 ;

Dit que la société Will Distribution devra délivrer à Mme [H] un bulletin de paye rectificatif dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt,

y ajoutant,

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [H] produit les effets d'une démission,

Déboute Mme [H] de ses demandes de paiement de l' indemnité de licenciement et de dommages et intérêts,

Condamne la SAS Will Distribution à payer à Mme [H] la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie supportera ses dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06581
Date de la décision : 26/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-26;19.06581 ?
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