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25/04/2023 | FRANCE | N°22/04686

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Juridic.premier president, 25 avril 2023, 22/04686


RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PROVISOIRE

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[K] [R]



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N° RG 22/04686 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M5VO

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DU 25 AVRIL 2023

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D E C I S I O N

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Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Le 25 AVRIL 2023



Nous, Cécile RAMONATXO, Présidente à la Cour d'appel de Bordeaux dés...

RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PROVISOIRE

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[K] [R]

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N° RG 22/04686 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M5VO

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DU 25 AVRIL 2023

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Notifications

le :

D E C I S I O N

---------------

Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 25 AVRIL 2023

Nous, Cécile RAMONATXO, Présidente à la Cour d'appel de Bordeaux désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 16 décembre 2022, assistée de Séverine ROMA, Greffier,

Statuant en audience publique sur la requête de :

Monsieur [K] [R]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Eléonore TROUVE, avocat au barreau de BORDEAUX

Demandeur

D'une part,

ET :

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocat au barreau de BORDEAUX, substituée par Me Françoise PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

Défendeur

D'autre part,

En présence du Procureur Général près la Cour d'appel de Bordeaux, pris en la personne de Eric LEGRAND, Avocat Général près ladite Cour,

Avons rendu la décision suivante, après que les débats ont eu lieu devant nous, assistée de Séverine ROMA, Greffier, en audience publique, le 28 Mars 2023, conformément aux dispositions de l'article R 37 du code de procédure pénale.

Faits et procédure

M. [K] [R] a été condamné par le Tribunal correctionnel de Bergerac le 21 septembre 2021 notamment à la peine principale de 2 ans d'emprisonnement assortie d'un mandat d'arrêt du chef d'atteinte sexuelle aggravée. M. [R] a interjeté appel le 27 septembre 2021, le mandat d'arrêt a été mis à exécution le 12 novembre 2021. Sur demande de mise en liberté, M. [K] [R] a été remis en liberté sous contrôle judiciaire par la d'appel de Bordeaux le 23 décembre 2021. Il a été relaxé des fins de la poursuite par arrêt de la Cour d'appel en date du 12 avril 2022.

M. [K] [R] a été placé en détention du 12 novembre 2021 au 23 décembre 2021, date à laquelle il a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire. Il a donc été détenu provisoirement pendant 41 jours.

Par requête reçue le 13 octobre 2022, le conseil de M. [K] [R] a présenté une demande en indemnisation de la détention provisoire.

Il demande qu'il soit alloué à M. [K] [R] les sommes de

- 6 747 € en réparation du préjudice matériel

- 20 000 € en réparation du préjudice moral

Sur le préjudice matériel, le conseil relève que M. [R] a travaillé comme ouvrier agricole jusqu'en juin 2017. Il a ensuite perçu des indemnités de Pôle emploi. Le 31 janvier 2018 il lui a été accordé le statut de travailleur handicapé. Il effectuait des travaux de jardinage chez des particuliers, il était rémunéré par des chèques emploi service. Il n'a pu travailler pendant sa période de détention et plus généralement au cours de l'automne 2021 à la suite de sa condamnation par le Tribunal correctionnel de Bergerac.

Par comparaison des revenus de 2020 avec les revenus de 2021, le préjudice matériel s'établit à 6 747 €.

Sur le préjudice moral, le conseil relève que condamné à tort M. [R] a subi une privation de liberté dans des conditions très difficiles d'autant que qualifié de « pointeur » par ses co-détenus il a subi des pressions, des violences et des menaces quotidiennes de leur part, renforçant son sentiment d'indignité et d'infamie. Il n'avait d'autre choix que de rester dans sa cellule et ne pouvait sortir en promenade. Il s'agissait d'une première incarcération, à l'âge de 60 ans, il a vécu le « choc carcéral de plein fouet ». Il continue de subir les conséquences de cette affaire. Sa vulnérabilité a été reconnue et lui a valu d'être placé sous sauvegarde de justice puis sous curatelle.

Dans ses conclusions remises à l'audience, l'Agent Judiciaire de L'État conclut au sursis à statuer dans l'attente de la production de la fiche pénale.

A titre subsidiaire, l'Agent Judiciaire de l'État conclut au débouté de M. [K] [R] de sa demande au titre du préjudice matériel et à l'allocation d'une indemnité qui ne saurait excéder la somme de 7 000 € en réparation de préjudice moral.

Sur la recevabilité, l'Agent Judiciaire de l'État relève que la signification de l'arrêt du 12 avril 2022, n'est pas produite et qu'il n'est pas établi que la décision serait définitive.

Sur le préjudice matériel, l'Agent Judiciaire de L'État conclut qu'il appartient à M. [R] d'apporter des justificatifs permettant d'établir la réalité du préjudice invoqué et de l'existence d'un lien de causalité direct entre la détention et le préjudice allégué, que tel n'est pas le cas en l'espèce, M. [R] ne justifiant pas de ses travaux de jardinage, en particulier pendant la période hivernale à laquelle il a été incarcéré.

Sur le préjudice moral, l'Agent Judiciaire de L'État conclut que M. [R] ne rapporte pas la preuve d'évènements précis qui auraient rendu sa détention plus difficile que celle de ses co-détenus, ni ne justifie que cette détention soit à l'origine de son placement sous sauvegarde de justice puis sous curatelle renforcée.

Dans son avis en date du 13 février 2023, M. le Procureur général conclut à la recevabilité de la requête, au rejet de la demande de sursis à statuer. Il conclut encore au débouté de M. [K] [R] de sa demande au titre du préjudice matériel et demande que l'indemnisation du préjudice moral soit ramenée à de plus justes proportions et qu'il lui soit alloué à ce titre la somme de 5 000€.

Dans ses conclusions responsives remises à l'audience, le Conseil de M. [R] demande à la Cour de débouter l'Agent Judiciaire de L'État de ses demandes. Il demande en outre qu'il soit procédé à l'audition de M. [R].

Motifs de la décision

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale ['] la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention ['] Toutefois aucune réparation n'est due lorsque ['] la personne était dans le même temps détenue pour autre cause [']

Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral en lien de causalité direct et certain avec la privation de liberté.

Aux termes de l'article 149-2 du code de procédure pénale la requête doit être déposée dans le délai de 6 mois à compter de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

1/ Sur la recevabilité de la requête

La requête déposée dans le délai de 6 mois doit être déclarée recevable.

2/ Sur la demande de sursis à statuer

Toutes les pièces utiles ayant été communiquées, il n'y pas lieu de faire droit à la demande.

3/ Sur la demande d'audition

Présent en début d'audience, M. [R] n'a pas demandé à être entendu et il avait quitté la salle lors de l'évocation de son dossier.

4/ Sur le préjudice matériel

Il est établi par les éléments de la procédure que M. [R] est inscrit à Pôle Emploi et qu'il effectue « ponctuellement » des travaux de jardinage pour lesquels il est payé par chèque emploi service.

M. [R] a communiqué ses avis d'imposition pour ses revenus de 2020 et 2021. Il est ainsi établi qu'il a perçu en 2020 la somme de 1 421 € au titre des « revenus des salariés des particuliers employeurs » et en 2021, année de sa détention provisoire la somme de 1 457 €. Il a donc perçu malgré sa détention, 36€ de plus.

La différence de revenus est au vu des attestations Pôle Emploi produite par une diminution du montant des allocations versées, M. [R] ne percevant plus l'ARE en 2021.

M.[R] ne justifie pas davantage par les pièces communiquées aux débats, que pendant les 41 jours de détention provisoire il n'a pas été en mesure de répondre à des commandes. Faute de produire les justificatifs de ses revenus de novembre/décembre 2020 et 2022, il ne permet pas à la Cour de déterminer la perte de salaire qui aurait pu résulter de son incarcération en 2021, étant précisé que les mois de novembre et décembre sont peu propices aux travaux de jardinage.

De sorte, qu'il sera débouté de sa demande en indemnisation du préjudice matériel.

5/ Sur le préjudice moral

Le préjudice moral au sens de l'article 149 du code de procédure pénale résulte du choc carcéral ressenti par une personne injustement privée de liberté, le choc carcéral correspondant à l'émotion violente et inattendue provoquée par la perturbation physique et psychique éprouvée par une personne écrouée dans un établissement pénitentiaire.

Pour évaluer le préjudice moral, la jurisprudence prend en compte la situation personnelle et familiale de la personne, l'existence ou non d'antécédents judiciaires, les conditions et la durée de la détention.

Ce préjudice peut être aggravé notamment par des conditions d'incarcération particulièrement difficiles ou au contraire minoré lorsque la personne avait déjà connu la prison auparavant.

S'agissant de la durée de l'incarcération, M. [K] [R] a été détenu provisoirement du 12 novembre 2021 au 23 décembre 2021 soit 41 jours.

Lors de son incarcération, il était âgé de 60 ans. Il vivait seul, sans charge de famille. Il est père d'une fille âgée d'une trentaine d'années, elle même mère de famille.

Son casier judiciaire ne portait mention que d'une condamnation pour circulation sans assurance et il s'agissait d'une première incarcération.

Si la séparation d'avec sa famille proche lui a nécessairement causé un préjudice moral, il ne démontre pas que les contacts téléphoniques ou les droits de visite lui aient été refusés.

Il ne justifie pas de conditions indignes de détention et ni quelque particularité que ce soit qui pourrait être prise comme facteur d'aggravation du préjudice moral lié à une détention injustifiée.

La garde à vue subie en septembre 2022 qualifiée d'arbitraire, n'est pas en lien avec la détention mais avec la condamnation. Outre qu'il n'est pas justifié qu'elle ait eu lieu, elle ne peut donc être prise en compte pour l'évaluation du préjudice moral.

L'ordonnance de mise sous sauvegarde de justice du 17 janvier 2022 n'est pas motivée par une vulnérabilité qui serait la conséquence de la détention provisoire.

En conséquence, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer le préjudice moral subi par M. [K] [R] à la somme de 5 000€.

Par ces motifs,

Statuant publiquement, contradictoirement par décision susceptible de recours

Déclarons la requête en indemnisation de la détention provisoire recevable

Allouons à M. [K] [R]

- la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral

Rejetons le surplus de ses demandes

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

La présente décision est signée par Cécile RAMONATXO, présidente de chambre et par Séverine ROMA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Juridic.premier president
Numéro d'arrêt : 22/04686
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;22.04686 ?
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