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25/04/2023 | FRANCE | N°22/00515

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Juridic.premier president, 25 avril 2023, 22/00515


RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PROVISOIRE

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[F] [U]



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N° RG 22/00515 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQ26

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DU 25 AVRIL 2023

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D E C I S I O N

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Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Le 25 AVRIL 2023



Nous, Cécile RAMONATXO, Présidente à la Cour d'appel de Bordeaux dés...

RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PROVISOIRE

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[F] [U]

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N° RG 22/00515 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQ26

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DU 25 AVRIL 2023

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Notifications

le :

D E C I S I O N

---------------

Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 25 AVRIL 2023

Nous, Cécile RAMONATXO, Présidente à la Cour d'appel de Bordeaux désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 16 décembre 2022, assistée de Séverine ROMA, Greffier,

Statuant en audience publique sur la requête de :

Monsieur [F] [U]

né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 3] (SENEGAL), demeurant Chez Madame [N] [G] - [Adresse 1]

représenté par Me Yann HERRERA, avocat au barreau de BORDEAUX

Demandeur

D'une part,

ET :

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Françoise PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

Défendeur

D'autre part,

En présence du Procureur Général près la Cour d'appel de Bordeaux, pris en la personne de Eric LEGRAND, Avocat Général près ladite Cour,

Avons rendu la décision suivante, après que les débats ont eu lieu devant nous, assistée de Séverine ROMA, Greffier, en audience publique, le 28 Mars 2023, conformément aux dispositions de l'article R 37 du code de procédure pénale.

Faits et procédure

M. [F] [U] a été mis en examen des chefs de vol avec menace d'une arme en récidive et séquestration avec libération avant le septième jour le 12 septembre 2018 et placé en détention provisoire. Il a fait l'objet d'une relaxe par jugement contradictoire à son égard du 1 octobre 2021.

M. [F] [U] a été placé en détention provisoire du 12 septembre 2018 au 26 avril 2019, date à laquelle il a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire par arrêt de la Chambre de l'instruction. Il était cependant auparavant détenu pour autre cause.

Par requête reçue le 24 janvier 2022 le Conseil de M. [F] [U] a présenté une demande en indemnisation de la détention provisoire.

Il demande qu'il soit alloué à M. [F] [U] les sommes de

- 22 700 € en réparation du préjudice moral

- 11 645 € en réparation du préjudice matériel

- 2 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le préjudice matériel, le conseil relève que la Commission nationale de réparation de la détention juge que le requérant est en droit d'obtenir un montant équivalent au versement du revenu minimum d'insertion durant la période d'incarcération.

Sur le préjudice moral, le conseil relève que l'évaluation du préjudice moral doit tenir compte de l'intensité du choc psychologique causé par la détention au regard des éléments de personnalité de l'intéressé au moment de l'incarcération et, au-delà de la détention, à travers l'appréhension des séquelles ou conséquences psychologiques de ladite incarcération et des conditions de celle-ci. Il demande qu'il soit procédé à l'indemnisation du préjudice moral sur la base d'une indemnité de 100 € par jour de détention. Soit 22 700 € pour 227 jours de détention.

Dans ses conclusions remises à l'audience, l' Agent Judiciaire de L'État conclut que lors de son placement en détention provisoire, M. [F] [U]était déjà détenu pour autre cause et qu'il ressort de la fiche pénale que l'exécution de la condamnation a pris fin le 17 septembre 2018. La période de détention provisoire indemnisable n'est donc que de 221 jours (du 17 septembre 2018 au 26 avril 2019).

Sur le préjudice matériel, l' Agent Judiciaire de L'État conclut que si la Commission nationale de réparation admet l'indemnisation de la perte de chance de percevoir des salaires, elle exige que la perte de chance invoquée soit réelle et sérieuse. Que tel n'est pas le cas de M. [F] [U]. L'Agent Judiciaire de L'État conclut en conséquence au débouté de la demande au titre du préjudice matériel.

Sur le préjudice moral, l'Agent Judiciaire de L'État conclut que si le choc carcéral n'est pas contestable en son principe, l'existence d'antécédents carcéraux constitue un facteur de minoration de la réparation du préjudice moral, que M. [F] [U] ne fait valoir aucun élément quant à sa situation personnelle, familiale ou professionnelle, qu'il n'évoque ni ne rapporte la preuve d'éléments qui auraient rendu sa détention plus difficile que celle de ses autres co-détenus. L'Agent Judiciaire de L'État demande que l'indemnisation soit ramenée à de plus justes proportions et propose une indemnité de 11 000 € au titre du préjudice moral.

Dans son avis en date du 14 février 2023, M. le Procureur général conclut à la recevabilité de la requête et demande que M. [F] [U] soit débouté de sa demande au titre du préjudice matériel et que l'indemnisation du préjudice moral soit ramenée à de plus justes proportions.

En réponse, par courrier reçu à la Cour le 2 mars 2023, le conseil de M. [F] [U] a communiqué le certificat de non appel.

Motifs de la décision

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale ['] la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention ['] Toutefois aucune réparation n'est due lorsque ['] la personne était dans le même temps détenue pour autre cause [']

Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral en lien de causalité direct et certain avec la privation de liberté.

Aux termes de l'article 149-2 du code de procédure pénale la requête doit être déposée dans le délai de 6 mois à compter de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

1/ Sur la recevabilité de la requête

Le certificat de non appel du jugement du 1 octobre 2021 a été communiqué, la décision de relaxe est donc définitive.

La requête déposée dans le délai de 6 mois doit être déclarée recevable.

2/ Sur le préjudice matériel

M. [F] [U] était déjà détenu depuis plusieurs mois lors de sa mise en examen. Il a déclaré qu'il était sans emploi ou plutôt intérimaire et que suite au décès de sa mère trois ans auparavant il avait reçu des indemnisations qui lui « suffisaient pour faire assez de commerce pour survivre ». Il ressort également de l'enquête sociale qu'il n'avait lors de son incarcération aucun revenu ni projet professionnel défini.

En conséquence, aucun élément ne démontre que M. [F] [U] aurait subi une perte de chance de rechercher ou de retrouver un emploi, de sorte qu'il sera débouté de sa demande au titre du préjudice matériel.

3/ Sur le préjudice moral

Le préjudice moral au sens de l'article 149 du code de procédure pénale résulte du choc carcéral ressenti par une personne injustement privée de liberté, le choc carcéral correspondant à l'émotion violente et inattendue provoquée par la perturbation physique et psychique éprouvée par une personne écrouée dans un établissement pénitentiaire.

Pour évaluer le préjudice moral, la jurisprudence prend en compte la situation personnelle et familiale de la personne, l'existence ou non d'antécédents judiciaires, les conditions et la durée de la détention.

Ce préjudice peut être aggravé notamment par des conditions d'incarcération particulièrement difficiles ou au contraire minoré lorsque la personne avait déjà connu la prison auparavant.

Lors de son incarcération, il était âgé de 31 ans

M. [F] [U] avait déjà été condamné à 7 reprises notamment pour des faits de vol aggravé et de violences et incarcéré à plusieurs reprises (une peine d'emprisonnement de deux ans prononcée le 12 mai 2016, une peine d'emprisonnement de un an prononcée le 21 mars 2017 entre autres peines d'emprisonnement).

Il ne justifie pas de conditions indignes de détention et ni de quelque particularité que ce soit qui pourrait être prise comme facteur d'aggravation du préjudice moral lié à une détention injustifiée.

En l'espèce aucun élément n'est communiqué quant à la situation personnelle, familiale ou sociale de M. [F] [U] de sorte qu'il ne peut être établi qu'il a subi une séparation d'avec sa famille proche, ce qui serait un facteur d'aggravation du préjudice moral.

En conséquence, seul peut être retenu le préjudice moral en lien avec la privation de liberté.

S'agissant de la durée de l'incarcération, M. [F] [U] a été détenu provisoirement du 12 septembre 2018 au 26 avril 2019 soit 227 jours.

En conséquence, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer le préjudice moral subi par M. [F] [U] à la somme de 11 000 €.

4/ Sur les frais irrépétibles

En l'absence de tout élément justificatif, il sera alloué la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

Statuant publiquement, contradictoirement par décision susceptible de recours

Déclarons la requête en indemnisation de la détention provisoire recevable

Allouons à M. [F] [U]

- la somme de 11 000 euros en réparation du préjudice moral

- la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Rejetons le surplus de ses demandes

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

La présente décision est signée par Cécile RAMONATXO, présidente de chambre et par Séverine ROMA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Juridic.premier president
Numéro d'arrêt : 22/00515
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;22.00515 ?
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