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25/04/2023 | FRANCE | N°21/06464

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Juridic.premier president, 25 avril 2023, 21/06464


RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PROVISOIRE

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[O] [I]



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N° RG 21/06464 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MN4Q

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DU 25 AVRIL 2023

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D E C I S I O N

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Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Le 25 AVRIL 2023



Nous, Cécile RAMONATXO, Présidente à la Cour d'appel de Bordeaux dés...

RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PROVISOIRE

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[O] [I]

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N° RG 21/06464 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MN4Q

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DU 25 AVRIL 2023

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Notifications

le :

D E C I S I O N

---------------

Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 25 AVRIL 2023

Nous, Cécile RAMONATXO, Présidente à la Cour d'appel de Bordeaux désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 16 décembre 2022, assistée de Séverine ROMA, Greffier,

Statuant en audience publique sur la requête de :

Monsieur [O] [I]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4] (YOUGOSLAVIE)

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Arnaud DUPIN de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Paul BAYLE, avocat au barreau de BORDEAUX

Demandeur

D'une part,

ET :

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocat au barreau de BORDEAUX, substituée par Me Françoise PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

Défendeur

D'autre part,

En présence du Procureur Général près la Cour d'appel de Bordeaux, pris en la personne de Eric LEGRAND, Avocat Général près ladite Cour,

Avons rendu la décision suivante, après que les débats ont eu lieu devant nous, assistée de Séverine ROMA, Greffier, en audience publique, le 28 Mars 2023, conformément aux dispositions de l'article R 37 du code de procédure pénale.

Faits et procédure

M. [O] [I] a été mis en examen des chefs de transport, détention, offre ou cession, acquisition non autorisée de produits stupéfiants, s'agissant de faits commis en état de récidive et placé en détention provisoire le 1 avril 2018 avant d'être remis en liberté sous contrôle judiciaire le 27 juin 2018. Par jugement du Tribunal correctionnel de Périgueux en date du 26 mai 2021, M. [O] [I] a été relaxé des fins de la poursuite.

Sur mandat d'arrêt européen délivré à son encontre le 23 octobre 2017, M. [O] [I] a été interpellé et incarcéré à la maison d'arrêt de [Localité 7] en Italie du 28 novembre 2017 au 30 mars 2018. Il a ensuite été incarcéré à la maison d'arrêt de [3] du 30 mars au 1 avril 2018 puis du 1 avril 2018 au 27 juin 2018 à la maison d'arrêt de [Localité 5], date à laquelle il a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire.

Par requête reçue le 25 novembre 2021, le conseil de M. [O] [I] a présenté une demande en indemnisation de la détention provisoire.

Il demande qu'il soit alloué à M. [O] [I] les sommes de

- 30 000 € en réparation du préjudice moral

- 6 000 € en indemnisation du préjudice économique en lien avec le paiement des frais de justice afférents aux problématiques judiciaires induites par le contentieux de la détention provisoire

- 3 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil produit un certificat de non appel.

Sur le préjudice matériel, le conseil relève les différentes prestations fournies au bénéfice de M. [I] pour les diligences liées à la détention provisoire et produit et indique produire en pièce 6 une facture acquittée.

Sur le préjudice moral, le conseil relève que M. [O] [I] a été contraint de vivre une large partie de son incarcération en Italie loin de sa compagne Mme [C] [G] et de ses enfants issus d'un premier concubinage, que les deux précédentes incarcérations ne sauraient être de nature à minorer le choc psychologique subi, compte tenu de la peine encourue.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 14 avril 2022, l'Agent Judiciaire de l'État conclut au sursis à statuer dans l'attente de la production d'une fiche pénale actualisée afin de vérifier que M. [I] n'était pas détenu pour autre cause.

A titre subsidiaire, l'Agent Judiciaire de l'État demande que M. [I] soit débouté de sa demande au titre de ses frais de justice et demande que l'indemnité due au titre du préjudice moral soit ramenée à de plus justes proportions sans excéder la somme de 10 500 €.

Sur le préjudice économique lié aux frais d'avocats, l'Agent Judiciaire de l'État conclut qu'il importe que les honoraires aient été personnellement réglés par le requérant ou qu'il en supporte la charge finale, que tel n'est pas le cas en l'espèce, la facture de « provision sur honoraires » du 11 avril 2018 mentionne également des diligences qui ne sont pas en lien exclusif avec la mesure de détention provisoire.

Sur le préjudice moral, l'Agent Judiciaire de l'État conclut que contrairement à ce qui est soutenu, il résulte de la jurisprudence la plus récente que la réalisation de plusieurs incarcérations est de nature à minorer le choc carcéral, qu'il n'évoque ni rapporte la preuve d'évènements qui auraient rendu sa détention plus difficile que celle de ses co-détenus, qu'il ne justifie pas de ses relations familiales alors qu'il ressort de la procédure pénale qu'il était très régulièrement à l'étranger et que ses enfants vivraient avec leur mère, que d'ailleurs dans un interrogatoire du 15 mai 2018, il a déclaré que depuis février 2017, il n'était « plus venu du tout en France » et ne voulait plus venir en France où il n'avait plus de domicile depuis sa séparation d'avec son ex femme en mars 2016.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l' Agent Judiciaire de L'État demande qu'elle soit réduite à de plus justes proportions.

Dans son avis en date du 25 mai 2022, M. le Procureur général conclut à la recevabilité de la requête et au rejet de la demande de sursis à statuer. Il demande que l'indemnisation du préjudice moral soit ramenée à la somme de 3 000 €, que M. [I] soit débouté de sa demande au titre du préjudice matériel en lien avec les frais d'avocat et qu'il lui soit alloué la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale ['] la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention ['] Toutefois aucune réparation n'est due lorsque ['] la personne était dans le même temps détenue pour autre cause [']

Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral en lien de causalité direct et certain avec la privation de liberté.

Aux termes de l'article 149-2 du code de procédure pénale la requête doit être déposée dans le délai de 6 mois à compter de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

1/ Sur la recevabilité de la requête

Le jugement du Tribunal correctionnel de Périgueux rendu le 26 mai 2021 est définitif.

La requête déposée dans le délai de 6 mois doit être déclarée recevable.

2/ Sur la demande de sursis à statuer

Toutes les pièces utiles ayant été communiquées, il n'y pas lieu de faire droit à la demande.

3/ Sur le préjudice moral

Le préjudice moral au sens de l'article 149 du code de procédure pénale résulte du choc carcéral ressenti par une personne injustement privée de liberté, le choc carcéral correspondant à l'émotion violente et inattendue provoquée par la perturbation physique et psychique éprouvée par une personne écrouée dans un établissement pénitentiaire.

Pour évaluer le préjudice moral, la jurisprudence prend en compte la situation personnelle et familiale de la personne, l'existence ou non d'antécédents judiciaires, les conditions et la durée de la détention.

Ce préjudice peut être aggravé notamment par des conditions d'incarcération particulièrement difficiles ou au contraire minoré lorsque la personne avait déjà connu la prison auparavant.

S'agissant de la durée de l'incarcération, M. [O] [I] a été détenu provisoirement du 28 novembre 2017 date de son interpellation sur mandat d'arrêt à [Localité 7] au 27 juin 2018 soit 211 jours.

Le casier judiciaire de M. [O] [I] porte trace de 3 condamnations pour infractions à la législation sur les stupéfiants dont deux condamnations pour trafic de stupéfiants. Il a déjà été incarcéré à deux reprises en 2009 et 2013.

Lors de son incarcération, il était âgé de 37 ans. Il était célibataire. Père de 2 enfants, séparé de la mère, il ne justifie pas qu'il assumait la charge de ses enfants ou le paiement d'une pension alimentaire.

Si la séparation d'avec sa famille proche est de nature à causer un préjudice moral, M. [I] ne démontre pas que les contacts téléphoniques ou les droits de visite lui aient été refusés. Il ne justifie d'ailleurs ni de sa relation avec Mme [C] [G] (puisque c'est une autre jeune femme qui a établi à son bénéfice l'attestation d'hébergement produite à l'appui de sa demande de mise en liberté) ni de ce qu'il entretenait des relations avec ses enfants nés d'une première union, dont l'existence même n'est pas rapportée faute de produire actes de naissance ou livret de famille.

Il ne justifie pas de conditions indignes de détention et ni quelque particularité que ce soit qui pourrait être prise comme facteur d'aggravation du préjudice moral lié à une détention injustifiée

La durée de la détention, dont 122 jours passés dans les geôles italiennes, est en partie liée à son refus d'être remis aux autorités françaises lors de la mise à exécution du mandat d'arrêt à [Localité 7].

En conséquence, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer le préjudice moral subi par M. [O] [I] à la somme de 5000 €.

3/ Sur les frais d'avocat

La facture produite, dont le paiement n'est par ailleurs pas justifié, est globale et ne détaille pas le coût des diligences en lien exclusif avec la détention provisoire, seules ces dépenses pouvant être prises en charge au titre de l'indemnisation. En conséquence, il ne peut être fait droit à la demande.

Il sera alloué à M. [O] [I], en ce qui concerne la requête, la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

Statuant publiquement, contradictoirement par décision susceptible de recours

Déclarons la requête en indemnisation de la détention provisoire recevable

Allouons à M. [O] [I]

- la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral

- la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Rejetons le surplus de ses demandes

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

La présente décision est signée par Cécile RAMONATXO, présidente de chambre et par Séverine ROMA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Juridic.premier president
Numéro d'arrêt : 21/06464
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;21.06464 ?
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