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25/04/2023 | FRANCE | N°20/04840

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Juridic.premier president, 25 avril 2023, 20/04840


RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PROVISOIRE

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[Z] [V] [L]



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N° RG 20/04840 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-L2C4

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DU 25 AVRIL 2023

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D E C I S I O N

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Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Le 25 AVRIL 2023



Nous, Cécile RAMONATXO, Présidente à la Cour d'appel de Bordeaux...

RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PROVISOIRE

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[Z] [V] [L]

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N° RG 20/04840 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-L2C4

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DU 25 AVRIL 2023

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Notifications

le :

D E C I S I O N

---------------

Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 25 AVRIL 2023

Nous, Cécile RAMONATXO, Présidente à la Cour d'appel de Bordeaux désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 16 décembre 2022, assistée de Séverine ROMA, Greffier,

Statuant en audience publique sur la requête de :

Monsieur [Z] [V] [L]

né le [Date naissance 1] 2001 à [Localité 4] (GUINEE), élisant domicile au cabinet de Maître [R] [P] - [Adresse 3]

représenté par Maître Niels CAPEYRON, avocat au barreau de BORDEAUX

Demandeur

D'une part,

ET :

Monsieur l'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETATpris en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Armelle DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX

Défendeur

D'autre part,

En présence du Procureur Général près la Cour d'appel de Bordeaux, pris en la personne de Eric LEGRAND, Avocat Général près ladite Cour,

Avons rendu la décision suivante, après que les débats ont eu lieu devant nous, assistée de Séverine ROMA, Greffier, en audience publique, le 28 Mars 2023, conformément aux dispositions de l'article R 37 du code de procédure pénale.

Faits et procédure

M. X se disant [V] [L] a été mis en examen le 8 février 2018 des chefs de tentative de viol et agression sexuelle. Renvoyé devant le Tribunal correctionnel le 20 novembre 2019, il a été relaxé des fins de la poursuite par jugement définitif du 29 mai 2020.

M. X se disant [V] [L] a été placé en détention provisoire du 8 février 2018 au 26 avril 2018.

Par requête reçue le 23 avril 2021, le conseil de M. X se disant [V] [L] a présenté une demande en indemnisation de la détention provisoire. Il relève que celui-ci a subi une détention provisoire de 77 jours.

Il demande qu'il soit alloué à M. X se disant [V] [L] les sommes de

- 2 400 euros au titre du préjudice matériel relatif à l'expulsion de la prise en charge de de la [6]

- 15 000 euros au titre de la perte de chance de s'intégrer en France

- 7 700 euros au titre du préjudice moral

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le préjudice matériel, le conseil relève que M. X se disant [V] [L] était pris en charge par le [6] et qu'à ce titre il était nourri, logé et blanchi. Suite à son incarcération il a été exclu du programme d'aide sociale à l'enfance. Lors de sa remise en liberté, le service lui a notifié son refus de prise en charge suite à ce qui était considéré comme une « fugue ». Il s'agit d'une perte de chance évaluée à 15 000 euros.

Selon le conseil le séjour moyen pris en charge par la [6] était de 120 jours, M. X se disant [V] [L] serait alors légitime à réclamer 20 euros par jour soit un préjudice matériel évalué à 2 400 euros.

Le conseil de M. X se disant [V] [L] évoque le choc carcéral subi par l'intéressé qui n'avait jamais été condamné et à qui la condition de mineur alors qu'il prétendait être âgé de 17 ans comme étant né le [Date naissance 1] 2001 avait été refusée. Il évoque encore la durée (77 jours) et les conditions de détention à la maison d'arrêt de [Localité 5] stigmatisées par un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté communiqué établi en juillet 2018. Il relève encore le caractère infamant des infractions pour lesquelles M. X se disant [V] [L] a été placé en détention. Le préjudice moral est évalué à 7 700 euros.

Il demande en outre une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 5 juillet 2021, l'Agent Judiciaire de l'État conclut à l'irrecevabilité de M.[L] faute d'avoir déposé sa requête dans le délai légal.

Subsidiairement, il conclut au rejet des demandes concernant le préjudice matériel, le préjudice lié à la perte de chance, de réduire la demande au titre du préjudice moral à la somme de 4 600 euros et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.

Dans ses conclusions visées par le greffe le 13 juillet 2021, M. le Procureur Général demande de déclarer la requête en indemnisation recevable, de fixer à 4 600 euros l'indemnisation du préjudice moral subi et de rejeter la demande au titre du préjudice matériel et de ramener à de plus justes proportions la demande au titre de l'article 700 du code de procédure pénale.

A l'audience du 25 janvier 2022, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 28 mars 2023 dans l'attente d'une décision de la Cour d'appel administrative sur un appel d'une décision rendue par le Tribunal administratif de Bordeaux du 22 novembre 2021 annulant un arrêté de Mme le Préfet de la Gironde en date du 27 août 2021 prononçant à l'encontre de M. [V] [L] une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

A l'audience du 28 mars 2023, il est indiqué à la Cour que l'affaire n'a pas encore été audiencée par la Cour administrative d'appel et le conseil de M. [L] demande à la Cour de surseoir à statuer sur l'indemnisation de ce préjudice.

Motifs de la décision

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale ['] la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention ['] Toutefois aucune réparation n'est due lorsque ['] la personne était dans le même temps détenue pour autre cause [']

Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral en lien de causalité direct et certain avec la privation de liberté.

Aux termes de l'article 149-2 du code de procédure pénale la requête doit être déposée dans le délai de 6 mois à compter de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

1/ Sur la recevabilité de la requête

Le jugement du 29 mai 2020 a été rendu contradictoirement à l'égard de M. X se disant [V] [L].

Présentée dans le délai de 6 mois, la requête doit être déclarée recevable.

2/ Sur le préjudice matériel

Le courrier produit à l'appui de la demande est un courrier écrit et adressé par M. [V] [L] aux services de l'Aide Sociale à l'Enfance en date du 29 mai 2018 qu'il débute de la sorte « vous m'avez convoqué pour m'informer que je ne relève pas de l' aide sociale à l'enfance... »

Outre que ce courrier rédigé par l'intéressé lui-même, ne peut avoir de valeur probante, s'agissant d'une preuve faite à lui-même, il ne démontre aucunement que M. [L] a été exclu du programme d'aide en raison de la détention provisoire.

Cette exclusion est plus sûrement en lien avec la perte du statut de mineur en raison d'une comparution devant le Tribunal correctionnel et non devant le Tribunal pour enfants. Ce que tend à démontrer la phrase introductive du courrier rapportée par M. [L] : « je ne relève pas de l'aide sociale à l'enfance ».

D'où il suit que la demande au titre du préjudice matériel ne saurait aboutir.

3/ Sur le préjudice lié à la perte d'une chance

Selon le Conseil de M. [L], la détention provisoire subie est la cause de la perte d'une chance de se voir attribuer un titre de séjour lui permettant de suivre une formation et de travailler.

S'il est évoqué un recours devant le Tribunal administratif puis devant la Cour administrative d'appel, il est vérifié que ne figure aux pièces annexées à la requête, aucun élément quant à l'existence, la nature ou l'objet de ce recours.

De sorte qu'il ne peut être fait droit à la demande de sursis à statuer.

M. [V] [L] étant en situation irrégulière sur le territoire national et n'étant pas établi qu'il ait fait des démarches pour régulariser sa situation administrative, le préjudice lié à la perte de chance de se voir attribuer un titre de séjour et de s'intégrer sur le territoire français n'est pas établi.

4/ Sur le préjudice moral

Le préjudice moral au sens de l'article 149 du code de procédure pénale résulte du choc carcéral ressenti par une personne injustement privée de liberté, le choc carcéral correspondant à l'émotion violente et inattendue provoquée par la perturbation physique et psychique éprouvée par une personne écrouée dans un établissement pénitentiaire.

Pour évaluer le préjudice moral, la jurisprudence prend en compte la situation personnelle et familiale de la personne, l'existence ou non d'antécédents judiciaires, les conditions et la durée de la détention.

Ce préjudice peut être aggravé notamment par des conditions d'incarcération particulièrement difficiles ou au contraire minoré lorsque la personne avait déjà connu la prison auparavant.

M. X se disant [V] [L] était âgé de 19 ans et célibataire lors de son incarcération qui a duré 77 jours.

Il est indiqué que M. [V] [L] n'avait jamais été condamné, qu'il s'agissait d'une première incarcération et que le choc carcéral a été important, M. [L] ayant subi l'enfermement, la violence, la solitude et les humiliations propres au milieu carcéral.

Il est rappelé que l'incertitude quant à l'issue de la procédure ou de la peine encourue est liée aux faits pour lesquels M. [L] a été mis en examen et non à la détention provisoire et ne peuvent être pris en considération pour l'évaluation du préjudice moral en lien avec la détention provisoire.

Le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté communiqué a été établi en juillet 2018 et donc à une période concomitante à l'incarcération de M. X se disant [V] [L] à la maison d'arrêt de [Localité 5]. Cependant celui-ci ne justifie pas avoir personnellement et directement souffert des conditions de détention.

S'agissant d'une première incarcération et d'un jeune homme qui se trouvait isolé sur le territoire national, il est certain que la détention provisoire lui a causé un préjudice moral qui sera réparé pour tenir compte de l'ensemble des éléments évoqués par une indemnité de 5 000 €.

4/ Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Au vu des éléments de l'espèce, il convient de faire partiellement droit à la demande et d'accorder à la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

Statuant publiquement, contradictoirement par décision susceptible de recours

Déclarons la requête en indemnisation de la détention provisoire recevable

Allouons à M. X se disant [V] [L]

- la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral

- la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Rejetons le surplus de ses demandes

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

La présente décision est signée par Cécile RAMONATXO, présidente de chambre et par Séverine ROMA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Juridic.premier president
Numéro d'arrêt : 20/04840
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;20.04840 ?
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