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13/04/2023 | FRANCE | N°21/03100

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 13 avril 2023, 21/03100


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 13 avril 2023







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 21/03100 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MEJP





















Madame [U] [S] VEUVE [T]



c/

Etablissement Public FIVA

S.A.S. [3]

CPAM DE LA GIRONDE

















Nature de la décision : AU FOND>






Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 13 avril 2023

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 21/03100 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MEJP

Madame [U] [S] VEUVE [T]

c/

Etablissement Public FIVA

S.A.S. [3]

CPAM DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 avril 2021 (R.G. n°19/02837) par le Pole social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 28 mai 2021.

APPELANTE :

Madame [U] [S] VEUVE [T]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Fabrice DANTHEZ, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Etablissement Public FIVA -partie intervenante - pris en la personne de son représentant légal domicilié en ctte qualité au siège social [Adresse 9]

représentée par Me Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT-RAVAUT ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A.S. [3] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me DACHARRY de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 8]

rerpésentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

Exposé du litige

M. [Z] [T] a travaillé au sein de la société [3], en qualité de docker, du 16 avril 1968 au 30 septembre 1976.

Le 7 avril 1992, un diagnostic de plaques pleurales a été posé chez M. [T].

Par jugement du 11 juillet 1995, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde a reconnu le caractère professionnel de la maladie de M. [T].

La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 14 mai 1997, la cour d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement déféré.

La caisse a pris en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle et attribué à M. [T] le 23 avril 1997 sur le constat d'un taux d'incapacité permanente de 100% une rente annuelle d'un montant de 83. 078,97 francs, à effet du 30 août 1991.

Par jugement du 29 août 2002, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde a :

- dit que la maladie professionnelle était due à une faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice, la société [3]

- fixé au maximum la majoration du capital ou de la rente

- dit que la décision était inopposable à la société [3]

- dit que les sommes allouées à M. [T] seraient avancées par la caisse et définitivement imputées sur le compte spécial

- dit que la décision était commune à la caisse et opposable aux assurances,

- ordonné une expertise médicale aux fins d'évaluation des préjudices de M. [T].

- sursis à statuer sue les autres demandes.

L'expert a déposé son rapport le 29 janvier 2003.

Par jugement du 1er juillet 2003 le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde a :

- retenu le rapport du docteur [H] comme base de la décision

- fixé les préjudices subis par M. [T] comme suit :

- souffrances physiques et morales endurées : 35. 000 euros

- préjudice esthétique : 3 000 euros

- préjudice d'agrément : 20 000 euros

- perte ou diminution des chances de promotion professionnelle : 12. 000 euros

- dit que la caisse fera l'avance de ces sommes

- dit que les sommes allouées seront supportées à titre définitif par la branche AT/MP de la sécurité sociale,

- dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la mise hors de cause de la société [3]

- constaté l'absence de demande à l'encontre du port autonome de [Localité 4], de la société [7], du bureau central de la main d'oeuvre du port de [Localité 4], de la fédération maritime du port de [Localité 4], de la centrale des services des activités portuaires du port de Bordeaux, de la caisse des congés payés pour les ouvriers du port de Bordeaux et ses annexes, et de la [5], et les a mis hors de cause

- ordonné l'exécution provisoire de la décision, sauf sur l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de la moitié des sommes allouées

- débouté M. [T] de sa demande présentée contre la caisse sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la société [7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée contre M. [T]

- déclaré irrecevables les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile contre la partie succombante par la [Adresse 6], la centrale des activités portuaires du port de [Localité 4] et la caisse des congés payés pour les ouvriers du port de Bordeaux et de ses annexes d'une part, et la société [3] d'autre part.

M. [T] a saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation de ses préjudices subis du fait de sa pathologie.

Le 12 juillet 2004, le FIVA a adressé une offre d'indemnisation par le versement d'un capital de 224. 810, 93 euros.

Le 28 juillet 2004, M. [T] a accepté cette offre d'indemnisation avec réserves sur le préjudice économique et les frais de tierce personne.

Le 19 août 2004, le FIVA a retiré son offre d'indemnisation du 12 juillet et a substitué une nouvelle offre d'indemnisation par le versement d'un capital de 224. 810,93 euros, incluant le refus d'une indemnisation du préjudice lié aux frais de tierce personne.

Le 2 septembre 2004, M. [T] a accepté cette offre d'indemnisation composée comme suit :

- 22.000 euros en indemnisation de son préjudice résultant des douleurs physiques

- 30. 000 euros en indemnisation de son préjudice moral

- 30. 000 euros en indemnisation de son préjudice d'agrément

- 3 000 euros en indemnisation de son préjudice esthétique

- 139. 810,93 euros en indemnisation de son préjudice économique.

M. [T] est décédé le 7 septembre 2017. La caisse primaire d'assurance maladie a reconnu le caractère professionnel du décès.

Au mois de novembre 2018, les ayants droit de M. [T] ont accepté l'offre du FIVA relative à l'indemnisation de leur préjudice moral soit:

- Mme [U] [S] : 32. 600 euros

- Mme [A] [B] : 8 700 euros

- M. [L] [B] : 3 300 euros

- M. [I] [B] : 3 300 euros.

Le 8 mars 2019, Mme [S] veuve [T] a saisi le président du pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux en référé aux fins de voir désigner tel expert qu'il plaira pour évaluer l'aggravation des préjudices subis par M. [T] depuis le rapport du docteur [H] du 29 janvier 2003.

Par ordonnance de référé du 30 avril 2019, la présidente a ordonné une expertise judiciaire sur pièces et désigné pour y procéder le docteur [C] [W].

L'expert a déposé son rapport le 18 septembre 2019.

Mme [S] veuve [T] a sollicité du tribunal de grande instance de Bordeaux qu'il :

- la déclare bien fondée à solliciter la réparation des préjudices complémentaires de M. [T] au titre de l'aggravation de son état, ainsi que la réparation de ses propres préjudices

- fixe à la somme de 20. 000 euros l'indemnisation de son préjudice d'accompagnement

- fixe à la somme de 15. 000 euros l'indemnisation de son préjudice sexuel par ricochet

- mette définitivement à la charge de la branche AT/MP de la sécurité sociale les conséquences financières de la décision à intervenir dans la mesure où la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle a été déclarée inopposable à la société [3]

- condamne la société [3] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Le Fiva est intervenu volontairement et a sollicité du tribunal de grande instance de Bordeaux qu'il:

- juge recevable sa demande étant subrogé dans les droits des ayants droit de M. [T]

- constate qu'il a d'ores et déjà indemnisé les préjudices de M. [T] au titre des préjudices moraux, physiques, d'agrément, et a déjà statué au titre du déficit fonctionnel temporaire et, par conséquent, déboute Mme [S] à ce titre

- fixe l'indemnisation des préjudices de M. [T] comme suit :

- 22 000 euros au titre des souffrances physiques

- 30 000 euros au titre des souffrances morales

- 30 000 euros au titre du préjudice d'agrément

- 3 000 euros au titre du préjudice esthétique

- fixe l'indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droit comme suit :

- Mme [U] [S] : 32 600 euros

- Mme [A] [B] : 8 700 euros

- M. [L] [B] : 3 300 euros

- M. [I] [B] : 3 300 euros

- juge que la caisse devra verser ces sommes au Fiva, créancier subrogé, soit un total de 132 900 euros,

- condamne la société [3] à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la partie succombante aux dépens.

Par jugement du 27 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- rejeté les demandes du FIVA tendant à voir fixer l'indemnisation des préjudices de M. [T] à hauteur des montants de son offre acceptée le 2 septembre 2004 et à voir juger que la caisse devra lui verser ces sommes en sa qualité de créancier subrogé

- fixé l'indemnisation du préjudice moral des ayants droits de M. [T] comme suit :

- Mme [U] [S] : 32. 600 euros

- Mme [A] [B] : 8 700 euros

- M. [L] [B] : 3 300 euros

- M. [I] [B] : 3 300 euros

- dit que la caisse versera ces sommes au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante en sa qualité de créancier subrogé dans les droits des ayants droit de M. [Z] [T], soit au total de 47. 900 euros et qu'elle ne pourra pas en récupérer le montant auprès de la société [3]

- fixé, au titre de l'action successorale, l'indemnisation des préjudices subis par M. [Z] [T], liée à l'aggravation de son état de santé, comme suit :

- 30. 000 euros au titre des souffrances endurées

- 9 000 euros au titre du préjudice d'agrément

- 5 000 euros au titre du préjudice esthétique

- 6 000 euros au titre du préjudice sexuel

- rejeté la demande indemnitaire formée au titre de l'action successorale concernant le déficit fonctionnel temporaire et les frais d'assistance par tierce personne

- rejeté la demande indemnitaire formée par Mme [U] [S] concernant son préjudice d'accompagnement et son préjudice sexuel par ricochet

- dit que la caisse versera, au titre de l'action successorale, les sommes dues pour indemniser les préjudices subis par M. [Z] [T] en raison de l'aggravation de son état de santé et qu'elle ne pourra pas en récupérer le montant auprès de la société [3]

- dit que les sommes versées seront définitivement imputées sur le compte spécial des employeurs branche accident du travail/maladie professionnelle

- condamné la société [3] à payer à Mme [T] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société [3] à payer au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [3] au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 28 mai 2021, Mme [S] veuve [T] a relevé appel de ce jugement, dans ses dispositions qui la déboutent de ses demandes en qualité d'ayant droit au titre du déficit fonctionnel temporaire et des frais d'assistance par tierce personnne; qui la déboutent de ses demandes formées à titre personnel tenant au préjudice sexuel par ricochet et au préjudice d'accompagnement.

L'affaire a été fixée à l'audience du 1er février 2023, pour être plaidée.

Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 24 janvier 2023, Mme [S] veuve [T] sollicite de la Cour qu'elle :

- la déclare recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 27 avril 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en sa qualité d'ayant droit de son mari au titre du déficit fonctionnel temporaire et des frais d'assistance par tierce personne au motif d'absence de date de consolidation de son état de santé, ainsi que de ses demandes à titre personnel au titre du préjudice d'accompagnement et du préjudice sexuel par ricochet

- infirme le jugement déféré sur ces chefs de préjudice en la déclarant bien fondée à solliciter la réparation des préjudices complémentaires de M. [T] au titre de l'aggravation de son état s'agissant du déficit fonctionnel temporaire et des frais d'assistance par une tierce personne, ainsi que la réparation de ses propres préjudices

- fixe à la somme de 19. 647,50 euros l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire - fixe à la somme de 17. 850 euros l'indemnisation au titre des frais d'assistance par une

tierce personne

- fixe à la somme de 20. 000 euros son préjudice d'accompagnement

- fixe à la somme de 15.000 euros son préjudice sexuel par ricochet

- mette définitivement à la charge de la branche AT/MP de la sécurité sociale les conséquences financières de la décision à intervenir dans la mesure où la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle a été déclarée inopposable à la société [3]

- condamne la société [3] prise en la personne de son représentant légal à lui payer à la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, enregistrées le 23 janvier 2023, la société [3] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la caisse devra supporter l'intégralité d'une éventuelle condamnation prononcée au bénéfice de Mme [T] sans possibilité pour elle d'exercer son recours contre la société [3]

- réduire les prétentions de Mme [T]

- débouter Mme [T] de sa demande en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile contre la société [3]

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par ses dernières conclusions, enregistrées le 31 janvier 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde demande à la Cour de :

- la recevoir en ses demande et l'en déclarer bien fondée

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes au titre du préjudice d'accompagnement, du préjudice sexuel par ricochet, du déficit fonctionnel temporaire permanent et des frais d'assistance par tierce personne

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes du FIVA tendant à voir fixer l'indemnisation des préjudices de M.[T] à hauteur des montants de son offre acceptée le 2 septembre 2000 et à voir juger que la caisse devra lui verser ces sommes en qualité de créancier subrogé

- statuer ce que de droit sur les autres demandes,

- condamner la la partie succombante à lui payer une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions d'intervention volontaire, en date du 26 janvier 2023, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante demande à la Cour de :

- confirmer le jugement déféré

Y ajouter,

- condamner la société [3] à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

La Cour relève qu'en l'état des demandes des parties, les dispositions du jugement déféré qui rejettent les demandes du FIVA tendant à voir fixer l'indemnisation des préjudices de M. [T] à hauteur des montants de l'offre acceptée le 2 septembre 2004 et juger que la caisse lui en devra le paiement, qui fixent l'indemnisation du préjudice moral de Mme [T] à 32.600 euros, de [A] [B] à 8700 euros, de [L] [B] à 3300 euros et de [I] [B] à 3300 euros, qui disent que la caisse versera ces sommes au FIVA en sa qualité de créancier subrogé dans les droits des ayants droit de M. [T] sans pouvoir en récupérer le montant près de la société [3], qui fixe au titre de l'action successorale l'indemnisation des préjudices subis par M. [T] à raison de l'aggravation de son état de santé à 30.000 euros pour les souffrances endurées, à 9000 euros au titre du préjudice d'agrément, à 5000 euros au titre du préjudice esthétique et à 6000 euros au titre du préjudice sexuel, qui disent que la caisse en devra le paiement au FIVA en sa qualité de créancier subrogé dans les droits des ayants droit de M. [T] sans pouvoir en récupérer le montant auprès de la société [3], qui disent que les sommes versées seront définitivement imputées sur le compte spécial des employeurs de la branche accident du travail maladie professionnelle, ne sont pas discutées, qu'elles ne pourront donc qu'être confirmées.

I-Sur l'action au titre de l'indemnisation complémentaire de M. [T]

Mme [T] sollicite à ce titre l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total, du déficit fonctionnel temporaire partiel, des frais d'assistance par une tierce personne.

Mme [T] fait valoir qu'il résulte des conclusions de l'expert [W] que l'état de santé de son époux s'est aggravé à compter de 2015 et jusqu'à son décés, que c'est vainement qu'il lui est opposé l'absence de fixation d'une nouvelle date de consolidation en ce qu'une telle date n'a jamais été arrêtée et qu'elle est ne peut en réalité qu'être celle du décès s'agissant d'une pathologie évolutive.

La société [3] expose que ni le besoin de M. [T] ni la gravité de son état ni la spécialisation de son épouse ne justifient le tarif horaire de 25 euros réclamé, mais plutôt celui de 16 euros.

La caisse fait valoir qu'en l'absence de prise en charge par l'organisme d'une rechute et d'une nouvelle date de consolidation, les demandes de Mme [T] doivent être rejetées.

Le FIVA indique que l'offre, acceptée, qu'il a faite au titre de l'incapacité fonctionnelle s'entend de l'indemnisation du déficit fonctionnel avant et après consolidation.

Le déficit fonctionnel temporaire a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique et les frais d'assistance le financement du coût de la tierce personne, jusqu'à la consolidation.

La Cour, par ailleurs saisie d'une demande d'imputation des sommes demandées au compte spécial des employeurs de la branche ATMP, relève à la suite des premiers juges que les demandes d'indemnisation à ce titre s'inscrivent dans le cadre de l'aggravation de l'état de santé de M. [T] à compter de 2015 et qu'elle n'a pas compétence, alors que la caisse n'a pas été saisie au titre d'une rechute, compétence pour fixer une nouvelle date de consolidation.

La Cour observe par ailleurs que quoiqu'il en soit des dispositions de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 tenant singulièrement à l'obligation faite au FIVA d'indemniser nonobstant l'absence de consolidation, le préjudice de l'incapacité fonctionnelle appréciée suivant un barème médical propre au fonds a été indemnisé en 2004 et que Mme [T] n'a pas contesté dans les délais impartis la décision du FIVA du 21 octobre 2019 l'informant du rejet de sa demande au titre du préjudice fonctionnel suite à l'aggravation de l'état de santé de son époux.

Le jugement déféré sera confirmé dans ses dispositions qui déboutent Mme [T] de ses demandes au titre du déficit fonctionnel temporaire et des frais d'assistance par une tierce personne.

II- Sur le préjudice subi par Mme [T]

Mme [T] fait valoir que :

- l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ne lui est pas opposable en ce qu'elle n'est ni un ascendant ni un descendant de M. [T]

- victime de l'amiante elle a droit, en application des dispositions de l'article 53-1 de la loi

n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, à la réparation intégrale de son préjudice

- le préjudice d'accompagnement de fin de vie a pour but d'indemniser les troubles dans les conditions d'existence des proches qui partagent habituellement une communauté effective et affective avec la victime (obligation de se rendre à l'hôpital et de renoncer à toute autre occupation pour être au chevet de la victime ) et doit être distingué du préjudice moral subi par les proches ; il doit en l'espèce être évalué sur la base des dix années de vie de son époux auquel elle s'est totalement consacrée

- elle a évidemment subi un préjudice sexuel, par ricochet.

La société fait valoir en substance que Mme [T] a d'ores et déjà perçu 20.000 euros au titre du préjudice d'accompagnement.

La caisse indique s'y opposer en application des dispositions de l'article L.452-3 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

Le FIVA fait valoir en substance que Mme [T], qui a accepté l'offre qu'il lui a adressée le 23 août 2018 de lui verser 32.600 euros en réparation de son préjudice moral et d'accompagnement, a en réalité d'ores et déjà été indemnisée.

Il résulte des dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que les ayants droit de la victime d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l'employeur et décédée des suites de cette maladie sont recevables à exercer, outre l'action en réparation du préjudice personnel de la victime, l'action en réparation du préjudice moral qu'ils subissent personnellement du fait de ce décès.

Le préjudice d'accompagnement de fin de vie et le préjudice d'affection constituent l'un et l'autre des préjudices moraux distincts par leur chronologie, le premier concernant le retentissement de la maladie traumatique jusqu'au décès et le second concernant le retentissement lié au décès et à la perte de la victime.

Le préjudice moral et d'accompagnement de fin de vie a pour objet d'indemniser les troubles et perturbations dans les conditions d'existence d'un proche qui partageait habituellement une communauté de vie affective et effective avec la victime.

Il se déduit du formulaire d'indemnisation qu'elle a renseigné postérieurement au décés de son époux et de l'offre que le FIVA lui a adressée le 23 août 2018, acceptée le 6 novembre 2018, que Mme [T] a d'ores et déjà été entièrement indemnisée au titre du préjudice moral et d'accompagnement. Elle doit être déboutée de sa demande à ce titre.

Le préjudice sexuel, qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, peut être éprouvé par ricochet par le conjoint de la victime directe qui, à la suite du fait dommageable, subit elle-même un tel préjudice.

Les conséquences personnelles éprouvées par la victime indirecte, du vivant et à la suite du décès de son conjoint, telles que la privation de relations sexuelles avec lui, sont toutefois indemnisées au titre du préjudice d'affection.

Le préjudice sexuel qu'elle invoque, du vivant de son époux comme après son décès, n'ouvrant pas droit à une indemnisation, Mme [T] sera déboutée de sa demande à ce titre.

III - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement déféré mérite confirmation dans ses dispositions tenant aux dépens et aux frais irrépétibles.

L'issue du litige devant la Cour commande de laisser les dépens d'appel à Mme [T].

Il n'est pas inéquitable, eu égard à l'issue du litige à hauteur d'appel, de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais.

PAR CES MOTIFS

La Cour

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions

Y ajoutant

DIT que les dépens d'appel seront à la charge de Mme [T]

DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par madame Marie-Paule Menu, présidente, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 21/03100
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;21.03100 ?
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