RÉFÉRÉ N° RG 23/00012 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NDFK
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S.C.I. COPPELIA,
S.C.I. RAYMONDIA
c/
[R] [V]
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DU 06 AVRIL 2023
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Grosse délivrée
le :
ORDONNANCE
Rendue par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Le 06 AVRIL 2023
Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de BORDEAUX, désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 16 décembre 2022, assistée de Séverine ROMA, Greffière,
dans l'affaire opposant :
S.C.I. COPPELIA immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 879 855 617 agissant en la personne de son représentant légal domicilié au siège social demeurant [Adresse 1]
S.C.I. RAYMONDA immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 879 852 523 agissant en la personne de son représentant légal domicilié au siège social demeurant [Adresse 1]
Présentes
assistées de Me Thierry RACINAIS avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Clémence LEROY-MAUBARET de la SCP SCP D'AVOCATS INTER - BARREAUX MAUBARET, avocat au barreau de BORDEAUX
Demanderesses en référé suivant assignation en date du 31 janvier 2023,
à :
Monsieur [R] [V]
né le 26 Décembre 1942 à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Absent
représenté par Me Stéphan DARRACQ de la SCP MAATEIS, avocat au barreau de BORDEAUX
Défendeur,
A rendu l'ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Séverine Roma, Greffière, le 23 mars 2023 :
EXPOSE DU LITIGE
Par ordonnance du 7 novembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, a :
' condamné la SCI Coppelia à procéder à la destruction de la construction édifiée sur la parcelle A [Cadastre 3] sur le chemin d'accès de la parcelle AC [Cadastre 4], propriété de M. [R] [V] dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte,
' condamné la même aux dépens et à payer à M. [R] [V] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' débouté la SCI Coppelia et la SCI Raymondia de leurs demandes reconventionnelles.
La SCI Coppelia et la SCI Raymondia ont interjeté appel de cette décision selon une déclaration en date du 29 décembre 2022.
Par acte de commissaire de justice en date du 31 janvier 2023, elles ont fait assigner M. [R] [V] en référé aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance rendue le 5 novembre 2022 par le juge des référés du tribunal de Bordeaux, et de le voir condamner aux dépens et au paiement d'une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 22 mars 2023, soutenues à l'audience,la SCI Coppelia et la SCI Raymondia maintiennent leurs demandes, portant toutefois leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 2500€.
Elles font valoir qu'il existe des moyens sérieux de réformation en ce que le trouble manifestement illicite résulterait d'une violation d'une servitude de passage dont bénéficierait M. [R] [V] alors qu'il n'existe aucune servitude conventionnelle dans les titres de propriété et qu'il n'existe aucun élément sérieux susceptible de justifier une situation d'enclave de nature à fonder l'existence d'une servitude de passage pesant sur le fond de la SCI Coppelia, l'assiette et le mode d'exercice de la prétendue servitude n'étant subsidiairement pas caractérisée par une utilisation trentenaire continue démontrée. Elles ajoutent que le juge des référés ne pouvant écarter l'exécution provisoire, il ne peut être tiré aucune conséquence de son absence d'observation relative à l'exécution provisoire, et exposent qu'elles rapportent la preuve en tout état de cause de conséquences manifestement excessives survenues postérieurement au jugement.
Elles ajoutent que la destruction ordonnée aurait des conséquences manifestement excessives en ce qu'elles porteraient atteinte à l'activité professionnelle des trois praticiennes exerçant dans les locaux en cours de construction.
Par conclusions déposées le 7 mars 2023 et soutenues à l'audience, M. [R] [V] sollicite que la SCI Coppelia et la SCI Raymondia soient déboutées de l'intégralité de leurs demandes et soient condamnées aux dépens, dont distraction faite au profit de Maître Stéphane Darracq représentant la SCP Maateis.
Il fait valoir qu'il n'existe aucun moyen sérieux de réformation puisque l'existence d'une servitude à son profit a été reconnue dans le plan de reconnaissance des limites de propriété opposables aux demanderesses et qu'il lui est impossible d'utiliser le droit de passage pour atteindre son garage ce qui caractérise l'existence d'un trouble manifestement illicite du fait d'une construction empiétant sur l'assiette de la servitude. Il ajoute que les SCI ne rapportent pas la preuve de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision rendue alors qu'elles n'ont fait valoir aucune observation devant le premier juge sur l'exécution provisoire. Il précise que ne s'agissant pas d'un domicile les conséquences de la destruction ne peuvent être disproportionnées.
L'affaire a été mise en délibéré au 6 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Aux termes de l'article 514-1 du même code le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.
Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.
Par exception, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, qu'il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l'instance, qu'il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu'il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état.
Enfin, l'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En l'espèce, la décision dont appel est une ordonnance de référé, or l'instance en référé fait partie des cas prévus à l'alinéa 3 de l'article 514 du code de procédure civile dans lesquels le premier juge ne peut écarter l'exécution provisoire. Par conséquent il ne peut être reproché au demandeur de ne pas avoir fait valoir d'observations relatives à l'exécution provisoire devant le premier juge et les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 514-3 du code de procédure civile lui sont inapplicables.
Les conditions de son arrêt sont donc définies par l'alinéa 1er de l'article 514-3 du code de procédure civile et sont cumulatives, étant rappelé que le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatif et qu'il suppose la perspective d'un préjudice irréparable et d'une situation irréversible en cas d'infirmation.
En l'occurrence, s'agissant des moyens sérieux de réformation, l'examen des pièces produites aux débats permet de considérer que si le premier juge a pu estimer à juste titre que M. [R] [V] pouvait se prévaloir, non pas de l'existence d'une servitude de passage conventionnelle établie au profit de la parcelle AC [Cadastre 4] dont il est propriétaire, mais d'une servitude de passage liée à l'état d'enclave de cette parcelle, en revanche il ne pouvait être déduit du seul procès-verbal de reconnaissance des limites de propriétés et du plan associé en date du 16 octobre 2020 et du croquis de bornage du 29 mai 1976, que la construction de la SCI Coppelia empiétait sur l'assiette de ce passage dont la largeur, l'usage et la durée de l'usage découlaient des seules déclarations de M. [R] [V] et des propriétaires de la parcelle AC 71.
La SCI Coppelia et la SCI Raymondia démontrent donc l'existence d'un moyen sérieux de réformation du jugement dont appel.
Par ailleurs elles établissent par la production des baux professionnels consentis à trois orthophonistes en décembre 2022 que la démolition de la construction est de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives tenant à la nécessité de déplacer leur activité et au risque de perte d'exploitation dont la SCI Coppelia serait comptable, en sus du coût de la démolition et, le cas échéant, de reconstruction.
Il s'en déduit que l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance de référé du 7 novembre 2022, sera arrêtée.
Il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie supporte la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Ordonne l'arrêt de l'exécution provisoire résultant de l'ordonnance de référé du 7 novembre 2022 ;
Déboute la SCI Coppelia et la SCI Raymondia de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de référé.
La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et par Séverine ROMA, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente