COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 6 avril 2023
PRUD'HOMMES
N° RG 21/02681 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDFW
Monsieur [N] [C]
c/
S.A.S. LABORATOIRE AJC PHARMA
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 avril 2021 (R.G. n°F19/00146) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 07 mai 2021.
APPELANT :
[N] [C]
né le 18 Août 1965 à [Localité 3]
de nationalité Française
Profession : Sans emploi, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX
Assisté de Me LETANG, avocat au barreau de la CHARENTE, plaidant
INTIMÉE :
S.A.S. LABORATOIRE AJC PHARMA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège [Adresse 1]
Représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, postulant
Assistée de Me ETRIOUX de l'AARPI EDGAR avocats, avocat au barreau de PARIS, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE
M [N] [C] a été engagé le 7 janvier 1993 par la société Laboratoire Ajc Pharma, par un contrat à durée indéterminée, en qualité d'ouvrier qualifié, catégorie 3, coefficient 140.
La relation contractuelle était soumise à la convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire.
Le 19 février 2019, la société Laboratoire Ajc Pharma a notifié oralement à M. [C] une mise à pied à titre conservatoire, confirmée par lettre recommandée avec avis de réception du 22 février 2019.
M. [C] a été en arrêt de travail à compter du 20 février 2019 et prolongé jusqu'au au 15 mai 2019.
Le 25 février 2019, M. [C] a déposé plainte à l'encontre d'un collègue de travail pour discrimination à raison de l'orientation ou l'identité sexuelle.
Par courrier du 27 février 2019, la société Laboratoire Ajc Pharma a convoqué M. [C] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 6 mars 2019.
Le 11 mars 2019, M. [C] a été licencié pour cause réelle et sérieuse et dispensé d'effectuer son préavis.
Le 26 mars 2019, M. [C] a sollicité de la société Ajc Pharma des précisions sur les motifs de son licenciement.
Le 10 avril 2019, la société Laboratoire Ajc Pharma a adressé à M. [C] des précisions sur son licenciement.
Le 27 mai 2019, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême aux fins de :
- voir juger que la mise à pied à titre conservatoire est en réalité une mise à pied à titre disciplinaire,
- voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- voir condamner la société Laboratoire Ajc Pharma à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts,
A titre subsidiaire,
- voir juger que la société Laboratoire Ajc Pharma a failli à ses obligations de sécurité,
- la voir condamner à lui payer une somme en réparation de son préjudice moral,
- la voir condamner à lui payer une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- voir ordonner l'exécution provisoire.
Par demande reconventionnelle, la société Laboratoire Ajc Pharma a sollicité du conseil de prud'hommes qu'il condamne M. [C] au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 9 avril 2021, le conseil de prud'hommes d'Angoulême a, aprés avoir diligenté une mesure d'instruction en procédant à l'audition de plusieurs personnes au sein de l'entreprise Laboratoire Ajc Pharma :
- déclaré recevables les demandes de M. [C],
- dit que la société Laboratoire Ajc Pharma n'a pas respecté ses obligations de sécurité conformément aux articles L 1152-4, L 4121-1 et 2 du code du travail,
- condamné la société Laboratoire Ajc Pharma à verser à M. [C] les sommes suivantes:
- 10 000 euros au titre du non respect des obligations de sécurité et du préjudice moral subi,
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [C] notifié le 11 mars 2019 par la société Laboratoire Ajc Pharma,
- débouté M. [C] du surplus de ses demandes,
- débouté la société Laboratoire Ajc Pharma de ses demandes reconventionnelles,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, sur tout ce qui n'est pas de droit et sur ce qui pourrait excéder la limite maximum de 9 mois de salaire prévue par l'exécution provisoire de droit,
- mis la totalité des dépens à la charge de la partie défenderesse, prise en la personne de son représentant légal, ainsi que des éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire.
Par déclaration du 7 mai 2021, M. [C] a relevé appel du jugement dans ses dispositions qui le déboutent de ses demandes en requalification de la mise à pied et du licenciement, de sa demande en paiement de la somme de 42 439 euros à titre de dommages intérêts.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2023.
L'affaire a été fixée au 1er février 2023 pour être plaidée.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions en date du 13 décembre 2022, M. [C] sollicite de la Cour qu'elle:
- infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- jugé que la mise à pied prononcée oralement le 19 février 2019 et celle écrite du 21 février 2019 sont des mises à pied à titre conservatoire,
- jugé le licenciement de M. [C] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau,
- requalifie la mise à pied à titre conservatoire du 19 février 2019 en une mise à pied à titre disciplinaire,
- juge que le licenciement prononcé contre M. [C] le 11 mars 2019 est sans cause réelle et sérieuse,
- condamne la société Laboratoire Ajc Pharma à lui payer la somme de 42 439 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et financier subis du fait de ce licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes le 27 mai 2019,
A titre subsidiaire, si par impossible la Cour maintenait la qualification de mise à pied conservatoire,
- juge que le licenciement du 11 mars 2019 est sans cause réelle et sérieuse,
- condamne la société Laboratoire Ajc Pharma à lui payer la somme de 42 439 euros à titre de dommages et intérêts,
- assortisse la condamnation à intervenir des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes d'Angoulême,
- juge recevable l'appel incident de la société Laboratoire Ajc Pharma tendant à infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat,
Mais,
- déboute la société Laboratoire Ajc Pharma de ses demandes d'infirmation et confirme le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer 10 000 euros de dommages et intérêts à M. [C] sur le fondement de la violation de son obligation de sécurité et exécution défectueuse du contrat de travail,
- confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Laboratoire Ajc Pharma au titre de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoutant,
- condamne la société Laboratoire Ajc Pharma à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première d'instance et d'appel.
M [C] fait valoir en substance:
- contester formellement les motifs de son licenciement et n'avoir jamais menacé (de mort) des collègues et son supérieur hiérarchique,
- avoir dénoncé auprès de la directrice du site, du président de la société et de la déléguée du personnel, des faits de harcèlement et d'homophobie de ce supérieur à son encontre,
- que le service dans lequel il travaillait a été arrêté au mois de mars 2020 et que la société a fait l'économie d'un licenciement pour motif économique,
- son licenciement est infondé au vu de la violation de la règle 'non bis in idem' en raison de l'écoulement d'un délai de 8 jours entre la mise à pied et la convocation à l'entretien préalable de licenciement ce qui est contradictoire avec une mise à pied conservatoire et une éviction immédiate du salarié de l'entreprise,
- la société ne démontre pas avoir mené une enquête au sein de l'entreprise pendant ce délai de 8 jours,
- l'attestation de M. [Y] qui indique avoir été témoin de l'agression d'un collègue par le salarié est mensongère et la lettre de licenciement ne fait nullement référence à cette agression,
- salarié depuis 26 ans il n'a jamais été sanctionné et son licenciement est une sanction disproportionnée au vu de son ancienneté,
- l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et n'a pris aucune mesure nécessaire pour assurer sa sécurité et sa santé alors même que la société est soumise à un accord du 16 novembre 2011 relatif aux risques psychosociaux et à la santé physique.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 12 octobre 2021, la société Laboratoire Ajc Pharma sollicite de la Cour qu'elle :
- confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit n'y avoir lieu à requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et donc confirmé le licenciement de M. [C] notifié le 11 mars 2019 par la société Laboratoire Ajc Pharma,
- débouté M. [C] du surplus de ses demandes,
- infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré recevables les demandes de M. [C],
- dit que la société Laboratoire Ajc Pharma n'a pas respecté ses obligations de sécurité conformément aux articles L.1152-4, L.4121-1 et 2 du code du travail,
- condamné la société Laboratoire Ajc Pharma prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [C] la somme de :
*10 000 euros au titre du non respect des obligations de sécurité et du préjudice moral subi
*2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Laboratoire Ajc Pharma de ses demandes reconventionnelles,
- mis la totalité des dépens et éventuels frais d'huissier à la charge de la société Laboratoire Ajc Pharma,
Statuant à nouveau,
- juge que les demandes de M. [C] sont irrecevables,
- juge que la société Laboratoire Ajc Pharma n'a pas manqué à ses obligations de sécurité,
- déboute M. [C] de ses demandes de dommages et intérêts à ce titre,
- déboute M. [C] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [C] à verser à la société Laboratoire Ajc Pharma la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- déboute M. [C] du surplus de ses demandes.
La société Laboratoire Ajc Pharma fait valoir en substance que:
- les manquements professionnels commis par M [C] justifient son licenciement pour cause réelle et sérieuse, décision proportionnée aux manquements du salarié qui a proféré des menaces de mort devant témoins à l'égard de son responsable hierarchique,
- la plainte pour discrimination du salarié à l'égard de son collègue est postérieure à l'engagement de la procédure disciplinaire,
- les attestations versées par le salarié tout comme son arrêt de travail ne reposent que sur les déclarations de ce dernier et le médecin du travail n'a pas été saisi,
- le licenciement est étranger à tout fait de discrimination au sein de l'entreprise,
- le salarié était polyvalent et travaillait dans des ateliers divers, et n'a donc pas été licencié au vu de la suppression de l'un d'eux,
- le caractère conservatoire de la mise à pied est justifié et l'employeur conservait son pouvoir disciplinaire pour prononcer ou non un licenciement,
- l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité et n'était pas informé du fait qu'il subissait des insultes homophobes.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DECISION:
I-Sur la mise à pied du salarié
Aux termes de l'article L. 1332-1 du code du travail aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui.
L'article L.1332-3 du code du travail dispose que lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive, relative à ces faits, ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 du code du travail soit respectée, faisant ainsi référence à la convocation à l'entretien préalable de licenciement et à l'entretien préalable au licenciement du salarié.
Il résulte de ces textes que la loi autorise le recours à la mise à pied conservatoire lorsque les agissements du salarié la rendent indispensable.
La mise à pied conservatoire n'est pas, en elle même, une sanction mais une mesure de précaution tendant à écarter le salarié de l'entreprise, dans l'attente d'une décision concernant la sanction.
Il est constant que la mise à pied à titre conservatoire est une mesure provisoire de dispense de travail en cours de procédure de licenciement.
Pour conserver son caractère conservatoire, cette mise à pied doit être immédiatement suivie du lancement de la procédure de licenciement.
Si un délai trop long s'écoule entre la mise à pied et l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, celle- ci sera alors qualifiée de sanction disciplinaire sauf si ce temps d'attente est indispensable au vu des circonstances.
Sauf circonstance le justifiant la mise à pied conservatoire doit pour conserver son caractère conservatoire être suivie immédiatement du lancement de la procédure disciplinaire.
La mise à pied disciplinaire doit être distinguée de la mise à pied conservatoire de l'article L. 1332-3 du code du travail.
La mise à pied disciplinaire est une mesure de suspension temporaire du contrat de travail et constitue la sanction définitive d'un agissement fautif.
Il est constant que la mention expresse de mise à pied conservatoire et la qualification donnée par l'employeur à la mise à pied notifiée à son salarié, ne sont pas suffisantes pour écarter la qualification de mise à pied disciplinaire.
En l'espèce, il est admis, dans les dernières écritures de la société Laboratoire Ajc Pharma, que cette dernière a notifié oralement, le 19 février 2019, à M. [C], une mise à pied à titre conservatoire, confirmée par lettre recommandée en date du 21 février 2019, avec avis de réception du 22 février 2019.
Le courrier en date du 21 février 2019 confirmant cette mise à pied, qualifiée de conservatoire par l'employeur, indiquait:
'Nous avons l'intention de prendre à votre encontre une sanction disciplinaire pour laquelle vous allez être convoqué à un entretien préalable.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions, par la présente lettre, votre mise à pied conservatoire avec effet immédiat dans l'attente de l'issue de la procédure engagée.'
Par courrier recommandé en date du 27 février 2019 la société convoquait le salarié à un entretien le 6 mars 2019 lui indiquant envisager de prendre à son encontre une sanction disciplinaire en raison de son comportement , de ses propos, de ses menaces, le 14 février 2019 vis- à- vis de son responsable de production.
Par courrier recommandé en date du 11 mars 2019 la société notifiait au salarié un licenciement pour faute sérieuse au motif qu'il n'aurait eu de cesse de provoquer son responsable de service, qu'il aurait proféré des menaces de mort indirectes à son égard les 14 et 19 février 2019 et que le 19 février il aurait quitté son poste de travail pour traiter à plusieurs reprises son chef de service de 'pauvre menteur'.
La cour relève que le délai entre la notification orale de la mise à pied conservatoire du salarié le 19 février 2019 et sa convocation à l'entretien préalable par courrier en date du 27 février 2019 est de 8 jours et que le délai entre la notification écrite de la mise à pied conservatoire par courrier en date du 21 février 2019 et sa convocation à un entretien préalable par courrier en date du 27 février 2019 est de 6 jours.
La cour observe, par ailleurs, que M. [C] avait alerté dés le 9 janvier 2019, Mme [K], directrice du site, du harcèlement dont il faisait l'objet par son chef de service et qu'il avait réitéré ces dénonciations de harcèlement et d'homophobie de la part de son chef de service, le 14 janvier 2019 auprès de Mme [T], déléguée du personnel, et le 12 janvier 2019, auprès du Président directeur Général de l'entreprise en déplacement sur le site.
Il ne résulte d'aucun des éléments du dossier que l'employeur a, durant le délai qui s'est écoulé entre la notification de la mise à pied litigieuse et la convocation à l'entretien préalable, a minima de 6 jours, diligenté des investigations afin compte-tenu des doléances reçues du salarié le 9 janvier 2019 de s'assurer du caractère effectivement fautif des faits reprochés, l'entretien du 12 janvier 2019 avec le président directeur général de la société n'y suppléant pas, ce dont il convient de déduire que la mise à pied dite à titre conservatoire est une mise à pied disciplinaire.
La mise à pied de M. [C] était une mesure de suspension temporaire de son contrat de travail et constituait la sanction définitive d'un agissement fautif, en l'espèce, les motifs de son licenciement, à savoir son comportement à l'encontre de son chef de service, sans que la cour ait à se prononcer sur la sa pertinence de cette sanction disciplinaire.
II-Sur les conséquences de la mise à pied disciplinaire du salarié
La mise à pied disciplinaire est une mesure de suspension temporaire du contrat de travail et constitue la sanction définitive d'un agissement fautif.
Il est constant qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction et qu'un cumul de sanction pour des faits identiques est interdit.
En effet, l'employeur qui sanctionne un salarié pour une faute commise par celui-ci épuise son pouvoir disciplinaire au regard de cette faute et un licenciement prononcé ensuite pour les mêmes faits fautifs est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, M. [C], a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire le 19 février 2019 en lien avec son comportement et les propos proférés à l'encontre de son chef de service le 14 janvier 2019 et le 19 février 2019.
Il résulte de la lettre du 11 mars 2019, qui fonde le licenciement, que l'employeur a décidé de rompre le contrat de travail de M. [C] en raison de son attitude envers son chef de service, singulièrement le 14 janvier 2019 et le 19 février 2019.
La cour retient que la société avait déjà sanctionné le salarié en lui notifiant une mise à pied qui était disciplinaire et qu'il n'est pas contestable qu'il a été licencié pour les mêmes motifs.
Il résulte de ces éléments que l'employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire, le licenciement de M [C] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
III-Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Au vu des circonstances de l'espèce, M. [C] a indiqué dans ses dernières écritures ne pas souhaiter être réintégré dans la société.
Des dommages-intérêts sont dus dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L'article L.1235-3 du code du travail fixe un montant minimum et maximum des dommages-intérêts que le juge peut accorder au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse et qui n'est pas réintégré dans l'entreprise.
M. [C] a une ancienneté de plus de 26 ans au sein de la société au jour du licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.
Il peut prétendre à des dommages-intérets de 18,5 mois de salaire brut.
Il justifie d'un salaire moyen au jour du licenciement de 2 294,05 euros.
Sur la base de son salaire brut, il convient d'allouer à M. [C] la somme de
15. 000 euros qui réparera justement le préjudice qu'il a subi, compte tenu de son salaire, de son âge et de son ancienneté. En conséquence il y a lieu de réformer le jugement entrepris sur ce point.
IV-Sur l'obligation de sécurité de l'employeur
L'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dont il lui appartient d'assurer l'effectivité. Cette obligation lui impose de prendre toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, mais également toutes les mesures propres à faire cesser les agissements mettant en péril la santé ou la sécurité des salariés.
En l'espèce, l'employeur a manqué à ces obligations dès lors :
- que Mme [K], directrice du site a été informée notamment au mois janvier et au mois de février 2019 par M. [C] de ses mauvaises conditions de travail et de son mal être. Il dénonçait êtrevictime de harcèlement et subir des propos homophobes de la part de son chef de service.Nonobstant ces échanges, l'employeur n'a procédé à aucune investigation pour vérifier la réalité des faits dénoncés par le salarié,
- qu'informé lors d'un échange personnel avec le salarié, durant un déplacement sur site le 12 janvier 2019, le PDG de l'entreprise n'a pas mis en oeuvre des mesures ou toute investigation, estimant, selon les explications fournies aux conseillers prudhommaux dans le cadre de leur enquête, que ce n'était pas son rôle de se mêler de la vie de l'entreprise et affirmant éviter au maximum d'intervenir au quotidien dans les problèmes des ressources humaines au motif que les sujets internes étaient à régler par la hiérarchie locale,
- qu'il ne justifie pas avoir mis en place une organisation plus adaptée pour tenir compte des conditions de travail dégradées dénoncées et du mal être exprimé par M. [C], salarié depuis de nombreuses années et dont le PDG lui même dira lors de l'enquête des premiers juges 'Je connaissais bien Monsieur [C] et jusqu'alors je n'avais jamais entendu des réflexions sur son comportement. Jamais il ne m'avait interpellé avant.'
La cour, relevant que l'employeur a manqué à son obligation de loyauté et de sécurité, ne pourra que confirmer sur ce point le jugement déféré et confirmer la somme allouée de 10 000 euros par les premiers juges, en réparation du préjudice moral qui en est résulté pour le salarié.
V-Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société société Laboratoire Ajc Pharma, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et les dépens d'appel, au paiement desquels elle sera condamnée, le jugement déféré étant confirmé.
Le jugement déféré sera confirmé sur la somme allouée à M. [C] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de ne pas laisser à M. [C] la charge des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société Laboratoire Ajc Pharma sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris dans ses dispositions qui condamnent la société Laboratoire Ajc Pharma à verser à M. [C] la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice qui est résulté des manquements à l'obligation de sécurité et la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile et qui déboutent la société Laboratoire Ajc Pharma de ses demandes reconventionnelles et met la totalité des dépens à sa charge
INFIRME pour le surplus le jugement entrepris,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
REQUALIFIE la mise à pied conservatoire de M. [C] en une mise à pied disciplinaire,
DIT que le licenciement de M [C] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Laboratoire Ajc Pharma à verser à M. [C] la somme de 15. 000 euros à titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DIT que la somme allouée à titre de dommages-intérêts portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,
CONDAMNE la société Laboratoire Ajc Pharma à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la société Laboratoire Ajc Pharma aux dépens d'appel.
Signé par madame Marie-Paule Menu, présidente, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps MP. Menu