La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/04/2023 | FRANCE | N°19/04238

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 06 avril 2023, 19/04238


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 06 AVRIL 2023





F N° RG 19/04238 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LFB6







SARL BELSITO





c/



Société RCR ARTOTEC ARCHITECTES



























Nature de la décision : AU FOND
























r>



Grosse délivrée le :



aux avocats





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 juillet 2019 (R.G. 18/07241) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX - 7ème chambre civile -suivant déclaration d'appel du 25 juillet 2019



APPELANTE :



SARL BELSITO

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 06 AVRIL 2023

F N° RG 19/04238 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LFB6

SARL BELSITO

c/

Société RCR ARTOTEC ARCHITECTES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 juillet 2019 (R.G. 18/07241) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX - 7ème chambre civile -suivant déclaration d'appel du 25 juillet 2019

APPELANTE :

SARL BELSITO

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

Représentée par Me Adrien REYNET, de la SCP JOLY ' CUTURI ' WOJAS ' REYNET DYNAMIS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS RCR ARTOTEC ARCHITECTES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne-Sophie LOURME, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Clara DEBOT

Greffier lors du prononcé : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Preste Constructeur, aux droits de laquelle vient la société à responsabilité limitée Belsito (la S.A.R.L. Belsito), et la société par actions simplifiées RCR Artotec Architectes Associés (la SAS RCR Artotec Architectes Associés) ont signé le 4 mars 2014 un contrat de maîtrise d'oeuvre avec mission complète dans le cadre de la réalisation d'un établissement recevant du public sur un terrain appartenant à la commune de [Localité 4], dit '[Adresse 3]'.

La demande de permis de construire déposée le 07 janvier 2016 a été refusée par arrêté municipal du 03 juin 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er février 2017 adressée à la SAS RCR Artotec Architectes Associés, la S.A.R.L. Belsito s'est prévalue de la clause D9 'résiliation' du contrat de maîtrise d'oeuvre aux termes de laquelle 'Le présent contrat pourra être résilié de part et d'autre en cas d'inexécution par l'une des parties des dispositions du présent contrat, à charge par celle qui demande la résiliation d'en informer un mois auparavant l'autre par lettre recommandée avec demande d'avis de réception'.

Dans son courrier en réponse du 24 février 2017, l'architecte a fait part de sa position en exposant qu'un refus de permis de construire ne peut s'analyser en une inexécution contractuelle tout en indiquant ne pas être opposé à voir le contrat résilié pour autant que le maître d'ouvrage renonce à tout recours ultérieur.

La société Preste Constructeur a alors saisi le 22 mai 2017 le juge des référés afin de constater l'inexécution par la SAS RCR Artotec Architectes Associés des dispositions du contrat de maîtrise d'oeuvre et d'en prononcer en conséquence la résiliation.

Aux termes d'un protocole d'accord transactionnel signé le 03 octobre 2017, les sociétés Belsito et Artotec se sont accordées sur la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre.

Par assignation du 03 août 2018, la S.A.R.L. Belsito a saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux afin d'obtenir la condamnation de l'architecte à lui verser notamment la somme de 119 694,35 euros en indemnisation de son préjudice matériel.

Le jugement rendu le 02 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- débouté la S.A.R.L. Belsito de l'ensemble de ses demandes,

- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,

- condamné la S.A.R.L. Belsito aux dépens,

- rejeté plus amples demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La S.A.R.L. Belsito a relevé appel de cette décision le 25 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2023, la S.A.R.L. Belsito réclame l'entière infirmation du jugement de première instance et demande à la cour sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil :

- de débouter la société Artotec de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la société Artotec au paiement :

- de la somme de 119 694,35 euros en indemnisation de son préjudice matériel,

- de la somme de 13 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- des entiers dépens.

Suivant ses dernières conclusions notifiées le 08 février 2023, la SAS RCR Artotec Architectes demande à la cour, sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, de :

- déclarer mal fondé l'appel de la S.A.R.L. Belsito,

- confirmer par conséquent la décision déférée en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

- condamner la S.A.R.L. Belsito au paiement d'une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens d'appel et de première instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.

MOTIVATION

Sur la responsabilité de la SAS RCR Artotec Architectes

Aux termes des dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Les moyens développés par chacune des parties dans leurs écritures respectives sur l'éventuelle qualité de professionnelle de l'appelante sont sans incidence sur les obligations qui pèsent sur un architecte auquel a été confiée une mission complète de maîtrise d'oeuvre. Il sera surabondamment ajouté que l'appelante doit être considérée comme étant professionnelle du domaine de la promotion immobilière mais non professionnelle dans celui de la construction.

L'architecte chargé de la conception du projet et du dépôt de la demande de permis de construire est tenu à un devoir d'information, de conseil mais également d'assistance du maître d'ouvrage. Il doit respecter l'ensemble des règles d'urbanismes applicables au projet.

La demande de permis de construire déposée le 07 janvier 2016 a été refusée par arrêté du 03 juin 206 pour les raisons suivantes :

- non conformité du stationnement et insuffisance du nombre de places,

- non respect de l'article 12 de la zone UPm2 du PLU,

- absence de production d'un document attestant l'accord de la mairie pour la création de 9 places sur le parking de la médiathèque,

- non conservation du respect impératif de l'accès [Adresse 5].

En ce qui concerne le nombre de places de stationnement

L'un des motifs de refus du permis de construire réside dans l'absence de production d'un document attestant l'accord de la mairie pour la création de 9 places sur le parking de la médiathèque.

Cette pièce est une convention de prêt à usage conclue précédemment entre la S.A.R.L. Belsito et la Mairie de [Localité 4] portant sur la création de 9 places de parking de la médiathèque de la commune, opération s'inscrivant dans une volonté de mutualiser les emplacements de stationnement.

La SAS RCR Artotec Architectes soutient qu'il appartenait exclusivement au maître d'ouvrage d'adresser ce document aux services de l'urbanisme chargés de l'étude de la demande de permis de construire de sorte qu'elle estime n'avoir commis aucune faute.

Cette affirmation est contestée à raison par l'appelante car l'instruction de la demande de permis et son dépôt ressortent des attributions confiées à l'architecte en application de l'article B.3.2 du contrat. Le maître d'ouvrage lui a d'ailleurs préalablement adressé cette pièce en pièce-jointe d'un courriel du 28 mai 2015 dans l'unique but que celui-ci l'intègre au dossier devant être remis à l'autorité administrative.

Au regard de la spécificité du projet, le nombre de places de stationnement, en l'occurrence 9 + 9, constituait un élément important prévu au PLU de [Localité 4] qu'il convenait de ne pas négliger.

L'affirmation de la SAS RCR Artotec Architectes selon laquelle un recours administratif viendrait infirmer le motif de refus opposé par les services de la commune est sans incidence sur sa carence dans la constitution d'un dossier complet. Elle a commis en conséquence une faute dans l'exécution de sa mission qui est partiellement à l'origine du refus de délivrance du permis de construire.

En ce qui concerne l'accès [Adresse 5]

La S.A.R.L. Belsito reproche à l'architecte d'avoir présenté sa demande en omettant de tenir compte de la volonté des autorités administratives de maintenir un accès [Adresse 5].

La SAS RCR Artotec Architectes répond à raison que cette préconisation ne ressort pas des exigences figurant au PLU de [Localité 4].

Certes, l'architecte avait été informé dès le 08 mars 2006 que, lors d'une réunion au pôle territorial de [Localité 4] à laquelle elle a participé, il avait été clairement indiqué que l'accès existant [Adresse 5] faisait partie d'un plateau d'organisation des différentes voiries, réseaux et besoins, de sorte 'qu'il ne pourra être modifié en aucune façon'. De même, il avait reçu le 07 avril 2016 un courrier de la part du maître d'ouvrage dans lequel il lui précisait de confirmer 'que l'accès que vous avez prévu dans la demande de permis de construire est conforme à l'impératif ' (visé ci-dessus).

Cependant, ces éléments sont intervenus postérieurement à la date à laquelle la SAS RCR Artotec Architectes a déposé le permis de construire.

Les plans déposés par l'architecte en vue de l'obtention de l'autorisation administrative

démontrent que l'accès initial [Adresse 5] a été simplement déplacé.

Comme l'affirme la SAS RCR Artotec Architectes, aucun document ne démontre que l'exigence des services de l'urbanisme de la commune relative au maintien de l'accès existant avait été identifiée et connue durant la période précédent la date du dépôt du permis de construire.

Cependant, l'architecte, à la suite de la réunion précitée du 08 mars 2016, a adressé le 03 mai suivant un courrier à sa cliente dans lequel elle lui indiquait 'avoir fait les actions nécessaires afin de récolter l'ensemble des éléments permettant de répondre aux questions posées, sans pour autant retarder l'instruction de la demande'. Y étaient jointes un certain nombre de documents et plans qu'elle ne produit cependant pas dans le cadre de la présente instance, ne pouvant reprocher cette carence à son adversaire.

Une fois encore, l'affirmation de l'intimée selon laquelle le refus de délivrance du permis de construire serait annulé par une décision administrative n'est, d'une part, pas démontrée et d'autre part est sans incidence sur les éléments relevés ci-dessus.

Ainsi, la SAS RCR Artotec Architectes ne justifie pas avoir pris en considération les exigences des services de l'urbanisme de la commune en leur adressant durant la période d'examen de la demande de permis de construire un projet modifié permettant de restaurer l'accès initial implanté [Adresse 5]. Elle s'est donc montrée défaillante dans l'exécution de sa mission. Sa responsabilité contractuelle est donc engagée de sorte que le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les préjudices

La résiliation du contrat d'architecte a fait l'objet d'un accord transactionnel intervenu entre les parties.

L'alinéa 2 de l'article 2 de ce protocole stipule que 'les parties se réservent le droit d'agir en responsabilité l'une à l'encontre de l'autre concernant les modalités et conditions d'exécution effective du contrat et les conséquences de la résiliation'. L'article 4 actait la volonté de la S.A.R.L. Belsito de se désister de son instance initiée devant le juge des référés.

Le tribunal a rejeté les demandes indemnitaires présentées par la S.A.R.L. Belsito en estimant que celle-ci ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice.

Cependant, les manquements commis par l'architecte dans l'exécution de sa mission peuvent être qualifiés de graves dans la mesure où :

- le permis de construire a été refusé ;

- l'appelante justifie ne plus être en mesure de proposer de nouveau le projet de construction immobilière compte-tenu notamment, mais pas uniquement, de la modification du PLU applicable intervenue en fin d'année 2016.

Ces éléments motivent sa condamnation à rembourser au maître d'ouvrage les honoraires perçus, soit la somme totale de 61 236,81 euros.

Le préjudice de la S.A.R.L. Belsito est également constitué par les nombreux frais devenus inutiles qui devaient être nécessairement engagés, compte-tenu de sa complexité, pour permettre l'aboutissement du projet immobilier, s'agissant de la rémunération d'un avocat spécialisé pour l'assister lors des divers réunions, de géomètres, du coût d'études spécifiques, d'établissement de la notice de sécurité et d'assistance.

Ces montants, non contestés dans leur quantum par la SAS RCR Artotec Architectes, représentent la somme de 58 457,54 euros.

En définitive, le préjudice total de la S.A.R.L. Belsito est de 119 694,35 euros. La SAS RCR Artotec Architectes sera donc condamnée au paiement de ce montant de sorte que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Si la décision de première instance doit être confirmée, il y a lieu en cause d'appel de mettre à la charge de la SAS RCR Artotec Architectes le versement au profit de la S.A.R.L. Belsito d'une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement rendu le 02 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a rejeté la demande présentée par la société à responsabilité limitée Belsito au titre de l'indemnisation de son préjudice résultant des fautes commises par la société par actions simplifiées RCR Artotec Architectes dans l'exécution du contrat d'architecte ;

et, statuant à nouveau dans cette limite :

- Condamne la société par actions simplifiées RCR Artotec Architectes à verser à la société à responsabilité limitée Belsito la somme de 119 694,35 euros ;

- Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ;

- Condamne la société par actions simplifiées RCR Artotec Architectes à verser à la société à responsabilité limitée Belsito la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;

- Condamne la société par actions simplifiées RCR Artotec Architectes au paiement des dépens d'appel.

La présente décision a été signée par Madame Paule POIREL, présidente, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/04238
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;19.04238 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award