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05/04/2023 | FRANCE | N°20/04181

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 avril 2023, 20/04181


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/04181 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LYNI



















Association ADAPEI



c/



Madame [O] [Y]

















Nature de la décision : AU FOND


















>Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 octobre 2020 (R.G. n°F 19/00504) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 03 novembre 2020,





APPELANTE :

Association ADAPEI, agissant en la personne de son représent...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/04181 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LYNI

Association ADAPEI

c/

Madame [O] [Y]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 octobre 2020 (R.G. n°F 19/00504) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 03 novembre 2020,

APPELANTE :

Association ADAPEI, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

représentée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Henri BOUEIL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [O] [Y]

née le 30 Mars 1971 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Caroline DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bénédicte Lamarque, conseillère, chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Bénédicte Lamarque, conseiller

Greffier lors des débats : Séverine Roma

Greffier lors du prononcé : A.-Marie Lacour-Rivière

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [O] [Y], née en 1971, a été engagée en qualité d'aide médico- psychologique (AMP) par l'association ADAPEI, par contrat de travail à durée déterminée à compter du 23 décembre 2011.

Elle était affectée à la Maison d'Accueil Spécialisée (MAS) de [Localité 3].

Les parties ont conclu par la suite de nombreux contrats à durée déterminée par lesquels Mme [Y] était affectée sur ce même établissement.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

En octobre 2015, décembre 2016, février 2017 et septembre 2018, Mme [Y] a adressé plusieurs courriers de candidature pour être recrutée en tant qu'AMP dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Mme [Y] n'obtenant aucune réponse à ses candidatures, son conseil a sollicité l'association par courrier recommandé en date du 1er octobre 2018, faisant suite à une libération de poste prévue en fin d'année 2018.

L'association n'a pas répondu à ce courrier.

Le dernier contrat à durée déterminée de Mme [Y] a pris fin le 30 novembre 2018.

Demandant la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat outre des dommages et intérêts pour exécution déloyale, Mme [Y] a saisi le 2 avril 2019 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 16 octobre 2020, a :

- requalifié les contrats de travail à durée déterminée de Mme [Y] en un contrat de travail à durée indéterminée sur la période du 23 décembre 2011 au 30 novembre 2018,

- jugé que la rupture contractuelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'ADAPEI à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :

* 2.100 euros à titre d'indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée,

* 4.132,68 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 413,27 euros bruts au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

* 7.232,19 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 8.300 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 6.200 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 800 euros à titre d'indemnité sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, conformément à l'article R.1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers, la moyenne étant de 2.272,98 euros,

- débouté l'ADAPEI de sa demande indemnitaire reconventionnelle,

- condamné l'ADAPEI aux dépens et aux frais éventuels d'exécution.

Par déclaration du 3 novembre 2020, l'ADAPEI a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 mai 2021, l'association ADAPEI demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de déclarer Mme [Y] recevable mais mal fondée en son appel incident, et faisant droit à l'appel de l'association, de débouter Mme [Y] de son appel incident et de réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions contestées,

Statuant à nouveau,

- dire Mme [Y] mal fondée en toutes ses demandes,

- la débouter en conséquence de toutes ses demandes,

- la condamner à lui verser la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre le paiement des dépens et éventuels frais d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 janvier 2023, Mme [Y] demande à la cour de':

- requalifier ses contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée,

- dire que l'association ADAPEI s'est rendue coupable d'une exécution déloyale du contrat de travail en refusant en cours d'emploi de l'embaucher aux postes d'AMP qui étaient disponibles et pour lesquels elle avait fait acte de candidature,

- dire qu'elle a fait l'objet d'une rupture abusive de son contrat de travail le 30 novembre 2018,

En conséquence,

- confirmer en son principe le jugement déféré et le confirmer également en ce qu'il a condamné l'association ADAPEI au versement d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Faisant droit à l'appel incident de Mme [Y] sur le quantum des condamnations,

- condamner l'association au versement des sommes suivantes :

* 15.910,79 euros (2.272, 97 x 7) à titre d'indemnité de requalification de contrat de travail (article L.1245-2 du code du travail),

* 4.545,94 euros (2.272,97 x 2) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 454,59 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés au prorata,

* 7.955,39 euros [(2272,97/2) x 7 + (2272,97/2)/12] à titre d'indemnité de licenciement (1/2 mois par an en application de la convention collective, jusqu'au terme du préavis),

* 22.729,70 euros (2.272,97 x 10) à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (10 mois par application de l'article L.1235-3 du code du travail),

* 6.818,91 euros (3 x 2.272,97) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile relativement aux frais exposés en cause d'appel outre les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

*

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Mme [Y] soutient avoir assuré un poste permanent d'aide médico-psychologique au sein de l'association pendant 6 ans et 11 mois par le renouvellement des contrats à durée déterminée depuis le 23 décembre 2011 jusqu'au 30 novembre 2018.

Afin de démontrer qu'elle a pourvu un poste permanent d'aide soignante, elle se fonde sur :

- le nombre de contrats de travail à durée déterminée signés (466) pour occuper le même poste en 6 ans et 11 mois,

- l'absence de motifs légaux dans les contrats à durée déterminée,

- le non respect de la mention de la date du terme et de la clause de renouvellement quand il comporte un terme précis,

- le renouvellement pour une période supérieure à 18 mois et dans tous les cas supérieur à deux renouvellements, la loi ne prévoyant pas de dérogation à la durée maximale de 18 mois en cas de remplacement d'un salarié absent, sauf s'il s'agit du remplacement du même salarié dont l'absence se prolonge,

- le non respect des dispositions relatives au délai de carence entre les contrats sans que l'association justifie qu'elle se trouvait dans une situation dérogatoire à la règle de carence puisqu'il ne s'agissait pas de remplacer le même salarié absent,

- le non respect de la note de service du 24 mai 2018 dans laquelle l'employeur s'est engagé à limiter les contrats de travail à durée déterminée à deux années et que tous les salariés sous contrat de travail à durée déterminée avec plus de 6 mois d'ancienneté devaient être reçus par la direction de l'établissement pour établir par écrit le projet professionnel et analyser les perspectives d'évolution,

- son absence de diplôme pour occuper ce poste, s'étant formée en cours d'emploi pour obtenir son diplôme d'AMP le 31 mars 2015,

- sa disponibilité et son investissement dans ses fonctions,

- ses candidatures pour des postes de contrat à durée indéterminée d'AMP dès qu'elle en avait connaissance, toutes refusées sans la moindre explication, alors qu'elle occupait déjà le poste en interne depuis plusieurs années et qu'elle donnait entièremnet satisfaction, et pour la dernière fois le 7 septembre 2018 sur un poste à la MAS de [Localité 3], établissement dans lequel elle travaillait depuis 2011, sans que l'association lui réponde.

L'association rappelle que la Cour de cassation a exclu la durée maximale de 18 mois pour la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat vise au remplacement d'un salarié absent.

Elle soutient qu'ayant un effectif important, elle devait nécessairement procéder fréquemment à des remplacements, si bien que le recours récurrent à des contrats de travail à durée déterminée de remplacement ne signifie pas pour autant qu'il y avait besoin d'un poste permanent que Mme [Y] aurait de fait occupé.

Par ailleurs, se fondant sur l'article L. 1244-1 du code du travail, en cas de contrat de travail à durée déterminée de remplacement d'un salarié absent, elle soutient que le délai de carence ne s'appliquerait pas.

Elle rappelle enfin que des négociations étaient en cours afin de limiter le recours aux contrats de travail à durée déterminée, mais n'avaient pas encore abouti, ne permettant pas à Mme [Y] d'en invoquer l'application.

***

Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figure notamment le remplacement d'un salarié (1°).

Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

L'article L. 1242-8 dans sa version applicable à la date des faits, devenu L. 1243-13 du code du travail pour les contrats signés à compter du 24 septembre 2017, précise qu'une convention ou un accord de branche étendu peut fixer la durée totale du contrat de travail à durée déterminée. Cette durée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Selon l'article L. 1243-12 du même code, (devenu L. 1243-3-1 à partir du 24 septembre 2017), le contrat de travail à durée déterminée est renouvelable deux fois pour une durée déterminée et ne peut excéder la durée prévu à l'article L. 1242-8, durée portée à 18 mois à partir du 24 septembre 2017 et à défaut de stipulation conventionnelle plus favorable.

La convention collective applicable rappelle en son article 14, le caractère nécessairement temporaire du contrat de travail à durée déterminée pour remplacer un salarié absent.

En l'espèce, Mme [Y] a conclu 466 contrats à durée déterminée entre décembre 2011 et novembre 2018 pour le remplacement de salariés nommément désignés, absents pour des motifs variés allant de congés maladie, congés payés, congés maternité ou congés formation et arrêt de travail.

Les contrats se sont succédés sur une durée parfois d'une journée ou deux et au maximum sur une durée de 4 semaines, sur un poste d'AMP et toujours au sein de la MAS de [Localité 3], de sorte qu'aucun de ces contrats n'a été conclu pour une période supérieure à 18 mois ni successivement pour le même motif ou le remplacement du même salarié, le délai de carence ne pouvant s'appliquer entre chacun de ces contrats autonomes.

Si certains contrats de travail à durée déterminée ont été conclus sans comporter de terme précis alors que Mme [Y] remplaçait une salariée en congé ou en formation (période du 7 juillet 2014, 8 juillet 2014, 11 juillet 2014 par exemple), ces contrats comportent une durée minimale, répondant ainsi aux conditions prévues par le code du travail.

En revanche le contrat conclu pour la journée du 1er janvier 2015 ne porte pas mention du nom du salarié absent 'pour récupération de férié' que Mme [Y] devait remplacer.

Il est par ailleurs établi qu'à l'occasion de ces divers contrats, Mme [Y] a toujours occupé le même emploi d'aide médico-psychologique, s'étant d'ailleurs formée et ayant obtenu le diplôme en 2015.

Mme [Y] a ainsi effectué sur la MAS de [Localité 3] un nombre d'heures cumulées :

- de 1.280, heures sur l'année 2012, auxquelles il faut ajouter les heures de décembre effectuées sur 17 jours de travail d'après les contrats de travail, le bulletin de décembre 2012 n'étant pas produit,

- de 1.250,50 heures sur l'année 2013,

- de 821 heures de mai à décembre 2014, ayant effectué une formation à la MFR de Libourne pour obtenir le diplôme d'AMP,

- de 1.449,30 heures sur l'année 2015,

- de 1.598,75 heures sur l'année 2016,

- de 1.7 30,50 heures sur l'année 2017

- de 1.570,25 heures sur 1er janvier au 30 novembre 2018,

En dehors de l'année 2014, les contrats de Mme [Y] ont tous été successifs, démontrant ainsi sa disponibilité auprès de l'établissement pour s'adapter aux planning proposés et un besoin permanent de l'employeur de pourvoir à des remplacements, compte tenu de ses effectifs.

Des pièces et explications précédentes, il ressort les éléments suivants :

- la multiplicité des contrats à durée déterminée sur un même emploi et pour des tâches identiques pendant plus de six ans,

- le cumul de 466 contrats de travail à durée déterminée tous pour des remplacements de salariés absents sur de courtes périodes, dont un contrat n'était pas valide en ce qu'il ne comportait pas le nom du salarié à remplacer,

- la disponibilité de Mme [Y] pour enchaîner les contrats à durée déterminée sur des périodes successives pendants six années, n'ayant pas exercé sur un autre établissement,

- un nombre d'heures cumulées en fin d'année rapprochant sa présence de celle d'un salarié embauché à temps plein, voire l'exédant pour l'année 2017.

Il s'en déduit pour l'association un besoin constant de remplacement de personnel ou de renfort de celui-ci et que le recours au contrat à durée déterminée avait en réalité pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'association.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a accueilli la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à compter du 23 décembre 2011.

Sur la rupture de la relation contractuelle

Aux termes de l'article  L. 1231-1 du code du travail le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.

Le dernier contrat a durée déterminée a été conclu pour la période du 1er au 30 novembre 2018 pour remplacer temporairement une salariée habituellement employée comme aide médico-psychologique 'nuit' pendant son absence pour maladie.

Mme [Y] a candidaté pour le poste d'aide médico-psychologique à la MAS de [Localité 3] devant se libérer en fin d'année 2018 par courrier du 7 septembre 2018. Le conseil de Mme [Y] a réitéré cette candidature le 1er octobre 2018 par courrier recommandé.

L'association n'a pas répondu à Mme [Y] ni à son conseil mais à partir du 30 novembre 2018, dernier jour travaillé au sein du foyer, l'association n'a plus eu recours à Mme [Y] et ce, sans aucun motif.

La rupture du contrat de travail à durée déterminée requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, survenue par la seule arrivée du terme initialement prévu du dernier contrat et en l'absence de toute volonté de la salariée de mettre fin à la relation contractuelle, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse emportant, outre le paiement des indemnités de licenciement et de préavis, le droit à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes financières

Mme [Y] sollicite la rectification de l'erreur des premiers juges en ce qu'ils ont fixé sa rémunération de référence à 2.066,97 euros au lieu de 2.272,98 euros (moyenne des trois derniers mois) et sollicite en conséquence la réformation de la décision sur les montants alloués.

La société s'y oppose, constatant que les premiers juges ont jugé surestimés les préjudices prétendument subis par Mme [Y].

- sur le salaire de référence, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement

Au vu des bulletins de paie, il convient de fixer le salaire de référence de Mme [Y] à la somme de 2.272,98 euros correspondant à la rémunération moyenne brute des trois derniers mois.

Conformément à l'article 17 de la convention collective applicable en l'espèce, l'indemnité compensatrice de préavis de 2 mois sera fixée à la somme de 4.545,94 euros outre les congés payés y afférents à hauteur de 454,59 euros.

Mme [Y] avait une ancienneté de 7 ans et 1 mois, le contrat de travail à durée indéterminée ainsi requalifié ayant pris fin à la date du 30 janvier 2019, à l'issue du préavis. L'indemnité conventionnelle de licenciement, telle que prévue par l'article sera fixée à la somme de 7.955,39 euros.

- sur l'indemnité pour licenciement abusif

Mme [Y] justifie n'avoir retrouvé que des emplois via des contrats de travail à durée déterminée après une période de chômage de décembre 2018 à octobre 2019. Ayant retrouvé un emploi après une période de 11 mois, elle a perdu environ 1.100 euros par mois par rapport à la rémunération qu'elle percevait au sein de l'association.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Mme [Y] peut prétendre à une indemnisation comprise entre 3 et 8 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [Y], de son âge au moment du licenciement (47 ans), de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il convient de fixer à 15.000 euros la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par Mme [Y] à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera en outre ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités.

- sur l'indemnité de requalification du contrat de travail

Conformément à l'article L. 1245-2 du code de travail et au regard de la durée de la relation contractuelle, il sera alloué une indemnité de requalification de 3.500 euros.

Le jugement déféré sera infirmé des chefs des demandes financières.

Sur l'exécution déloyale du contrat

Pour voir l'association condamnée à lui verser la somme de 6.818,91 euros correspondant à 3 mois de salaire, au titre d'un défaut de loyauté dans l'exécution du contrat de travail, Mme [Y] soutient qu'elle n'a pas été engagée en contrat à durée indéterminée alors que des postes pour lesquels elle avait candidaté ont été ouverts au sein de l'association.

L'association fait valoir l'absence de priorité d'embauche en contrat à durée indéterminée d'un salarié bénéficiant de contrat de travail à durée déterminée outre que le fait que Mme [Y] n'ait pas été retenue ne relève pas en soi d'une exécution déloyale du contrat de travail.

***

En vertu de l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

A ce titre, l'employeur a un devoir de loyauté dans l'exécution du contrat de travail aussi bien en ce qui concerne la mise en oeuvre du contrat que l'application de la législation du travail.

Mme [Y] produit le compte rendu de la réunion d'information tenue par la direction de la MAS de [Localité 3] le 24 mai 2018 concernant la gestion des remplacements, lequel indique que 'tout contrat CDD ne pourra rester que deux ans au sein des effectifs de l'ADAPEI. C'est la première date d'entrée dans l'association qui compte, sans tenir compte des interruptions éventuelles de contrat ou du nombre d'heures effectuées'.

Au regard des quatre courriers de candidature produits par Mme [Y] depuis 2015, de sa dernière candidature postérieure à la tenue de cette réunion et du courrier de relance de son conseil en octobre 2018, de l'absence de toute réponse de l'association, même en l'absence de priorité d'embauche sur un contrat à durée indéterminée, la cour retient que l'employeur n'a pas examiné loyalement sa candidature.

En réparation du préjudice subi, il sera alloué à Mme [Y] la somme de 5.000 euros.

Le jugement déféré sera infirmé quant au quantum alloué.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'association ADAPEI, partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement à Mme [Y] de la somme complémentaire de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cours d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a requalifié les contrats à durée déterminée conclus par Mme [Y] sur la période du 23 décembre 2011 au 30 novembre 2018 en un contrat à durée indéterminée à compter du 23 décembre 2011, a dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a statué sur les dépens et les frais irrépétibles,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne l'association ADAPEI à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :

- 4.545,94 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 454,59 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 7.955,39 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 15.000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.500 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

Ordonne le remboursement par l'association ADAPEI à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [Y] depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne l'association ADAPEI à verser à Mme [Y] la somme complémentaire de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne l'association ADAPEI aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/04181
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;20.04181 ?
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