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05/04/2023 | FRANCE | N°20/00528

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 avril 2023, 20/00528


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00528 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LN25















Monsieur [L] [X]



c/



Société Générale d'Ingénierie de Charpente et de Construction (SOGICC)

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 janvier 2020 (R.G. n°F 17/01111) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 30 janvier 2020,





APPELANT :

Monsieur [L] [X]

né...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00528 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LN25

Monsieur [L] [X]

c/

Société Générale d'Ingénierie de Charpente et de Construction (SOGICC)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 janvier 2020 (R.G. n°F 17/01111) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 30 janvier 2020,

APPELANT :

Monsieur [L] [X]

né le 30 Août 1990 à [Localité 4] de nationalité Française Profession : Charpentier, demeurant [Adresse 1]

assisté de Me Julie MENJOULOU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Société Générale d'Ingénierie de Charpente et de Construction (SOGICC), prise en la personne de son gérant Monsieur [V] [P] domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 382 605 517 00020

représentée par Me Carole MORET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Louis GAUDIN, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bénédicte Lamarque, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Bénédicte Lamarque, conseiller

Greffier lors des débats : Séverine Roma

Greffier lors du prononcé : A.-Marie Lacour-Rivière

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [L] [X], né en 1990, a été engagé en qualité de charpentier bois par la SARL Société Générale d'Ingénierie de Charpente et de Construction (ci-après dénommée la société SOGICC), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 mars 2014.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers des entreprises du bâtiment employant moins de 11 salariés.

Les parties ont conclu une rupture conventionnelle qui a pris effet le 31 mai 2017.

Pendant la période d'homologation de la rupture conventionnelle, M. [X] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 21 avril 2017, prolongé jusqu'à la fin de la relation contractuelle.

Par courrier du 18 mai 2017, M. [X] a sollicité le paiement d'heures supplémentaires.

Le 19 juin 2017, le conseil de M. [X] a écrit à la société pour solliciter que les temps de trajet et de déchargement soient assimilés à un temps de travail effectif et réclamer ainsi un rappel de salaire à ce titre de l'année 2014 à l'année 2017 outre la contrepartie obligatoire en repos.

Demandant des rappels de salaires pour heures supplémentaires, M. [X] a saisi le 13 juillet 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu en formation de départage le 17 janvier 2020, l'a débouté de ses demandes, l'a condamné aux dépens et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 30 janvier 2020, M. [X] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 juillet 2020, M. [X] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et statuant à nouveau, de :

- dire que les temps de trajet et de déchargement doivent être assimilés à un temps de travail effectif,

- condamner la société SOGICC à la somme totale de 10.476,58 euros bruts à titre de rappels de salaire outre 1.047,65 euros bruts de congés payés afférents, le rappel de salaire, dans les limites de la prescription triennale, étant décomposé de la manière suivante :

* année 2014 : 1.937,48 euros bruts outre 193 euros bruts de congés payés,

* année 2015 : 4.023,75 euros bruts outre 402,37 euros bruts de congés payés,

* année 2016 : 3.749,98 euros bruts outre 374 euros bruts de congés payés,

* année 2017 : 765,37 euros bruts outre 76,53 euros bruts de congés payés,

- condamner la société SOGICC au paiement de la contrepartie obligatoire en repos à hauteur de la somme de 4.812 euros (soit 625 euros pour l'année 2014, 2.112 euros pour l'année 2015 et 2.075 euros pour l'année 2016),

- ordonner la remise des bulletins et documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 30 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement (sic),

- dire que la société SOGICC s'est rendue coupable de travail dissimulé et la condamner au paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé à hauteur de 6 mois de salaire soit 12.958 euros,

- condamner la société SOGICC au paiement des frais de justice soit 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens en ce compris les frais éventuels d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 mai 2020, la société SOGICC demande à la cour de'confirmer le jugement entrepris et, en conséquence, de :

- dire mal fondées les demandes de M. [X],

- débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes,

- à titre reconventionnel, condamner M. [X] au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes au titre des dépassements de la durée du travail

Pour voir condamner la société à lui verser la somme globale de 10. 476,58 euros au titre des heures supplémentaires effectuées sur les années 2014 à 2017 outre 1.047,65 euros au titre des congés payés y afférents, M. [X] fait valoir l'absence de prise en compte par l'employeur d'une part, du temps de trajet entre le siège social et les chantiers, estimé à 30 minutes le matin et 30 minutes le soir, et, d'autre part, des temps de chargement des camions pour se rendre sur les chantiers, estimés à 20 minutes par jour.

M. [X] sollicite également la somme de 4.812 euros au titre de la contre-partie obligatoire en repos excédant le contingent des 180 heures qui, selon lui, doit donner lieu à une contrepartie en repos à 100 % correspondant à 50 heures sur l'année 2014, 169 heures sur l'année 2015 et 166 heures sur l'année 2016.

Il soutient qu'il devait obligatoirement passer par le siège de la société pour charger le camion avant de se rendre sur le chantier alors que la direction aurait demandé aux salariés de déclarer les heures d'arrivée sur le chantier comme heure d'embauche au regard du nombre d'heures supplémentaires déjà effectuées. Il verse les calendriers de 2014 à 2017 portant mention des jours travaillés auxquels il a ajouté le temps décompté de 1h20 par jour pour le trajet du siège au chantier et de chargement le matin.

Il s'appuie également sur les attestations de :

- M. [I], apprenti charpentier, selon lequel les salariés arrivaient à la zone industrielle d'[Localité 3] à 7h afin de charger le matériel pour ensuite se rendre sur le chantier : 'Le départ du chantier se fait à 17h si nous mangeons en 1h le midi, sinon c'est 16h30 si nous mangeons en 30 mn. Nous revenons donc à l'atelier pour ensuite finir notre journée'.

- M. [S], apprenti charpentier, qui reprend les mêmes déclarations, sauf à préciser que le vendredi, l'heure de départ du chantier était à 15h30,

- M. [B], charpentier, selon lequel les ouvriers étaient payés à partir de 8h uniquement alors qu'ils embauchaient à 7h30 pour finir à 17h sur le chantier,

- M. [O] selon lequel M. [X] est au dépôt tous les matins à 7h pour y charger les camions avant de se rendre au chantier et quitte le chantier à 16h30 ou 17h suivant le temps de pause méridienne,

- M. [T], ancien charpentier bois licencié par la société et M. [Y], charpentier couvreur, selon lesquels tous les salariés avaient l'obligation de se présenter à 7 heures au siège de la société.

Aux termes des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail et L. 3171-4 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M. [X] produit des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et de justifier des horaires effectivement réalisés.

La société s'oppose à la demande, rappelant que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, aucune obligation n'ayant été faite à M. [X] de passer par l'entreprise avant de se rendre sur les chantiers, s'appuyant notamment sur les notes de services du 30 novembre 2002, du 1er décembre 2006 et du 21 décembre 2007.

Elle soutient que le salarié :

- pouvait se rendre directement sur les chantiers comme il pouvait également se faire transporter par les moyens de transport de l'entreprise, quand il le souhaitait,

- n'avait pas à charger le camion, puisque certains matériels lourds étaient livrés directement sur les chantiers et que M. [X] ne détenait pas les autorisations de conduite des chariots élévateurs pour charger les camions,

- remplissait les relevés d'heures avec une embauche sur le chantier et jamais au siège de la société.

*

S'agissant des temps de trajets entre le domicile et l'entreprise, selon l'article L. 3121-1, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. L'article L. 3121-4 du même code exclut le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail du temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, le temps de trajet fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Pour la période antérieure au 10 août 2016, cette contrepartie devait être déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existait.

Lorsque le passage du salarié par l'entreprise est obligatoire, le temps de trajet pour se rendre sur le lieu d'exécution du travail (ou chantier) est considéré comme du temps de travail effectif.

La convention collective applicable en l'espèce prévoit en ses articles 8-11 et suivants des indemnités de trajet qui ont pour objet d'indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir.

Son montant doit être fixé en valeur absolue de telle sorte que le forfait, qui indemnise la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir, soit évalué en fonction de la distance entre le point de départ des petits déplacements et la circonférence supérieure de la zone où se situe le chantier.

Le contrat de travail liant M. [X] à la société prévoyait en son article 5 bis que le lieu de travail de M. [X] est situé à [Localité 3], étant précisé qu'il 'pourra être amené à se déplacer partout où les nécessités de son travail l'exigeront', l'article 9 du même contrat précise que M. [X] 'sera transporté ou se rendra sur les chantiers par ses propres moyens'.

Les feuilles de paie de M. [X] portent mention chaque mois d'indemnités de traet, une ligne spécifique étant prévue pour chaque zone de chantier ainsi que le paiement de 4 à 20 heures supplémentaires chaque mois.

Les notes de services adressées à tout le personnel du 30 novembre 2002 rappellent que les heures démarrent au chantier et se terminent au chantier et que les camions de l'entreprise partent entre 7h et 7h15 le matin afin de permettre aux salariés qui le veulent d'être transportés par les camions de l'entreprise ; celle du 1er décembre 2006 mentionne 'il n'y a aucune obligation de venir à l'atelier'et porte rappel des horaires de travail de 8h à 12h et de 13h à 16h, demandant aux salariés de déclarer leurs heures à partir des chantiers. Le fait que ces notes aient été prises antérieurement à la signature du contrat de travail de M. [X] ne les lui rend pas inopposables pour autant, dès lors qu'elles sont toujours en vigueur. Neuf salariés confirment la simple faculté de passer par le siège le matin pour bénéficier du transport en camion jusqu'au chantier.

Aucun élément ne démontre que M. [X] devait charger le camion le matin, cette tâche étant confiée à M. [E], lequel confirme qu'il s'occupait du chargement chaque matin avec M. [P] uniquement ; en outre, la société produit des factures de différentes sociétés pour des livraisons de matériaux directement sur les chantiers.

Les attestations versées par M. [X] ne sont pas concordantes, en ce que certaines font mention d'une embauche au siège et d'une débauche au chantier quand d'autres parlent d'une embauche et d'une débauche au siège, avec des horaires variant de l'une à l'autre et qu'un des salariés indique que tous participaient au chargement sans autre précision. Par ailleurs, si toutes témoignent que les salariés arrivaient le matin au chantier, elles ne mentionnent pas précisément pas si ce lieu de départ était obligatoire, peu importe que M. [X] en bénéficie ou pas.

L'attestation de M. [T] n'est pas probante dans cette procédure en ce qu'elle fait référence à un litige qui l'oppose à son employeur, ayant été licencié pour faute grave.

Il sera donc considéré que M. [X] n'avait aucune obligation de se rendre sur le site de la société avant d'être acheminé sur le lieux du chantier, que cela ne consistait qu'une faculté et qu'il ne peut lui être lui être décompté d'heure de travail effectif pour son temps de trajet entre l'entreprise et le chantier.

Compte tenu des observations faites ci-avant à propos du décompte des heures supplémentaires qui ne sont pas démontrées, la demande de M. [X] tant sur les heures supplémentaires que sur la contrepartie obligatoire en repos sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la remise des bulletins de salaire rectifiés

Les demandes au titre du paiement des heures supplémentaires étant rejetées, il n'y a lieu de voir ordonner la rectification des bulletins de salaire.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

M. [X] étant défaillant à démontrer le manquement de la société au paiement d'heures supplémentaires qu'il aurait effectuées, sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé étant fondé sur ce seul grief sera rejetée.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [X] partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamné aux dépens ainsi qu'au paiement à la sociétéde la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cours d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement déféré,

Condamne M. [X] aux dépens ainsi qu'au paiement à la SARL SOGICC de la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00528
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;20.00528 ?
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