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05/04/2023 | FRANCE | N°19/06781

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 avril 2023, 19/06781


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



F N° RG 19/06781 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LMED









Association LIGUE DE FOOTBALL NOUVELLE-AQUITAINE



c/



Madame [C] [Y] épouse [R]

















Nature de la décision : AU FOND















Grosse dél

ivrée le :



à :



















Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 décembre 2019 (R.G. n°F 18/01100) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2019,





APPELANTE :

Association Ligue de...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

F N° RG 19/06781 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LMED

Association LIGUE DE FOOTBALL NOUVELLE-AQUITAINE

c/

Madame [C] [Y] épouse [R]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 décembre 2019 (R.G. n°F 18/01100) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2019,

APPELANTE :

Association Ligue de Football Nouvelle-Aquitaine, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège social,

[Adresse 1]

assistée et représentée par Me Arnaud PILLOIX de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [C] [Y] épouse [R]

née le 15 Décembre 1968 à [Localité 16] de nationalité Française demeurant [Adresse 12]

assistée et représentée par Me François VERDIER, avocat au barreau d'AGEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie TRONCHE , Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Florence Chanvrit

Greffier lors du prononcé : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [C] [Y] épouse [R], née en 1968, a été engagée en qualité de cadre d'animation technique régional féminin par l'Association Ligue de Football Nouvelle-Aquitaine (ci-après dénommée l'association) par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 mai 2001.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel administratif et assimilés du football.

Le 1er janvier 2010, le contrat de travail de Mme [R] a fait l'objet d'un avenant lui accordant le statut cadre, portant son indice de 600 à 650 et transformant le véhicule de fonction qui lui était attribué en véhicule de service selon une convention annexée.

Par courrier du 17 avril 2018, le président du district de la Gironde de Football- M. [U]-, auprès duquel Mme [R] avait été mise à disposition, a refusé de reconduire la mission de cette dernière pour la saison 2018-2019.

Par lettre du 30 avril 2018, Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 17 mai 2018 puis elle été licenciée pour faute grave et insuffisance professionnelle par lettre datée du 29 mai 2018.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [R] s'élevait à la somme de 3.496,11 euros.

A la date du licenciement, Mme [R] avait une ancienneté de 17 ans et l'association comptait plus de onze salariés.

Demandant que son licenciement soit déclaré abusif, réclamant sa réintégration et à défaut, diverses indemnités, Mme [R] a saisi le 5 juillet 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 6 décembre 2019, a :

- dit que le licenciement de Mme [Y] épouse [R] en date du 29 mai 2018 est dépourvu de faute grave et de cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association à payer à Mme [Y] épouse [R] les sommes suivantes:

* 34.436,69 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 10.488,33 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.048,83 euros à titre de congés payés afférents sur préavis,

- rappelé que l'exécution provisoire en est de droit, conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, cette moyenne étant de 3.496,11 euros,

* 47.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le remboursement par l'association aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [Y] épouse [R] à compter du jour de son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités chômage,

- débouté l'association de ses demandes reconventionnelles,

- condamné l'association aux dépens et éventuels frais d'exécution forcée.

Par déclaration du 23 décembre 2019, l'association a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 septembre 2020, l'association demande à la cour de :

- réformer dans son intégralité le jugement rendu le 9 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [R] ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- dire que le licenciement de Mme [R] pour faute grave et insuffisance professionnelle est justifié,

- condamner Mme [R] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [R] aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 octobre 2022, Mme [R] demande à la cour de':

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a dit et jugé le licenciement abusif,

- le confirmer en ce qu'il a condamné l'association à lui payer les sommes suivantes :

* 34.436,69 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 10.488,33 euros au titre de l'indemnité de préavis,

*1 .048,83 euros au titre de l'indemnité de congé payé sur préavis,

- l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, condamner l'association à lui verser une indemnité pour licenciement abusif de 48.945,54 euros brut correspondant à 14 mois de salaire brut conformément à l'article L. 1235-3 du code de travail,

- la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros TTC sur le fondement de l'article

700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement adressée à Mme [R] le 29 mai 2018, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée :

«' (')

Ce licenciement repose sur deux motifs: le premier est lié à votre incapacité d'exécuter correctement vos fonctions de conseiller technique régional; l'autre repose sur une faute grave que vous avez commise dernièrement.

Motif 1: s'agissant de votre incapacité à remplir vos fonctions de conseiller technique régional

Vous avez été embauchée à compter du 1er août 2001 en qualité de conseiller technique régional.

En cette qualité, vous avez notamment la charge de l'application au niveau régional et départemental des orientations de développement de la politique technique nationale féminine, de la participation à certaines actions nationales et de développer le football d'animation des jeunes féminines.

Dans le cadre de vos fonctions vous avez été amenée à oeuvrer au profit des clubs girondins en début de saison sportive 2017-2018.

Il vous a été demandé d'assurer deux missions majeures :

- dans le cadre du 'Football animation', du développement du football féminin ;

- dans le cadre des 'Labels', de la mise en place, du suivi, de l'animation de l'opération 'LABELS Seniors' en Gironde.

Or, et dès le début de votre affectation, vous ne vous êtes nullement investie dans les missions qui vous ont été confiées. Vous ne les avez pas menées conformément à ce qu'on attendait de vous. Ce désintérêt a inévitablement nuit à l'image que se veut de garder la Ligue.

Nous avons également constaté que vous ne vous conformez pas aux lignes directrices décidées par les instances politiques de la ligue de Football Nouvelle-Aquitaine.

1.D'une part, concernant le football féminin, un plan de développement régional a été établi par la Ligue pour harmoniser les pratiques au sein de celle-ci. Il reprend toutes les orientations en termes de compétitions et de développement des écoles de football féminin souhaitées.

Ce plan a été débattu et présenté à tous les techniciens sportifs de la ligue et de district. Une présentation de ce plan a même été faite à la commission en charge du football féminin au district de la Gironde le 16 mars 2018. En conséquence, vous avez parfaitement connaissance de ce qui était attendu de vous.

Dans ce cadre, vous aviez pour mission d'établir une projection des futures compétitions départementales de Gironde pour la prochaine saison en conformité avec le plan. Or, ce n'est pas ce que vous avez fait.

Le 13 avril 2018 Mme [B] vous a adressé un courriel pour vous demander des éclaircissements sur un point qu'elle ne comprenait pas. En effet, les compétitions que vous avez proposées ne correspondaient pas à celles demandées par la Ligue dans le plan de développement régional, alors que vous aviez pourtant pour directive de suivre ce plan.

Le 17 avril 2018, M.[T] [U], président du district de la Gironde, nous a adressé un courrier dans lequel, tout comme Mme [B], il nous indiquait que la proposition des futures compétitions était en total décalage avec les directives régionales et départementales.

En conséquence et suite à cet irrespect des directives, la proposition a dû être retravaillée en urgence avec les bénévoles de la féminisation en Gironde afin d'être le plus en adéquation possible avec les souhaits d'harmonisation entre ligue et district.

Ainsi, vous avez été incapable d'amorcer la politique stratégique qui était attendue de vous alors que le district attendait un plan d'actions conforme au plan de développement de la Ligue.

En ne respectant pas les directives qui vous étaient imposées vous avez ainsi fait preuve d'un manque de considération envers les instances politiques de la Ligue de Football Nouvelle-Aquitaine.

2. D'autre part, vous êtes totalement en échec concernant la mise en place, le suivi et l'animation de l'opération 'LABELS Seniors' des clubs de Gironde.

En effet, vous n'avez pas réussi à mobiliser suffisamment de techniciens pour apporter leur concours à cette opération. Cela s'en est ressenti par des difficultés dans le suivi du projet, dans la traçabilité de l'avancée des prises de rendez-vous et dans la remontée des fiches de visites.

Lors de l'entretien préalable vous avez d'ailleurs reconnu que vous n'aviez pas fourni votre planning de suivi hebdomadaire.

Cette mauvaise gestion de l'opération 'LABELS Seniors' et le non-respect des directives données par la ligue, a entraîné le mécontentement du président de district qui nous a d'ailleurs indiqué qu'il ne souhaitait pas que votre concours soit reconduit au profit des clubs de Gironde pour la saison 2018-2019.

En conséquence, ce manque de désintérêt total vis-à-vis des missions qui vous étaient confiées, pourtant essentielles pour les clubs et leur développement stratégique, surtout du football féminin, a mis la Ligue dans une situation délicate.

Malgré la patience et la compréhension dont nous estimons avoir fait suffisamment preuve à votre égard, nous avons le regret de constater que, loin d'améliorer votre comportement, vous persistez dans votre attitude négative et votre mauvais état d'esprit, tout en vous montrant incapable de fédérer les clubs.

L'ensemble de ces éléments est la preuve d'une insuffisance professionnelle de votre part, et justifie votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Nous avons toutefois récemment découvert des faits graves qui nous conduisent à vous licencier pour faute grave.

Motif 2 : s'agissant de la faute grave que vous avez commise

Nous avons également constaté que vous utilisiez à titre personnel le véhicule de service mis à votre disposition pour l'exercice de votre mission.

Or, nous vous rappelons que conformément à la 'convention pour l'utilisation des véhicules de service mis à disposition des conseillers techniques régionaux par la ligue de football d'Aquitaine' que vous avez signée en 2010, il ne s'agit plus d'un véhicule de fonction.

En signant cette convention vous reconnaissiez qu'aucune utilisation à titre personnel de ce véhicule n'était autorisée, et vous vous êtes engagée à restituer le véhicule tous les soirs au lieu institutionnel le plus proche de votre domicile, y compris si ce dernier est fermé. Dans cette hypothèse vous aviez pour directive de déposer le véhicule, de conserver les clés, et de reprendre votre véhicule personnel qui y était garé ou de vous faire raccompagner par qui vous souhaitez.

A noter que le conseil de prud'hommes de Bordeaux a jugé que cette convention vous était opposable, et qu'en la signant vous avez accepté la modification de votre véhicule de fonction en véhicule de service. Cette décision a d'ailleurs été confirmée par la Cour d'appel de Bordeaux le 22 novembre 2017.

En d'autres termes, la Cour d'appel a jugé que vous aviez interdiction d'utiliser ce véhicule à des fins personnelles.

Or, nous avons constaté qu'en dépit de la convention d'utilisation et de l'arrêt de la Cour d'appel devenu définitif, vous persistez à utiliser le véhicule de service à des fins personnelles en le ramenant le soir à votre domicile.

Ainsi, nous avons constaté qu'à de très nombreuses reprises vous utilisiez à titre personnel ce véhicule de service et notamment :

- le mercredi 28 mars 2018,

- le jeudi 29 mars 2018,

- le mercredi 4 avril 2018,

- le jeudi 5 avril 2018,

Lors de l'entretien préalable vous avez d'ailleurs reconnu rentrer à votre domicile avec le véhicule de service.

Ce comportement est intolérable puisque vous connaissez parfaitement les conditions de la Ligue en matière d'utilisation du véhicule de service, que vous avez signé la convention d'utilisation et que la Cour d'appel a jugé qu'elle vous était opposable. C'est d'autant plus intolérable que vous aviez parfaitement conscience du risque de requalification par l'URSSAF et des graves conséquences financières pour la Ligue.

En violant délibérément l'ensemble de ces dispositions vous faites preuve d'insubordination caractérisée et commettez en conséquence une faute grave justifiant à elle seule votre licenciement pour faute grave.

D'autant que cela s'inscrit dans un comportement d'insubordination général et une attitude de dénigrement de la Ligue et de ses dirigeants rendant impossible votre maintien au sein de la Ligue.

En conséquence, compte-tenu de l'ensemble de ces motifs, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité.

S'agissant d'une rupture pour faute grave, cette décision prend effet à compter de ce jour.

Vous êtes libérée de toute obligation de non-concurrence à l'égard de la Ligue (...)'».

* * *

Aux termes de ce courrier, l'association a retenu à l'encontre de la salariée des faits caractérisant selon elle d'une part, une faute grave et d'autre part une insuffisance professionnelle.

- S'agissant de la faute grave

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave, doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

En l'espèce, il est fait reproche à Mme [R] un comportement général d'insubordination et une attitude de dénigrement de la Ligue et de ses dirigeants, plus particulièrement en ayant utilisé à des fins personnelles le véhicule de service mis à sa disposition, contrevenant ainsi à la convention signée par ses soins en 2010 relative notamment à l'utilisation des véhicules de service, laquelle avait été confirmée par la cour d'appel de Bordeaux le 22 novembre 2017.

L'employeur verse au soutien de ses affirmations :

- un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux rendu le 22 novembre 2017 confirmant le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Bordeaux le 9 novembre 2015 ayant débouté la salariée de ses demandes tendant à se voir attribuer un véhicule de fonction. Cet arrêt fait référence à la conclusion par les parties le 8 juillet 2010 d'une convention intitulée :'«'convention pour l'utilisation des véhicules de service mis à dispositions des conseillers techniques régionaux par la Ligue de football d'Aquitaine'» qui n'est pas produite à l'instance ;

- la copie d'une convention d'utilisation des véhicules de services mis à disposition des techniciens par la Ligue de football Nouvelle-Aquitaine signée par la salariée le 4 septembre 2017, à la lecture de laquelle il ressort d'une part que : «'le technicien s'engage à restituer le véhicule tous les soirs au lieu institutionnel le plus proche de son domicile (siège district ou ligue). Exception : le technicien indiquera sur le carnet qu'il aura à disposition dans son véhicule, qu'il ne pouvait pas restituer le véhicule le soir A étant donné qu'il en avait besoin pour intervenir dans un club ou pour une réunion le jour B'» et d'autre part, que la salariée a émis une réserve ainsi libellée : «'sous réserve

de mes droits de la procédure en cours et du véhicule de fonction figurant à mon contrat'» ;

- un compte rendu des trajets accomplis par la salariée entre le 6 mars 2018 et le 23 avril 2018 à partir duquel l'employeur considère que la salariée, contrairement à l'obligation que lui imposait la convention de mise à disposition, avait ramené régulièrement le véhicule de service à son domicile entre le 6 et 7 mars, le 7 et 8 mars, le 19 au 20 mars, le 20 et 21 mars, le 26 et 27 mars, le 27 et 28 mars, le 28 et 29 mars, le 29 et 30 mars et le 3 et 4 avril 2018.

Mme [R] conteste cette présentation des faits. Elle explique que pour les périodes comprises entre :

- le 6 et 7 mars 2018, elle a pris le véhicule à partir du district le 6 mars pour procéder à la visite de deux clubs puis elle est rentrée chez elle à 19h51 avec ledit véhicule. Elle en justifie ;

- le 7 et 8 mars 2018, elle a commencé sa journée du 7 mars en prenant le véhicule qui se trouvait chez elle pour se rendre à [Localité 7], puis à [Localité 10] dans le cadre de visites professionnelles dont elle justifie; elle a terminé sa journée de travail à 20 heures 45 et le lendemain, elle a quitté son domicile à bord du véhicule afin d'effectuer des visites professionnelles et de déposer le véhicule de service le soir à 19 heures 44 au district d'[Localité 2] et ce, jusqu'au 15 mars, période pendant laquelle elle était en formation; ces éléments sont justifiés ;

- le 19 et 20 mars, le véhicule a été repris par la salariée le 19 mars à 18 h30 au district situé à [Localité 2] pour le déposer à son domicile à partir duquel elle est repartie le lendemain matin pour procéder à des visites professionnelles sur la région bordelaise puis dans le libournais avant de regagner son domicile à 19 heures 20; il en est justifié ;

- le 20 et 21 mars, elle a quitté son domicile à bord du véhicule pour se rendre à [Localité 15], [Localité 4], [Localité 13], [Localité 14], [Localité 6] puis à regagner [Localité 17] à 20 heures 29 . Ce trajet professionnel est justifié ;

- le 26 et 27 mars : le lundi 26 mars, la salariée a quitté le district à bord du véhicule pour à nouveau effectuer des visites professionnelles dont il est justifié en passant par [Localité 17] , [Localité 10] , [Localité 3], [Localité 11] [Localité 9] et a regagné son domicile à 19 heures 26. ;

- le 28 et 29 mars 2018, elle a quitté son domicile, situé à 45 minutes du district d'[Localité 2], le 28 mars pour se rendre à [Localité 5], siège du district, elle a ensuite pris un bus pour se rendre à [Localité 8] et y mener une mission d'action technique puis elle a repris le véhicule pour le trajet retour ; elle produit son relevé d'heure ainsi que le justificatif de l'action technique ; le lendemain elle a déposé ce véhicule au garage Citroën de [Localité 17], distant d'une dizaine de kilomètres de son domicile, pour une révision à la demande de son employeur et en justifie par le courriel échangé avec ce dernier ; elle a ensuite visité trois clubs et en justifie à la procédure ;

- le 4 et 5 avril 2018 : elle a repris le véhicule le 3 avril 2018 auprès du district pour partir le lendemain de son domicile à 7h50 afin de visiter trois clubs, ce dont il est justifié ; le 5 avril, elle a déposé le véhicule au garage situé à [Localité 17] pour une fuite de gasoil et a utilisé ensuite un véhicule de prêt tel que cela ressort des pièces qu'elle verse aux débats.

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, dès lors que la convention prévoyait à titre d'exception la possibilité pour la salariée de rentrer chez elle entre deux missions qui s'enchaînaient entre l'après-midi du jour J et la matinée du jour J+1, il ne peut lui être reproché aucun grief en l'état des pièces de la procédure, la cour constatant par ailleurs

qu'en raison de la situation géographique du domicile de la salariée par rapport à la localisation de ses visites professionnelles, il était plus logique de ne pas restituer le véhicule à [Localité 2] tous les soirs.

En outre il convient d'observer que l'employeur s'est abstenu de verser à la procédure le carnet prévu à la convention, sur lequel doivent figurer les raisons pour lesquelles il n'était pas possible de remiser le véhicule au district.

S'agissant de l'insubordination générale et de l'attitude de dénigrement à l'égard de la Ligue et de ses dirigeants, ces faits, contestés par la salariée, ne sont pas établis en ce qu'ils ne sont étayés par aucun élément probant.

C'est donc à juste titre que la décision de première instance a constaté l'absence de faute grave de la salariée.

- S'agissant de l'insuffisance professionnelle

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de ce dernier.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

* * *

Pour voir infirmer la décision de première instance, l'employeur argue de l'insuffisance professionnelle de Mme [R], fondée sur son incapacité à remplir ses fonctions de conseiller technique régional quant au plan de développement du football féminin et à l'animation de l'opération Labels Seniors en Gironde.

Sur le non-respect des directives relatives au plan de développement du football féminin

L'employeur reproche à Mme [R] de ne pas avoir suivi les directives régionales et départementales concernant le plan de développement du football féminin. Il considère qu'en vertu de son contrat de travail, la salariée avait notamment pour mission de développer le football d'animation des jeunes féminines, de réfléchir et de proposer de nouvelles orientations pour le développement du football féminin. Il ajoute qu'à cet effet, un plan de développement régional avait été arrêté afin d'harmoniser les pratiques, reprenant toutes les orientations s'agissant des compétitions et du développement des écoles de football féminin et avait été présenté à tous les techniciens sportifs de la ligue et du district puis transmis par courriel le 18 décembre 2017 à la salariée. Il prétend que Mme [R] n'a pas suivi les orientations du plan «'souhaitant ouvertement s'opposer à la politique des élus'», obligeant une mobilisation supplémentaire des bénévoles et entraînant le mécontentement du président du district de la Gironde.

Au soutien de ce reproche, il verse aux débats :

- un courriel adressé à Mme [R] ainsi qu'à de nombreuses autres personnes le 18 décembre 2017 dont l'objet est le développement féminin et qui indique qu'en pièce jointe, se trouve le plan de développement du fooball féminin validé par le comité directeur de la ligue, lequel n'apparait pourtant pas sur ce courriel. Seul se trouve un lien vers le kit de communication lié à la coupe du monde féminine séniors FIFA 2019 ; le plan de développement n'est pas produit ;

- un courriel du 9 avril 2018 adressé par Mme [B], présidente de la commission de féminisation de la Gironde, à Messieurs [W], [D], [N] et [Z], que l'employeur identifie comme des techniciens, leur demandant de «'jeter un oeil à la présentation'» des compétitions féminines qu'elle a établie afin d'y apporter les modifications nécessaires ; ce courriel n'est pas adressé à Mme [R] ;

- un courriel de la même expéditrice adressée le 13 avril 2018 à Messieurs [W], [W] et à Mme [R] ainsi rédigé :' «'bonjour [C], je ne comprend pas, les compétitions que vous proposez ne correspondent pas à celles demandées par la ligue (') je suis perdue, le plan de développement était fait, il me semble pour harmoniser les pratiques proposées aux filles sur toutes la ligue. Avez-vous parlé de ça avec [E]' (') Moi, je ne sais plus quoi faire là' Nous devons présenter ces compétitions dès lundi lors de la première réunion de rencontre avec les clubs (...)'» : toutefois la cour observe que ce courriel a été adressé en réponse à celui de Mme [R] intervenu la veille : «'bonjour [A], [O] ([N]) et moi étions absents à la dernière réunion de la commission de féminisation, comme nous n'avons pas de compte rendu de cette réunion, nous avons réfléchi à une offre pratique chez les filles. Nous sommes partis de l'existant des 2 dernières année et du plan de développement de la ligue. Maintenant que faisons-nous' Car il y a quelques différences. Sur un mail précédent, tu parles de réunir les clubs pour présenter les nouvelles pratiques, la date est-elle arrêtée' Avons nous le temps de reparler de tout cela rapidement' Désolée de poser beaucoup de questions. Nous sommes à disposition pour exposer nos travaux'» ;

- un courrier du président du district du football de la Gironde, M. [U], en date du 17 avril 2018 précisant que la proposition faite par la salariée est en total décalage avec les directives départementales et régionales et a dû être retravaillée par les bénévoles en charge de la féminisation en Gironde.

Mme [R] s'en défend en faisant valoir ne pas avoir eu la charge de l'animation de ce pôle dans lequel elle intervenait sous la responsabilité de M. [N], responsable du pôle développement. Elle produit à cet effet un organigramme qui confirme ses dires et qui n'est pas contesté par l'employeur. Elle précise que les faits reprochés portent sur des propositions élaborées en collaboration avec M. [N] et en justifie par le mail du 12 avril 2018 adressé à Mme [B] visé supra. Comme elle le souligne à juste titre, il ressort du mail relatif au développement féminin du 18 décembre 2017 que ce sont les présidents des districts qui sont missionnés pour le développement du football féminin.

En l'absence d'une quelconque fiche de mission relative aux fonctions de la salariée, il résulte de l'ensemble de ces éléments que ce grief ne peut être retenu à l'encontre de Mme [R].

Sur l'animation de l'opération Labels Seniors en Gironde

L'employeur reproche à Mme [R] son incapacité à mener à bien cette action, estimant qu'elle n'a pas suffisamment mobilisé les techniciens et n'a pas assuré le suivi du déroulement de cette opération, se contenant de se rendre aux rendez-vous sans faire remonter les fiches de visite ni l'avancée des prises de rendez-vous. Il produit pour ce faire :

- un courriel adressé le 26 janvier 2018 par M. [U], président du district de football de la Gironde, à Mme [R] lui rappelant les objectifs à atteindre et le fait que :'«' la non atteinte de nos objectifs ne doit même pas être envisagée'» ;

- un courriel du 16 février 2018 de M. [U] lui indiquant son inquiétude quant à la réalisation des objectifs de 80% à fin mars et de 100% à fin mai en étant à 48% au 15 février ;

- un courriel du 1er mars 2018 de M. [U] sollicitant la salariée' pour apporter des précisions sur certains tableaux, effectuer la mise à jour des tableaux avec les visites réalisées au 16 mars 2018 et programmer les visites restantes avant le 15 juin 2018, dernier délai.

De son côté, Mme [R] produit le suivi du label Seniors établi par Mme [K], responsable de cette opération au sein de la ligue, adressé par mail le 30 mars 2018 et le 25 mai 2018 à l'ensemble des districts et dont elle était également destinataire. Il en ressort que Mme [R] en charge de cette mission a atteint 80% «'des visites et des visites programmées'» au 30 mars 2018 et 99% de ces objectifs au 25 mai 2018, soit 247 clubs visités sur 249, ce que tente de contester l'employeur en affirmant, sans toutefois le démontrer, que ces résultats n'ont été atteints que grâce à l'intervention de ses collègues, ce qui tend aussi à contredire le fait qu'elle n'aurait pas mobilisé toutes ses équipes pour atteindre les objectifs fixés.

Partant, c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont constatés que les griefs invoqués au soutien du licenciement de Mme [R] ne sont pas établis. En conséquence, le licenciement de cette dernière étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la décision de première instance sera confirmée.

Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail injustifiée

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Mme [R] sollicite la confirmation de la décision déférée qui lui a accordé à ce titre la somme brute de 10.488,33 euros ainsi que celle de 1.048,83 euros bruts représentant les congés payés afférents.

La convention collective applicable à l'espèce prévoit en son article 20 que «'le préavis est de trois mois pour les cadres'» de sorte qu'il sera fait droit à la demande de ce chef.

- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Mme [R] sollicite la confirmation de la décision déférée sur le fondement de l'article 23 de la convention collective applicable prévoyant une indemnité à hauteur de 25% du salaire brut mensuel par année entre 1 an et 5 ans d'ancienneté, 60% du salaire brut mensuel par année entre 5 ans et un jour et 10 ans d'ancienneté, 80% du salaire mensuel brut par année entre 10 ans et un jour et 20 ans d'ancienneté.

Mme [R] qui compte, préavis compris, 17 ans, 3 mois et 4 jours d'ancienneté se verra allouer la somme de 34.436,69 euros.

La décision entreprise sera confirmée.

- Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif

L'employeur refusant sa réintégration, Mme [R] sollicite le paiement de la somme de 48.945,54 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de la taille de l'entreprise et de son ancienneté, l'indemnisation de Mme [R] relève des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Mme [R] précise avoir subi une période de chômage avant d'obtenir un contrat à durée déterminée pour un salaire net de 823,25 euros conclu pour une durée de trois ans à compter du 2 décembre 2021.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [R], de son âge, de son ancienneté de 17 années, des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, c'est à juste titre que les premiers juges ont fixé à 47.000 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.

Selon l'article L.1235-4 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En application de ces dispositions, il convient d'ordonner la condamnation de l'association à rembourser les indemnités de chômage perçues par Mme [R] à compter de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les autres demandes

L'association, partie perdante, supportera les dépens.

L'équité commande de faire application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, en conséquence, de condamner l'association à verser à Mme [R] la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne l'Association Ligue de Football Nouvelle-Aquitaine aux dépens ainsi qu'à verser à Mme [R] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06781
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;19.06781 ?
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