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05/04/2023 | FRANCE | N°19/06590

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 avril 2023, 19/06590


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



F N° RG 19/06590 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLVK







Monsieur [E] [Y]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 33063/02/19/26013 du 19/12/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



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SAS LYNX SECURITE
















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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 novembre 2019 (R.G. n°F 18/00151) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activi...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

F N° RG 19/06590 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLVK

Monsieur [E] [Y]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 33063/02/19/26013 du 19/12/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

SAS LYNX SECURITE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 novembre 2019 (R.G. n°F 18/00151) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 17 décembre 2019,

APPELANT :

Monsieur [E] [Y]

né le 15 Août 1984 à [Localité 4] (BURUNDI) de nationalité Burundaise, demeurant [Adresse 2]

assisté et représenté par Me Julie-Anne BINZONI, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Lynx Sécurité, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 423 505 213

assistée et représenté par Me DEMAR loco Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX et Me Philippe HONTAS avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Sylvie Tronche, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Florence Chanvrit

Greffier lors du prononcé : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [E] [Y], ressortissant burundais né en 1984, s'est vu délivrer le 1er novembre 2014 par la République française une carte l'autorisant à séjourner jusqu'au 31 octobre 2015 sur le territoire national, et à occuper, en raison de son statut d'étudiant, un emploi de manière accessoire.

Le 29 octobre 2015, le titre de séjour de M. [Y] a été renouvelé dans les mêmes conditions jusqu'au 28 octobre 2016.

M. [Y] a été engagé en qualité d'agent d'exploitation par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er août 2015 par la SARL Lynx Sécurité Europe, devenue le 18 janvier 2017 la SAS Lynx Sécurité.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M.[Y] s'élevait à la somme de 984,17 euros sur les 12 derniers mois.

Le 10 octobre 2016, M. [Y] a obtenu le renouvellement de son titre de séjour aux mêmes conditions que précédemment lui permettant de travailler à titre accessoire.

Le 22 décembre 2016, M. [Y] s'est vu notifier un avertissement pour avoir embauché avec plus d'une heure de retard sans justificatif ni autorisation.

Le 10 mars 2017, M. [Y] a reçu un avertissement pour avoir débauché sans autorisation une heure avant l'heure prévue.

Le 15 mars 2017, un nouvel avertissement a été notifié à M. [Y] pour avoir été surpris en train de dormir pendant l'une de ses vacations.

Le 24 avril 2017, M. [Y] a déposé à la préfecture une demande de carte de résident et s'est vu remettre un récépissé en contrepartie, l'autorisant à travailler sans restriction.

Considérant pouvoir travailler à temps complet, M. [Y] a conclu avec la société Somax un second contrat de travail à temps partiel pour s'assurer un complément de rémunération.

Il en a avisé la société Lynx Sécurité Europe qui en a pris note et l'a alerté sur la nécessité de respecter les durées maximales du travail aux termes d'échanges de courriels du 19 avril 2017.

Le 29 mai 2017, le second employeur de M. [Y] a rompu sa période d'essai face à l'impossibilité de concilier les horaires des deux emplois du salarié.

Par mail du 13 juin 2017 puis par courrier recommandé avec avis de réception, M. [Y] a demandé son passage à temps complet au sein de la société Lynx Sécurité Europe.

Par mail du 20 juillet 2017, M. [Y] a relancé son employeur considérant que ce dernier recrutait des salariés sur des postes relevant de la même catégorie professionnelle que lui.

Le 30 août 2017, M. [Y] a informé la société Lynx Sécurité d'une modification de son titre de séjour l'autorisant désormais à exercer toute profession en France métropolitaine dans le cadre de la réglementation en vigueur.

Le 3 octobre 2017, M. [Y] s'est vu notifier un avertissement pour avoir embauché avec plus de deux heures de retard sans autorisation ni justification.

Le 5 novembre 2017, M. [Y] a décidé, sans en informer sa direction selon cette dernière, de se faire remplacer pour accomplir sa vacation sur le site de Keolis Bacalan par un collègue de travail, M.[S] [N].

Par lettre datée du 15 novembre 2017, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 27 novembre 2017 et a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 1er décembre 2017.

A la date du licenciement, M. [Y] avait une ancienneté de 2 ans et 4 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Réclamant des dommages et intérêts pour non-respect de la priorité d'emploi et pour exécution déloyale du contrat de travail outre des rappels de salaires et une indemnité compensatrice de congés payés ainsi que la remise d'un bulletin de paie rectifié pour le mois de décembre 2017, M. [Y] a saisi le 5 février 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 19 novembre 2019 :

- l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité d'emploi à temps complet,

- l'a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées le 10 décembre et le 17 décembre 2017 ainsi que des congés payés y afférents,

- l'a débouté de sa demande de remise d'un bulletin de salaire rectifié pour le mois de décembre 2017,

- l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- l'a débouté du surplus de ses demandes,

- a débouté la société Lynx Sécurité de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné M. [Y] aux éventuels dépens d'instance.

Par déclaration du 17 décembre 2019, M. [Y] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 janvier 2023, M. [Y] demande à la cour de :

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes du 19 novembre 2019 pris en toutes ses dispositions,

- dire que la société Lynx Sécurité Europe n'a pas respecté sa priorité d'emploi,

- dire que la société Lynx Sécurité Europe a exécuté le contrat de travail de manière déloyale,

- condamner la société Lynx Sécurité Europe aux sommes suivantes :

* 5.505 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité d'emploi à temps complet,

* 4.200 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 143,55 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures effectuées le dimanche 10 décembre et le 17 décembre 2017 outre la somme de 14,35 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

- condamner la société Lynx Sécurité Europe à la remise du bulletin de salaire de décembre 2017 rectifié,

- condamner la société Lynx Sécurité à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, M. [Y] bénéficiant de l'aide juridictionnelle partielle,

- dire que les condamnations seront soumises à intérêt légal avec capitalisation des intérêts.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 janvier 2023, la société Lynx Sécurité demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a statué comme suit :

* déboute M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité d'emploi à temps complet,

* déboute M. [Y] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées le 10 décembre et le 17 décembre 2017 ainsi que des congés y afférents,

* déboute M. [Y] de sa demande de remise d'un bulletin de salaire pour le mois de décembre 2017,

* déboute M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

* déboute M.[Y] du surplus de ses demandes,

- réformer/infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

Sur la demande indemnitaire au titre de la priorité de passage à temps complet,

- à titre principal, juger la demande de M. [Y] tendant à voir condamner la société Lynx Sécurité à lui verser la somme de 5.505 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité d'emploi à temps complet mal fondée,

- à titre subsidiaire, juger que M. [Y] n'apporte pas la preuve d'un préjudice et juger sa demande mal fondée et l'en débouter,

Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat,

- à titre principal, juger la demande de M. [Y] tendant à voir condamner la société Lynx Sécurité à lui verser la somme de 4.200 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail mal fondée,

- à titre subsidiaire, juger que M. [Y] n'apporte pas la preuve d'un préjudice et juger sa demande mal fondée et l'en débouter,

Sur le rappel de salaire de décembre 2017,

- à titre principal, juger la demande de M. [Y] tendant à voir condamner la société Lynx Sécurité à lui verser la somme de 143,55 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 10 au 17 décembre 2017 outre les congés payés afférents mal fondée,

- à titre subsidiaire, juger que M. [Y] n'apporte pas la preuve d'un préjudice et juger sa demande mal fondée et l'en débouter,

En tout état de cause,

- juger la demande de M. [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile mal fondée,

- condamner M. [Y] à verser à la société Lynx Sécurité la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la priorité d'emploi sur un poste à temps plein

Après avoir rappelé les dispositions légales applicables en la matière et au visa de l'article L. 3123-3 du code du travail, M. [Y] fait valoir que les 13 juin et le 20 juillet 2017, il s'est porté candidat à des postes à temps plein, demandes auxquelles l'employeur n' a pas donné suite alors que :

- les salariés à temps partiel sont prioritaires pour occuper tant un emploi à temps plein quel que soit leur temps de travail,

- les salariés à temps partiel d'une durée inférieure à 24 heures ou à la durée conventionnelle qui souhaitent augmenter leur temps de travail à hauteur de ces durées minimales ou plus, sont également prioritaires,

- en sa qualité d'agent d'exploitation, il pouvait postuler sur des emplois relevant de la même catégorie professionnelle,

- la société ne peut se prévaloir d'une absence de postes disponibles dans la mesure où comptant plusieurs antennes en dehors de [Localité 3], elle figure parmi les «'plus gros recruteurs de la région bordelaise en 2017'»,

- à l'époque des demandes présentées par ses soins, la société disposait de places disponibles,

- ce refus lui a causé un préjudice important en raison de la précarité de sa situation, qui s'en est trouvée accentuée,

- la société ne peut feindre d'ignorer l'existence d'un titre de séjour qui l'autorisait à travailler à temps complet car dès le mois d'avril 2017, il avait avisé son employeur de son changement de statut lui permettant de travailler sans restriction,

- il considère que l'obtention le 24 avril 2017 d'un récépissé de demande de carte de résident emporte les mêmes droits que le titre de résident, autorisant son titulaire à travailler sans restriction,

- l'employeur a ajouté aux dispositions de l'article R.311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) des conditions liées à la durée du travail et à la possibilité pour l'administration d'ajuster la durée du travail qui n'existent pas,

- il appartient à l'employeur destinataire d'une demande d'emploi à temps complet de vérifier la législation applicable avant d'opposer un quelconque refus,

- la société s'est affranchie des restrictions dont elle se prévaut en lui proposant le 1er juillet 2017, un avenant à son contrat de travail qui prévoyait une augmentation de sa durée de travail mensuelle à 101 heures, non compatible avec son titre de séjour, portant la durée du travail autorisée à une durée annuelle de 964 heures soit 80,33 heures mensuelles.

La société répond que :

- si avant le 9 août 2017, le salarié ne s'est pas vu remettre une liste des emplois à temps complet éventuellement disponibles, c'est en raison de sa situation administrative, car étudiant étranger, il ne remplissait pas les conditions légales pour occuper un tel poste en ce qu'il ne bénéficiait que d'un titre de séjour temporaire l'autorisant à travailler de manière accessoire, sans pouvoir dépasser 60% de la durée annuelle du travail en vertu des dispositions de l'article L.313-7 alinéa 2 du CESEDA,

- en l'espèce, les 60% de la durée légale du travail correspondent à 21 heures hebdomadaires, 91 heures mensuelles et 964 heures annuelles,

- lorsque le 13 juin 2017, le salarié a présenté une demande de passage à temps complet, il ne bénéficiait que d'un titre de séjour temporaire, ne l'autorisant à travailler que de manière accessoire, sans pouvoir dépasser 60% de la durée annuelle de travail,

- le même constat doit être opéré s'agissant de sa seconde demande formulée le 20 juillet 2017,

- à compter du 9 août 2017, date de première obtention d'un titre l'autorisant à travailler dans les conditions du droit commun, le salarié n'a plus formulé de telles demandes,

- au regard des demandes du salarié portant sur des postes du secteur non industriels, de ses compétences professionnelles et de son comportement à l'origine d'avertissements, la société indique qu'aucun poste à temps complet ne lui pouvait lui être proposé.

* * *

Aux termes de l'article L.3123-3 du code du travail, les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper un travail à temps plein ont priorité pour l'attribution d'un emploi relevant de leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent. Cette priorité porte tant sur les contrats de travail à durée indéterminée que sur les contrats de travail à durée déterminée.

Le salarié à temps partiel peut aussi demander à occuper dans certaines conditions un autre poste à temps partiel, pour être occupé à temps plein ou à temps de travail majoré, dès lors qu'existe une compatibilité en termes d'horaire, de durée et de répartition.

Le non-respect par l'employeur de l'obligation résultant de l'article L. 3123-3 est sanctionné par le paiement de dommages et intérêts.

Par ailleurs, l'article L.313-7 du CESEDA dans sa version applicable au présent litige, dispose que la carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. La carte ainsi délivrée donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle.

*

Il est établi à l'examen des pièces produites par les parties que :

- le contrat à durée indéterminée conclu le 22 juillet 2015 entre elles prévoyait un travail à temps partiel à hauteur de 80 heures par mois,

- le 13 juin 2017, M. [Y] a adressé à la société une demande de passage en temps de travail complet, demande qui a été réitérée aux termes de son courriel en date du 20 juillet 2017,

- selon l'attestation de M. [N], également employé par la société, il existait, au cours du mois de mai 2017, des postes à pourvoir à temps complet,

- M. [Y] a bénéficié, notamment du 29 octobre 2015 au 28 octobre 2016, d'un titre de séjour temporaire en sa qualité d'étudiant étranger l'autorisant à travailler à titre accessoire,

- le récépissé'de la demande de carte de séjour déposée par M. [Y] le 10 octobre 2016 précise qu'il autorise son titulaire à travailler à titre accessoire,

- le récépissé de demande de carte de séjour déposée le 24 avril 2017 par M. [Y] indique : «'demande la modification de son titre de séjour délivré à [Localité 5]. Ce récépissé n'est valable qu'accompagné de ce titre de séjour... dont les effets sont prolongés jusqu'au 23 juillet 2017. il autorise son titulaire à travailler'»,

- le titre de séjour visé au récépissé du 24 avril 2017 autorise l'étudiant étranger à travailler à titre accessoire.

Il résulte de ces éléments et de l'application des dispositions de l'article L.313-7 du CESEDA, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, que la situation administrative du salarié au moment où il a déposé ses demandes tendant à bénéficier d'un travail à temps complet, ne l'autorisait pas à travailler à temps complet, sa carte de résident ne lui ayant été délivrée qu'à compter du 9 août 2017.

Par voie de conséquence, les demandes de M. [Y] à ce titre seront rejetées et la décision entreprise sera confirmée.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Pour voir infirmer sur ce point la décision déférée, M. [Y] soutient que des modifications intempestives de planning sont intervenues l'empêchant de s'organiser et d'être en mesure de pourvoir un second emploi. Il ajoute que les délais de prévenance de 7 jours calendaires figurant au contrat de travail n'ont pas été respectés. Il considère que cette gestion des plannings l'a conduit à être à la disposition permanente de son employeur ainsi qu'à mettre un terme à la période d'essai de son second contrat de travail conclu sur cette période.

En réplique, l'employeur soutient que les plannings visés par l'appelant, s'ils ont fait l'objet de modifications, c'est en respectant néanmoins les délais de prévenance de 7 jours ou de 3 jours en cas d'urgence figurant au contrat de travail. Il considère en outre être étranger aux causes de la rupture du contrat conclu par le salarié avec un autre employeur dans le même temps.

* * *

L'article L.1221-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

A la lecture des pièces versées à la procédure il ressort que :

- le planning pour le mois d'avril 2017 a été adressé une première fois au salarié le 24 mars 2017, soit plus de 8 jours avant le premier jour travaillé ;

- ce même planning lui a été adressé une deuxième fois le 11 avril 2017, les modifications apportées faisaient suite à son absence pour maladie du 7 et 8 avril et concernanient les vacations des samedi 22 et dimanche 23 avril, le délai de prévenance ayant été t respecté ;

- ce même planning a fait l'objet de modification le 18 avril portant sur la vacation du 29 avril de sorte que le délai de prévenance a été respecté,

- le salarié a été destinataire le 24 avril 2017 de son planning pour le mois de mai 2017 ;

il a reçu le lendemain une modification de ce planning portant sur la vacation du 28 avril 2017 : le délai de prévenance a été respecté ;

- le 27 avril, il a vu son planning modifié pour effectuer deux vacations les 3 et 4 mai 2017, le délai d'urgence de prévenance de 3 jours figurant au contrat est ainsi respecté ;

- il a reçu le 24 mai 2017 son planning pour le mois de juin 2017, puis le même planning le 8 juin 2017 sans qu'aucune modification n'y soit portée ;

- son planning pour le mois de juillet 2017 lui a été communiqué le 23 juin 2017 et a été modifié le 30 juin pour ajouter une vacation le 3 juillet : le délai de prévenance d'urgence a été respecté ;

- le planning du mois d'octobre 2017 communiqué le 22 septembre 2017 a été modifié le 6 octobre 2017 pour une vacation à effectuer le 31 octobre 2017, qui a été annulée le 17 octobre 2017 puis réattribuée le 30 octobre 2017 de sorte que le délai de prévenance n'a pas été respecté ;

- le salarié a été destinataire le 25 octobre 2017 de son planning du mois de novembre 2017 et une vacation a été ajoutée le 6 novembre 2017 pour le 9 novembre 2017 : le délai de prévenance n'est donc pas respecté.

Les deux non-respects du délai de prévenance sont insuffisants à démontrer un manquement répété et délibéré de l'employeur ayant pour résultat de placer le salarié à sa disposition permanente, ni ne caractérisent une violation de l'obligation de loyauté, pas plus qu'ils ne permettent d'établir que cette situation a eu pour conséquence d'entraîner la rupture de la période d'essai du second contrat de travail de M. [Y], cette dernière étant intervenue le 29 mai 2017.

La décision des premiers juges sera donc confirmée.

Sur la demande de paiement du salaire du mois de décembre 2017

Au soutien de sa demande, le salarié invoque s'être présenté sur son lieu de travail les 10 et 17 décembre 2017 conformément au planning communiqué alors qu'il n'avait pas été destinataire de la notifiication de son licenciement intervenu par courrier du 1er décembre 2017, sa compagne ayant omis de lui remettre ledit courrier. Il indique avoir appris par un autre salarié de l'entreprise, à la prise de son service le 17 décembre 2017, qu'il avait été licencié.

Ainsi que le souligne l'employeur, la notification du licenciement pour faute grave a été présentée le 4 décembre 2017 au domicile du salarié mais a été refusée.

La rupture du contrat de travail prend effet le jour de l'envoi de la lettre de licenciement avec demande de réception, les vacations des 10 et 17 décembre 2017 ayant été affectées à deux autres salariés.

La demande présentée à ce titre sera donc rejetée et la décision de première instance sera confirmée.

Sur les autres demandes

M. [Y], partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la société une somme arbitrée à 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] aux dépens ainsi qu'à payer à la société la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06590
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;19.06590 ?
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