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05/04/2023 | FRANCE | N°19/06536

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 avril 2023, 19/06536


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/06536 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLQQ



















Madame [W] [A]



c/



SA FERMENTALG

















Nature de la décision : AU FOND











Grosse délivrée le :


r>à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 novembre 2019 (R.G. n°F 18/00670) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 13 décembre 2019,





APPELANTE :

Madame [W] [A]

née le 24 Septembre 1972 à [Localité 2] de nationalité Français...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/06536 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLQQ

Madame [W] [A]

c/

SA FERMENTALG

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 novembre 2019 (R.G. n°F 18/00670) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 13 décembre 2019,

APPELANTE :

Madame [W] [A]

née le 24 Septembre 1972 à [Localité 2] de nationalité Française

Profession : Assistante en ressources humai, demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Didier LE MARREC de la SELARL AVITY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA Fermentalg, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social , [Adresse 4]

N° SIRET : 509 935 151

assistée de Me Brigitte LOOTEN de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me GIRINON

représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : S. Déchamps

Greffier lors du prononcé : AM Lacour Rivière

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [W] [A], née en 1972, a été engagée en qualité de secrétaire de direction par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 avril 2011 par la SA Fermentalg, société créée en 2009 qui développe une activité dans la distribution de produits réalisés à partir de la culture de microalgues.

Aucune convention collective n'était applicable à la relation contractuelle.

Par avenant au contrat de travail à effet au 1er janvier 2013, Mme [A] a été promue assistante de direction, statut cadre.

A la fin de l'année 2015, M. [K] a été nommé directeur général de la société.

A compter du 1er janvier 2016, Mme [A] a occupé le poste de responsable des ressources humaines.

Un avenant a été établi le 22 avril 2016 mais n'a pas été signé.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute de base de Mme [A] s'élevait à la somme de 3.449,97 euros pour une durée hebdomadaire de travail de 39 heures.

A la suite de l'intervention dans l'entreprise en mars 2016 de l'inspection du travail et du rapport relatif aux risques psychosociaux (RPS) établi par celle-ci le 8 août 2016, la société Fermentalg a été mise en demeure le 21 octobre 2016 de procéder à une évaluation des RPS par une personne compétente dans les 15 jours, de présenter un rapport d'étape lors d'une réunion du CHSCT dans le délai de deux mois, enfin, d'élaborer un plan d'action et de prévention prenant en compte les résultats de l'évaluation.

A compter du 28 juin 2017, Mme [A] a été placée en arrêt de travail pour maladie, arrêt prolongé jusqu'à la fin de la relation contractuelle.

Le 20 février 2019, sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle au titre d'un syndrome anxiodépressif a été rejetée par la mutualité sociale agricole de la Gironde (ci-après dénommée la MSA).

Mme [A] a été désignée conseillère prud'homale au conseil de prud'hommes de Libourne en décembre 2017.

Le 10 novembre 2017, demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités, des dommages et intérêts pour harcèlement moral, une indemnité pour violation de son statut protecteur outre des rappels de salaires, Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne qui, par jugement rendu le 16 mars 2018, a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Bordeaux à la demande de la société Fermentalg.

Saisi le 3 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a, par jugement rendu le 15 novembre 2019 :

- débouté Mme [A] de ses demandes de rappels de salaire,

- jugé que Mme [A] n'a pas été victime de harcèlement moral et qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat,

- débouté Mme [A] du surplus de ses demandes,

- condamné Mme [A] à verser à la société Fermentalg la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [A] aux dépens et éventuels frais d'exécution.

Suite à une expertise médicale réalisée le 8 avril 2019, l'organisme de prévoyance a considéré dans un courrier en date du 6 juin 2019 que l'état de santé de l'appelante ne justifiait plus d'incapacité temporaire de travail.

Lors d'une visite de pré-reprise le 9 octobre 2019, le médecin du travail a demandé un avis médical complémentaire avant de se prononcer surr l'aptitude de la salariée.

Par avis du 19 décembre 2019, le médecin du travail a prononcé l'inaptitude de Mme [A], précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par lettre datée du 31 décembre 2019, Mme [A] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 janvier 2020.

La société Fermentalg a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier Mme [A] compte tenu de son statut protecteur, autorisation qui a été donnée par la DIRECCTE par décision du 18 février 2020.

Mme [A] a ensuite été licenciée pour inaptitude par lettre datée du 21 février 2020.

A la date du licenciement, Mme [A] avait une ancienneté de 8 ans et 10 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Par déclaration du 13 décembre 2019, Mme [A] a relevé appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 février 2022, Mme [A] demande à la cour de :

A titre principal,

- constater que la société Fermentalg est débitrice de la somme de 6.836,29 euros au titre de rappels de salaire sur les années 2014, 2015 et 2017,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a déboutée du paiement de ces primes,

Y faisant droit,

- condamner la société Fermentalg à lui payer la somme de 6.836,29 euros outre celle de 683,62 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- constater que la société Fermentalg est débitrice envers de la somme de 1.751,89 euros au titre de maintien de salaire durant les arrêts de travail pour maladie,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a déboutée du paiement du maintien de salaire,

Y faisant droit,

- condamner la société Fermentalg à lui payer la somme de 1.751,89 euros à ce titre,

- constater que les éléments pris dans leur ensemble prouvent l'existence d'un harcèlement moral de la part de société Fermentalg à l'égard de Mme [A],

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre du harcèlement moral,

Y faisant droit,

- condamner la société Fermentalg au titre du harcèlement moral dont est victime Mme [A],

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

Y faisant droit,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Fermentalg,

- fixer la rupture du contrat du fait de la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du licenciement soit le 21 février 2020,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [A] de ses demandes au titre du licenciement nul,

Y faisant droit,

- prononcer la nullité du licenciement aux torts exclusifs de la société Fermentalg,

- condamner la société Fermentalg à lui payer [A] la somme de 57.124,50 euros (15 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

- juger que du fait de la faute de la société Fermentalg et de la résiliation judiciaire et de son contrat de travail, Mme [A] a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'elle aurait dû recevoir jusqu'à l'expiration de la période de son mandat (protection jusqu'en janvier 2022), soit 30 mois de salaire représentant 114.249 euros,

- condamner la société Fermentalg au paiement à Mme [A] de la somme de 114.249 euros à titre d'indemnité forfaitaire égale à la rémunération qu'elle aurait dû recevoir du jour de la demande, jusqu'à l'expiration de la période de son mandat de délégué, y compris la période de protection à l'expiration du mandat (L. 2411-1 17° du code du travail),

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [A] de sa demande au titre du paiement du préavis,

Y faisant droit,

- condamner la société Fermentalg à payer à Mme [A] la somme de 7.616,60 euros à titre de préavis outre celle de 761,66 euros à titre de congés payés sur préavis,

- juger que la société Fermentalg a été défaillante au regard de son devoir de sécurité de résultat, non seulement au titre de la prévention des risques psycho-sociaux mais également, dans le cadre de la préservation de la santé des salariés (articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail),

- condamner la société Fermentalg à payer à Mme [A], pour défaut de sécurité de résultat de l'article L. 4121-1 du code du travail, la somme de 30.075,34 euros nets (6 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil,

A titre subsidiaire,

- constater que la société Fermentalg est débitrice de la somme de 6.836,29 euros envers Mme [A] au titre de rappels de salaire sur les années 2014, 2015 et 2017,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes,

Y faisant droit

- condamner la société Fermentalg à payer à Mme [A] la somme de 6.836,29 euros à Mme [A] à ce titre et celle de 683,62 euros bruts au titre de congés payés afférents,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes,

Y faisant droit,

- juger que la société Fermentalg a été défaillante au regard de son devoir de sécurité de résultat, non seulement au titre de la prévention des risques psycho-sociaux, mais également dans le cadre de la préservation de la santé des salariés (articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail),

- condamner la société Fermentalg à payer à Mme [A] la somme de 30.075,34 euros nets (6 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil pour préjudice distinct du licenciement et pour défaut de sécurité de résultat de l'article L. 4121-1 du code du travail,

- juger que la société Fermentalg a eu un comportement fautif au titre de l'exécution du contrat pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail (articles L. 1221-

1 et L. 1222-1 du code du travail),

- condamner la société Fermentalg à payer à Mme [A] la somme de 10.000 euros afin de réparer le préjudice subi par Mme [A] du fait de ses manquements (article 1231-1 du code civil),

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes,

Y faisant droit,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [A] aux torts exclusifs de la société Fermentalg,

- juger que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [A] par la société Fermentalg produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Fermentalg à payer à Mme [A] la somme de 26.658,10 euros (7 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (L.1235-3 code du travail),

- juger que du fait de la faute de la société Fermentalg et de la résiliation judiciaire et de son contrat de travail, Mme [A] a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'elle aurait dú recevoir jusqu'à l'expiration de la période de son mandat (protection jusqu'en janvier 2022), soit 30 mois de salaire représentant 114.249 euros,

- condamner la société Fermentalg au paiement à Mme [A] de la somme de 114.249 euros à titre d'indemnité forfaitaire égale à la rémunération qu'elle aurait dû recevoir du jour de la demande, jusqu'à l'expiration de la période de son mandat de délégué, y compris la période de protection à l'expiration du mandat (L.2411-1 17°du code du travail),

- condamner la société Fermentalg à payer à Mme [A] la somme de 7.616,60 euros

à titre de préavis,

- condamner la société Fermentalg au paiement à Mme [A] de la somme de 761,66 euros à titre de congés payés sur préavis,

En toute hypothèse,

- condamner la société Fermentalg aux dépens et à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 août 2021, la société Fermentalg demande à la cour de':

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 15 novembre 2019,

- débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes et, en conséquence :

* dire qu'aucun rappel de salaires n'est dû à Mme [A] au titre de primes sur

objectif ou de maintien de salaire durant son arrêt maladie,

* dire qu'aucun fait de harcèlement moral n'est opposable à la société,

* dire que la société n'a pas manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [A],

* dire que la société Fermentalg a exécuté loyalement le contrat de travail de Mme [A],

* dire qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [A] pour manquements de la société,

* dire que le contrat de Mme [A] a été rompu dans le cadre d'un licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle parfaitement bien fondé,

- en conséquence, débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes et notamment à titre :

* de rappel de salaires pour primes et maintien de salaire,

* d'indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail,

* d'indemnisation pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

* d'indemnisation pour violation de son statut protecteur,

* d'indemnité compensatrice de préavis,

* d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [A] au paiement de la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement au titre des primes

Mme [A] sollicite le paiement des primes d'objectif cadre, primes 'd'usage' fixées selon elle à 7% du salaire fixe annuel, soutenant que cette prime a ensuite été 'contractualisée' dans l'avenant n° 3 du contrat de travail daté du 22 avril 2016 et relevant qu'aucun objectif ne lui avait été fixé pour 2017.

Elle sollicite le paiement de la somme de 6.836,29 euros se décomposant comme suit :

- 2014 et 2015 : 2 x 2.898 [somme correspondant à la prime reçue en 2016],

- 2017 : 1.040,29 euros [somme correspondant à la prime maximum prévue par l'avenant, 2.800 euros, déduction faite de la somme versée soit 1.759,71 euros].

La société sollicite la confirmation du jugement déféré qui a débouté Mme [A] de sa demande à ce titre, exposant que pour les années 2014 et 2015, celle-ci ne verse aucune pièce démontrant l'usage allégué.

Pour l'année 2017, le caractère contractuel de la prime prévue par l'avenant n'est pas démenti mais la société fait valoir que les objectifs fixés n'ont été que partiellement atteints, la société détaillant dans ses écritures les modalités de calcul de la somme versée.

***

Pour les années 2014 et 2015, il appartient à Mme [A], qui se prévaut d'un usage de rapporter la preuve de la constance, de la généralité et de la fixité de la pratique du paiement d'une prime d'objectif aux cadres de l'entreprise et de son étendue, au-delà de la seule affirmation faite par elle du versement d'une prime de fin d'année de 7% du salaire brut annuel à tous les cadres de la société.

La lecture des mails échangés en janvier 2016 entre Mme [J], consultante extérieure et gérante d'un cabinet prestataire de service missionné par la société dans le cadre d'un contrat de prestation de service, et un cabinet d'avocats ainsi que du mail adressé en décembre 2016 par Mme [R] [manager Ressources Humaines de juin 2016 à juin 2017], permet seulement de retenir :

- qu'il existait une prime 'de fin d'année ou de Noël' de 1.000 euros versée aux salariés non cadres et non soumis à des objectifs ;

- que cette prime figure expressément dans l'avenant au contrat établi le 22 septembre 2015 dans lequel ne sont, en revanche, mentionnés ni objectifs ni prime correspondante,

- qu'en décembre 2017, la société a, pour les salariés pour lesquels cette prime n'était pas contractualisée, dénoncé cet 'usage' mais concernant seulement cette prime de 1.000 euros (ainsi que la prime de vacances) ;

- que les cadres ont bénéficié en 2016 d'une prime d'objectifs, calculée sur le salaire brut des 12 derniers mois, se substituant à la prime de Noël.

D'une part, de ces pièces pas plus que des autres pièces invoquées par l'appelante au soutien de sa demande pour les exercices 2014 et 2015, il ne peut être déduit l'existence d'un usage antérieur à 2016 attribuant aux cadres une prime d'objectifs.

D'autre part, jusqu'à l'avenant établi le 22 avril 2016, Mme [A] n'avait pas d'objectifs contractuellement prévus : il ne peut donc être retenu qu'elle aurait pu percevoir une prime liée à des objectifs.

En 2016, Mme [A] a perçu au titre de la prime d'objectifs la somme de 2.898 euros en décembre 2016 outre un rappel de 1.499,78 euros versé en janvier 2018 : elle a donc été remplie au delà des droits résultant de l'avenant.

Pour 2017, au vu du bulletin de paie de janvier 2018, Mme [A] a perçu d'une part la somme de 1.759,71 euros au titre de la prime d'objectifs, d'autre part, au titre de la prime de Noël la somme de 500,22 euros bruts.

La proratisation de la prime de Noël versée n'est pas critiquée.

S'agissant de la prime d'objectifs, si ainsi que la société le soutient, les objectifs pouvaient être unilatéralement fixés, il lui appartient cependant de démontrer que Mme [A] en a eu connaissance.

Or, la pièce 7 invoquée à ce sujet, soit l'entretien annuel d'évaluation tenu en mars 2017 comporte en page trois les objectifs suivants :

- obtenir une formation certifiante en ressources humaines,

- renforcer sa connaissance des dossiers RH,

- assurer une veille juridique.

Ces objectifs ne correspondent que pour partie à ceux figurant sur la pièce datée du 24 janvier 2017 non signée de la salariée, accolée à l'entretien annuel qui, lui, a été signé.

Dès lors, le calcul effectué par la société qui repose sur les résultats pondérés à 50% obtenus à des objectifs non inscrits dans l'entretien annuel (sa pièce 19) ne peut être retenu.

Il sera donc fait droit à la demande de Mme [A] à hauteur de la somme de 1.040,29 euros bruts outre celle de 104,03 euros bruts pour les congés payés afférents.

Sur la demande en paiement au titre du maintien du salaire

En application des dispositions des articles L. 1226-1, D. 1226-1 et suivants du code du travail, Mme [A], compte tenu de son ancienneté, devait bénéficier du maintien de la rémunération brute qu'elle aurait perçue si elle avait continué à travailler dans les conditions suivantes :

- 40 jours à compter du 7ème jour d'absence : 90 % de la rémunération,

- les 40 jours suivants : 2/3 de la rémunération,

Doivent être déduites les allocations perçues de la sécurité sociale et du régime complémentaire de prévoyance.

Les parties sont en désaccord sur la base de calcul du complément de salaire, Mme [A] estimant qu'il y a lieu d'intégrer la prime de vacance, la prime de Noël et la prime sur objectif.

La prime de vacance annuelle qui a été versée en juin 2017 à Mme [A] et n'est pas liée à la prestation de travail accomplie n'a pas à être intégrée ; il en est de même de la prime de Noël qui n'est liée qu'à la présence du salarié dans l'entreprise.

En revanche, la prime d'objectif que Mme [A] chiffre à 2.800 euros, reposant sur la prestation de travail accomplie, doit être prise en considération.

Le salaire de référence sera en conséquence fixé à la somme de 3.683,30 euros bruts.

Le total relevant de la garantie de maintien de salaire s'élève donc à la somme de 7.694 euros.

Compte tenu des sommes versées par la MSA (43,79 euros / jour = 3.503,20 euros pour 80 jours), par la société du 6 juillet 2017 au 12 septembre 2017 ( 69 jours = 3.220,43 euros) puis, par le régime de prévoyance, du 13 au 23 septembre 2017 (11 jours = 725,41 euros, somme dont la salariée n'a pas tenu compte dans sa demande), la créance de Mme [A] à ce titre sera fixée à la somme de 244,96 euros bruts.

Sur le harcèlement moral

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa

dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de ses prétentions, Mme [A] invoque notamment les éléments suivants :

1. La dégradation de ses conditions de travail :

- à son retour de congés, en janvier 2016, elle n'a pas pu rejoindre son bureau dont les clés avaient été changées, ainsi qu'en atteste Mme [N], ancienne salariée de la société, qui déclare à propos de Mme [A] (pièce 80 salariée) : « Début janvier après sa nomination [en qualité de responsable des ressources humaines], à la suite de son retour de vacances, les serrures de son bureau avaient été changées ; Mr [L], nouveau Directeur Financier en avait les clés. Elle ne pouvait plus accéder à son bureau. Un nouveau bureau lui était attribué qui était la petite salle de réunion à côté de notre open space (...) » ;

- après avoir attendu à l'accueil, elle a été reçue par le nouveau directeur général, M. [K], qui lui a indiqué qu'elle devait accepter le nouveau poste de responsable RH ;

- compte tenu de sa situation, elle n'a pu qu'accepter ce poste qui lui a été imposé et pour lequel, malgré ses demandes réitérées, elle n'a pu obtenir d'avenant signé de l'employeur, ce dont atteste Mme [J], gérante de la société l'Atelier RH, intervenue dans la société entre octobre 2015 et juin 2016 qui déclare : « (...) Afin d'officialiser cette mutation, j'ai soumis un avenant au contrat de travail de Mme [A] à Monsieur [K] qui, malgré de nombreuses relances, ne l'a pas signé avant mon départ. Il avait également été convenu que Madame [A] suive une formation en Ressources Humaines assez vite pour s'immerger dans les dossiers. Cette formation, pour laquelle Monsieur [K] était tout à fait partant n'a pas été accordée pendant la durée de ma mission. (...) L'absence de réponse de Monsieur [K] faisait partie de sa politique de mise à l'écart des collaborateurs et avait pour finalité de les pousser à craquer ou à quitter la société. Ce comportement inapproprié constitue une des raisons qui a motivé la demande de rupture anticipée de mon contrat de prestation de services initialement prévu jusqu'au 31 décembre 2016. Je souhaite aujourd'hui apporter très modestement un soutien à [W] [A], en témoignant de l'environnement délétère dans lequel elle a été plongée pendant les mois de collaboration avec Monsieur [K] (pièce 71) » ;

- la formation au poste de RRH n'a été mise en oeuvre qu'après un an et demi, l'excuse alléguée par la société étant totalement mensongère ;

- elle a fait l'objet de remarques désobligeantes, ce dont témoigne Mme [N] qui indique : « Mme [A], un jour où nous allions déjeuner ensemble avec d'autres collègues du service comptabilité, s'est vu interpellée par Mme [G] [C]-[U], assistante de direction du nouveau directeur, [dénommée en réalité [G] [H]] car celui-ci souhaitait la voir pour la recadrer car elle allait manger avec Mr C. [M] salarié de la société. Mr [M] étant un proche de l'ancien PDG Mr [I], Mr [K] lui interdisait de manger avec certains collègues qu'il estimait trop proche de l'ancien PDG (...) » ;

- son poste de RRH était vide de substance car il y avait à la fois une DRH et une manager RH, Mme [D], qui venait en doublon avec son poste, ce dont atteste Mme [N] qui déclare à propos de Mme [A] : « (...) jusqu'à mon départ de la société, elle n'a pas du tout occupé ce poste, elle ne participait à aucune réunion avec la direction, uniquement les consultantes RH externes étaient conviées » ;

- la mise en place d'un management « rugueux et hostile » afin de faire partir les collaborateurs, départ dont témoigne le registre du personnel (pièce 58) qui mentionne notamment, pour l'année 2016, 9 démissions, 3 licenciements pour faute, 3 licenciements pour motif économique, une prise d'acte et une rupture conventionnelle et ainsi qu'en atteste Mme [N], qui déclare : « Pendant tout le temps où j'ai travaillé sous la présidence de Mr [K], il y avait une réelle volonté de faire partir les anciens de la société » ;

- la suppression de son numéro de téléphone portable personnel, transféré dans la flotte de la société au bénéfice du directeur commercial ;

- le retrait de l'usage de son adresse mail professionnelle en janvier 2016, adresse qui est cependant restée installée sur le poste de la secrétaire de M. [K] qui a 'usurpé' son identité (pièce 35) ;

- les éléments relevés par l'inspection du travail lors de son intervention en mars 2016, puis dans le rapport établi le 8 août 2016 (pièce 34) et dans la mise en demeure adressée à l'entreprise le 21 octobre 2016 (pièce 64), éléments en partie reconnus par la DRH alors en poste, Mme [J] (pièce 38) ;

- lorsque la nouvelle DRH, Mme [V], est arrivée dès le 16 mai 2017 et non le 13 juin comme l'indique l'employeur, elle ne lui a pas adressé la parole, ne s'adressant à elle que par mail, Mme [A] ayant évoqué auprès des délégués du personnel sa mise à l'écart et le manque de considération à son égard le 4 mai 2017 ainsi que le fait de ne pas être informée d'éléments nécessaires à la réalisation de ses missions (mails des 4 mai 2017 et 28 juin 2017- pièces 29, 43 et 45) ;

- elle n'a pas été informée de son changement de supérieur hiérarchique (mail du 12 juin 2017 - pièce 41) ;

- elle a été humiliée par son supérieur hiérarchique (mail du 23 juin 2017 - pièce 42) ;

- elle a appris par une autre salariée qu'elle allait changer de bureau (mail à la DUP du 4 mai 2017- pièce 29) et son ancien bureau a été vidé pendant une réunion (mail du 18 mai 2017 à la DUP - pièce 45) ;

- le non paiement de ses primes et ses difficultés à propos du maintien du salaire ayant entraîné un retard dans l'inscription de son fils à l'université (pièce 50) ;

- le retard de remboursement de ses frais de formation (pièces 16 et 18) ;

- la sollicitation de l'employeur pendant son arrêt de travail (pièce 51) ;

- la suppression de sa boîte mail en avril 2018 (pièce 52) ;

- l'absence de suite donnée à sa déclaration de maladie professionnelle, faite dès le 28 juin 2017, l'ayant contrainte à déposer un dossier à la MSA le 20 juillet 2018.

2. Une atteinte à son intégrité physique et mentale :

- à sa demande, elle a été reçue par le médecin du travail le 1er juin 2017 (pièce 9 : convocation) ;

- elle est suivie par un psychiatre toutes les semaines depuis début juin 2017 (aucune pièce visée) ;

- elle a été placée en arrêt de travail pour 'syndrome anxiodépressif réactionnel' à compter du 28 juin 2017 ;

- le service de pathologie des maladies professionnelles qu'elle a consulté à la demande du médecin du travail a estimé qu'il y avait un risque majeur pour son état de santé mentale en cas de reprise de poste ( pièce 12) ;

- elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail et licenciée après 968 jours d'arrêt de travail.

Ainsi que le soutient la société, certains des faits dénoncés par Mme [A] ne reposent que sur les seules déclarations de celle-ci, ou ne sont pas établis par les pièces qu'elle produit ou encore, peuvent être considérés comme justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Il en est ainsi notamment des faits suivants :

- la non-transmission de la déclaration de maladie professionnelle : Mme [A] ne justifie pas de l'envoi à son employeur du certificat établi le 28 juin 2017 par son médecin traitant, sa demande ultérieure de prise en charge au titre de la législation professionnelle faite le 2 octobre 2018 à la MSA, ayant, en tout état de cause, été rejetée par décision du 20 février 2019 ;

- la demande adressée en août 2017, alors que la salariée est en arrêt de travail pour maladie, par Mme [V] lui demandant si elle a des instructions sur ses effets personnels se trouvant dans les bureaux qui vont être déménagés, ne peut être considérée que comme une marque d'attention à l'égard de Mme [A] et non, comme une sollicitation illégitime adressée à un salarié en arrêt de travail pour maladie ;

- le retard dans le paiement des sommes dues au titre de la garantie du salaire qui s'explique en réalité par le retard de la MSA dans l'envoi des relevés d'indemnités journalières qui lui étaient versées, difficulté reconnue par la salariée elle-même, étant observé que la société a fait droit aux demandes d'acomptes que présentait Mme [A] ;

- le remboursement des frais de formation qui est intervenu dans un délai raisonnable au regard de la transmission par la salariée des dépenses engagées (en septembre et octobre 2017), un acompte lui ayant été versé en octobre 2017 ;

- la prétendue suppression de son adresse de messagerie en avril 2018 ne résulte pas de la pièce 52 produite, le message d'origine prétendument non remis n'étant pas produit.

En revanche, même en retenant que les éléments évoqués par l'inspection du travail dans les différents courriers adressés à l'entreprise ne font pas spécialement état de faits précis concernant la salariée appelante, ils témoignent néanmoins d'un climat social très altéré et de risques psychosociaux avérés et auxquels la société a pour le moins tardé à mettre en oeuvre les actions de prévention nécessaires puisqu'elle a été mise en demeure d'y procéder par courrier du 8 octobre 2016 de l'inspection du travail qui évoque notamment :

- des rapports sociaux difficiles et conflictuels,

- des craintes des salariés liées à des suppressions de postes décidées sans annonce préalable, étayées par le nombre important des départs au cours du 1er semestre 2016 (soit 15),

- que le processus d'évaluation des RPS n'a pas abouti.

Une évaluation des risques a été faite au cours du premier semestre 2017 et présentée aux salariés le 1er juin 2017 : y sont notamment relevés que la gestion des ressources humaines était toujours en 'construction et non aboutie', que subsistait toujours un 'flou' sur les primes, une posture de service RH non reconnue (absence de réponse, crainte de formuler une demande ...), des fonctions et des responsabilités floues (absence de fiche de poste, niveau de responsabilité non défini, absence d'organigramme) ... et enfin, des craintes quant à un avenir perçu comme incertain ... (pièce 9 société).

Il n'est pas justifié des suites données aux préconisations et axes de travail proposés par le rapport.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société, les difficultés apparues en 2016 n'étaient nullement résolues à la date où Mme [A] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

D'autre part, Mme [A] justifie de faits personnellement subis se rattachant au climat social altéré relevé par l'inspection du travail, situation confortée par l'évaluation des risques présentée à la fin du premier semestre 2017.

En effet, même s'il ne peut être retenu que le poste de RRH a été 'imposé' à Mme [A], il est avéré que cette proposition s'est faite sans aucune annonce préalable, au retour de congé de la salariée en janvier 2016.

Si la société explique que la croissance économique de la société avait tardé à être suivie d'une réorganisation interne adaptée, notamment en termes de RH, et que l'arrivée de M. [K], en janvier 2016, était destinée à restructurer l'entreprise à cette fin, rien ne justifie l'annonce soudaine pour ne pas dire brutale d'un changement de poste ; le témoignage de Mme [N] selon laquelle, le même jour de son retour de ses congés, Mme [A] n'a pas pu accéder à son bureau dont les clés avaient été changées et a ensuite été installée dans une salle de réunion, n'est pas démenti par la société, de tels faits ne pouvant se justifier ; même à supposer une volonté de réorganiser les locaux, celle-ci ne pouvait s'effectuer sans un minimum d'information préalable des salariés concernés.

Une réorganisation des bureaux a de nouveau été décidée au cours de l'année 2017 : cette décision était, contrairement à ce que soutient la société manifestement antérieure à l'été 2017, puisqu'annoncée à Mme [A] par une collègue du service juridique dès le mois d'avril (pièce 29), Mme [A] n'étant pas démentie lorsqu'elle indique avoir constaté le 17 mai 2017 que son bureau était en train d'être vidé, le mobilier étant finalement réinstallé à la demande de Mme [R] (pièce 45 salariée).

Si certes l'accord des salariés n'a pas à être recueilli pour la réorganisation des locaux de travail, ils doivent à tout le moins en être informés préalablement et la société n'explique ni ne justifie l'incident survenu le 17 mai 2017, même si, par la suite en août, il a été pris la précaution de demander à Mme [A] si elle avait des instructions sur le sort de ses effets personnels.

Il est par ailleurs établi que les effectifs de l'entreprise ont été lourdement perturbés au cours de l'année 2016 : le rapport d'évaluation des risques mentionne 29 départs soit environ 50% du personnel.

Le service RH a lui-même connu une réelle instabilité par la succession de directeurs et/ou managers au cours de l'année 2016 et 2017 dans les conditions suivantes :

- Mme [J], consultante externe DRH d'octobre 2015 à juin 2016,

- Mme [D], 'manager de transition RH' recruté pour 'l'accompagnement de Mme [A]', du 21 mars 2016 au 30 juin 2016,

- Mme [R], également 'manager de transition', du 6 juin 2016 au 9 juin 2017,

- Mme [V], engagée le 13 juin 2017 en qualité de directrice des ressources humaines, et présente durant trois jours au cours du mois de mai.

Cette succession de 'supérieurs' était de nature à contribuer à une certaine déstabilisation de la salariée quant à sa place et ses missions au sein de ce service d'autant :

- que l'avenant au contrat de travail de Mme [A] n'a jamais été signé, le témoignage de Mme [J] étant particulièrement éloquent à ce sujet, sans que la société ne fournisse aucun élément de nature à objectiver le refus de M. [K] ;

- que, s'agissant de la formation, celle-ci était expressément prévue dans l'avenant pour devoir être réalisée entre le 5 septembre 2016 et le 30 juin 2017 auprès d'un organisme bordelais ; la société ne justifie pas pour quelle raison cette formation n'a pas été suivie, ni pourquoi un autre organisme a été choisi : en outre, même si cette seconde formation impliquait une expérience préalable d'un an, Mme [A] aurait parfaitement pu intégrer la première promotion organisée en début d'année 2017 ;

- que la succession de directeur et/ou manager n'a été précédée d'aucune information préalable faite à Mme [A] et, surtout ne s'est accompagnée d'aucune fiche de poste définissant les missions attribuées à la salariée qui pouvait donc légitimement déplorer que Mme [V] se soit occupée fin juin 2017 de transmettre les informations pour l'établissement des paies des salariés, mission qui lui incombait auparavant au vu de l'entretien annuel d'évaluation de mars 2017 ;

- que cette instabilité a pu d'ailleurs conduire la salariée à ignorer à qui elle devait solliciter la validation de ses congés (échanges de mails du 12 juin 2017 - pièce 41 salariée) ;

- que le fait que Mme [V] n'ait pas encore rencontré la seule salariée de son service, avant que celle-ci ne soit placée en arrêt de travail pour maladie ne peut s'expliquer par le seul fait que Mme [A] n'a été présente que quelques jours en juin ; cette rencontre aurait aussi pu avoir lieu auparavant puisque Mme [V] avait été présente dans l'entreprise les 16, 18 et 23 mai (pièce 63 salariée) ; cette défaillance est d'autant

plus critiquable que l'employeur reconnaît lui-même que Mme [A], qui avait sans doute espéré être nommée à ce poste, ne pouvait qu'éprouver une réelle déception de ne pas avoir été choisie.

En conséquence, la société échoue à démontrer que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Mme [A] établit la dégradation concomitante de son état de santé, ayant été placée en arrêt de travail à compter du 28 juin 2017 pour un état anxiodépressif réactionnel.

Dès le mois de juillet 2017, le médecin du travail avait sollicité le service des pathologies professionnelles du CHU Hôpital [3], en évoquant le fait que depuis plusieurs mois, l'entreprise était en restructuration, avec changement managérial et renouvellement des collaborateurs et, avant de prononcer l'inaptitude de Mme [A], suggéré la consultation d'un psychiatre en évoquant un 'contexte professionnel difficile', les déclarations de ce médecin confortant le lien entre l'état de santé dégradé de la salariée et ses conditions de travail.

Sur la rupture du contrat

- Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat

En application des dispositions des 1217 et 1224 du code civil et 1231-1 du code du travail, en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties, l'autre partie peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.

Lorsqu'un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Si le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

La résiliation judiciaire à la demande du salarié n'est justifiée qu'en cas de manquements de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

En l'espèce, le lien entre la dégradation de la santé de Mme [A], le harcèlement subi, spécialement au regard des dernières difficultés survenues au cours du 2ème trimestre 2017, est établi.

Ces faits caractérisent un manquement grave de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention des faits de harcèlement.

En application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 11152-1 et L. 1152-2 est nulle.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de Mme [A] de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société qui produira les effets d'un licenciement nul à la date du licenciement pour inaptitude intervenu le 21 février 2020.

- Sur les demandes pécuniaires au titre de la rupture

Sur la base du salaire de référence de 3.808,30 euros retenu par Mme [A], il lui sera alloué la somme de 7.616,60 euros bruts, telle que sollicitée à hauteur de 2 mois, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que celle de 761,66 euros pour les congés payés afférents.

Mme [A] sollicite la somme de 57.124,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul soit 15 mois de salaire au visa de l'article L. 1235-3 du code du travail.

***

En application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L.1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités consécutives notamment à des faits de harcèlement moral.

Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Mme [A] ne justifie ni même ne précise sa situation suite à son licenciement.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [A], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences de la rupture à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur les autres demandes indemnitaires

- Sur la demande au titre de la violation de l'obligation de sécurité et de prévention

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Il a été retenu ci-avant que Mme [A] avait subi des agissements caractérisant une situation de harcèlement moral et que la société, préalablement alertée par l'inspection du travail, a été mise en demeure par celle-ci d'établir un plan de prévention des risques psychosociaux.

Mme [A] justifie du dépôt par l'inspection du travail d'une plainte auprès du Procureur de la République de Libourne le 26 janvier 2017 notamment pour harcèlement moral (pièce 21 salariée).

Le courrier envoyé le 24 mai 2017 par l'inspectrice du travail démontre qu'à cette date, il existait encore des pratiques critiquables de l'employeur (pièce 22 salariée).

Au regard des éléments ci-avant retenus, le manquement de l'employeur à ses obligations de sécurité et de prévention tant du harcèlement que des risques psychosociaux est avéré.

Compte tenu des conséquences sur l'état de santé de la salariée, la société sera condamnée à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande au titre de la violation du statut protecteur

Les faits de harcèlement reprochés à la société et retenus ci-avant sont tous antérieurs à l'information donnée à l'employeur par le syndicat CFE CGC de la désignation de Mme [A] en qualité de candidate aux fonctions de conseiller prud'homme par lettre du 6 juillet 2017.

Aucun fait en violation de la protection attachée à cette candidature puis à la désignation n'est justifié ni même allégué, la situation d'arrêt de travail n'interdisant pas l'exercice d'un mandat par le salarié, étant relevé notamment en l'espèce que Mme [A] a, malgré son arrêt de travail, pu suivre sa formation et qu'elle ne justifie par aucune pièce ne pas avoir été en mesure d'exercer ses fonctions de conseillère prud'homale.

La violation alléguée du statut protecteur attaché à cette fonction n'est en conséquence pas établie et Mme [A] sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

La société, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [A] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [W] [A] de ses demandes au titre d'un rappel de salaire pour les années 2014 et 2015 et de sa demande au titre de la violation de son statut de salarié protégé,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [W] [A] aux torts de la société et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement nul à la date du 21 février 2020,

Condamne la société Fermentalg à payer à Mme [W] [A] les sommes suivantes :

- 1.040,29 euros bruts au titre d'un rappel de prime sur objectifs pour l'année 2017 et 104,03 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 244,96 euros bruts au titre du maintien du salaire entre le 6 juillet et le 23 septembre 2017,

- 7.616,60 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 761,66 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention du harcèlement moral,

- 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par la société Fermentalg à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [W] [A] depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société Fermentalg aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06536
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;19.06536 ?
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