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05/04/2023 | FRANCE | N°19/06450

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 avril 2023, 19/06450


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/06450 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLJQ

















Monsieur [E] [L]



c/



SAS PRODITEC

















Nature de la décision : AU FOND















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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 novembre 2019 (R.G. n°F 18/01437) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 09 décembre 2019,





APPELANT :

Monsieur [E] [L]

né le 10 Décembre 1968 à [Localité 3] de nationalité...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/06450 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLJQ

Monsieur [E] [L]

c/

SAS PRODITEC

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 novembre 2019 (R.G. n°F 18/01437) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 09 décembre 2019,

APPELANT :

Monsieur [E] [L]

né le 10 Décembre 1968 à [Localité 3] de nationalité Française Profession : Technicien(ne), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laëtitia SCHOUARTZ de la SELARL SCHOUARTZ AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Proditec, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2]

N° SIRET : 342 874 013

représentée par Me Stéphanie BERTRAND de la SELARL STEPHANIE BERTRAND AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente, et Madame Bénédicte

Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Après avoir effectué des missions d'intérim au sein de la société Proditec de mai 2016 à janvier 2017, M. [E] [L], né en 1968, a été engagé en qualité de technicien de production polyvalent par la société par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 février 2017.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.

Le 10 mars 2015, M. [L] s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé, décision renouvelée le 20 mars 2018.

Le 12 avril 2018, M. [L] a été victime d'un malaise au sein de la société et a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie 'non professionnelle' du 12 au 24 avril 2018.

Le 25 avril 2018, M. [L] a été reçu à un entretien informel avec son employeur au cours duquel il soutient qu'il lui a été proposé la négociation d'une rupture conventionnelle sans préavis.

M. [L] a été de nouveau placé en arrêt de travail à compter du 30 avril 2018 jusqu'au 31 mai 2018.

Le 25 juin 2018, M. [L] a repris son poste de travail. Par courrier du même jour, la société Proditec s'est engagée à réaménager son poste de travail.

Le 27 juin 2018, M. [L] a été reçu à une visite de reprise par le médecin du travail. Ce dernier a recommandé l'aménagement du poste de sorte à alterner la position assise et debout et à favoriser les moyens mécaniques de manutention.

Par mail du 5 juillet 2018, M. [L] a indiqué à son employeur qu'il était toujours dans une démarche active de recherche d'un nouvel emploi.

Le 19 juillet 2018, le médecin du travail a saisi le service de maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (SAMETH) d'une demande d'intervention en vue de l'adaptation du poste de M. [L] à son handicap.

Le 25 juillet 2018, M. [L] et M. [J], également salarié de l'entreprise, ont eu une altercation au sein de la société. Ils ont ensuite été reçus par Mme [N], secrétaire générale occupant les fonctions de responsable des ressources humaines afin d'évoquer le conflit.

Par courrier remis en main propre le 26 juillet 2018, les deux salariés ont été sanctionnés d'un avertissement pour ces faits.

Le 27 juillet 2018, la société a réuni les délégués du personnel, exposant avoir été informée la veille d'une autre version de l'altercation survenue le 25 juillet 2018 au cours de laquelle M. [L] aurait fait preuve de violences physiques et de menaces à l'encontre de son collègue. La société a alors décidé de mettre en place une enquête sur ces faits.

Par lettre datée du 27 juillet 2018, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 août 2018 avec mise à pied à titre conservatoire. M. [L] ayant refusé de recevoir cette convocation en main propre, un courrier à cette fin lui a alors été adressé par courrier le 28 juillet 2018.

Le 27 juillet 2018, M. [L] a été placé en arrêt de travail pour maladie.

M. [L] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 31 août 2018.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant le paiement de rappels de salaire, de diverses indemnités outre des dommages et intérêts pour licenciement abusif et pour non respect de l'obligation de sécurité, M. [L] a saisi le 24 septembre 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 22 novembre 2019, a :

- dit que le licenciement de M. [L] du 31 août 2018 repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dit qu'il n'y a eu aucun non-respect de l'obligation de sécurité de la part de la société Proditec,

- débouté M. [L] de la totalité de ses demandes,

- dit qu'il n'a pas lieu à versement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] aux dépens et frais éventuels d'exécution du présent jugement.

Par déclaration du 9 décembre 2019, M. [L] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 novembre 2022, M. [L] demande à la cour de dire recevable et bien fondé son appel, de réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 22 novembre 2019 en ce qu'il a jugé fondé le licenciement pour faute grave dont il a fait l'objet et n'a pas reconnu les manquements à l'obligation de sécurité et de résultat de l'employeur et, en conséquence, de :

- dire qu'il n'a pas commis de faute grave,

- dire qu'il a été licencié sans cause réelle et sérieuse,

- dire que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,

En conséquence,

- condamner la société Proditec à lui verser les sommes suivantes :

* dommages et intérêts pour licenciement abusif : 13.650 euros,

* indemnité compensatrice de préavis : 6.825 euros,

* congés payés sur préavis : 682,50 euros,

* indemnité légale de licenciement : 1.150 euros,

* rappel de salaire afférent à la mise à pied à titre conservatoire : 2.275 euros,

* congés payés sur rappel de salaire : 227,50 euros,

* dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité : 10.000 euros,

* article 700 du code de procédure civile : 2.500 euros,

- condamner la société Proditec aux dépens et frais éventuels d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 juin 2022, la société Proditec demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux,

- débouter M. [L] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M.[L] à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [L] aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement en date du 31 août 2018 qui fixe l'objet du litige est ainsi rédigée :

« Monsieur,

Le 27 juillet dernier, en fin de journée, nous avons tenté de vous remettre en main propre un courrier de convocation à un entretien préalable à votre éventuel licenciement fixé le lundi 27 août 2018.

En vous remettant ce courrier, nous vous informions que vous faisiez dès lors l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat.

Vous avez mal réagi à cette annonce et quitté précipitamment l'entreprise tout en refusant de contresigner la convocation à entretien.

Nous avons par conséquent été contraints de vous la transmettre par lettre recommandée avec accusé de réception le jour même, courrier que vous avez réceptionné le 13 août 2018.

Cependant, vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien sans aucune information préalable, de sorte que nous n'avons pu recueillir vos observations sur les faits qui vous sont reprochés.

Nous sommes dès lors obligés de tirer les conséquences des manquements graves que nous vous reprochons et de prononcer votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :

- menaces à l'encontre d'un de vos collègues de travail,

- violence physique et remise en cause de l'intégrité physique et psychologique de ce collègue ,

- non-respect du règlement intérieur.

Le 25 juillet dernier, vous avez eu une violente dispute avec votre collègue Monsieur [D] [J] dans les ateliers lors de laquelle vous avez tenu des propos totalement déplacés et virulents à son encontre.

Vous avez été reçus conjointement dans le bureau de la Direction afin d'entendre vos explications et de régler votre différend.

Un avertissement vous a été notifié dès le lendemain, le 26 juillet 2018, pour ces faits.

Cependant, dès le 27 juillet 2018, il a été porté à notre connaissance de nouveaux faits d'une extrême gravité concernant cette altercation.

En effet, nous avons appris que vous ne vous étiez pas contenté d'insulter M.[J], mais que vous aviez fait preuve d'une particulière violence en le prenant littéralement à la gorge tout en proférant des menaces.

Dès que nous avons été informés de ces faits nouveaux, les délégués du personnel ont été saisis et une enquête a été ouverte avec la coopération de ces derniers.

Il nous a alors confirmé que vous avez été vu 'tenant par le cou' M.[D] [J], le 'menaçant d'un coup de poing' afin de le forcer à vous suivre dans le bureau de la Direction.

Un autre collègue, Monsieur [I] [M], alerté par vos hurlements, a même été contraints d'intervenir pour libérer M. [J] de votre emprise physique et lui permettre d'échapper à vos actes de violence physique et aux menaces verbales que vous lui avez tenu.

Si ce n'est pas la première fois que nous avons à vous reprocher votre comportement violent et agressif sur le lieu de travail, vous avez désormais franchi un seuil intolérable en exécutant des gestes de strangulation sur un de vos collègues et en le menaçant de coups.

Vos disputes à répétition avaient déjà fait l'objet de plusieurs mises au point lors desquelles nous vous reprochions vos réactions excessives vis-à-vis de vos collègues, vos états de colère et de stress intense, mais vous n'aviez jamais été aussi loin dans la violence puisque vous avez désormais passé le cap de l'agression physique.

Pourtant, nous avons tout mis en oeuvre pour vous aider à travailler dans un climat serein et avons été à votre écoute dès que vous en éprouviez le besoin.

Cependant, force est de constater que nous n'avons pas de prise sur vos emportements qui vont crescendo et que nos simples rappels à l'ordre ont été vains.

En agissant ainsi vous contribuez à dégrader les conditions de travail de l'ensemble des salariés et perturbez le bon fonctionnement de l'entreprise.

Par vos agissements aussi soudains que violents et impossibles à prévenir, nous ne sommes plus en mesure de remplir notre obligation de sécurité de résultat dont nous sommes débiteurs à l'égard des autres salariés.

Nous ne pouvons admettre un tel comportement qui met en péril l'intégrité physique et psychologique de vos collègues.

Il est de notre responsabilité de faire cesser ce danger.

En outre, vos agissements vont à l'encontre du règlement intérieur auquel vous êtes soumis et des valeurs que défend notre société.

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave à effet immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture. (...)».

M. [L] invoque l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Ayant déjà été sanctionné par la notification d'un avertissement le 26 juillet 2018 pour avoir menacé son collègue, il soutient que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait lui notifier un licenciement pour les mêmes faits le 31 août 2018.

S'agissant des seconds faits invoqués par la société, à savoir des violences physiques, qui sont evoqués dans la lettre de licenciement, M. [L] conteste leur réalité.

Subsidiairement, il soutient que ces faits auraient été connus de l'employeur le 26 juillet, lendemain de l'altercation et avant la notification de l'avertissement ; M. [J], ayant été entendu le jour même par l'employeur, aurait nécessairement porté à la connaissance de la secrétaire générale les violences physiques et il s'étonne de ce que le témoin, qui est intervenu pour les séparer, n'ait rien dit à l'employeur le jour même de l'altercation alors que son intervention est bien mentionnée dans la lettre de notification de l'avertissement.

Pour voir confirmer la décision des premiers juges, la société soutient avoir sanctionné le salarié par deux décisions disciplinaires que sont l'avertissement et le licenciement pour faute grave pour deux séries de faits distincts qu'ont été les propos agressifs d'une part et, d'autre part, des menaces de coups de poings et des violences physiques survenus à l'occasion du même incident.

***

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

L'avertissement en date du 25 juillet, notifié au salarié le 26 juillet ne fait référence qu'au seul manquement résultant de l'altercation verbale ayant consisté en des menaces portées à M. [J], collègue de travail, sans que ces propos aient été précisément notés : 'aux alentours de 11h30, vous avez eu avec M. [J] une violente altercation dans les ateliers de notre établissement engendrant des éclats de voix et des propos totalement déplacés.

Vous avez adopté à son égard une attitude agressive en présence de plusieurs de vos collègues (...) Nous avons été alertés par les hurlements, après que M. [M] ait été contraint d'intervenir pour faire cesser les faits.'

La société démontre que les faits de violences physiques et de menaces commis à l'occasion de la même altercation que celle pour laquelle le salarié a été sanctionné pour des faits de violences verbales, ont été connus postérieurement à la première sanction :

- M. [J] atteste ne pas avoir dit toute la vérité à la direction le 25 juillet et avoir minimisé les faits sur le déroulé de l'altercation 'par crainte des représailles, violences de la part de M. [L] et suite aux menaces proférées (...) le lendemain, après avoir réalisé la gravité des faits (...), j'ai pris la décision et suis allé voir Mme [N] (Responsable RH (...)

Concernant l'altercation du 25/07/2018, il [M. [L] m'a saisi par le cou fermement car je ne pouvais plus bouger. C'est à ce moment qu'il m'a menacé et dit 't'es qu'un petit con' 'viens avec moi dehors et tu vas voir le petit jeune de trente ans, je vais en faire qu'une bouchée'.

- M. [M], salarié intervenu pour séparer M. [L] et M. [J], confirme avoir vu 'M. [L] tenir par le cou Monsieur [D] [J] et le menacer d'un coup de poing afin de le forcer à le suivre dans le bureau de la secrétaire générale. Tout en me déplaçant, j'ai parlé à Monsieur [E] [L] afin qu'il libère Monsieur [D] [J] et que l'altercation cesse.' Il n'est pas contesté que M. [M], n'ayant pas été reçu par la directrice RH, n'a pu donner sa version des faits le jour même.

- le compte rendu de la réunion délégués du personnel en date du 3 août confirme que M. [M] 'voit [E]. [L] qui a saisi [D] [J] par la nuque et le tient son poing armé en direction de [D] [J]'.

S'agissant d'un compte-rendu d'entretien figurant dans le rapport d'enquête des délégués du personnel, ce document n'a pas à respecter les formalités prévues par l'article 202 du code de procédure civile.

Ce même rapport poursuit en indiquant que M. [L] est venu de sa propre initiative s'entretenir avec le délégué du personnel, confirmant le déroulé de l'altercation survenue à la suite d'un désaccord professionnel et du refus opposé par M. [J] de suivre M. [L] pour aller dans le bureau de la RH ; Le délégué indique : à la fin de l'échange, [E] [L] a reconnu avoir eu besoin de s'imposer physiquement pour avoir raison. Il ne m'a pas décrit cette scène. Pour terminer la discussion, ce dernier a admis que dans ce type de situation, le seul moyen de se faire entendre devient la domination physique'.

- M. [G], supérieur hiérarchique, ayant eu à manager M. [L], atteste de ce que ' l'attitude agressive vis-à-vis de ses collègues a régulièrement posé des problèmes. J'en ai discuté à chaque fois avec [E] pour essayer de comprendre le problème et mettre en place des solutions.

J'ai eu un entretien avec M. [L] le 25 juin pour discuter de l'aménagement de son poste.'

La lettre du 25 juin 2018 adressée à M. [L] pour lui proposer un adaptation de son poste évoque des 'problèmes de dos chroniques et des difficultés que vous rencontrez dans votre relationnel avec certains membres des équipes PRODITEC'.

Il est ainsi démontré par le déroulement des faits que lors de la notification de l'avertissement en date du 25 juillet, remis en main propre le 26 juillet 2018 pour des faits de violences verbales, l'employeur n'était pas encore au courant des faits de violences physiques et menaces qui s'étaient produites lors de la même altercation qui n'ont été portés à sa connaissance que le 26 juillet 2018 et pour lesquels les délégués du personnel ont été saisis le 27 juillet 2018 pour enquête dont le rapport sera déposé le 3 août 2018.

L'employeur n'avait donc pas épuisé son pouvoir disciplinaire en notifiant à M. [L] son licenciement le 31 août 2018 pour les faits commis à l'occasion de l'atercation, l'avertissement n'ayant sanctionné qu'une partie des agissements reprochés au salarié.

Le règlement intérieur de la société précise que le salarié doit faire preuve de correction dans son comportement vis-à-vis de ses collègues et de la hiérarchie et s'employer à créer une ambiance de travail cordiale et professionnelle.

L'agression physique résultant du fait d'attraper son collègue par le cou pour le contraindre à le suivre en le menaçant en même temps d'un coup de poing et en l'invitant à 'sortir de l'entreprise' dans des termes tout aussi critiquables constituent des fautes graves justifiant l'éviction immédiate du salarié, dont le comportement violent a provoqué la peur de M. [J] qui n'a pas été en mesure de relater les faits le jour même.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef en ce qu'il a débouté M. [L] de ses demandes au titre de la rupture du contrat.

Sur les dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité

M. [L] sollicite la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ; il invoque l'absence de respect par l'employeur de son obligation de sécurité alors qu'il avait connaissance de sa qualité de travailleur handicapé depuis le 10 mars 2015 et de son renouvellement le 20 mars 2018.

Il soutient ne pas avoir été entendu par son employeur quant à ses problèmes de dos ni de fragilité psychologique, lequel n'a pas tenu compte des prescriptions du médecin du travail ni chercher à aménager son poste de travail soulignant :

- avoir été arrêté en avril 2018 suite à un malaise au travail,

- avoir écrit à la référente handicap le 2 juin 2018 pour lui demander les coordonnées de l'organisme pouvant proposer du matériel pour améliorer le poste de travail,

- avoir eu le sentiment d'être devenu indésirable dans l'entreprise à son retour le 25 juin lorsque l'employeur lui a proposé de trouver un autre employeur avec dispense d'effectuer son préavis,

- que l'employeur n'a pris aucune mesure pour aménager son poste de travail suite à sa lettre du 25 juin 2018,

- avoir été affecté sur des missions incompatibles avec les préconisations formulées par le médecin du travail lors de la visite de reprise du 27 juin : mise en place de 5 paperboard dans la journée du 5 juillet, participation au déménagement des archives le 12 juillet 2018 et long déplacement le 20 juillet de 4h à 19h, un voyage de 15 h ne permettant pas l'alternance entre la position debout et assise,

- avoir pris lui même l'initiative de saisir le SAMETH pour demander son aménagement de poste le 19 juillet.

Il soutient que le courriel du 5 juillet dans lequel il faisait part à son employeur de l'impossibilité physique de mettre en place les 5 paperboard s'analysait en un signal d'alerte et de souffrance au travail. Il invoque le préjudice moral et physique en l'absence de compatibilité entre les tâches confiées et son état de santé et produit un certificat de son psychologue en date du 24 août.

La société soutient avoir dès le 25 juin, entrepris des aménagements du poste à son handicap, sollicitant en amont le médecin du travail et reprenant les propos qu'il a tenus et faisant part de 'difficultés rencontrées dans l'activité professionnelle, difficultés à se baisser, et difficultés à travailler penché en avant', mais être restée dans l'attente des préconisations du SAMETH, saisi 19 juillet, le salarié ayant été rapidement mis à pied à titre conservatoire le 25 juillet, puis licencié.

La société soutient que si M. [L] avait le statut de travailleur handicapé, il ne souffrait d'aucune restriction médicale avant l'avis du médecin qui a préconisé le 27 juin 2018 'd'alterner les positions assise et debout, de favoriser les moyens mécaniques de manutention', 'situation à revoir au plus tard le 28 juin 2020" .

S'agissant des tâches qui auraient été confiées à M. [L] dont il conteste la compatibilité eu égard à sa situation de santé, la société dément avoir affecté M. [L] au déménagement des archives, exposant lui avoir uniquement demandé de déballer des portiques de paperboard, sans manutention et confirme avoir programmé un déplacement professionnel qui n'était pas proscrit.

***

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du code du travail détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l'employeur le fait d'exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.

L'employeur justifie avoir dès le 25 juin 2018, date de la reprise de poste de M. [L] et, après avoir reçu celui-ci en entretien, fait part de propositions d'aménagement, 'afin de vous alléger et de vous permettre de reprendre dans de bonnes conditions'.

Le courrier adressé le même jour au salarié mentionne la suppression de certaines tâches comme celle de 'définir les contre mesures et faire le lien avec le bureau d'étude' et le maintien d'autres de ses tâches mais avec adaptation du poste car elles nécessitaient la station debout : 'évaluer la qualité des pièces (...) afin que vous puissiez réaliser cette activité dans des conditions convenables (...) et faire modifier les pièces défectueuses par les fournisseurs'.

L'employeur, par l'intermédiaire du supérieur hiérarchique du salarié se disait 'conscient de lui laisser une autre tâche facteur de stress pour lui', celle de la mission de personne compétente en radioprotection, mais dont il lui était demandé de la poursuivre dans l'attente qu'une autre personne puisse le remplacer tout en lui assurant qu'il lui serait 'donné l'assistance nécessaire pour le faire dans de bonnes conditions.'

La saisine du SAMETH peut émaner du médecin du travail ou du salarié sans qu'il puisse être reproché un comportement fautif de l'employeur qui n'aurait pas initié cette demande dès lors que l'avis d'aptitude du médecin du travail n'en faisait aucune mention.

La société établit que M. [L] n'a pas été convoqué à la réunion pour le déménagement des archives, la copie écran produite par M. [L] ne le mentionnant pas comme participant mais étant un simple transfert du planning de M. [G], la société produisant au contraire la liste des personnes 'obligatoires' prévues pour ces opérations sur laquelle le nom de M. [L] ne figure pas.

S'agissant des paperboard, leur seul 'déballage' ne nécessitait pas une manutention physique importante qui aurait été contraire aux prescriptions médicales.

Aucun déplacement professionnel n'avait enfin été interdit par le médecin du travail et M [L] ne justifie d'aucune difficulté ressentie à la suite du déplacement invoqué.

Enfin, en produisant le courrier de la psychologue du travail adressé au médecin du travail en date du 24 août 2018, M. [L] n'établit pas que le comportement fautif de l'employeur l'aurait exposé à un danger qui serait la cause de souffrances physiques ou psychologiques, la psychologue faisant référence à des antécédents de troubles dépressifs sévères qui auraient conduit M. [L] à des tentatives de suicide pour des raisons d'ordre privé, et concluant 'les éléments diagnostics reposant sur les seules déclarations du salarié, cet avis est à confronter avec les éléments contradictoires en votre possession'.

M. [L], étant défaillant à établir le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, doit être débouté de sa demande à ce titre et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [L], partie perdante, sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement à la société de la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cours d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [L] aux dépens ainsi qu'à payer à la SAS PRODITEC la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06450
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;19.06450 ?
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