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05/04/2023 | FRANCE | N°19/06236

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 avril 2023, 19/06236


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/06236 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKTT













Monsieur [C] [G]



c/



Société Santé Restauration Services, exerçant sous l'enseigne Vitalrest

















Nature de la décision : AU FOND









Gros

se délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 novembre 2019 (R.G. n°F 17/00052) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 27 novembre 2019,





APPELANT :

Monsieur [C] [G]

né le 19 F...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/06236 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKTT

Monsieur [C] [G]

c/

Société Santé Restauration Services, exerçant sous l'enseigne Vitalrest

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 novembre 2019 (R.G. n°F 17/00052) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 27 novembre 2019,

APPELANT :

Monsieur [C] [G]

né le 19 Février 1969 à [Localité 2] de nationalité Française Profession : Responsable cuisine centrale, demeurant [Adresse 6]

représenté et assisté de Me Pauline LEYRIS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Société Santé Restauration Services, exerçant sous l'enseigne Vitalrest, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 433 957 693

représentée par Me Emmanuelle GERARD-DEPREZ de la SELAS DEFIS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me BRAULT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : S. Déchamps

Greffier lors du prononcé : AM Lacour Rivière

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [C] [G], né en 1969, a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 septembre 2011 par la SAS Santé Restauration Services, exerçant sous le nom commercial Vitalrest, en qualité de chef gérant, statut agent de maîtrise, niveau 4, échelon B de la convention collective nationale des personnels des entreprises de restauration des collectivités.

Par avenant en date du 1er janvier 2013, M. [G] a été promu responsable d'unité (statut cadre, niveau IX), son salaire initial de 1.850 euros étant porté à 2.500 euros, versé sur 13 mois, puis à 2.900 euros en janvier 2014.

Le 30 avril 2015, les parties ont signé un avenant à effet au 1er mai confiant à M. [G] l'emploi de responsable de secteur en 'home office'.

Le certificat de travail délivré par la société après la rupture du contrat mentionne que M. [G] a occupé ce poste à compter du 1er octobre 2014.

Par avenant conclu le 31 décembre 2015 à effet au 1er janvier 2016, une convention de forfait annuel en jours a été signée entre les parties, la rémunération de M. [G] étant maintenue à 2.900 euros outre une indemnité d'occupation du domicile de 150 euros.

M. [G] bénéficiait d'un véhicule de fonction, l'avantage en nature en résultant étant évalué à 133 euros bruts.

Les parties s'accordent sur une rémunération mensuelle brute moyenne perçue en dernier lieu par M. [G] s'élevant à la somme de 3.274,67 euros.

Le 8 février 2016, la supérieure hiérarchique directe de M. [G], Mme [K], directrice régionale, a été licenciée pour insuffisance professionnelle et remplacée par M. [H].

Suite à différents courriels que M. [G] a adressés à la société, il a été convoqué par courrier du 8 mars 2016 en vue de s'entretenir sur sa situation professionnelle.

A compter du 9 mars 2016, M. [G] a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 9 avril 2016, cet arrêt étant prolongé ensuite jusqu'au 6 mai 2016.

Par lettre recommandée en date du 10 mars 2016, la société Santé Restauration Services a demandé à M. [G] de lui remettre les documents et outils en sa possession appartenant à la société.

Par courrier du 15 mars 2016, M. [G] s'est étonné quant à ces demandes 'inhabituelles' de son employeur.

L'entretien professionnel, qui devait initialement se tenir le 17 mars 2016, a été reporté au 29 mars 2016.

Par lettre datée du 31 mars 2016, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 avril 2016.

Par lettre reçue le 13 avril 2016 par la société, faisant suite à l'entretien du 29 mars, M. [G] a protesté de sa mise à l'écart, des pressions et menaces subies, évoquant une stratégie de l'entreprise visant à démembrer l'ancienne direction régionale.

M. [G] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 14 avril 2016 comportant 6 pages. Trois griefs lui sont reprochés, une opposition systématique vis-à-vis de M. [H], une déloyauté et le dénigrement de la société devant l'une de ses clientes ainsi que la destruction de fichiers informatiques professionnels.

A la date du licenciement, M. [G] avait une ancienneté de 4 ans et 6 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, notamment pour privation du droit au repos et pour travail dissimulé, outre des rappels de salaires pour heures supplémentaires, M. [G] a saisi le 11 janvier 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 4 novembre 2019, a :

- dit que le licenciement de M. [G] repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave,

- dit qu'en l'absence de demandes subsidiaires chiffrées pour l'indemnité de licenciement et pour le préavis, il n'y a pas lieu à condamner la société Santé Restauration Services,

- débouté M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de l'indemnité pour privation des droits au repos et de l'indemnité de travail dissimulé,

- condamné la société Santé Restauration Services à verser la somme de 1.000 euros à M. [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Santé Restauration Services aux dépens.

Par déclaration du 27 novembre 2019, M. [G] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 décembre 2022, M. [G] demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 4 novembre 2019 en ce qu'il a :

* dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave,

* dit qu'en l'absence de demandes subsidiaires chiffrées pour l'indemnité de licenciement et pour le préavis, il n'y a pas lieu a condamner la société Santé Restauration Services,

* débouté M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de l'indemnité pour privation au droit au repos et de l'indemnité de travail dissimulé,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 4 novembre 2019 en ce qu'il a :

* condamné la société Santé Restauration Services à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Santé Restauration Services aux dépens,

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- constater l'absence de faute grave,

- dire qu'il a été privé du paiement d'heures supplémentaires accomplies sur la période allant de 2013 à 2015,

- dire irrecevables les pièces 72, 74, 75, 79 de la société illisibles sauf à ce qu'elle les communique de manière lisible,

Statuant à nouveau,

- condamner la société Santé Restauration Services à lui payer les sommes suivantes :

* 39.288 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 46.308,64 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires effectuées outre les congés payés afférents,

* 38.851,84 euros à titre d'indemnité pour privation du droit au repos outre les congés payés afférents,

* 19.644 euros à titre d'indemnité au titre du travail dissimulé,

* 3.111,38 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 9.824,01 euros à titre d'indemnité de préavis et 982,40 euros au titre des congés payés afférents,

* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 juillet 2022, la société Santé Restauration Services demande à la cour de'confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a débouté M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des rappels de salaires afférents, du droit au repos et du travail dissimulé, le confirmer plus largement en ce qu'il a débouté M. [G] de toutes ses demandes à ce titre,

- le réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- écarter la pièce adverse n°31 des débats,

- dire que le licenciement de M. [G] repose bien sur une faute grave,

- le débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes à ce titre,

- le débouter plus largement de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [G] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,

- le condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2023.

Par message adressé le 6 février 2023, les parties ont été invitées à produire des pièces lisibles, la cour relevant qu'outre celles visées par M. [G] dans ses écritures en sollicitant le rejet, d'autres étaient tout aussi inexploitables :

- pour M. [G], la pièce 19,

- pour la société, notamment les pièces 43, la pièce 44 et les pièces 54, 57 et 69.

A l'audience, M. [G] a remis une copie lisible de sa pièce 19 et la société a produit à nouveau les pièces n°44,50 et 54 (avis d'arrêts de travail dont certains sont toujours illisibles), 57 et 69.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de rejet de pièces

La société demande à la cour d'écarter la pièce 31 du salarié, soit l'attestation de Mme [K], au motif que celle-ci comporterait une inexactitude dès lors que le témoin atteste le 10 septembre 2016 avoir été cadre jusqu'au 8 mai 2017alors qu'elle a quitté l'entreprise en mai 2016.

Cette seule erreur matérielle ne saurait conduire à écarter ce témoignage.

***

M. [G] sollicite le rejet des pièces 72,74, 75 et 79 produites par la société comme étant illisibles [il s'agit d'attestations].

A l'exception de la pièce 79, qui reste lisible même si c'est avec difficultés, les autres pièces, constituées de photocopies de très mauvaise qualité, effectivement illisibles, seront écartées des débats, la société ayant été mise en demeure par l'appelant de régulariser une production exploitable de ces attestations.

Sur la demande en paiement au titre des heures supplémentaires

M. [G] sollicite le paiement de la somme de 46.308,64 euros au titre des heures supplémentaires effectuées.

Au soutien de sa demande, il a établi en page 40 de ses écritures un tableau récapitulant le nombre d'heures supplémentaires qu'il prétend avoir réalisées soit en 2013,792 heures, en 2014, 692 heures et en 2015, 938 heures, le tableau mentionnant un nombre d'heures réalisées par mois.

Il produit :

- en pièce 18 un planning 'semaine 10" (du 07/03 au 11/03) faisant apparaître des lieux d'intervention et la nature de l'activité, soulignant que les planings, adressés chaque semaine à la société - qui les produit dans leur quasi-intégralité pour la période litigieuse - n'avaient pour vocation pour la direction de la société que de savoir où se trouvaient les cadres et ne comportent aucun horaire ;

- en pièce 19, des plannings de janvier 2013 à novembre 2015 puis de janvier 2016 sur lesquels M. [G] a mentionné le nombre d'heures de travail par journée, par semaine et par mois et qui font apparaître les jours de congés ainsi que les jours fériés ;

- en pièces 20, 32, 34, 38 et 42 à 47, des mails qu'il a adressés à des heures tardives, durant des week-end ou échangés durant ses congés ; M. [G] explique notamment que les envois tardifs étaient liés à ses nombreux déplacements et aux distances qu'il avait à parcourir pour rejoindre les sites qui dépendaient de son secteur ;

- en pièce 35 : le périmètre de son secteur ;

- les attestations de plusieurs personnes :

* M. [I], ancien responsable de secteur dans l'entreprise, qui déclare : « (...) Vitalrest nous imposée un rythme difficile qui nous obligeait à visiter 2 sites par jour éloignés de 1 à 2 h de route. De ce fait M. [G] accomplissait entre 14 et 18 h par jour, heures supplémentaires non rémunérées. Je précise que la société Vitalrest était parfaitement au courant de ces dépassements horaires et nous imposait de ce fait la rédaction de plannings obligatoirement à 35 heures de 8h/12 - 14h/18h » ; dans une première attestation, ce témoin précisait que les plannings étaient factices et n'étaient pas la réalité du terrain, étant seulement destinés à permettre au siège de savoir où se trouvaient les cadres ;

* M. [T], chef gérant, qui indique à propos de M. [G] : « (...) Disponible à tout moment, je me souviens l'avoir contacté même un dimanche ... je ne connaissais rien au métier de chef gérant, il m'a tout appris, on a passé des heures ensemble, des journées entières jusqu'à 8 heures d'affilée et quand je rentré à la maison, lui restait travailler encore sur site (...) » ;

* Mme [D], cuisinière, travaillant dans une maison de retraite à [Localité 12] qui indique : « (...) Arrivant sur les lieux en matinée ... Il était fréquent que les jours où j'étais postée, Mr [G] était encore présent sur le site après mon départ de fin de poste à 19h30. Si nous avions besoin de ses services il se déplacer dimanche et jours fériés (...) » ;

* Mme [Z], cuisinère gérant à [Localité 12], qui déclare : « (...) Je ne connaissais rien à la gestion de bureautique de collectivite, il ma épaulé et on a passé des heures et des heures après mon service de 19h30 pour corriger mes erreurs de gestion mensuel ou de traçabilité ... je pouvais le contacter à toute heures le jour, le soir ... Un jour je l'ai appelé tard le soir pour lui dire que ma collègue de cuisine était malade et qu'il n'y avait personne pour la remplacer, Mr [G] qui habite à 2 heures du site de [Localité 12] ces proposer pour la remplacer le temps de se retourner ... il est arrivé le lendemain 8h à 15h30 une pause puis 17h à 19h30 (...) » ;

* Mme [K] qui déclare : « (...) Durant toute ma présence au sein de Vitalrest, le PDG et la RDH étaient pleinement conscient que les horaires contrat des cadres de l'entreprise ne pouvaient être respecté au vu de la charge de travail et des nombreux déplacements. Cependant la direction général à toujours refusés de rémunérer les heures supplémentaires aux cadres néanmoins qq heures sup étaient rémunérées sous forme de primes pour le statut employé ».

***

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Les documents produits par M. [G] sont suffisamment précis pour permettre à la société d'y répondre.

La société intimée produit certes l'ensemble des 'plannings' de M. [G] (sa pièce 93) mais force est de constater qu'aucun horaire de travail n'y figure puisque sont seulement mentionnés les lieux d'intervention du salarié.

En outre, la fiabilité de ces plannings est très relative, la cour relevant à titre d'exemples que :

- le 26 avril 2013, figure une journée 'intervention MGEN' alors que le salarié mentionne avoir été en congés payés ;

- le 8 mai 2013, jour férié, figure aussi une intervention MGEN ;

- le 21 mai 2013, le salarié, en congé, est néanmoins mentionné comme présent à [Localité 14] le matin puis à [Localité 9] l'après-midi (idem pour les 24 et 25 juin 2013) ;

- le samedi 26 octobre 2013, le salarié travaille ;

- le 11 novembre 2013 (jour férié) et le samedi 23 novembre 2013, il travaille aussi ;

- le 21 avril 2014 (qui correspond au Lundi de Pâques) et le 9 juin 2014 (Lundi de Pentecôte), le salarié travaille également ce qui ne correspond pas à son propre décompte ;

- dans la semaine du 20 au 24 octobre 2014, M. [G], en congés payés selon son propre décompte, travaille selon le planning produit par la société ;

- le 14 mai 2015 (Jeudi de l'Ascension), jour férié, la société et le salarié s'accordent sur une activité ;

- le planning de la semaine du 1er au 5 juin ne figure pas dans la pièce 93 de la société

- le planning de la semaine du 29 juin au 3 juillet 2015 mentionne une activité le samedi 4 juillet 2015 ;

- le samedi 17 octobre 2015, le salarié travaille ;

- la pièce 93 ne comporte pas de planning pour la semaine du 2 au 6 novembre 2015 ;

- le 11 novembre 2015 (jour férié) , le salarié travaille.

Par ailleurs, si les nombreuses attestations que la société verse aux débats, émanant de salariés toujours en poste, font état de l'absence de nécessité de l'envoi de mails tardifs et d'un rythme de travail compatible avec l'organisation de leur temps de travail, plusieurs témoins se félicitant de pouvoir bénéficier d'une convention de forfait en jours, ces témoignages ne permettent pas de justifier des horaires de travail réels de M. [G].

Le périmètre du secteur de M. [G] comportait en dernier lieu :

* dans le Lot-et-Garonne, lieu où M. [G] était domicilié : 4 établissements situés respectivement à 18, 23, 25 et 41 kms de son domicile,

* en Auvergne, un établissement situé à [Localité 5] soit à plus de 300 kms de son domicile,

* en Gironde, à [Localité 11] soit à plus de 100 kms de son domicile,

* en Dordogne, à [Localité 7], distant de 50 kms de son domicile, ou auparavant Saint Alvère, soit environ 90 kms.

Les horaires de travail invoqués par le salarié sont étayés par les attestations qu'il verse aux débats.

La société ne s'explique ni sur les attestations ni sur les courriels que produit le salarié - qui correspondent pour certains de ces mails à des demandes faites par son n +1 pendant des périodes où le salarié est en congé (pièce 32 : le 30 décembre 2015, courriel de Mme [K] ; pièce 34 : le 23 février 2016, une demande de retour de la part de M. [H] au sujet d'un RV avec une cliente, Mme [J], [établissement de [Localité 14], situé à [Localité 4] dans le Lot-et-Garonne]); les termes de ces messages nécessitent une réponse immédiate.

Par ailleurs, la société ne peut pas prétendre avoir ignoré l'existence de dépassements de la durée légale de travail dès lors que :

- elle ne justifie pas des horaires de travail effectivement réalisés par M. [G] et notamment de la prise en compte dans son emploi du temps des distances qu'il avait à parcourir ;

- il est avéré que les supérieurs de M. [G] étaient informés de mails adressés durant les week-end ou les congés : M. [R], PDG de la société, est en copie d'un mail adressé le dimanche 28 septembre 2014 à 23h15 par M. [G] à Mme [K] ; le courriel de M. [R] adressé le samedi 9 février 2013 (pièces 38, 52 et 57 salarié) en est d'ailleurs l'illustration, de même que celui adressé le 1er septembre 2015 par Mme [V] le 1er septembre 2015 à 20h19 (pièce 43 salarié) ;

- la société était également informée d'intervention du salarié durant les week-end (pièce 57 M. [G]).

La société invoque enfin les mesures édictées pour éviter des connexions tardives de ses salariés mais ces mesures n'ont été mises en oeuvre qu'à compter de janvier 2016, en même temps d'ailleurs qu'elle proposait à ses cadres, tels M. [G], de conclure une convention de forfait en jours.

Dès lors, la cour a la conviction que M. [G] a, au cours de la période de janvier 2013 à novembre 2015, effectué des heures supplémentaires non rémunérées, mais pas à la hauteur de la somme qu'il revendique, étant relevé qu'aucun décompte de la somme réclamée, distinguant notamment les heures supplémentaires majorées de 25% de celles majorées de 50%, n'a été produit.

En conséquence et, au vu des éléments dont la cour dispose, tenant compte notamment des réunions de RMA (résultat mensuel d'activité) d'une durée qui sera considérée, au vu des attestations produites par la société, comme inférieure à celle dont se prévaut M. [G], la créance de M. [G] sera fixée, pour la période de janvier 2013 à novembre 2015 inclus, à la somme de 32.090,36 euros bruts.

La société sera en conséquence condamnée à payer à M. [G] les sommes de 32.090,36 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées durant la période de janvier 2013 à novembre 2015 inclus et 3.209,04 euros bruts pour les congés payés afférents.

Sur la demande au titre de la privation du droit au repos

M. [G] sollicite le paiement de la somme de 38.851,84 euros pour privation du droit au repos « outre les congés payés afférents ».

Aux termes de ses écritures, cette demande correspond à un rappel de salaires au titre du repos compensateur non pris sur la base d'un contingent annuel de 130 heures, demande qu'il décompose comme suit :

- 2013 : 662 heures donnant droit à un repos compensateur soit 12.657,44 euros,

- 2014 : 562 heures donnant droit à un repos compensateur soit 10.745,44 euros,

- 2015 : 808 heures donnant droit à un repos compensateur soit 15.448,96 euros.

La société n'a pas conclu spécialement sur cette demande sauf à contester les heures supplémentaires alléguées.

***

Aux termes des dispositions des articles L. 3121-11 et L. 3121-11-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige et à défaut de dispositions particulières de la convention collective, le contingent annuel applicable est de 130 heures, seuil au-delà duquel les heures supplémentaires accomplies ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos égale en l'espèce, compte tenu du nombre de salariés supérieur à 20, à 100%.

Au regard des heures supplémentaires précédemment retenues, la créance de M. [G] sera fixée à la somme de 15.809,40 euros.

La société sera en conséquence condamnée à payer à M. [G] les sommes de 15.089,40 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées durant la période de janvier 2013 à novembre 2015 inclus et de 1.508,94 euros bruts pour les congés payés afférents.

Sur la demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 prévoit qu'en cas de rupture du contrat, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus au texte susvisé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il appartient au salarié qui sollicite le bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de rapporter la preuve du caractère intentionnel de celui-ci.

En l'espèce, ce caractère intentionnel n'est pas établi dès lors, d'une part, que M. [G] n'avait formulé aucune demande antérieure au litige quant à son temps de travail et que, d'autre part, il n'est fait droit que partiellement à ses prétentions et au terme d'un long débat judiciaire.

M. [G] sera par conséquent débouté de sa demande à ce titre.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement adressée le à M. [G] est ainsi rédigée :

« (...)

Vous travaillez pour le compte de notre société depuis le 21 septembre 2011 et vous exercez actuellement les fonctions de Responsable de Secteur, statut Cadre.

En votre qualité de Responsable de Secteur, vous êtes garant de la bonne application, de la pérennité et du développement des contrats clients de votre secteur, en respectant les objectifs quantitatifs (budgets des sites) et qualitatifs (Prestation, Qualité, Hygiène, RH, achats) ainsi que les procédures existantes au sein de notre société.

En outre, vous êtes tenu de respecter le secret professionnel le plus absolu sur toutes les affaires et informations ayant trait à notre société et vous avez une obligation de discrétion et de loyauté envers notre société.

1) A la suite du départ de Madame [K], Directrice Régionale qui était votre supérieur hiérarchique, vous avez changé de comportement, vous plaçant en opposition avec Monsieur [W] [H] devenu votre nouveau supérieur hiérarchique

Aussi, consécutivement à vos différents mails du mois de février et mars 2016 et plus particulièrement à votre mail en date du 8 mars 2016 dont les termes notamment tels que « mensonges, bataille, guerre » nous ont pour le moins surpris, nous avons convenu de nous entretenir pour faire le point sur votre situation et la raison de votre attitude d'opposition et de contestation.

L'entretien initialement fixé le 17 mars 2016 s'est tenu le 29 mars 2016.

Au cours dudit entretien, vous nous avez indiqué notamment que vous estimiez n'avoir pas été pris en considération par votre nouveau responsable hiérarchique, Monsieur [H], au motif :

- que vous auriez été « mis dans un placard » à l'agence de [Localité 8] et ce alors qu'il s'agissait de la salle de réunion ;

- qu'il ne vous aurait pas donné suffisamment en amont les informations concernant le RMA du mois de mars 2016 ;

- qu'il ne répondait pas à vos mails.

Etant soucieux de comprendre votre appréciation de ladite situation, nous avons recherché les réponses que vous attendiez de la part de votre responsable hiérarchique en faisant ainsi le point sur vos mails.

Après vérification, il se trouve que non seulement Monsieur [H] a répondu à vos mails mais surtout qu'il a toujours été bienveillant à votre égard, il vous a, par exemple, envoyé un mail le 19 février 2016 pour vous confirmer le RMA du 7 mars 2016 avec la liste des hôtels et il vous a envoyé le 29 février 2016 l'ordre du jour de ladite réunion.

En réalité, votre attitude d'opposition systématique vis-à-vis de Monsieur [H] dont vous n'avez jamais reconnu l'autorité (lui indiquant par exemple « Je ne souhaite pas être contacté aujourd'hui ») n'a rien à voir avec un manque de considération de sa part mais bien avec votre « déception » quant au fait que le poste de Responsable Régional ne vous ait pas été proposé.

Or, cette décision relève du pouvoir de Direction de la société, et vous ne pouvez pas la contester.

2) Ajouté à cela, et à notre plus grand étonnement, nous avons constaté que le 9 mars 2016 (premier jour de votre arrêt de travail pour maladie et auquel vous auriez dû vous trouver selon votre planning de travail sur le site de [Localité 3]), vous avez réceptionné à 21h47 sur votre boîte mail professionnelle un mail de Madame [N], Directrice de La Résidence du [13], cliente de notre société, avec les termes surprenants suivants:

'[C],

Bonjour

Un très grand merci pour le repas

Sympathique moment

Transmettez à [A] svp, car je n'ai pas son mail perso

Les oreilles de votre patron doivent siffler ++++

Préparez bien vos différents scénarios car si la tête de [A] était à prendre, celles de son équipe peut être aussi, eu égard ce que vous analysez de votre big chef

Laissez le venir et vous verrez bien sa stratégie

Et puis si vous avez envie de rire, amenez-moi votre chef

Je verrais ce que je peux faire pour lui !!!!!'

Vos accès professionnel ayant été suspendus pendant votre arrêt maladie ce dont vous étiez parfaitement informé, vous n'auriez pas dû avoir accès à ce courriel avant votre retour au sein de la société.

Etonnamment, dès le 10 mars, vous avez pourtant répondu à ce courriel de votre adresse personnelle, en l'envoyant, de façon encore plus surprenante, en copie sur votre adresse professionnelle, laissant à penser que vous l'écriviez à notre intention afin de tenter de « rattraper le coup » quant à l'existence et la teneur des propos échangés au cours de ce déjeuner pendant lequel vous avez tenu des propos dénigrants à l'encontre de la société et de son Président.

Alors que vous étiez en arrêt maladie, vous avez ainsi pris le soin de répondre de votre adresse mail personnelle au mail de Madame [N] dans les termes suivants :

'Bonjour Mme [N],

Je rencontre actuellement un problème sur ma boîte mail professionnelle, c'est pour cette raison que je vous réponds de ma boîte personnelle.

Je vous remercie pour votre témoignage de sympathie : j'ai également passé un agréable moment lors de ce déjeuner improvisé. J'ai bien noté votre désarroi à l'idée de ne plus revoir Mme [K] et la façon rapide de la situation. Vous avez, à ce titre, reçu un courrier vous indiquant les changements, pour lesquels je n'ai rien à rajouter. Je n'ai malheureusement plus les coordonnées de Mme [K], mais si par hasard, je devais la croiser je transmettrai votre bonjour.

En ce qui concerne les différents scénarios que nous avons évoqués, je peux vous rassurer sur ce point : nous resterons sur la même ligne de conduite fixée par Mme [K] lors de notre dernier rendez-vous client, à savoir :

- application de la liste des produits que vous ne voulez plus voir sur votre site

- respect et application de vos directives sur l'utilisation des fournisseurs locaux

- réalisation des menus, bien en amont, pour vérification de vos services

- .....

Effectivement, il sera nécessaire de rencontrer Mr [H], qui j'en suis sûr, vous apportera la même sérénité que Mme [K] lors de vos échanges.

Bien à vous

[C] [G]'.

Il apparaît clairement que vous tentez de dissimuler les circonstances dans lesquelles vous avez déjeuné avec Madame [N], de minimiser les propos tenus lors du repas ainsi que de cacher les personnes présentes au cours dudit repas étant rappelé que vous ne deviez absolument pas vous rendre sur ledit site eu égard à votre planning de travail.

Lors de l'entretien préalable du 11 avril 2016, vous nous avez indiqué qu'il s'agissait d'un repas prévu de longue date, puis annulé. Cependant, Madame [N] vous aurait recontacté et compte tenu du fait que votre planning d'intervention avait changé depuis le début de la semaine, vous n'êtes pas allé sur le site de [Localité 3] mais vous avez déjeuné, prétendument seul, avec Madame [N].

Or, vous n'avez pas prévenu votre responsable hiérarchique de cette situation et ce alors même que, par mail en date du 9 mars 2016 à 10h44, Monsieur [H] vous rappelait que vous deviez vous occuper des sites dont vous aviez la charge et que s'il fallait vous confier temporairement la gestion d'autres sites (dont celui de La Résidence du Val) pour pallier l'absence de vos collègues, cela induirait un changement de votre planning d'intervention.

Lors dudit entretien, vous nous avez indiqué que Madame [N] était une dame très caractérielle avec un positionnement bien particulier et qu'elle était très remontée par le départ de Madame [K], qu'elle ne voulait pas avoir affaire à une autre personne et elle vous aurait conseillé de faire attention à vous car vous pourriez être dans le même cas que Madame [K].

A la lecture du courriel de cette dernière, il est évident que les propos échangés n'ont pas du tout été ceux dont vous faites état et qu'il s'est agi de critiques virulentes, de dénigrement, de défiance ou encore de violation du secret professionnel auquel vous êtes soumis quant au fonctionnement interne de notre société et à la personne même du dirigeant.

Quant à la loyauté dont vous devez faire preuve, en tant que salarié et cadre de notre société, il est évident que vous ne l'avez pas respectée.

Il est par ailleurs certain, nonobstant vos mensonges également sur ce point, que Madame [K] était également présente au cours de ce déjeuner puisque Madame [N] indique « Un très grand merci pour le repas. Sympathique moment. Transmettez à [A] svp, car je n'ai pas son mail perso ».

Compte tenu de son licenciement récent, cette situation renforce, en tant que de besoin, la certitude que nous avons quant au dénigrement dont a été victime la société devant l'une de ses clientes'

Parfaitement conscient du caractère fautif de votre comportement, vous avez immédiatement tenté de cacher la teneur et l'ampleur de vos manquements en répondant par un courriel du 10 mars dont la teneur ne fait pas écho à celui de Madame [N] et aux échanges lors dudit repas.

Sur ce point, il est à noter par exemple que vous mentionnez à la fin dudit mail :

'Effectivement, il sera nécessaire de rencontrer Mr [H], qui j'en suis sûr, vous apportera la même sérénité que Mme [K] lors de vos échanges » et ce alors que lors de notre entretien du 29 mars 2016, vous pensiez que « le costume de directeur régional était peut-être trop grand » pour Monsieur [H], votre nouveau responsable hiérarchique depuis le 10 février 2016.

Il n'a de la même façon jamais été question, dans les propos de Madame [N] de « désarroi à l'idée de ne plus revoir Mme [K] » avec qui elle venait de déjeuner et les « scenarios » évoqués par cette dernière n'étaient pas, comme vous tentez de le faire croire, relatif à l'activité dont vous avez la charge mais bien à des considérations d'ordre strictement internes et dont Madame [N] n'aurait jamais dû être informée :

« Préparez bien vos différents scénarios car si la tête de [A] était à prendre, celles de son équipe peut être aussi, eu égard ce que vous analysez de votre big chef. Laissez le venir et vous verrez bien sa stratégie.'

Il s'agissait donc de préparer vos propres scénarios conspirationnistes contre la société, toujours en présence d'une cliente'

Ce positionnement est parfaitement inadmissible et constitue un manquement grave à vos obligations contractuelles. Il a définitivement anéanti la confiance nécessaire à toute relation de travail, à plus forte raison lorsque vos fonctions vous conduisent à être au contact de la clientèle devant laquelle vous devez dignement représenter la société, et non la dénigrer et la salir au mépris de toute loyauté et secret professionnel.

3) Vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation et ce d'autant que vous nous avez rendu le 1er avril 2016 sur le site LES ATELIERS AGNELIS votre ordinateur et votre téléphone portables et que vous avez pris le soin d'effacer notamment tous les fichiers de votre ordinateur portable (mails, dossiers des sites (RH, menu, bilan de collaboration')).

Vous avez ainsi sciemment enlevé les fichiers de votre ordinateur permettant d'avoir un historique sur les contrats commerciaux des sites dont vous avez la charge. Sur ce point, il est à noter que vous avez refusé de nous remettre votre ordinateur et votre téléphone portables le 29 mars 2016 au motif que vous les aviez oubliés et qu'il était prématuré de nous les rendre. Or, il s'agissait exclusivement d'outils de travail avec des données professionnelles essentielles pour la poursuite de notre activité pendant votre arrêt de travail.

Lors de l' entretien du 11 avril 2016, vous nous avez indiqué en premier lieu n'avoir rien à dire sur ce sujet, puis que vous ne pensiez pas que ce sujet serait abordé lors de cet entretien (reconnaissance implicite du fait que, a contrario, vous aviez parfaitement conscience que les autres griefs allaient être évoqués compte tenu de leur nature fautive), puis enfin que toutes les informations étaient sur les sites, que vous ne faisiez pas de sauvegarde et que vous auriez supprimé des mails pour faire de la place dans votre boîte mail, conformément à la consigne donnée par notre informaticien.

Or, outre le fait que la consigne n'est pas de supprimer les mails mais de les archiver, il s'avère que c'est bien l'intégralité du fichier outlook qui a été supprimée par vos soins et non quelques courriels pour libérer de l'espace...

Vous avez ainsi sciemment détruit l'ensemble de l'historique et des dossiers de votre ordinateur et ce afin de complexifier pour notre société la poursuite de la gestion de vos sites pendant votre arrêt de travail, ce qui montre donc clairement, une fois encore, le défaut de loyauté dont vous faites preuve à l'égard de notre société.

Depuis le départ de Madame [K] (qui n'a pourtant modifié en rien vos missions et votre périmètre) et votre déception manifeste quant à l'absence de proposition de reprise de son poste, nous ne pouvons que constater que vous remettez ouvertement et publiquement en cause les différents services et actions de notre société à votre égard et que, nonobstant vos tentatives visant à dissimuler vos actes déloyaux, ces derniers sont prouvés et nombreux.

Il est gravement dommageable qu'en votre qualité de Responsable de Secteur, vous n'ayez pas su respecter la décision prise par notre société et que vous n'ayez pas cherché à collaborer en toute bonne foi avec votre nouveau responsable hiérarchique, Monsieur [H], choisissant au contraire d'oeuvrer contre la société.

Vos agissements sont dès lors constitutifs d'actes suffisamment graves, justifiant la rupture immédiate de votre contrat de travail pour faute grave.

En conséquence, eu égard à ce qui précède, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité de licenciement, qui prendra effet à la date d'envoi de la présente lettre. (...) ».

A l'appui de la faute grave invoquée au soutien du licenciement de M. [G], la société s'inscrit tout d'abord en faux contre sa prétendue volonté de réorganiser les services après le départ de Mme [K], exposant avoir rencontré de réelles difficultés suite aux arrêts de travail pour maladie de nombreux salariés et précisant que :

- M. [G] comme Mme [K] se sont immédiatement rapprochés d'une société concurrente (société Bioméga), ce qui démontrerait leur déloyauté et l'existence 'd'un clan' formé par certains salariés autour de leur ancienne directrice ;

- les certificats médicaux invoqués par le salarié et faisant état d'anxiété réactionnelle sont depourvus de force probante quant à la réalité des conditions de travail du salarié.

La société développe ensuite les trois griefs résultant de la lettre de licenciement.

***

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

- Sur le premier grief reposant sur l'opposition systématique manifestée par M. [G] à l'égard de M. [H]

La société invoque les éléments suivants :

- le refus opposé par M. [G] de retirer la mention apposée sur le relevé mensuel forfait jour selon laquelle il respectait 'dans la mesure du possible' l'amplitude maximale de travail, les temps minimaux de repos quotidien et hebdomadaire prévu par la loi et les dispositions conventionnelles applicables au visa des échanges à ce sujet entre le salarié et la directrice des ressources humaines, Mme [Y] ;

- le refus de M. [G] de la décision de la société de ne pas lui attribuer le poste de responsable régional, sa critique de la décision de licencier Mme [K] et son refus d'exécuter les instructions qui lui avaient été données de reprendre provisoirement les sites de M. [E], le salarié aynt répondu à M. [H] qu'il ne souhaite pas être contacté le 8 mars par celui-ci.

Selon la société, l'attitude adoptée par M. [G] ne pouvait se justifier au regard des réponses nombreuses et cordiales apportées par M. [H] aux questionnements du salarié qui démontreraient l'inanité de la thèse complotiste adoptée par le salarié pour justifier son insubordination.

M. [G] conteste ce grief, faisant valoir que la mention portée par lui sur le relevé mensuel qu'il lui était demandé de signer n'était que le reflet de la réalité des horaires de travail qu'il était conduit à réaliser, qui l'amenait à ne pas toujours respecter les dispositions légales applicables et donc, à refuser d'établir un faux à ce sujet.

Il ajoute n'avoir contacté la société Bioméga qu'après la notification de son licenciement.

S'agissant du courriel qu'il a adressé le 8 mars 2016 à M. [H], il estime qu'il ne faisait que dénoncer sa surcharge de travail mais ne refusait pas la décision de son employeur de ne pas lui attribuer le poste de responsable régional, même s'il faisait état de sa déception à ce titre.

Il ajoute que son mail du 8 mars 2016 faisait suite notamment aux instructions de M. [H] lui demandant de partir à [Localité 10] alors qu'il avait été bloqué par une tempête de neige et qu'après les distances parcourues sur deux jours, de son domicile à [Localité 8] puis de [Localité 8] à [Localité 10] et enfin de [Localité 10] à son domicile, il avait seulement exprimé 'le souhait de ne pas être dérangé', souhait légitime au regard des deux journées précédentes.

Enfin, M. [G] conteste les propos attribués par la société au cours de l'entretien concernant M. [H].

***

Compte tenu des heures supplémentaires attribuées ci-avant à M. [G], la mention portée sur le relevé horaire mensuel forfait jour n'était que le reflet des dépassements des horaires de travail du salarié et ne peut donc être utilement reprochée à celui-ci.

Quant à l'attitude adoptée à l'égard de M.[H], les pièces invoquées par la société ne permettent pas de caractériser le grief d'insubordination allégué, qui ne saurait résulter de la seule déception exprimée par M. [G] quant au départ de sa directrice ou quant au fait de ne pas avoir été choisi pour être désigné en lieu et place de M. [H] et les propos attribués au salarié au cours de l'entretien du 29 mars 2016 ne reposent que sur les affirmations de la société, la demande de celui-ci ne pas être dérangé le 8 mars s'expliquant par le nombre de kilomètres parcourus en deux jours.

Ce 1er grief n'est donc pas établi.

- Sur le second grief reposant selon la société sur la grave déloyauté de M. [G] et le dénigrement de la société Vitalrest devant l'une de ses clientes

La société se prévaut du mail d'une cliente, Mme [N], adressé à M. [G] le 9 mars 2016 pour soutenir que :

- M. [G] a 'caché' ce déjeuner professionnel ;

- les propos échangés démontreraient la critique virulente de la société par M. [H],

- la présence de Mme [K] au cours de ce repas est avérée,

- peu important l'attestation 'dictée' de Mme [N] qui, selon l'intimée, ne serait que destinée 'à rattraper la situation' ou la réponse faite par M. [G] le 10 mars 2016,

- il est évident que ce déjeuner a eu pour objet principal de de critiquer la société et de ternir son image et ce, alors que M. [G] allait être engagé quelques semaines plus tard par une société concurrente et qu'il s'agissait en réalité d'une tentative de détournement de clientèle,

- cette faute caractérise une faute grave.

M. [G] conteste l'analyse faite par la société quant à son attitude prétendue de dénigrement de la société, soutenant qu'il a au contraire tenté d'atténuer les propos critiques de Mme [N] et de favoriser une reprise du dialogue entre cette cliente et M. [H], que le déjeuner du 8 mars 2016, n'a eu lieu qu'avec celle-ci, ce que Mme [N] confirme et que les 'critiques virulentes de la société' qui lui sont attribuées ne reposent sur aucun élément probant, M. [G] soutenant que la lettre de licenciement ne fait état que de supposition, extrapolation et procès d'intention non avérés.

***

Les déductions opérées par la société quant au dénigrement dont M. [G] se serait rendu coupable à son égard ne peuvent être retenues au regard de l'attestation de Mme [N], de la réponse faite à celle-ci par le salarié, la présence de Mme [K] au cours de ce déjeuner n'étant au surplus pas établie.

Ce grief n'est pas établi.

- Sur le troisième grief reposant sur la destruction des fichiers informatiques professionnels

La société soutient que M. [G] a, dès le 1er avril 2016, supprimé tous les documents professionnels de son ordinateur portable, ainsi d'ailleurs que d'autres salariés, tels Mme [K], M. [E] et Mmes [B] et [S], privant ainsi leur employeur de l'accès aux documents nécessaires à la poursuite du service après leur départ.

M. [G] conteste la réalité de ce grief, soutenant que le disque dur qu'il a remis à la société contenait les informations à jour nécessaires à la poursuite de la gestion de son secteur et exposant que, conformément aux instructions de la société, l'ordinateur ne stockait quasiment aucune donnée car les informations étaient transmises tous les 15 jours sur une boîte mail dédiée 'FDM'.

***

La lecture des pièces 40 et 41 de la société (analyse du PC et disque dur de M. [G]) fait apparaître d'une part des envois 'FDM' réguliers de fichiers, étayant ainsi les déclarations de M. [G], et, d'autre part, l'absence de suppression postérieure à décembre 2015.

Ce grief n'est pas établi.

En conséquence, le licenciement de M. [G] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, étant observé au surplus qu'il ne peut être reproché au salarié licencié d'avoir ensuite été engagé par une entreprise concurrente, qu'il a contactée après la rupture de son contrat dès lors qu'aucune clause de non-concurrence ne figurait dans le contrat de travail de celui-ci.

Sur les demandes pécuniaires de M. [G]

Les parties s'accordent sur le montant du salaire de référence, soit la somme de 3.274,67 euros bruts.

La demande d'irrecevabilité des demandes de M. [G] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement ne figure pas au dispositif des conclusions de la société.

Compte tenu de l'ancienneté de M. [G] et de son statut de cadre, la société sera condamnée à lui payer la somme de 9.824,01 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 982,40 euros bruts pour les congés payés afférents ainsi que la somme de 3.111,38 euros au titre de l'indemnité de licenciement, dans la limite de la demande.

***

M. [G] sollicite le paiement de la somme de 39.288 euros à titre de dommages et intérêts nets de CSG et de CRDS pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, invoquant les circonstances brutales et vexatoires de son licenciement intervenu sans aucun avertissement préalable.

La société conclut au caractère excessif de la somme sollicitée.

*

Il est avéré que M. [G] a retrouvé un emploi en mai 2016 et l'existence de circonstances brutales et vexatoires ne résulte pas de la seule absence d'avertissement antérieur au licenciement.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [G], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

Sur les autres demandes

Il sera rappelé que les sommes allouées par la présente décision sont exonérées des cotisations sociales et des contributions fiscales dans les conditions légales et réglementaire applicables.

La société Santé Restauration Services, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [G] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Ecarte des débats les pièces 72, 74 et 75 produites par la société Santé Restauration Services,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [C] [G] ne reposait pas sur une faute grave, a débouté celui-ci de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et a condamné la société Santé Restauration Services à payer à M. [C] [G] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [C] [G] ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Santé Restauration Services à payer à M. [C] [G] les sommes suivantes :

- 32.090,36 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées durant la période de janvier 2013 à novembre 2015 inclus et 3.209,04 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 15.089,40 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées durant la période de janvier 2013 à novembre 2015 inclus et 1.508,94 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 9.824,01 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 982,40 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 3.111,38 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Rappelle que les sommes allouées par la présente décision sont exonérées des cotisations sociales et des contributions fiscales dans les conditions légales et réglementaire applicables,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société Santé Restauration Services aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06236
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;19.06236 ?
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