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05/04/2023 | FRANCE | N°19/05543

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 avril 2023, 19/05543


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/05543 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LI2E











BL





SAS SATELEC



c/



Monsieur [I] [D]

















Nature de la décision : AU FOND





















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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 septembre 2019 (R.G. n°F 17/01281) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 17 octobre 2019,





APPELANTE :

SAS Satelec, agissant en la personne de son représentant légal domi...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/05543 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LI2E

BL

SAS SATELEC

c/

Monsieur [I] [D]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 septembre 2019 (R.G. n°F 17/01281) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 17 octobre 2019,

APPELANTE :

SAS Satelec, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 782 016 240

représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Isabelle BENISTY, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [I] [D]

né le 25 Mars 1975 de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

assisté de Me Sabrina GABYZON de la SELARL PETREL ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, représenté par Me Sylvain LEROY de la SELARL LEROY-GRAS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente, et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [I] [D], né en 1975, a été engagé en qualité de directeur du bureau de représentation de la société situé à [Localité 5] par la SAS Satelec par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2001.

Sa mission en Chine a pris fin le 30 juin 2005.

Les parties ont conclu un nouveau contrat de travail aux termes duquel M. [D] a été promu chef de produits à compter du 1er juillet 2005, soumis à un forfait jours, avec reprise d'ancienneté au 1er avril 2001. Le lieu de travail était fixé à [Localité 3].

M. [D] a ensuite occupé le poste de Directeur de Gammes Produits Dentaires et Médical du 1er juillet 2005 au 31 décembre 2014.

Par avenant d'expatriation en date du 18 décembre2014, prenant effet le 1er janvier 2015, M. [D] a été promu directeur des opérations commerciales en Asie Pacifique, emploi basé à Hong-Kong, mission prévue jusqu'au 31 juillet 2019, renouvelable une fois pour une durée de deux ans.

Les parties ont conclu un nouvel avenant le 15 avril 2015 relatif au remboursement des frais de loyer dans la limite de 100.000 HKD +/- 5% par mois.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [D] s'élevait à la somme de 12.500 euros, outre une part variable.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

La société a convoqué M. [D], par lettre datée du 2 janvier 2017, à un entretien préalable fixé au 17 janvier 2017.

M. [D] a ensuite été licencié pour insuffisance professionnelle et notamment une présence très insuffisante sur la Chine, sur la filiale indienne, d'importantes défaillances, et un manque de professionnalisme, par lettre datée du 23 janvier 2017.

Par courrier en date du 6 février 2017, le salarié a contesté les motifs invoqués.

Les parties ont engagé des pourparlers transactionnels, la société proposant une indemnité de 14 mois de salaire et la prise en charge du loyer jusqu'au 15 juillet 2017, qui n'ont pas abouti.

Par courrier du 5 mai 2017, la société Satelec a avisé M. [D] qu'elle procéderait à une compensation entre son indemnité conventionnelle de licenciement et les sommes dont il lui restait redevable au titre du paiement des loyers lors de l'établissement de son solde de tout compte.

A la date du licenciement, M. [D] avait une ancienneté de 16 ans, et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 26 juin 2017, M. [D] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de solliciter la condamnation de la société au paiement d'une indemnité au titre des frais de loyers de son logement au-delà de l'expiration de son contrat de travail, ainsi qu'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement. Cette procédure a fait l'objet d'une radiation.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, dont des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, outre des rappels de salaires dont certains pour heures supplémentaires, M. [D] a saisi le 7 août 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 27 septembre 2019, a:

- dit le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [D] sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Satelec à verser à M. [D] les sommes suivantes :

* 150.000 euros de dommages et intérêts à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 97.697,37 euros de rappel d'indemnité de licenciement,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour le paiement de l'indemnité de licenciement dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, cette moyenne étant de 12.500 euros,

- ordonné le remboursement par la société Satelec aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [D] à compter du jour de son licenciement dans la limite de 1 mois d'indemnités de chômage,

- condamné la société Satelec à verser à M. [D] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [D] de ses autres demandes,

- débouté la société Satelec de sa demande de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Satelec aux dépens.

Par déclaration du 17 octobre 2019, la société Satelec a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 février 2023, la société Satelec demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la société Satelec recevable et fondé, y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu le 27 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux sur tous les chefs de condamnation lui faisant grief, Statuant à nouveau,

- déclarer le licenciement de M. [D] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- le débouter en conséquence de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire,

- limiter au minimum légal fixé par l'article L.1235-3 ancien du code du travail, le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mise à la charge de la société appelante,

- déclarer M. [D] non fondé en sa demande en paiement de rappel d'indemnité de licenciement,

- le débouter en conséquence de ce chef de demande,

- déclarer M. [D] non fondé en son appel incident et en tous ses chefs de demande y afférents,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [D] de ses demandes en paiement de rappel de prime variable pour l'année 2015 et 2016, de rappel d'heures supplémentaires et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

- dire qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société défenderesse le paiement des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer au titre de la présente instance,

- condamner M. [D] à payer à la société Satelec la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la présente instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 février 2023, M. [D] demande à la cour de':

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* dit le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [D] sans

cause réelle et sérieuse,

* condamné la société Satelec à verser à M. [D] la somme de 97.697,37 euros de rappel d'indemnité de licenciement,

* ordonné le remboursement par la société Satelec aux organismes concernés des indemnités de chômage dans la limite d'un mois,

* débouté la société Satelec de sa demande de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Satelec aux dépens,

- infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant de nouveau :

- condamner la société Satelec à verser à M. [D] les sommes suivantes :

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 200.000 euros,

* rappel de prime variable pour l'année 2015 : 12.500 euros,

* indemnité de congés payés sur variable : 1.250 euros,

* rappel de prime variable pour l'année 2016 : 12.750 euros,

* indemnité de congés payés sur variable 2016 : 1.275 euros,

* rappel d'heures supplémentaires : 43.260 euros,

* congé payé afférents au rappel d'heures supplémentaires : 4.326 euros,

* dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat : 30.000 euros,

* article 700 du code de procédure civile : 5.000 euros,

- condamner la société Satelec aux intérêts légaux sur l'ensemble des condamnations à compter de la saisine,

- ordonner la capitalisation des intérêts.

La médiation proposée aux parties le 1er juin 2022, par le conseiller de la mise en état, n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 février 2023.

À l'audience, avant le déroulement des débats, à la demande de des parties, et d'un commun accord, l'ordonnance de clôture rendue le 6 février 2023 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de bonus au titre des primes variables de 2015 et 2016

M. [D] sollicite le paiement des sommes de 15.500 euros à titre de rappel de prime variable pour 2015 et de 12.750 euros pour l'année 2016, outre les congés payés y afférent pour chacune de ces années. Pour obtenir ce rappel, il se fonde sur le document intitulé "GM Bonus System" qui mentionnerait que la rémunération variable serait basée sur 3 mois de salaire pour les directeurs des opérations commerciales, fonction qu'il occupait. Pour l'année 2016, il sollicite le versement d'une prime correspondant à la réalisation de 34% des objectifs.

La société s'oppose à ces demandes, faisant valoir l'application des termes du contrat, du versement d'un bonus au titre de l'année 2015 conforme aux objectifs fixés sans qu'il justifie de ce qu'il avait rempli 34 % de ses objectifs en 2016 sur les deux premiers mois.

En l'espèce, le contrat de travail prévoyait en son article 8 une rémunération brute mensuelle de 12.500 euros et une rémunération annuelle variable brute égale à un "bonus de 2 mois de salaire pour 100% d'atteinte d'objectifs et 4 mois maximum.

Les modalités d'attribution de ce bonus seront définies en fonction d'objectifs fixés, révisés et notifiés unilatéralement par la société chaque année, son versement est effectué à l'issue de l'année fiscale sur le bulletin de paie au plus tard dans le premier trimestre de l'année suivant la période concernée si l'objectif est atteint."

Il n'est pas démontré qu'un supplément de prime était dû pour les membres du "CODIR", M. [D] versant un document de quatre pages intitulé "GM Bonus Sytem 2015", sous forme de présentation power point, rédigé en anglais et ne valant pas contractualisation d'un bonus de prime en sa qualité de directeur des opérations commerciales.

S'agissant de l'année 2016, M. [D] verse un tableau de fixation des objectifs. Il appartient à l'employeur de démontrer que le refus de verser la prime contractuellement prévue était liée à l'absence de réalisation de ceux-ci et d'apporter au juge des éléments objectifs pour apprécier la réalisation ou non des-dits objectifs.

L'employeur étant défaillant dans cette démonstration, il sera alloué la somme de 12.750 euros au titre de la prime d'objectifs pour 2016 outre la somme de 1.275 euros au titre des congés payés y afférents.

Il sera partiellement fait droit à sa demande et le jugement infirmé de ce chef.

Sur la question de la validité du forfait

M. [D] soulève l'inopposabilité de la convention de forfait jours qu'il a signée en ce que l'employeur n'a jamais mis en place de système de contrôle de son temps de travail ni réalisé d'entretien annuel individuel sur sa charge de travail conformément à l'article 14 de la convention collective applicable.

Pour voir confirmer le jugement de premier instance, la société fait valoir la validité de la convention de forfait jours incluse dans le contrat de travail de M. [D] dès lors qu'elle fait référence à l'accord collectif d'aménagement du temps de travail signé le 12 décembre 2006 au sein de l'UES dont fait partie la société Satelec et qu'elle permet la signature d'un tel aménagement de travail pour les cadres autonomes.

L'article L.3121-43 du code du travail dans sa rédaction applicable au cas d'espèce prévoit que peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L.3121-39 :

1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

En outre, aux termes de l'article L.3121-46, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

En l'espèce le contrat de travail de M. [D] prévoit l'application d'un forfait jours pour cadre autonome, avec mentions des dispositions indispensables sur le nombre de jours travaillés, de repos, sur l'obligation de transmettre en fin de mois un relevé mensuel de son activité au travers du document prévu à cet effet de le remettre au services des affaires sociales. Ce relevé sera pour la société "l'outil de contrôle de l'organisation du temps de travail du salarié et du respect des règles et conventionnelles concernant la durée du travail (...) Un récapitulatif annuel du nombre de jours de travail sera effectué et un double remis au salarié." Le contrat prévoit également la tenue d'un entretien une fois par an sur l'organisation et la charge de travail ainsi que l'amplitude de ses journées d'activités.

Aucun compte rendu d'entretien annuel d'appréciation des performances et compétences du salarié n'est versé à la procédure, en dehors du tableau évaluant les objectifs du salarié pour l'année 2015 avec simple mention de pourcentages d'objectifs atteints. De sorte qu'aucun suivi effectif de la charge de travail du salarié et de la compatibilité de sa vie professionnelle et familiale n'a été mis en place, étant précisé que la société ne justifie pas avoir procédé par la suite, à une consolidation du temps de travail effectif du salarié en l'interrogeant ou en s'entretenant avec lui au sujet des horaires ainsi déclarés.

La convention de forfait-jours signé par M. [D] lui est donc inopposable et sans effet à son égard. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

La convention forfait jours ayant été déclarée sans effet, M. [D] est en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires réalisées.

Pour voir la société condamnée à lui verser 43.260 euros au titre des heures supplémentaires effectuées sur les années 2015 et 2016, majorées de 25% de la 36ème à la 43ème heure et de 50% à partir de la 44ème heure outre les congés payés y afférents, M. [D] soutient avoir passé pour des raisons professionnelles 135 jours hors de son domicile en 2015 et 131 jours en 2016 et sur les jours où il n'était pas en déplacement avoir eu des horaires matinaux ou tardifs pour traiter les courriels venant d'Europe et retient une moyenne de 40 heures par semaine, soit 5 heures supplémentaires hebdomadaires.

Aux termes des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail et L. 3171-4 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant

compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Il n'est pas contesté que M. [D] occupait des fonctions de cadre, étant directeur des opérations commerciales dans toute la zone Asie-Pacifique pour la société et devant se déplacer dans les différents pays qui relevaient de sa zone géographique.

Toutefois, M. [D] ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande, aucun planning ni de son temps de travail, ni de réunions éventuelles, pas plus que des déplacements qu'il a effectués au cours de sa période d'activité à Hong-Kong.

M. [D] ne verse pas non plus de courriels qu'il aurait envoyés à une heure tardive comme correspondant aux heures d'ouverture des bureaux en Europe.

Si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe pas spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Or, en l'absence de document produit par le salarié, il n'est pas précisé si les suppléments allégués proviennent d'un calcul d'amplitude horaire et les éléments produits ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre. La demande de M. [D] sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement en date du 23 janvier 2017, qui fixe l'objet du litige est ainsi rédigée :

« Vous avez été convoqué à un entretien préalable fixé au mardi 17 janvier 2017, au cours duquel nous vous avons exposé les différentes raisons nous conduisant à envisager votre licenciement.

Lors de notre entretien, vous avez contesté formellement les faits reprochés, en indiquant qu'ils étaient « artificiels », sans pour autant pouvoir donner d'autres explications plus précises.

Cet entretien ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation de la situation, nous avons décidé, après réflexion, de vous notifier par la présente votre licenciement.

Les motifs de cette mesure sont les suivants :

Vous avez été nommé directeur des opérations commerciales APAC (Asie-Australie) à compter du 1er janvier 2015.

Votre mission prioritaire était axée depuis l'origine sur le Japon et la Chine, pays faisant partie du top10 des marchés dentaires mondiaux.

L'objectif qui vous avait été fixé était d'accélérer notre développement, en créant, notamment, un volant d'affaires en imagerie très significatif.

Or, dès le début de l'année 2016, nous avons constaté de graves insuffisances dans la réalisation de votre mission :

- Compte tenu que le précédent General Manager Chine était promu sur un poste européen le 1er avril 2016, je vous avais demandé d'être très présent à [Localité 5] pour assurer l'intérim sur ce marché, qui représente 46% du chiffre d'affaires dont vous avez la responsabilité. Or, vous n'avez assuré aucune prise en charge de ce bureau pendant les 6 mois de vacance du poste de General Manager. Vous vous êtes contenté de n'effectuer que quatre déplacements éclairs à [Localité 5], du 17 au 20 avril 2016, du 9 au 11 mai 2016, du 26 au 27 septembre 2016 ainsi que du 14 au 18 octobre 2016.

De fait, les ventes en Chine ont nettement diminué sur cette période.

Au lieu d'une prise en charge régulière et déterminée de ce pays, vous avez totalement délégué sa gestion à [Y] [P], sans soutien en face à face sur ces 6 mois.

Ce comportement est parfaitement incompréhensible au regard de votre expatriation à HONG-KONG, justement mise en 'uvre pour vous permettre d'être au contact quotidien des équipes Asie, notamment en cas de difficultés.

- De la même manière, vous avez assuré- une trop faible présence en Inde, et n'avez jamais réellement managé le General Manager en charge de la filiale indienne, pourtant importante puisque nous avons sur place une soixantaine de salariés.

Depuis plus d'une année, je vous ai alerté sur le fait que le reporting RH révélait un gros problème de management des forces de vente puisque nous avons sur place un turn-over de plus de 100%, taux 5 fois supérieur à la moyenne indienne.

Ce turn-over nous est fortement préjudiciable puisqu'il est reconnu qu'un vendeur commence à être efficace à partir de son 9ème mois de prospection sur le terrain. En outre, et même encore plus important, un tel turn-over est le signe d'un management déficient, et même l'identification de ce risque ne vous a pas paru mériter votre implication sur ce sujet.

Lassée de ne pas recevoir de réponse à mes questions, j'ai missionné un audit sur l'Inde en septembre dernier et votre seule réaction a été : « Nous allons enfin savoir !» A l'évidence, cette phrase est symptomatique de votre absence de volonté pour résoudre ce problème par vous-même.

D'ailleurs, parmi les conclusions de l'audit, figure en première place la trop faible interaction managériale avec le General Manager qui, évidemment et malheureusement, s'est donc retrouvé seul pour prendre les décisions.

- Depuis de nombreuses années, nous travaillons avec un importateur exclusif au Japon. La réorientation de cet importateur vers nos priorités produit actuelles, à savoir l'imagerie et notamment Trium, était votre priorité stratégique.

Il était obligatoire qu'au Japon comme dans tous les autres pays développés du monde, nous lancions avec succès Trium, panoramique 3D lancé avec réussite au sein de notre groupe courant 2015 et dont nous espérons un chiffre d'affaires de 50 M€ à 3 ans. Il s'agit là d'une priorité d'entreprise, qui s'est traduite dans tous les pays par la mise en place d'un plan d'action complet conduisant la plupart du temps à un changement important de nos méthodes de prospection locales.

Le Japon est le 2nd marché mondial pour l'industrie dentaire et à ce titre, il était dans vos priorités de mettre en 'uvre un tel plan de lancement, priorité qui vous a été assignée depuis avril 2015.

Malgré mes relances répétées, notre importateur a mis 18 mois à accepter d'entamer l'enregistrement de Trium au Japon. Or, j'ai découvert courant décembre 2016 qu'il projetait de sous-traiter le lancement de Trium avec un distributeur de 2nd catégorie ne permettant pas selon ses dires, de ne vendre que moins de 20 machines par an, alors même que sur un marché tel que le Japon, la vente de plus de 80-100 machines par an est un minimum.

Faisant un point avec cet importateur en décembre dernier, nous avons d'ailleurs compris que cet importateur n'avait pas du tout l'intention de s'impliquer sur ce lancement. En clair, vous n'avez jamais mis en place les conditions d'un lancement réussi de cette machine pourtant indispensable au développement de notre groupe.

Par ailleurs, autre signe de vos carences, la liste de prix que vous avez transmis à notre importateur exclusif au Japon est, fort curieusement, sans identification d'Acteon (ni logo, ni nom & coordonnées), sans organisation des références par gamme de produits, etc. ce qui génère de nombreux problèmes entre cet importateur et le service Administration des Ventes. Par ailleurs, plusieurs références de produits pourtant régulièrement vendus sont manquantes. Evidemment, notre importateur s'est plaint à plusieurs reprises de ce manque de professionnalisme.

- Sur l'année 2016, vous aviez établi deux priorités, à savoir le lancement de Trium en Australie ainsi que la création d'un marché en Indonésie. Or, nous constatons que ces deux objectifs n'ont donné lieu à aucun résultat : pour Trium en Australie, aucune vente (en dehors de l'achat par notre distributeur de Trium de démonstration) et pour l'Indonésie, aucune vente significative malgré des investissements importants.

- Par ailleurs, quand j'ai pris votre relais auprès de vos collaborateurs en novembre dernier, pour donner suite à votre arrêt-maladie, j'ai compris qu'en réalité, vous n'aviez jamais véritablement géré le développement de cette zone, vous assurant simplement de mener à bien les « affaires courantes » et de faire le lien entre vos General Manager et le siège.

Or, il ne s'agit que d'une part accessoire de votre mission, le plus important étant d'initier, guider et manager les changements nécessaires au développement de notre groupe sur cette zone, laquelle est assurément celle qui est dotée du plus fort potentiel pour le marché dentaire. Ainsi que je vous l'avais d'ailleurs dit à plusieurs reprises, votre mission ne devait donc pas se restreindre à ce rôle de relais. Enfin, comme vous le savez, dans notre activité, les ventes du 4ème trimestre sont cruciales, les dentistes achetant une grande proportion de leurs équipements à cette période. En outre, en 2016, ces ventes de novembre- décembre 2016 étaient encore plus importantes que d'habitude pour ACTEON, en raison d'une année plus morose. Or, la Zone Asie-Apac dont vous étiez responsable était à ' 16% au troisième trimestre 2016, versus troisième trimestre 2015, de surcroît après un 1er semestre 2016 difficile. A l'évidence, vos mauvais résultats ont pour origine les carences évoquées ci-dessus.

De telles insuffisances professionnelles et l'accomplissement non-satisfaisant de vos missions sont fortement préjudiciables à la réussite et au développement de notre entreprise dans la zone qui vous avait été confiée.

En conséquence, nous nous voyons contraints de mettre fin à notre collaboration. La présente constitue donc la notification de votre licenciement."

L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

La société reproche à M. [D] de s'être limité à la gestion des affaires courantes en faisant le lien entre les "general managers" qui lui étaient rattachés et le siège alors que l'essentiel de sa mission consistait dans l'animation et le management des équipes placées sous sa responsabilité, qu'il devait guider au mieux afin d'atteindre les objectifs de développement du groupe qui lui étaient impartis sur cette zone. Cinq séries de faits sont mentionnés à l'appui de l'insuffisance professionnelle :

1 - l'absence de soutien de la Chine durant la vacance du poste de "general manager".

La société soutient que M. [D], qui devait assurer l'interim du "general manager" de Chine, rappelé au siège, pendant une période d'avril à octobre 2016, n'aurait fait que quatre visites rapides dans ce pays ; que son manque d'implication sur cette période a entraîné une diminution des ventes en Chine de 52% par rapport à l'année précédente et une diminution de la performance inférieure à 13% du budget et des objectifs fixés. La société indique qu'il entrait dans les fonctions de M. [D] d'intervenir en soutien des équipes locales en cas de difficulté.

M. [D] soutient qu'il a été nommé en qualité de directeur des opérations commerciales et non comme "general manager", de sorte que la société ne peut lui reprocher de n'avoir occupé ce poste devenu vacant, par intérim et sans précision quant à ce qu'elle attendait de lui à ce titre.

Il soutient également que l'ancien "general manager" partant a poursuivi le management opérationnel et le pilotage de son ancienne équipe en Chine, notamment auprès du responsable commercial et que lui-même assurait la transition au travers de réunions Skype et de compte rendu du suivi commercial et qu'il faisait le point régulièrement avec les usines en France et l'équipe chinoise en place sur les sujets des enregistrements des produits en Chine.

Il s'étonne de la décision rapide de faire revenir le "general management" de Chine au siège pour remplacer un directeur licencié alors qu'il n'était sur place que depuis très peu de temps, la société n'ayant pas anticipé la vacance de son poste.

S'agissant des répercussions financières, il attire l'attention sur la progression du chiffre d'affaires de 10,5% en 2016 par rapport à 2015.

Le nombre de déplacements en Chine de M. [D] ne permet pas d'établir son faible engagement dans la gestion de l'activité de la Chine, dès lors que la société pouvait compter sur le directeur commercial resté sur place et des réunions à distance menées par les personnes concernées.

Il ne peut être reproché à M. [D] de n'avoir pas assuré l'interim d'un poste devenu vacant du fait d'une décision subite de l'employeur de faire revenir en France un cadre salarié occupant le poste important de "general manager" pour le développement de son activité sur la Chine. La société ne démontre pas avoir demandé explicitement à M. [D] de remplacer par interim cette personne, alors qu'il pouvait suivre l'évolution du marché avec l'équipe de [Localité 5], son rôle étant dans l'animation et la supervision. M. [D] justifie par ailleurs par les échanges de courriels qu'il produit avoir maintenu des liens avec l'ancien "general manager" pour suivre la situation en Chine et notamment lors de ses déplacements en France où il le rencontrait.

Il n'est pas démontré le comportement fautif de M. [D], qui résulterait d'une insuffisance professionnelle par rapport aux missions fixées et qui aurait eu des conséquences sur la baisse des ventes en Chine. La société ne démontre pas non plus que cette baisse des ventes aurait eu des conséquences sur le chiffre d'affaires de la société.

Ce grief n'est pas établi.

2 - La trop faible présence en Inde et le manque d'interaction manageriale avec le "general manager".

La société reproche à M. [D] de ne pas avoir tiré les conséquences de l'audit de KPMG en date du 17 novembre 2016 attirant l'attention sur la solitude du "general manager" en Inde, de l'absence de discussion business avec sa hiérarchie et du turn over beaucoup trop important, dû à un management déficient. Elle précise que le rapport ne fait pas mention d'une déstabilisation du personnel en relation avec la stratégie du groupe vis-à-vis de sa filiale indienne.

La société indique avoir en outre découvert des malversations lourdes du "general manager" en Inde, dont M. [D] aurait dû s'apercevoir s'il avait correctement effectué sa mission de contrôle sur la gestion et le management de la filiale.

M. [D] s'appuyant sur le même rapport note que la hiérarchie qui est mise en cause dans le rapport d'audit n'est pas le directeur des opérations commerciales basé en Asie-Pacifique mais la direction de la société, qui n'est jamais venue sur place depuis la nomination de Mme [U], présidente du groupe en 2014. Il rappelle dans le courrier qu'il a adressé à la société le 6 février 2017 que l'absence de mention de la filiale indienne dans les priorités commerciales de la société lors d'un communiqué de presse en 2015 a eu des conséquences sur l'engagement au quotidien des salariés de cette filiale, sous-dimensionnée et qui n'a jamais retenu l'attention de la société.

M. [D] fait toutefois part de l'augmentation de l'activité de la filiale mais dont les résultats n'ont pas été traduits correctement en raison de la conversion en euros défavorable.

Les propos tenus par la direction sur la faible implication de la société mère dans l'activité commerciale de la filiale et les conclusions de l'audit de KPMG chiffrant l'important turn over notamment sur le département vente ne permettent pas de démontrer l'insuffisance professionnelle de M. [D], les difficultés relevées étant propres au "general manager" en Inde. Le rapport note que les difficultés rencontrées sont liées à la "faiblesse des infractuctures et à l'évolution du marché, aucun élément significatif/récurrent ne pointe vers un problème de management du GM ou de l'encadrement intermédiaire". Les raisons des départs analysés concernent les forts déplacements demandés aux commerciaux, la réalisation d'objectifs qui représente 40% de la rémunération nette.

Contrairement à ce que soutient la société, le rapport ne contient pas les réponses apportées par le general manager en Inde sur sa "solitude" et l'absence de discussion business avec sa hiérarchie. L'audit relève d'ailleurs le "peu de tensions du personnel avec la hiérarchie d'après les entretiens".

La société ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle aurait demandé à M. [D] d'intervenir pour mettre un terme au turn over ni que l'audit avait été missionné en raison de la carence de M. [D], le rapport ne faisant état d'aucun comportemnet fautif de ce dernier.

Ce grief n'est pas établi.

3 - Les dysfonctionnements constatés sur le Japon

La société reproche à M. [D] son insuffisance professionnelle pour n'avoir pas mis en place les conditions de lancement et de plan d'action de développement du nouveau marché concernant le lancement du produit imagerie Trium (panoramique en 3D) ni d'avoir réagi aux alertes de la présidente du groupe. Elle s'appuie sur les éléments suivants :

- le dépôt de l'enregistrement du produit n'a eu lieu que fin octobre 2016, ne permettant pas premières ventes en début 2107, comme annoncé par M. [D]. Ce dernier n'aurait commencé à étudier d'autres voies de commercialisation que le 22 novembre 2016 alors qu'en réalité, son partenaire japonais avait projeté de sous-traiter le lancement à un distributeur de 2ème catégorie, confirmant l'inertie de M. [D] dans le suivi du lancement du produit et de son manque d'implication,

- la transmission à l'importateur exclusif Hakusi, sur papier libre, sans identification de la société, d'une liste de prix bâclée et inexploitable, sans organisation des références par gammes de produits et sans mentionner tous les produits vendus, caractérisant un manque de rigueur,

- l'absence de retour sur des informations réclamées depuis plusieurs mois par Hakusi durant l'arrêt maladie de M. [D].

M. [D] confirme que le lancement de Trium était une priorité stratégique discutée dès mars 2016 mais dont le retard de lancement est dû à des dysfonctionnements ne relevant pas de sa responsabilité et notamment :

- de la perte de confiance de l'importateur et de son réseau de distribution suite à des soucis techniques rencontrés par la commercialisation du petit appareil d'imagerie en Asie courant 2016,

- de la tardiveté de transmission des documents des services qualité et réglementaire de l'usine de [Localité 4] où était fabriqué le Trium, nécessaires pour procéder au dépôt de l'enregistrement du l'appareil au Japon, confirmé par la pièce 40 retraçant dans un courriel l'historique du dossier et de la dernière transmission des documents techniques par [Localité 4] en septembre 2016,

- des nombreuses relances de la part de M. [D],

- du délai d'enregistrement pour obtenir l'accord de mise sur le marché, qui ne sera formalisé qu'en 2019 pour une mise effective sur le marché qui pourra prendre encore 1 à 2 ans,

- de la saturation du marché de la panoramique dentaire 3D au Japon par d'autres marques européennes et la tardiveté de l'arrivée de la société Satelec sur le marché en raison du retard administratif,

- du temps nécessaire à la négociation.

S'agissant de la liste de prix qui lui est reprochée d'avoir transmis de façon "baclée", M. [D] invoque les difficultés pour obtenir les tarifs aux clients tiers de la part du service marketing au siège de [Localité 3] suite au départ de salariés dans le cadre du PSE en 2014.

M. [D] fait enfin valoir que sa zone était la plus performante du groupe sur l'année 2016 avec un chiffre d'affaires de + 5,18% par rapport à l'historique et une marge en progression de 19,74% même si le budget n'était pas atteint. Pour le seul pays du Japon, le chiffre d'affaires était à + 12% par rapport à 2015.

Il rappelle en outre avoir été arrêté pour maladie puis avoir pris deux semaines de congés en fin d'année 2016, son retard ayant été rattrapé en début d'année 2017.

Il ressort des pièces produites aux débats, qu'il ne peut être reproché un manque de rigueur ou laxisme dans la commercialisation de l'appareil panoramique 3D, que M. [D] a commencé à discuter de la stratégie du groupe dès mars 2016, qu'il produisait des business review faisant le point régulièrement, depuis février 2016, et que M. [D] a commencé à rechercher une autre voie de commercialisation que celle de l'importateur Hakusi à partir du 22 novembre quand la présidente du groupe le lui demandait par courriel du 31 octobre 2016 puis du 21 novembre 2022.

La société ne démontre pas plus que le retard pris dans la commercialisation de l'appareil Trium aurait été liée à un comportement fautif de M. [D].

Aucun élément ne permet de retenir que l'établissement de la liste des prix transmise par M. [D] à l'importateur japonais relevait de sa compétence et non du service marketing de la société, dès lors que les prix sont fixés par le siège. Elle ne verse aucun courrier dans lequel l'importateur se serait plaint du manque de professionnalisme de la société, comme invoqué dans la lettre de licenciement.

La société ne peut enfin reprocher à M. [D] de ne pas avoir travaillé pendant son arrêt maladie, et effectué le suivi des prix sur l'appareil Trium, le courriel du directeur général d'Acteon en Thaïlande en date du 21 décembre faisant le lien entre M. [D] et Hasuki.

Le grief tiré de l'insuffisance professionnelle de M. [D] dans la commercialisation de l'appareil Trium au Japon n'est pas établi.

4 - Un manque d'investissement sur l'Australie et l'Indonésie

La société reproche à M. [D] de ne pas avoir atteint les objectifs de vente de Trium, y compris en Indonésie, aucune vente significative n'ayant été enregistrée.

La société produit uniquement le tableau chiffrant une baisse des ventes de 31,4% entre 2015 et 2016 et une baisse des marges de 24,9% sur l'Australie sans aucune autre précision, ne permettant pas de démontrer l'insuffisance professionnelle de M. [D].

Elle ne produit aucun élément pour l'Indonésie.

Ce grief n'est pas établi.

5 - L'absence d'atteinte des objectifs fixés pour la zone Aise-Pacifique

De manière générale, la société soutient que M. [D] s'est contenté de mener à bien "les affaires courantes" et de faire le lien entre les "general manager" et le siège ce qui a entraîné une baisse des ventes de 13 % sur l'équipement, l'imagerie et les consommables sur le 3ème trimestre 2016 par rapport au 3ème trimestre 2015.

Toutefois, la société ne verse qu'un extrait d'un tableau ne comportant que trois chiffres et un total en dessous d'une colonne intitulé "CA" puis "CA A-1" avec un pourcentage sur la différence des chiffres sur les deux années.

M. [D] de son côté, pour contester ces affirmations, attire l'attention sur le chiffre d'affaires 2016 qui a augmenté même si les ventes enregistrées sur le 3ème trimestre ont diminué et rappelle que les objectifs pour les années 2016 à 2018 avaient été fixés avec la perspective de la commercialisation de Trium qui a été retardée, les rendant irréalisables, puisqu'il aurait fallu plus de 1000 appareils Trium quand seuls 15 ont été produits pour le Japon.

Il verse des tableaux pour la Chine et le Japon faisant apparaître une augmentation des ventes sur 2016 par rapport à 2015 : + 10,5 % pour la Chine et + 12% pour le Japon.

En revanche, la société ne produit pas de tableau synthétique sur les performances de la zone Asie-pacifique en évolution entre 2015 et 2016 en vente et en chiffres d'affaires ni par rapport à l'ensemble du groupe, restant taisante sur les autres zones de commercialisation.

Si M. [D] rappelle que la zone Asie Pacifique était la plus performante du groupe sur l'année 2016 avec un chiffre d'affaires de 33.188 millions d'euros, soit + 5,18% par rapport à l'historique, un budget non atteint au regard des retards pris dans Trium mais une marge opérationnelle de 6.576 millions d'euros soit + 19,74 % par rapport à 2015 représentant un gain de 1.084 millions d'euros pour la société, il ne produit pas les tableaux faisant apparaître ces données.

La société ne précise pas la façon dont ont été fixés les objectifs de M. [D], ce dernier contestant la faisabilité d'une augmentation du chiffre d'affaires de 50 millions d'euros en trois ans sur le Japon uniquement et M. [D] présente des tableaux qui tendent à montrer que le chiffre d'affaire de la société a augmenté entre 2015 et 2016.

La société est défaillante à démontrer que l'augmentation du chiffre d'affaires qui n'était pas à la hauteur de celui qu'elle avait fixé sur la zone Asie-pacifique était dûe à une insuffisance professionnelle de M. [D].

Le licenciement est donc dénué de cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes financières

- sur la demande relatives au rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement

M. [D] sollicite en application de la convention collective applicable la réintégration dans l'indemnité conventionnelle de licenciement d'une part du bonus 2016 et d'autre part le montant du loyer à Hong-Kong, pris en charge par la société, en ce qu'il constituait un avantage contractuel. Reprenant les modalités de calcul prévues à la convention collective par année d'ancienneté, il chiffre le rappel à devoir par la société à la somme de 97.697,37 euros. Il s'appuie sur la signature de son bail d'habitation directement par l'employeur.

La société au contraire retient que le logement mis à disposition de M. [D] et de sa famille constituait un accessoire au contrat de travail, le contrat de travail ne leur ayant pas donné la qualification d'avantage en nature mais bien de frais professionnels comme correspondant à des charges inhérentes à l'emploi du salarié soumis à des sujétions particulières et qu'elle était en conséquence en droit de déduire le montant du loyer pour déterminer la moyenne mensuelle de rémunération et avantages contractuels dont il a bénéficié. Elle s'appuie sur :

- la mention des frais de logement à l'article 13 relatif aux conditions particulières liés à l'expatriation à côté d'autres frais et non pas dans l'article concernant la rémunération,

- l'absence d'incidence de ce que le bail ait été signé par l'employeur sur sa qualification juridique,

- l'absence de stipulation dans le contrat de travail de ce que la prise en charge par l'employeur des frais de logement constituait un avantage en nature,

- l'absence de mention de ces frais dans le bulletin de paie,

- l'absence de redressement par l'Urssaf lors de son contrôle de la société le 16 septembre 2016, de la prise en compte des frais de logement, le seul redressement qui ait lieu ayant concerné les avantages en nature afférents aux véhicules.

*

Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 2005, "les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions." L'article 8 précise quant à lui "les frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé dans le cadre d'une mobilité professionnelle sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à l'emploi".

La dénomination donnée à l'indemnité n'est pas déterminante et l'employeur a toute liberté pour fixer les modalités de prise en charge des frais.

La circulaire du 7 janvier 2003 relative à la mise en oeuvre de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels, précise que lorsque l'employeur prend en charge une dépense incombant au salarié (bail au nom du salarié), il est peu important que l'employeur paie directement le loyer après du bailleur ou rembourse le montant du loyer au salarié, réponse adaptable en l'espèce dès lors que l'article 3-1 de la circulaire prévoit plusieurs formes de dédommagement des frais professionnels possibles et notamment le remboursement des dépenses réelles ou la prise en charge directe par l'employeur des frais inhérents à l'emploi du travailleur ou assimilé sur justificatifs.

En l'espèce, l'avenant d'expatriation au contrat de travail en date du 18 décembre 2014 ne prévoit pas la prise en charge du loyer dans les éléments de rémunération, mais précise dans un article réservé aux conditions particulières lies à l'expatriation :

"pendant toute la durée de la mission d'expatriation, les frais suivants seront pris en charge par la société :

- 2 voyages aller-retour, par période de 12 mois, équivalent à "Hong-Kong/France" en classe économique pour le salarié, son conjoint, ses enfants à charge,

- frais de scolarité des enfants résidant à Hong-Kong sur justificatifs (éducation, transport, cantine),

- frais de déménagement aller-retour Hong/France dans la limite d'un container de 20 Pieds,

- remboursement des frais de loyer sur justificatif, dans la limite de 8.500 euros par mois".

Selon avenant n°2 du 15 avril 2015, "la limite de remboursement des frais de loyer a été portée à 100.000 HKD +/- 5% par mois".

Au regard de ces éléments, la prise en charge du logement par l' employeur relevait des frais professionnels inhérents aux fonctions de M. [D] et n'entrait pas dans le calcul de la rémunération.

La société était donc bien fondée à arrêter le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à 85.750 euros, sans prendre en compte dans le calcul du salaire de référence du montant du loyer.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

- sur l'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

Pour voir fixer le montant de son indemnité à 200.000 euros correspondant à 16 mois de salaire, M. [D] indique être resté sans emploi pendant 324 jours, avoir retrouvé un emploi à durée déterminée en avril 2018 jusqu'en juin 2019 avec un salaire de 5.000 euros bruts pas mois, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er juillet 2019, un salaire brut mensuel fixe de 9.015 euros (sur l'année 2020).

Il confirme avoir racheté les actions qu'il avait souscrites auprès de la société, précisant avoir fait un prêt de 200.000 euros pour les acheter.

Il soutient ainsi avoir eu une perte de revenus de 100.000 euros sur l'année 2018, de 76.415,70 euros sur l'année 2019, de 41,825 euros sur l'année 2020 et de 48.594,51 euros sur l'année 2021.

La société rappelle que le revenu important dont il bénéficiait était dû à son expatriation; qu'il a donc retrouvé un emploi le rémunérant d'avantage qu'avant son expatriation et qu'il a perçu 418.077 euros à l'occasion de la cession des actions dont il était détenteur

auprès de la société Acteon Manco 2 et 382.240 euros à l'occasion de la cession des actions dont il était détenteur avec son épouse au sein de la société Acteaon Manco 1.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, du montant de la rémunération versée à M. [D], prenant en compte la prime versée au titre de l'année 2015, de son âge au moment du licenciement (42 ans), de son ancienneté de 16 ans dans la société, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, c'est à juste titre que les premiers juges ont évalué à 150.000 euros la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par M. [D] à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Pour voir la société condamner à lui verser la somme de 30.000 euros, M. [D] fait valoir un manque de loyauté de l'employeur qui l'a placé dans une situation personnelle et professionnelle difficile en le licenciant au mois de janvier pour une fin de contrat le 24 avril alors qu'il savait qu'il avait trois enfants scolarisés à l'école française de Hong-Kong et était dans l'obligation d'attendre la fin de l'année scolaire pour rentrer en France.

Alors que des pourparlers étaient en cours, M. [D] reproche à la société de lui avoir laissé croire qu'elle prendrait en charge le loyer jusqu'au 30 juin 2017 de sorte qu'il n'a pas cherché de solution alternative pour se loger et d'avoir résilié tardivement le bail après le 21 avril 2017, tout en retenant du solde de tout compte le montant du loyer restant dû du terme du contrat le 25 avril 2017 à son départ le 30 juin 2017.

La société soutient au contraire que l'engagement pris de payer le loyer jusqu'au 30 juin faisait partie de discussions dans le cadre d'une rupture conventionnelle à laquelle les parties ne sont pas parvenues et que l'échec de ces négociations ne saurait suffire à

caractériser une exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

Il résulte des pièces versées que seule la société était titulaire du bail et qu'elle a par courrier du 6 avril 2017 donné congés au 30 juin 2017. De sorte qu'elle ne pouvait mettre à charge de M. [D] les loyers restant dus entre le 24 avril et le 30 juin quand elle était seule à l'initiative du retard pris pour mettre fin au bail par rapport à la fin de son contrat de travail.

En compensation du préjudice subi par M. [D] qui s'est vu prélever du montant correspondant en déduction du solde de tout compte, il lui sera alloué la somme de 25.000 euros.

Sur les intérêts

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant. La capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article1343-2 du même code.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Satelec, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à M. [D] de la somme complémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a fait droit aux demandes de rappel d'indemnités de licenciement, débouté M. [D] de sa demande de paiement de prime de l'année 2016 et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [D] de sa demande au titre du rappel d'indemnité de licenciement,

Condamne la société Satelec à verser à M. [D] les sommes de :

- 12.750 euros au titre de la prime d'objectifs pour 2016,

- 1.275 euros au titre des congés payés y afférents,

- 25.000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article devenu l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la société Satelec aux dépens

Condamne la société Satelec à verser à M. [D] la somme complémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/05543
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;19.05543 ?
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