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05/04/2023 | FRANCE | N°19/03803

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 avril 2023, 19/03803


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/03803 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LD2C

















Monsieur [L] [P]



c/



Monsieur [K] [D]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse

délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 juillet 2019 (R.G. n°F 17/00066) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 08 juillet 2019,





APPELANT :

Monsieur [L] [P]

né le 19 Juillet 1981 à [Localité 3] de nationalité Fr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/03803 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LD2C

Monsieur [L] [P]

c/

Monsieur [K] [D]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 juillet 2019 (R.G. n°F 17/00066) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 08 juillet 2019,

APPELANT :

Monsieur [L] [P]

né le 19 Juillet 1981 à [Localité 3] de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alexandre ALJOUBAHI, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉ :

Monsieur [K] [D] exerçant en son nom propre sous l'enseigne '[D] Carrosserie Industrielle', né le 05 Août 1960 à [Localité 3] de nationalité Française Profession : Carrossier, demeurant [Adresse 2]

N° SIRET : 381 756 618 00025

représenté par Me Murielle NOEL de la SELARL EDINLAW, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente, chargée d'instruire l'affaire,

et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [L] [P], né en 1981, a été engagé en qualité de menuisier manoeuvre selon contrat de travail à durée déterminée à compter du 4 avril 2005 à l'issue duquel la relation s'est poursuivie, par la Carrosserie Industrielle [D] exploitée en nom personnel par M. [K] [D].

Le 6 mars 2013, M. [P] a été victime d'un accident du travail.

Selon avis des 28 mai 2015 et 11 juin 2015, le médecin du travail a déclaré M. [P] inapte à son poste de menuisier mais apte à mi-temps thérapeutique au poste aménagé de magasinier.

M. [P] a repris le travail dans les conditions préconisées par le médecin du travail.

Il a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 8 février 2016, a repris durant quelques jours son poste en septembre pour être à nouveau placé en arrêt de travail à compter du 4 octobre 2016.

Le 3 octobre 2016, après une première visite, le médecin du travail a déclaré M. [P] inapte temporaire au poste de magasinier.

A la suite de de la deuxième visite du 17 octobre 2016, le médecin du travail a émis l'avis suivant : « Inapte définitif à son poste de travail habituel. Pas de proposition de reclassement actuellement possible ».

Sollicité par l'employeur le 3 novembre 2016, le médecin du travail a répondu par courrier du 7 novembre 2016 :

« J'ai bien reçu votre courrier en date du 3 novembre 2016 concernant votre salarié M. [P] et pris bonne note de votre recherche de reclassement.

Comme nous en avons longuement parlé, le motif de l'inaptitude n'est pas en rapport direct avec l'accident du travail dont il a été victime en Mars 2013. La création du poste de magasinier avec aménagement, mis en place après cet accident ne peut donc apporter une solution adaptée à l'état de santé du salarié. Par ailleurs, un avis médical circonstancié a été pris, il confirme l'inaptitude à tous les postes de l'entreprise. Je ne peux donc que confirmer mon avis du 17 octobre 2016 ».

Par lettre datée du 21 novembre 2016, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 21 novembre 2016.

Il a ensuite été licencié pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement par lettre datée du 5 décembre 2016.

A la date du licenciement, M. [P] avait une ancienneté de 11 ans et 8 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

M. [P] s'est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé depuis le 1er octobre 2015.

Le 22 mars 2016, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Dordogne en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Contestant la légitimité de son licenciement et revendiquant des manquements de l'employeur à ses obligations de sécurité et de loyauté, M. [P] a saisi le 16 mars 2017 le conseil de prud'hommes de Périgueux.

Selon jugement du 20 novembre 2017, suite à la demande de M. [P], le conseil de prud'hommes de Périgueux a sursis à statuer en raison de la saisine de la juridiction de sécurité sociale.

L'état de M. [P] a été considéré comme consolidé le 16 octobre 2016 et M. [P] s'est vu reconnaître un taux d'incapacité permanente de 17% dont 2% de coefficient professionnel.

Par jugement rendu le 8 mars 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :

- retenu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur,

- fixé au maximum la majoration de la rente,

- ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le docteur [B] [N].

Par jugement rendu le 14 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Périgueux a fixé le montant des préjudices subis par [L] [P] à la somme de 77.433,89 euros et ordonné à M. [K] [D] de rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne les sommes avancées par celle-ci.

Par jugement rendu le 2 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Périgueux a :

- dit irrecevable la demande de requalification de licenciement pour inaptitude de M. [P] en licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de résultat de l'employeur,

- renvoyé M. [P] à se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, étant précisé que la juridiction est déjà saisie,

- débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [P] aux dépens.

Par déclaration du 8 juillet 2019, M.[P] a relevé appel de cette décision.

Par arrêt en date du 2 février 2022, la cour d'appel de Bordeaux a :

- infirmé le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que M. [P] était irrecevable en sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a renvoyé M. [P] à se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale,

Statuant à nouveau, la cour a :

- déclaré recevables les demandes de M. [P],

Avant dire droit sur les demandes de celui-ci,

- ordonné une expertise médicale de M. [P] et commis pour y procéder le docteur [V] épouse [G] laquelle aura pour mission de :

* recevoir et instruire les dires et prétentions des parties,

* se faire communiquer tous documents et pièces qu'elle estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, et notamment le dossier médical établi à la suite de l'accident du travail en date du 6 mars 2013,

* en tant que de besoin, procéder à l'examen médical de M. [P],

* fournir à la cour, tous éléments permettant de déterminer si l'inaptitude de M. [P], constatée par le médecin du travail le 17 octobre 2016, a, au moins partiellement, pour origine, l'accident du travail subi le 6 mars 2013 ou si cette inaptitude repose sur toute autre cause, sans lien avec cet accident,

- réservé les dépens.

L'expert désigné a déposé son rapport le 1er septembre 2022.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 janvier 2023, M. [P] demande à la cour de juger recevable et bien fondé son appel et de :

- réformer le jugement rendu le 2 juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Périgueux en ce que cette décision :

* a dit irrecevable sa demande de requalification de licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur,

* l'a renvoyé à se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, étant précisé que la juridiction est saisie,

* l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

* l'a condamné aux dépens,

Statuant à nouveau,

- juger recevable et bien fondée sa demande tendant à la requalification de son licenciement pour inaptitude en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que M. [D] a manqué à son obligation contractuelle de sécurité de résultat renforcée à l'égard de son salarié, M. [P],

- juger que M. [D] a manqué à son obligation de reclassement en ne lui proposant pas un poste compatible avec son état de santé,

- juger que son inaptitude est directement causée par le comportement fautif de l'employeur M. [D],

- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner, en conséquence, M. [D] à lui payer les sommes suivantes:

* 60.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de M. [D] [sic],

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté,

* 3.130,72 euros au titre du préavis de deux mois,

- juger que toutes les sommes réclamées sont productives des intérêts au taux légal,

- ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner M. [D] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- condamner M. [D] aux frais de l'expertise judiciaire du docteur [V],

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 décembre 2022, M. [D] demande à la cour de':

- juger M. [P] recevable mais mal fondé en son appel interjeté à l'encontre du jugement prononcé le 2 juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Périgueux,

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- juger que M. [P] ne rapporte pas la preuve de son manquement à son obligation de sécurité,

- débouter M. [P] de sa demande tendant à voir requalifier le licenciement pour inaptitude notifié le 5 décembre 2016 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [P] de sa demande tendant à le voir condamner à lui verser la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre très très infiniment subsidiaire, si par impossible la cour requalifiait le licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- réduire très massivement le montant des dommages et intérêts sollicité par M. [P] au minimum prévu par l'article L.1235-3 du code du travail dans son ancienne rédaction applicable à la date de la notification du licenciement,

- débouter M. [P] de ses demandes présentées au titre du manquement à la loyauté et du préjudice moral,

- débouter M. [P] de sa demande tendant à le voir condamner à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] à lui verser la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [P] de sa demande tendant à le voir condamner aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- condamner M. [P] aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les demandes de M. [P] ont été déclarées recevables par l'arrêt rendu le 2 février 2022.

Sur le licenciement

L'expert désigné par la cour a conclu que l'inaptitude de M. [P] constatée par le médecin du travail a au moins partiellement pour origine l'accident du travail subi le 6 mars 2013.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, les conclusions de l'expert ne prêtent pas à confusion : en effet, il résulte des explications claires de l'expert commis que l'impossibilité de maintenir M. [P] sur le poste de magasinier était consécutive aux douleurs subies en position statique, assise ou debout et que ces douleurs étaient les conséquences directes de l'accident du travail survenu le 6 mars 2013 en sorte que l'inaptitude de M. [P], qu'il s'agisse de son emploi initial ou de celui de magasinier, trouve bien son origine au moins partielle dans cet accident.

Cette analyse n'est en réalité pas en contradiction avec l'avis du médecin du travail qui indiquait dans son courrier que la création du poste de magasinier avec aménagement, mis en place après cet accident, n'apportait pas une solution adaptée à l'état de santé du salarié.

Lorsque l'inaptitude médicale d'un salarié à son poste de travail a pour origine un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement motivé par cette inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'employeur, tenu à une obligation de sécurité et de préservation de la santé des salariés, doit mettre en oeuvre les mesures destinées à la prévention des risques encourus par les salariés dans l'exécution des tâches qui leur incombent,en particulier, en leur donnant la formation nécessaire à l'utilisation de leurs outils de travail et les instructions appropriées.

En l'espèce, il résulte de l'audition de M. [P] devant les services de gendarmerie que son travail consistait notamment à assembler des kits constitués de grands panneaux pour construire les caisses des camions, qui, une fois construites, devaient être 'montées' sur le tracteur des véhicules.

Pour cette opérationde 'montage', les caisses sont entourées de sangles qui sont ensuite accrochées à deux palans électriques qui les surélèvent afin qu'elles soient positionnées sur le tracteur du camion qui est amené pour être glissé dessous.

C'est à ce stade de l'opération, et alors que M. [C] [D], fils de l'employeur, manoeuvrait le tracteur, que l'accident est survenu par suite d'un balancement de la caisse que M. [P] a voulu remettre en bonne position car elle risquait de heurter le mur de l'atelier, en se positionnant entre ce mur et la caisse, qui a chaviré sur lui, le coinçant contre le mur.

M. [P] a expliqué qu'une difficulté semblable s'était produite avec un premier camion mais qu'un deuxième ouvrier était venu l'aider, que pour le second camion, cet ouvrier avait été renvoyé à son poste par M. [C] [D] et qu'il était donc seul à la manoeuvre.

D'une part, ainsi que l'a relevé le tribunal de Périgueux dans la décision rendue le 8 mars 2018, M. [D] reconnaît lui-même qu'il faut un ou deux monteurs selon la taille de l'équipement et il n'est pas justifié que la seconde opération au cours de laquelle l'accident est survenu ne nécessitait qu'un seul monteur, à la différence de la précédente, et alors que la caisse à installer pesait 500 kg.

M. [D] lui-même fait d'ailleurs référence, dans le descriptif de l'opération figurant dans ses écritures 'aux monteurs'.

Or, il ne saurait être considéré qu'il y avait 'deux monteurs' dès lors que le fils de l'employeur était au volant du tracteur du camion quand l'accident est survenu et alors que la présence d'un deuxième monteur aux côtés de M. [P] aurait permis d'équilibrer la caisse et d'éviter qu'elle bascule sur lui.

D'autre part, s'agissant du fonctionnement des palans, ceux-ci doivent aux termes de la notice versée aux débats par l'intimée, faire l'objet d'un contrôle périodique semestriel et d'une vérification annuelle.

Les documents produits à ce sujet par l'employeur montrent que le dernier contrôle des palans réalisé avant l'accident datait du 10 janvier 2012, soit de plus d'un an, et qu'un nouveau contrôle a été réalisé le lendemain de l'accident.

Ces contrôles indiquent en outre que l'essai de déclenchement du dispositif de sécurité n'a pas pu être réalisé.

Par ailleurs, ainsi que le fait valoir M. [P], il n'est justifié d'aucune réelle formation à l'utilisation des appareils de levage.

Enfin, si M. [D] affirme qu'il était rigoureusement interdit aux salariés de se positionner entre la caisse et le mur, il n'est justifié d'aucune instruction donnée à M. [P] à ce sujet, les attestations versées n'en faisant pas état.

Ces différents éléments doivent conduire à retenir l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le fait qu'aucune suite n'ait été donnée aux plaintes déposées par M. [P] pour mise en danger de la vie d'autrui étant à cet égard dépourvu de pertinence.

L'inaptitude de M. [P] ayant pour cause un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement consécutif à cette inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires de M. [P]

- Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [P] est en droit de solliciter le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis.

Il sollicite à ce titre le paiement de la somme de 3.130,72 euros soit l'équivalent de deux mois de salaire.

Au vu des bulletins de paie, le salaire de référence de M. [P] sera fixé à la somme de 1.565,36 euros bruts.

M. [D] sera en conséquence condamné à lui payer, dans la limite de la demande, la somme de 3.130,72 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

- Sur la demande pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [P] sollicite la somme de 60.000 euros « pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de M. [D] ».

M. [D] conclut à titre subsidiaire à la réduction massive du montant des dommages et intérêts au minimum prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail.

***

M. [P] a été pris en charge par Pôle Emploi à compter du 21 janvier 2017, percevant l'allocation de retour à l'emploi d'un montant de l'ordre de 900 euros par mois.

Il a été titularisé dans son emploi d'agent d'entretien des espaces verts occupé depuis juin 2019 à temps partiel (30 heures hebdomadaires).

Il perçoit une rente annuelle d'invalidité de 3.649,64 euros bruts.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (supérieur à 10), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [P], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnités.

- Sur la demande au titre du préjudice moral

M. [P] sollicite la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de son licenciement et reposant notamment sur l'angoisse de ne pas retrouver un emploi, alors qu'il s'est retrouvé paralysé du fait de son accident, avec deux enfants en bas âge.

M. [D] conclut au rejet de cette demande, soutenant que le préjudice allégué a été indemnisé par la juridiction de la sécurité sociale au titre du déficit fonctionnel permanent.

***

M. [P] ne justifie pas d'un préjudice moral disctinct de celui déjà indemnisé par la décision rendue par le pôle social du tribunal de Périgueux et sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.

- Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

M. [P] sollicite la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de loyauté, affirmant que ce manquement est justifié en soutenant à la fois que M. [D] lui aurait dit qu'il coûtait trop cher, qu'il était responsable de l'accident et qu'a été versée en décembre 2015 une prime financière à tous les employés sauf aux deux salariés handicapés, dont lui-même.

M. [D] conclut au rejet de cette demande, exposant n'avoir jamais tenu les propos qui lui sont attribués, que la prime de Noël 2015 n'a pas été versée à M. [P] en raison de son absence et contestant toute brimade et humiliation à l'égard du salarié.

***

Il ne peut être retenu que M. [P] a été victime d'humilations ou a subi une discrimination liée à son handicap.

En effet, d'une part, la prime versée en 2015, non contractuelle, n'a été attribuée qu'aux salariés présents dans l'entreprise tout au long de cet exercice.

D'autre part, les propos que M. [P] attribue à son employeur quant au 'coût' de son emploi ne sont étayés par aucun élément.

Cepenant, il peut être retenu qu'y compris dans le cadre de la présente instance, M. [D] impute à la faute du salarié la survenance de l'accident dont celui-ci a été victime alors que la cour a retenu que cet accident était consécutif à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En conséquence, M. [D] sera condamné à payer à M. [P] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

M. [D], partie perdante à l'instance, sera condamné aux dépens, qui inclueront le coût de l'expertise, ainsi qu'à payer à M. [P] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour

Vu l'arrêt rendu le 2 février 2022,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [L] [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne M. [K] [D] à payer à M. [L] [P] les sommes suivantes :

- 3.130,72 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat,

- 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2,

Ordonne le remboursement par M. [K] [D] à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [L] [P] depuis son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnités,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne M. [K] [D] aux dépens incluant le coût de l'expertise judiciaire.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/03803
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;19.03803 ?
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