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30/03/2023 | FRANCE | N°22/03526

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 30 mars 2023, 22/03526


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 30 MARS 2023





N° RG 22/03526 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZVW







S.A.S. AFRICA SOURCING COTE D'IVOIRE





c/



S.A.S. L.BMS



























Nature de la décision : AU FOND
























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Grosse délivrée le :



aux avocats





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 juillet 2022 (R.G. 22/2060) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 20 juillet 2022





APPELANTE :



La Société AFRICA SOURCING COTE D'IVOIRE, Société de droit ivoirien immatriculée au RC...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 30 MARS 2023

N° RG 22/03526 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZVW

S.A.S. AFRICA SOURCING COTE D'IVOIRE

c/

S.A.S. L.BMS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 juillet 2022 (R.G. 22/2060) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 20 juillet 2022

APPELANTE :

La Société AFRICA SOURCING COTE D'IVOIRE, Société de droit ivoirien immatriculée au RCS d'ABIDJAN, COTE d'IVOIRE sous le N° CI-ABI-2011-B-3446, dont le siège social est situé au [Adresse 1], représentée par son représentant légal

Représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me GIRARD de l'AARPI ANTES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

La société par actions simplifiée LBMS, dont le siège social est sis [Adresse 2]), immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 799.931.068.00016 depuis le 27 janvier 2014, prise en la personne de son représentant légal Monsieur [S] [J], domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me PIERSON substituant Me Emmanuel JOLY de la SCP JOLY - CUTURI ' WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Loic PADONOU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Christine DEFOY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux du 14 septembre 2018, la société de droit ivoirien Africa Sourcing Côte d'ivoire a fait réaliser, une saisie conservatoire à l'encontre de la SAS LBMS entre les mains de la BGFI Bank Europe, du CIC Sud-Ouest et de la BNP Paribas aux fins de sûreté et conservation d'une créance de 1 935 925 euros. Cette saisie lui a été dénoncée le 29 novembre 2018.

Les sommes de 431 135,75 euros, de 1 707,32 GPB et de 346,88 USD ont pu être bloquées entre les mains de BNP Paribas. Les sommes de 36 442,11 euros et de 2915,69 USD l'ont été entre les mains de BGFI Bank Europe.

Suivant exploit d'huissier du 29 janvier 2021, la société LBMS a fait assigner la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciare de Bordeaux aux fins de voir ordonner la mainlevée de ces mesures conservatoires.

Par jugement du 23 mars 2021, le juge de l'exécution de Bordeaux a ordonné la mainlevée des saisies conservatoires de créance pratiquées le 29 novembre 2018 sur le fondement de l'ordonnance sur requête du 14 septembre 2018.

La SAS Africa Sourcing Côte d'Ivoire a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 20 mai 2021, la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a suspendu l'exécution du jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux le 23 mars 2021;

Par arrêt du 20 janvier 2022, la cour d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement rendu le 23 mars 2021 par le juge de l'exécution de Bordeaux en toutes ses dispositions.

Par ailleurs, la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire a assigné la SAS LBMS en paiement devant le tribunal de commerce de Bordeaux, lequel, par jugement du 27 novembre 2020, s'est déclaré incompétent. Les sociétés Africa sourcing Côte d'Ivoire et Africa Sourcing Cameroun ont interjeté appel de ce jugement d'incompétence qui a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 27 juillet 2021 retenant l'application de la clause compromissoire.

Par sentence arbitrale du 23 septembre 2021, le Tribunal arbitral de la Fédération of Cocoa commerce a notamment condamné la SAS LBMS à payer à la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire, ainsi qu'à la société Africa Sourcing Cameroun une somme globale de plus de 6 147 600 euros et 970 900 GPB.

Par ordonnance du 29 octobre 2021, il a été fait droit à la demande d'exequatur portant sur cette sentence.

Le 13 octobre 2021, la société LBMS a interjeté appel de la sentence arbitrale du 23 septembre 2021. Elle a également formé appel le 28 décembre 2021 contre l'ordonnance d'exequatur rendue le 29 octobre 2021.

La société Africa Sourcing Côte D'Ivoire a donc, sur la base de cette décision, fait signifier à la société LBMS, le 15 décembre 2021, une acte de convertion du 10 décembre 2021 des saisies conservatoires en saisie-attrbution pour avoir paiement de la somme de 1 134 404, 41 euros.

Par arrêt du 15 novembre 2022, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance du tribunal judiciaire de Paris du 29 octobre 2021 ayant déclaré exécutoire en France la sentence arbitrale rendue à Londres le 25 septembre 2021.

Par ailleurs, par acte du 21 décembre 2021, la société LBMS a assigné les sociétés Africa sourcing Cameroun et Africa Sourcing Côte d'Ivoire devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d'annulation de l'acte de conversion de saisie.

Devant le juge de l'exécution, la société LBMS a initialement sollicité à titre principal un sursis à statuer, considérant que sa demande ne pourrait être jugée qu'après l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Paris statuant sur l'appel formé contre l'ordonnance d'exequatur.

Puis, arguant de ce que la commission d''appel de la FCC avait par une nouvelle sentence en date du 28 février 2022 infirmé la précédente sentence du 23 septembre 2021 et débouté la société Africa Sourcing de sa demande au motif qu'elle serait prescrite, la société LBMS a sollicité l'annulation de la convertion de saisie, la mainlevée de ladite saisie et la condamnation de la société Africa Sourcing à lui payer des dommages et intérêts.

Par jugement du 19 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- rejeté la demande formée par la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire tendant à écarter des débats les dernières pièces et écritures de la société LBMS

- rejeté la demande de sursis à statuer formée par la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire,

- annulé la conversion de saisies conservatoires de créances en saisies attribution avec demande de paiement effectuées par acte d'huissier en date du 10 décembre 2021 à la demande de la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire entre les mains de la SA BNP Paribas, et de la Bgfibank Europe et signifiées à la société LBMS le 15 décembre 2022 et a ordonné en conséquence la mainlevée de ces mesures d'exécution forcée,

- déclaré la société LBMS irrecevable en sa demande indemnitaire tendant à la réparation du préjudice causé par les mesures conservatoires pratiquées à son encontre le 29 novembre 2018

- débouté la société LBMS du surplus de ses demandes au fond plus amples ou contraires,

- condamné la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire à payer à la société LBMS la somme de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes de la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais afférents aux mesures conservatoires objets de la contestation,

- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l'article R.121-21 du code des procédures civiles d'exécution.

La SAS Africa Sourcing Côte d'Ivoire a relevé appel du jugement le 20 juillet 2022 en ce qu'il a :

- a rejeté sa demande de sursis à statuer,

- a annulé les conversions de saisies conservatoires de créances en saisies-attribution avec demande de paiement, effectuées par acte d'huissier du 10 décembre 2021 à sa demande entre les mains de la SA BNP Paribas et de la Bgfibank Europe et signifiées à la société LBMS le 15 décembre 2022 et a ordonné en conséquence la mainlevée de ces mesures d'exécution forcée,

- l'a condamnée à payer à la S.A.S LBMS la somme de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a rejeté sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais afférents aux mesures conservatoires objets de la contestation ;

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2022, la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire demande à la cour, sur le fondement des articles 16 et 444 du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution en date du 19 juillet 2022 en ce qu'il :

- a rejeté sa demande de sursis à statuer,

- a annulé les conversions de saisies conservatoires de créances en saisies-attribution avec demande de paiement, effectuées par acte d'huissier du 10 décembre 2021 à sa demande entre les mains de la SA BNP Paribas et de la Bgfibank Europe et signifiées à la société LBMS le 15 décembre 2022 et a ordonné en conséquence la mainlevée de ces mesures d'exécution forcée,

- l'a condamnée à payer à la S.A.S LBMS la somme de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a rejeté sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais afférents aux mesures conservatoires objets de la contestation,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le juge de l'exécution n'a pas respecté le principe du contradictoire en fondant sa décision sur un moyen de droit soulevé d'office sans avoir invité la société Africa sourcing Côte d'Ivoire à présenter ses observations,

- dire et juger la SAS LBMS Rockwinds mal fondée en son argumentation,

- dire et juger la Société Africa Sourcing Côte d'Ivoire recevable et bien fondée en son appel du jugement du juge de l'exécution de Bordeaux en date du 19 juillet 2022,

- dire et juger la SAS LBMS Rockwinds irrecevable en son appel incident et en sa demande reconventionnelle,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes et ordonner le maintien des saisies conservatoires précitées dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris à intervenir sur l'appel de l'ordonnance d'exequatur,

- condamner la société LBMS à payer à la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2022, la SAS LBMS demande à la cour, sur le fondement des articles L111-10, L121-2, L512-2, R523-7, R523-9 du code des procédures civiles d'exécution, de l'article 1343-2 du code civil, ainsi que des articles 32-1, 377, 378, 379, 561 et 700 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

- ordonner la nullité de l'acte de conversion de saisie conservatoire (autorisée le 14 septembre 2018 par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Bordeaux et pratiquée le 29 novembre 2018, à hauteur de 469.347,44 euros) signifié à la société LBMS le 15 décembre 2021 pour le compte de la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire,

- ordonner la mainlevée de la saisie attribution du 15 décembre 2021 ;

- ordonner aux tiers saisis de remettre immédiatement les fonds saisis à la société LBMS dès notification de la décision à intervenir,

En conséquence,

- condamner société Africa Sourcing Côte d'Ivoire à lui payer la somme de 2 223 600 euros, eu égard au préjudice souffert par la société LBMS du fait de la saisie conservatoire irrégulièrement pratiquée le 29 novembre 2018, le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du jour du jugement à intervenir,

- la condamner à lui payer la somme de 554 602 euros, eu égard au préjudice souffert par la société LBMS du fait de la saisie attribution irrégulièrement pratiquée depuis le 15 décembre 2021 par la conversion de la saisie conservatoire pratiquée le 29 novembre 2018, le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du jour du jugement à intervenir,

- la condamner à payer la somme de 14 203,93 euros au titre de la capitalisation des intérêts de retard, le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du jour du jugement à intervenir,

En tout état de cause,

- la condamner au paiement d'une amende civile,

- la condamner à lui payer 25 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, mais également aux dépens ;

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2023.

L'affaire a été évoquée le 2 février 2023 et mise en délibéré au 30 mars 2023.

MOTIFS :

Sur l'appel principal de la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire,

A titre liminaire, il convient d'indiquer que la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire a interjeté appel de la disposition ayant rejeté sa demande de sursis à statuer et qu'en appel, elle ne formule aucune demande à ce titre en sorte que la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Ensuite, la société appelante fait grief au premier juge d'avoir soulevé d'office les dispositions de l'article 561 du code de procédure civile pour fonder sa décision, alors que la SAS LBMS n''avait pas mentionné ce moyen dans ses conclusions et que les parties ne se sont pas expliquées de ce chef.

Elle considère par conséquent que le principe du contradictoire n'a pas été respecté et que cette violation de l'article 16 du code de procédure civile justifie à elle seule l'infirmation du jugement entrepris.

Toutefois, une telle demande ne pourra prospérer dès lors que la violation du principe du contradictoire est normalement sanctionnée par la nullité du jugement, laquelle n'est pas sollicitée en l'espèce et qu'elle ne constitue pas en soi un moyen de réformation du jugement.

Sur le fond, la société l'appelante fait grief au jugement déféré d'avoir annulé ladite conversion sur le fondement de l'article 561 du code de procédure civile, au motif que le jugement du juge de l'exécution du 23 mars 2021, emportant mainlevée des saisies conservatoires, avait recouvré toute sa portée initiale, dès lors qu'il avait été confirmé en appel, ce qui avait eu pour effet d'entraîner l'anéantissement de la conversion de ces mesures conservatoires en mesures d'exécution forcée.

La société Africa Sourcing Côte d'Ivoire considère pour sa part que l'article 561 du code de procédure civile n'a pas la portée que lui a donné le juge de l'exécution, dès lors qu'en l'espèce, la conversion de saisie ne s'est pas faite sur la base d'un jugement ultérieurement infirmé, mais sur le fondement d'une ordonnance d'exequatur en date du 29 octobre 2021, en sorte que l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 20 janvier 2022, confirmant le jugement du juge de l'exécution de Bordeaux du 23 mars 2021, n'a pas eu pour effet d'anéantir l'ordonnance d'exéquatur du 29 octobre 2021.

De plus, la société Africa Sourcing Côté d'Ivoire souligne que, conformément à l'article 1526 du code de procédure, l'appel de l'ordonnance ayant accordé l'exequatur n'est pas suspensif et que par conséquent la société LBMS ne pouvait obtenir l'annulation de la conversion tant que la cour d'appel de Paris n'avait pas statué sur l'appel formé contre l'ordonnance d'exéquatur.

La société appelante considère donc qu'elle disposait d'un titre exécutoire valable pour agir en conversion, nonobstant l'appel formé le 13 octobre 2021 par la société LBMS contre la sentence de la FCC en date du 23 septembre 2021, dès lors que cet appel n'est pas suspensif et que par ailleurs, elle avait obtenu l'exéquatur de ladite sentence arbitrale, par ordonnance du 29 octobre 2021, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris le 15 novembre 2022.

Par conséquent, la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire conclut au fait que l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Bordeaux du 20 janvier 2022 concernant la mainlevée de la mesure provisoire ne peut avoir eu pour effet d'anéantir rétroactivement l'acte de conversion de la mesure conservatoire en mesure d'exécution, puisque cette conversion était parfaite à l'échéance du 15 décembre 2021, rendant ainsi cet appel sans objet.

La société LBMS pour sa part sollicite la confirmation du jugement entrepris à raison de l'anéantissement des actes de conversion, du fait de la confirmation du jugement de mainlevée des saisies conservatoires intervenu le 23 mars 2021 et confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 20 janvier 2022 et de l'absence de titre exécutoire valable de la part de la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire, dès lors que la sentence arbitrale du 23 septembre 2021, frappée d'appel, n'était pas exécutoire en raison des règles d'arbtitrage et d'appel de la FCC.

De plus, elle ajoute que la sentence arbitrale du 23 septembre 2021 a été infirmée en appel par la sentence du 28 février 2022, en sorte la conversion des saisies conservatoires litigieuses en saisie attribution a été faite sur le fondement d'un titre exécutoire inexistant, consistant en une sentence arbitrale non exequaturée ayant aujourd'hui purement et simplement disparu de l'ordre juridique interne et international pour avoir été infirmée en cause d'appel.

A ce titre, il convient de rappeller que la convention litigieuse est soumise aux dispositions de l'article R523-7 du code des procédures civiles d'exécution qui dispose que le créancier qui obtient un titre exécutoire, constatant l'existence de sa créance signifie au tiers saisi une acte de conversion qui contient à peine de nullité :

-la référence du procès-verbal de saisie conservatoire ,

-l'énonciation du titre exécutoire,

- le décompre distinct des sommes dues en vertu du titre exécutoire, en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'nidication du taux d'intérêt,

- une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de celle dont le tiers s'est reconnu ou a été déclaré débiteur.

L'acte informe le tiers que dans cette limite, la demande entraîne attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier.

Il résulte de la disposition précitée que la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire devait nécessairemement, lorsqu'elle a signifié le 15 décembre 2021 à la société LBMS la conversion de la saisie-conservatoire ordonnée le 14 septembre 2021 en saisie-attribution, disposer d'un titre exécutoire.

En l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable que ce titre exécutoire repose sur la sentence arbitrale rendue le 23 septembre 2021 par le Tribunal arbitral de la Fédération of Cocoa commerce, laquelle n'acquière force exécutoire et n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une ordonnance d'exéquatur.

Dés lors comme l'a justement indiqué la société appelante, l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Bordeaux rendu le 20 janvier 2022, suite au jugement du 23 mars 2021 du juge de l'exécution de Bordeaux emportant annulation des saisies conservatoires intevenues ab intio le 14 septembre 2018, ne saurait entraîner l'anéantissement de la conversion litigieuse si celle-ci est valablement intervenue le 15 décembre 2021 sur le fondement de la sentence arbitrale du 23 mars 2021, dûment revêtue de l'exéquatur.

Or, s'il est acquis que l'exequatur de la sentence abitrale du 23 septembre 2021 a été prononcée par ordonnance du 29 octobre 2021, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 novembre 2022, force est de constater également que cette sentence a été frappée d'appel le 13 octobre 2021.

Or, il résulte des règles d'aribitrage et d'appel de la FCC et plus particulièrement de ses articles 5-7 et 5-8 que si une sentence arbitrale rendue en première instance par la FCC est normalement exécutoire, elle l'est sous réserve toutefois de l'exercice d'un droit d'appel exercé dans les formes prévues par la FCC, c'est à dire au plus tard à midi du 21ème jour consécutif à partir de la sentence.

Dès lors que la société LBMS a interjeté appel le 13 octobre 2021 de la sentence arbitrale rendue par la FCC le 23 septembre 2021, celle-ci n'était plus exécutoire et ne pouvait donc normalement être soumise à exéquatur.

Il s'ensuit que la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire a signifié le 15 décembre 2021 à la société LBMS un acte de conversion sur le fondement d'un titre exécutoire non valable, qui de surcroît a été ultérieurement infirmé par la sentence arbitrale rendue en cause d'appel le 28 février 2022.

Partant, les conditions de l'article R523-7 du code des procédures civiles d'exécution n'étant pas réunies, la cour ne pourra que confirmer le jugement déféré qui a annulé les conversions de saisies conservatoires de créances en saisies-attribution avec demande de paiement, effectuées par acte d'huissier du 10 décembre 2021 à sa demande entre les mains de la SA BNP Paribas et de la Bgfibank Europe et signifiées à la société LBMS le 15 décembre 2022 et a ordonné en conséquence la mainlevée de ces mesures d'exécution forcée

-Sur l'appel incident de la société LBMS,

L'article L121-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de tout mesure qui lui semble abusive et de condamner le créancier en cas d'abus de saisie.

En l'espèce, la société LBMS critique le jugement entrepris qui l'a déclaré irrecevable en sa demande indemnitaire à hauteur de 2 223 600 euros, compte-tenu du préjudice subi du fait de la saisie conservatoire irrégulièrement pratiquée depuis le 29 novembre 2018, le tout, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

Toutefois, c'est à juste titre que le jugement déféré a déclaré la société LBMS irrecevable en sa demande, sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile, dès lors que celle-ci avait déjà formé une demande identique devant le juge de l'exécution de Bordeaux et qu'elle a avait été déboutée dans le cadre du jugement rendu le 23 mars 2021 et confirmé en appel.

La société LBMS sollicite également la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 554 600 euros eu égard au préjudice qu'elle a subi du fait de la saisie-attribution irrégulièrement pratiquée depuis le 15 décembre 2021 par conversion de la saisie conservatoire pratiquée le 29 novembre 2018, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter du jour du jugement à intervenir.

Elle considère que suite à la conversion litigieuse, elle a subi une perte de marge brute se chiffrant à la somme de 554 600 euros. Toutefois, aucun élément du dossier ne permet d'établir un lien de causalité certain entre la mesute critiquée et la perte de marge brute invoquée par la société LBMS.

Partant, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société LBMS de ses demandes indemnitaires.

Il sera par contre fait droit à la demande de la société LBMS au titre de la capitalisation annuelle des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil, dès lors que les saisies conservatoires et que l'acte de conversion ont été annulés. La société Africa Sourcing Côte d'Ivoire sera condamnée à payer à ce titre la somme de 14 203, 93 euros pour la période allant du 29 novembre 2018 au 19 juillet 2022. Le jugement qui avait débouté la société LBMS sur ce point sera donc réformé.

Sur l'amende civile,

L'article 32-1 du code de procédure civile indique que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné au paiement d'une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

S'il s'avère que la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire défaille en ses prétentions, la société LBMS ne démontre pas pour autant le caractère abusif ou malveillant de son action en sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société LBMS d'une telle prétention.

Sur les autres demandes,

Il ne paraît pas inéquitable enfin de condamner la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire à payer à la société LBMS la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civil ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Africa Sourcing Côte d'Ivoire sera par ailleurs déboutée de ses demandes formées à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par décision mise à disposition au grefffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société LBMS de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire à payer à la société LBMS la somme de 14 203, 93 euros au titre de la capitalisation des intérêts,

Y ajoutant,

Condamne la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire à payer à la société LBMS la somme de 10 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Africa Sourcing Côte d'Ivoire aux entiers dépens,

Déboute la société LBMS de ses demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/03526
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;22.03526 ?
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