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30/03/2023 | FRANCE | N°20/04898

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 30 mars 2023, 20/04898


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 30 mars 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/04898 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-L2JF

















Monsieur [F] [J]



c/

S.A. LA POSTE















Nature de la décision : AU FOND







Grosse délivrée aux avocats le :



à :

Déci

sion déférée à la Cour : jugement rendu le 24 novembre 2020 (R.G. n°F17/01956) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 08 décembre 2020.



APPELANT :



[F] [J]

né le 19 Décembre 1971 à [Localité 3]

de nationalité Française, de...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 30 mars 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/04898 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-L2JF

Monsieur [F] [J]

c/

S.A. LA POSTE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 novembre 2020 (R.G. n°F17/01956) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 08 décembre 2020.

APPELANT :

[F] [J]

né le 19 Décembre 1971 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Représenté et assisté par Me Paul CESSO, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A. LA POSTE prise en la personne de son repésentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

Représentée par Me Odile FRANKHAUSER de la SELAS ERNST & YOUNG SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée de Me Laura MOUFANNINE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 janvier 2023 en audience publique, devant Madame Marie-Paule Menu, présidente chargée d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère

greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

FAITS ET PROCEDURE

La société La Poste emploie M. [J] en qualité de pilote de production.

Par un courrier en date 4 avril 2017 remis en mains propres, la société La Poste a notifié à M. [J] une mise à pied à titre conservatoire.

Par un courrier du 11 avril 2017, la société La Poste a convoqué M. [J] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixé le 28 avril 2017.

Par un courrier du 9 mai 2017, la société La Poste a convoqué M. [J] devant la commission consultative paritaire.

La société La poste a notifié à M. [J] une mise à pied de 3 jours avec retenue de salaire par un courrier du 12 juin 2017 libellé comme suit:

' Monsieur,

Par lettre recommandée avec accusé de réception, vous avez été convoqué à en entretien préalable le 28 avril 2017 auquel vous vous êtes présenté. Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les faits que nous vous reprochons et qui nous ont conduits à envisager à votre égard une sanction disciplinaire.

Nous vous rappelons que ces faits sont les suivants: non respect de l'article 31 du réglement intérieur de la Poste, instruction du 2 janvier 2017. En effet, vous vous êtes présenté le 4 avril 2017 en état d'ébriété dans les locaux de l'entreprise et pendant votre temps de travail.

Conformément aux dispositions de la Convention commune, l'avis de la Commission consultative a été recueilli le 23 mai 2017.

Au regard des éléments évoqués, nous vous informons que nous vous notifions une mise à peid de trois jours avec une retenue correspondante de salaire.

Cette mesure prend effet à compter du 26 juin 2017. Les 3 jours de mise à pied seront retenus sur votre bulletin de paie du mois de juillet.

Nous souhaitons vivement que vous preniez les résolutions nécessaires afin que des faits similaires ne se reproduisent pas. Si de tels agissements devaient se reneouveler, nous pourrions être amenés à engager une procédure de licenciement à votre encontre.

(...)'.

Contestant le bien fondé de la décision prise à son encontre, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux d'une demande en annulation, d'une demande en paiement du salaire retenu, d'une demande en dommages intérêts et d'une demande au titre des frais irrépétibles, par une requête reçue le 22 décembre 2017.

Par jugement de départage du 24 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la société La Poste la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

M. [J] a relevé appel de la décision par une déclaration du 8 décembre 2020.

L'ordonnance de clôture est en date du 3 janvier 2023.

L'affaire a été fixée à l'audience du 26 janvier 2023, pour être plaidée.

PRETENTIONS ET MOYENS

Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 28 janvier 2021, M. [J] demande à la Cour de réformer le jugement déféré, en conséquence d'annuler la sanction disciplinaire, de condamner la société La Poste à lui verser 287 euros à titre de rappel de salaire, 500 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi et 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M.[J] fait valoir en substance qu'il était abattu mais pas en état d'ébriété et que la société La Poste n'en rapporte d'ailleurs pas la preuve; que la sanction prononcée est dans tous les cas excessive au regard de l'absence d'un quelconque incident en plus de dix ans de service et des difficultés familiales qu'il traversait alors. qu'il est fondé à demander la réparation du préjudice qui est résulté des bruits qui ont couru sur lui ensuite de la décision.

Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le du 26 avril 2021, la société La Poste demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, partant de débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire de la condamner au paiement de la somme de 190,44 euros effectivement retenue, à titre reconventionnel de condamner M. [J] à lui payer 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société La Poste fait valoir en substance qu'elle rapporte la preuve de l'état d'ébriété de M. [J] ; que le refus de M. [J] de se soumettre au contrôle d'alcoolémie proposé est injustifié, le responsable traitement du site et par ailleurs son supérieur hiérarchique étant compétent pour l'effectuer; que la sanction est proportionnée à la gravité des faits compte tenu des fonctions de M. [J] ; que la retenue de salaire s'élève à la somme de 190,44 euros seulement ; que M. [J] ne justifie pas du préjudice dont il demande la réparation par ailleurs.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se référe aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Le conseil de prud'hommes, juge du contrat de travail, saisi de la contestation sur le bien fondé d'une sanction disciplinaire, peut l'annuler si elle apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

L'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction; le salarié produisant pour sa part les éléments qui viennent à l'appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il résulte de la lettre du 12 juin 2017, qui fonde la sanction et fixe les limites du litige, que M. [J] a été sanctionné pour s'être présenté sur son lieu de travail le 4 avril 2017 en état d'ébriété, en violation des dispositions de l'article 31 du réglement intérieur de la Poste.

L'article 31 du réglement intérieur de La Poste dispose:

' Il est également interdit d'être en état d'ébriété ou sous l'empire de susbtances illictes dans les locaux de service ou pendant le temps de travail.

Afin de prévenir ou faire cesser immédiatement une situation dangereuse, les personnels affectés à la conduite de véhicules, à des tournées de distribution ou appelés à utiliser des équipements ou des produits dangereux peuvent faire l'objet d'un contrôle d'alcoolémie ( alcootest, éthylotest) effectué par le directeur d'établissement ou de service ou son représentant ( désigné parmi le personnel de maîtrise/encadrement). L'alcoolémie positive est fixée par le taux légal en vigueur par le code de la route.

(...)'.

Pour justifier de l'état d'ébriété de M. [J], la société La Poste se prévaut du rapport d'incident rédigé par M. [W], des témoignages par attestations de M. [W] et de M. [C].

M. [C], supérieur hiérarchique de M. [J], atteste: ' Le 4 avril 2017 vers 7h10 M. [J] a voulu rentrer chez lui car il ne se sentait pas bien. Il ne donnait pas de détails et regardait le sol. Je lui ai demandé de me suivre à l'infirmerie en lui expliquant que je ne pouvais pas le laisser repartir. Il s'est dirigé vers le vestiaire pour prendre ses affaires. Je suis allé au PC sécurité pour prévenir le chef de centre que M. [J] ne devait pas sortir vu son état. M. [J] a néanmoins passé le portique de sécurité pour sortir et je lui ai demandé d'aller dans le poste de sécurité pour discuter. Nous lui avons demandé ce qui n'allait pas et M. [J] a répondu qu'il préférait ne pas répondre car il avait des soucis personnels. Nous lui avons demandé s'il avait trop bu car il sentait l'alcool. Il nous a répondu qu'il avait trop bu la veille et qu'il n'aurait pas dû venir. Nous lui avons demandé de souffler dans un alcoomètre. Il a refusé. Il a redemandé à partir et nous lui avons signifié que nous ne le laisserions pas repartir en voiture dans son état et lui avons demandé d'attendre dans l'infirmerie. [T] ( chef de centre) a fait des rondes régulières pour surveiller son état. Il y est resté jusqu'à son entrevue avec le Directeur, le responsable des RH et moi. (...)'.

M. [W], agent de sécurité incendie SSIAP 1, atteste : ' Le 04/04/2017 à 07h30 M. [J] est venu directement au PCS avec M. [C]. Il se plaint de fatigue et d'un mal être physique ( comportement calme). Il refuse que j'appelle le SAMU pour un avis médial et demande à pouvoir se reposer dans le local de secours. Il a avoué avoir consommé une grosse quantité d'alcool (whisky) dans la nuit. Il refuse de faire un test d'alcoolémie avec l'éthylotest. Mise au repos dans le local 1er secours avec une surveillance accrue pendant 03h30. 11h00 départ du site et retour au domicile avec Mme [G] [P]'.

Dans son rapport d'intervention, M. [W], agent de sécurité incendie SSIAP 1 écrit : ' (...) M. [J] est venu directement au PCS avec M. [C] . Il se plaint de fatigue et d'un mal être physique ( comportement calme). Il a avoué avoir consommé une grosse quantité d'alcool ( whisky) dans la nuit. Il refuse de faire un test d'alcoolémie avec éthylotest. Mis au repos dans le local 1er secours avec une surveillance accrue pendant 03h30. 11h00 départ du site et retrour au domicile avec Mme [G] [P]'.

S'il en résulte que M. [J] n'était pas en mesure de travailler, qu'il sentait l'alcool et qu'il a reconnu avoir consommé de façon excessive, la veille selon M. [C], dans la nuit selon M. [W], la preuve qu'il était encore sous l'emprise d'une ingestion excessive de boissons alcoolisées n'est pas rapportée.

M. [W] n'étant pas salarié de la société et la désignation de M. [C] pour proposer aux salariés de se soumettre à un contrôle d'alcoolémie ne résultant d'aucun des éléments du dossier, les développements de la société La Poste sur le refus de M. [J] de se soumettre à l'éthylotest sont inopérants.

La Cour relève qu'il existe dans ces conditions un doute sur l'état d'ébriété sanctionné qui doit profiter au salarié. La sanction sera donc annulée et le jugement déféré sera infirmé en conséquence.

La mise à pied prononcée étant annulée, M. [J] est fondé à obtenir le versement de la retenue de salaire correspondante mentionnée sur le bulletin de salaire du mois de juillet 2017, soit la somme de 191,14 euros. La société La Poste sera condamnée au paiement et le jugement déféré sera infirmé en conséquence.

M. [J] qui ne justifie pas du préjudice moral dont il demande par ailleurs la réparation, sera débouté de sa demande en dommages intérêts. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

La société La Poste, qui succombe, doit conserver la charge des dépens de première instance et des dépens d'appel au paiement desquels elle sera condamnée en même temps qu'elle sera déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement déféré sera infirmé en conséquence.

L'équité commande de ne pas laisser à M. [J] la charge de ses frais irrépétibles.La société La Poste lui paiera la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme la décision déférée dans ses dispositions qui déboutent M. [J] de sa demande en dommages intérêts

Infirme la décision déférée pour le surplus de ses dispositions

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

Annule la sanction disciplinaire notifiée le 12 juin 2017

Condamne la société La Poste à payer à M. [J] 191,14 euros au titre de la retenue de salaire et 1500 euros pour ses frais irrépétibles

Condamne la société La Poste aux dépens de première instance et aux dépens d'appel; en conséquence la déboute de ses demandes au titre de ses frais irrépétibles.

.

Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 20/04898
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;20.04898 ?
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