COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 30 MARS 2023
F N° RG 19/05823 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJQ2
Madame [B] [O] [N] [H] épouse [G]
c/
Monsieur [U] [E]
Madame [S] [E]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 août 2019 (R.G. 18/00885) par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 05 novembre 2019
APPELANTE :
[B] [O] [N] [H] épouse [G]
née le 22 Juillet 1954 à [Localité 7]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Sylvie BERTRANDON de la SELARL BARRET-BERTRANDON-JAMOT-MALBEC-TAILHADES, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉS :
[U] [E]
né le 02 Mars 1922 à [Localité 5]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 4]
[S] [E]
née le 26 Avril 1953 à [Localité 3]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 4]
Représentés par Me Frédérique POHU PANIER, avocat au barreau de PERIGUEUX
Assistés par Me Jacques VIGNAL, avocat au barreau de BRIVE-LA-GAILLARDE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Clara DEBOT
Greffier lors du prononcé : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme [B] [H] épouse [G] est propriétaire d'une maison d'habitation située au Bourg dans la commune de [Localité 7], cadastrée sous le [Cadastre 2] section A et disposant d'une contenance de 2a 90ca.
En vertu d'un acte de donation datant de 2015. M. [U] [E] et sa fille Mme [S] [E] sont respectivement usufruitier et nu-propriétaire d'une parcelle supportant une maison d'habitation sise au Bourg de la même commune, cadastrée section [Cadastre 6].
La parcelle appartenant à Mme [G] et celle de M. et Mme [E] se jouxtent au Nord et à l'Est.
Au mois de novembre 2016, M. et Mme [E] ont fait installer en limite de leur propriété, devant l'espace en forme de triangle situé sur le pignon est de l'habitation de Mme [G], un portail avec serrure.
Alléguant l'illégitimité de M. et Mme [E] pour réaliser ces travaux, Mme [G] a mandaté M. [W], géomètre-expert foncier, qui a établi un procès-verbal de bornage et de reconnaissance de limites de leurs propriétés respectives le 5 janvier 2018, signé par Mme Mme [H] le 18 janvier 2018, mais non par les consorts [E].
Par actes du 6 aôut 2018, Mme [G] a assigné M. et Mme [E] devant le tribunal de grande instance de Bergerac aux fins de condamnation sous astreinte à la démolition de l'empiétement et la remise en état du fonds outre l'indemnisation du préjudice subi.
Par jugement du 2 août 2019, le tribunal de grande instance de Bergerac a :
- constaté que le fonds cadastré [Cadastre 2] section A, appartenant à Mme [H] épouse [G], comprend la portion triangulaire d'une superficie de 2,40 m2 confortant la façade est de l'immeuble bâti sur ledit fonds, et dont la longueur est constitutive de la limite séparative entre ledit fonds et la parcelle cadastrée [Cadastre 6] section A dont les consorts [E] sont respectivement usufruitier et nu-propriétaire,
- constaté que Mme [H]-[G] ne sollicite pas le bénéfice d'une servitude de passage,
- rejeté la demande de Mme [H] épouse [G] de bénéficier sur le fonds cadastre n°[Cadastre 2] section A lui appartenant d'une servitude judiciaire de tour d'échelle sur la parcelle limitrophe cadastrée [Cadastre 6] appartenant à M. et Mme [E] et d'une libre circulation sur le chemin d'exploitation,
- rejeté toutes les autres demandes de Mme [H] épouse [G],
- rejeté la demande indemnitaire des consorts [E] pour procédure abusive,
- rejeté la demande des consorts [E] de condamnation de Mme [H] épouse [G] à élaguer sa haie sous astreinte,
- rejeté toutes les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à la charge de chacune des parties les frais engagés pour assurer leur défense,
- condamné Mme [H] épouse [G] aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Mme [G] a relevé appel du jugement le 5 novembre 2019 en ce qu'il :
- a constaté qu'elle ne sollicitait pas le bénéfice d'une servitude de passage,
- a rejeté sa demande de bénéficier sur le fonds cadastre n°[Cadastre 2] section A lui appartenant d'une servitude judiciaire de tour d'échelle sur la parcelle limitrophe cadastrée [Cadastre 6] appartenant à M. et Mme [E] et d'une libre circulation sur le chemin d'exploitation,
- a rejeté toutes ses autres demandes,
- a rejeté toutes les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à la charge de chacune des parties les frais engagés pour assurer leur défense,
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2023, Mme [G] demande à la cour, sur le fondement des articles 562 et 563 du code de procédure civile, ainsi que des articles 682 et suivant et 2258 et suivant du code civil, de :
- dire et juger recevable et bien fondé l'appel par elle interjeté,
- infirmer en tous ses chefs de jugement critiqués le jugement du tribunal de grande instance de Bergerac en date du 2 Août 2019,
Statuant à nouveau
- constater l'état d'enclavement de la portion triangulaire de propriété d'une superficie de 2,40 m2 confortant la façade Est de l'immeuble bâti sur ledit fonds cadastre [Cadastre 2] section A,
A défaut,
- constater l'usage trentenaire et conforme aux conditions fixées à l'article 2258 du code civil du passage par les propriétaires du fonds cadastre n° [Cadastre 2] section A vers le fonds cadastrée [Cadastre 2] section A,
En conséquence,
- accorder le bénéfice d'une servitude de passage au profit du fonds cadastre [Cadastre 2] section A, sur le fonds servant cadastrée [Cadastre 6] section A, pour permettre le désenclavement de la partie de propriété susmentionnée,
- dire et juger que le portail installé en novembre 2016 par M. et Mme [E] empiète sur son fonds,
- ordonner le retrait du portail et la remise en état des lieux à leurs frais, dans le mois qui suit la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
A défaut,
- ordonner la remise par M. et Mme [E] d'un jeu de clefs permettant d'ouvrir le portail litigieux, dans le mois qui suit la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
Dans tous les cas,
- débouter M. et Mme [E] de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles,
- les condamner à lui payer la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2023, M. et Mme [E] demandent à la cour, sur le fondement des articles 682, 691 et suivants du code civil, de :
- juger que la portion triangulaire de propriété d'une superficie de 2,40 m2 confortant la façade Est de l'immeuble bâti sur le fonds cadastré [Cadastre 2] section A et dont la longueur est constitutive de la limite séparative entre ledit fonds et la parcelle [Cadastre 6] section A propriété de M. et Mme [E] ne relève pas d'un état d'enclave,
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour retiendrait un état d'enclave :
- juger que l'état d'enclave résulterait du fait exclusif de l'auteur de Mme [G],
- la juger infondée à invoquer une servitude de passage « au titre de l'usucapion trentenaire »,
- juger que le portail installé en Novembre 2016 par M. et Mme [E] ne porte pas empiètement sur son fonds,
En conséquence,
- la débouter, comme infondée, de sa demande de bénéfice d'une servitude de passage au profit du fonds cadastré [Cadastre 2] section A sur le fonds cadastré [Cadastre 6] section A,
- la débouter de sa demande afin de voir ordonner, sous astreinte, le retrait du portail et la remise en état des lieux à leurs frais,
- la débouter de sa demande subsidiaire à fin de remise par eux, sous astreinte, d'un jeu de clefs du portail,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac en date du 2 août 2019 en ce qu'il a débouté Mme [G] de l'ensemble de ses autres demandes, fins et prétentions,
Faisant droit aux demandes reconventionnelles de M. et Mme [E] :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac en date du 2 août 2019 en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles,
Statuant à nouveau sur lesdites demandes reconventionnelles :
- condamner Mme [G] à leur verser la somme de 3 000 euros pour procédure abusive,
- la condamner à élaguer la haie située sur sa parcelle [Cadastre 2] en respectant les dispositions de l'article 671 du code civil, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- la condamner à leur verser la somme de 3 000 euros à chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2023.
MOTIFS
Sur le statut de la portion triangulaire de 2,40 m² confortant la façade Est de l'immeuble de Mme [G]
Si les parties s'accordent pour reconnaitre que cette portion de terrain appartient à Mme [G], celle-ci soutient que celle-ci serait enclavée si bien qu'elle devrait bénéficier d'une servitude de passage ( elle demandait au tribunal de reconnaitre dans cette emprise l'existence d'un chemin d'exploitation mais elle renonce expressément à cette prétention devant la cour d'appel).
Les intimés soutiennent que cette portion de terrain ne serait pas enclavée.
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Aux termes de l'article 682 du code civil : « Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner. »
Il résulte des pièces du dossier que Mme [G] n'a plus accès à la portion de terrain litigieuse depuis la pose d'un portail fermé à clés par les consorts [E] en 2016, si bien qu'elle ne peut plus avoir accès aux descentes d'eaux pluviales et à son compteur électrique situés sur cette parcelle.
Si le litige n'aurait pas vu le jour si les intimés avaient eu la sagesse de placer leur portail en point « b » au lieu du point « a » du plan des lieux ( cf : pièce n° 17 de l'appelante), ou avaient tenté de rechercher une solution bénéfique aux parties, la cour doit néanmoins constater que la portion de terrain litigieuse n'est pas enclavée au sens de l'article 682 du code civil, alors qu'elle est séparée de la voie publique par un muret ancien appartenant à Mme [G], si bien que celle-ci peut y pratiquer une ouverture afin de pouvoir y pénétrer, depuis la voie publique.
Enfin, il n'est pas démontré par l'appelante que le portail installé par les consorts [E], en 2016, l'aurait été sur sa propriété.
En conséquence, il n'y a pas lieu de permettre à l'appelante de passer sur la propriété de ses voisins pour accéder à la parcelle litigieuse, ni de se voir remettre un jeu de clés du portail de ses voisins.
Sur l'appel incident des consorts [E]
Le tribunal a débouté les consorts [E] de leur demande reconventionnelle tendant à voir condamnée leur voisine à élaguer sa haie sous astreinte faute pour eux de rapporter la preuve que leur voisine ne respecterait pas les distances prescrites par les lois et les règlements.
Les intimés soutiennent qu'il ressort des photographies apportées aux débats que la haie implantée par Mme [G] ne respecte pas les dispositions de l'article 672 du code civil, de sorte qu'une taille de la haie sous astreinte doit être prononcée.
L'appelante s'y oppose considérant que la haie litigieuse est plantée de façon réglementaire depuis très longtemps sur sa parcelle de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande de la voir élaguer, et ce d'autant que le jardinier, en raison du portail, ne peut plus réaliser la taille de la haie.
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Aux termes de l'article 672 du code civil : « Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.
Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales. »
Les planches photographiques versées aux débats par les intimés sont insuffisantes pour faire foi de la violation par l'appelante des dispositions de l'article 672 du code civil, alors que celle-ci conteste la moindre violation réglementaire ou légale.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [E] de leur demande.
Sur l'abus de procédure
Le seul fait de demander à un juge de trancher un différend, et ensuite d'entreprendre un recours à l'encontre de sa décision ne constitue une faute qu'en cas d'abus qui n'est nullement démontré en l'espèce.
Sur les frais et dépens
Chacune des parties succombe en ses demandes si bien qu'il parait équitable de laisser à chacune d'elle la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant :
Déboute Mme [G] de sa demande de voir constater l'état d'enclavement de la portion triangulaire de propriété d'une superficie de 2,40 m² confortant la façade Est de l'immeuble bâti sur le fonds cadastré [Cadastre 2] section A ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.
La présente décision a été signée par Madame Paule POIREL, présidente, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE