La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2023 | FRANCE | N°20/00992

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mars 2023, 20/00992


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 29 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00992 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPEQ

















Madame [J] [U]



c/



E.U.R.L. VIVRADOMICILE

















Nature de la décision : AU FOND





















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 janvier 2020 (R.G. n°F 18/01252) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 20 février 2020,





APPELANTE :

Madame [J] [U]

née le 30 Décembre 1976 à [Localité 4] de ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00992 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPEQ

Madame [J] [U]

c/

E.U.R.L. VIVRADOMICILE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 janvier 2020 (R.G. n°F 18/01252) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 20 février 2020,

APPELANTE :

Madame [J] [U]

née le 30 Décembre 1976 à [Localité 4] de nationalité Française Profession : Aide-soignante à domicile, demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Françoise AMADIO, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

EURL Vivradomicile, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 501 501 605 00515

représenté par Me Yann HERRERA, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [J] [U], née en 1976, a été engagée par l'EURL Vivradomicile, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (25 heures hebdomadaires) à compter du 18 mars 2014. Ce contrat de travail mentionnait la fonction d'"aide soignante et afin de devenir responsable du secteur rive droite."

Les parties ont signé un avenant le 1er novembre 2014 portant la durée de travail hebdomadaire à 35 heures et indiquant des fonctions d'assistante administrative responsable du secteur d'[Localité 3].

Mme [U] a été placée en arrêt de travail à compter du 15 novembre 2017 jusqu'à la fin de la relation contractuelle.

Le 1er juin 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [U] inapte définitivement, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par lettre datée du 7 juin 2018, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 18 juin 2018.

Mme [U] a ensuite été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 21 juin 2018.

A la date du licenciement, Mme [U] avait une ancienneté de quatre ans et trois mois.

Sollicitant le paiement de rappels de salaires après requalification et pour heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour congés payés non pris, ainsi que le remboursement de frais professionnels, Mme [U] a saisi le 9 août 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 31 janvier 2020, a :

- débouté Mme [U] de ses demandes,

- débouté la société Vivradomicile de ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour aucune des parties,

- condamné Mme [U] aux dépens.

Par déclaration du 20 février 2020, Mme [U] a relevé appel de cette décision, notifiée le 5 février 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 août 2021, Mme [U] demande à la cour de la recevoir et la dire bien fondée, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, après l'avoir infirmé, de :

- requalifier en responsable de secteur son emploi,

En conséquence,

- condamner la Société Vivradomicile à lui payer les sommes suivantes :

* 21.200 euros brut (2.035 - 1.445,42 X 12 (mois) X 3 (ans) au titre de rappel de salaire sur les trois dernières années du contrat de travail,

* 14.830 euros brut en paiement des heures supplémentaires faites pendant les trois dernières années,

* 6.000 euros brut en compensation financière des congés payés non pris,

* 5.000 euros, forfaitaire, en remboursement des frais professionnels engagés au cours des trois dernières années

- ordonner à la société Vivradomicile, sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de l'arrêt, de remettre à Mme [U] les bulletins de salaire portant modification de la convention collective applicable, de l'emploi, du salaire, et visant la convention collective en vigueur, ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la situation résultant du reclassement judiciaire de l'emploi,

En tout état de cause,

- condamner la société à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 février 20221, la société Vivradomicile demande à la cour de'confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La requalification professionnelle

Mme [U] fait valoir que l'avenant au contrat de travail ne se substitue pas au contrat de travail initial mais le complète, que les fonctions de responsable de secteur n'étant pas prévues dans la convention collective, elle demande paiement d'un rappel de salaire calculé sur le taux horaire majoré de 40%.

La société répond que le projet affiché au contrat de travail initial de voir Mme [U] devenir responsable de secteur n'a pas été validé ; que la convention collective applicable est celle du 20 septembre 2012 et non celle du 21 mai 2010 ; qu'en tout état de cause, Mme [U] ne remplissait pas les critères de la qualification de responsable de secteur prévus par cette dernière convention ; que les fonctions exercées par Mme [U] relevaient de la qualification d'assistante de secteur sans rémunération minimale conventionnelle.

Selon les termes du contrat de travail initial, Mme [U] a été embauchée aux fonctions "d'aide soignante et afin de devenir responsable de secteur rive droite Gironde".

Aux termes de l'avenant au contrat de travail, en date du 1er novembre 2014, les fonctions de Mme [U] étaient celles "d'assistante administrative responsable du secteur d'[Localité 3]". Cet avenant renvoie à la convention collective du 20 septembre 2012 des services à la personne.

La demande de paiement de rappels de salaire fondée sur la requalification de responsable de secteur intéresse la période des trois dernières années de la relation de travail soit du 21 juin 2015 au 21 juin 2018.

Il revient à Mme [U] d'établir qu'elle exerçait effectivement les fonctions relevant de cette classification au cours de cette période. Les développements relatifs à l'application conjuguée ou non de deux documents contractuels sont indifférents.

De nombreuses pièces versées par Mme [U] sont antérieures à la période concernée.

Les autres pièces établissent que Mme [U] était en contact avec des familles de bénéficiaires, réalisait diverses tâches administratives et effectuait des remplacements d'aide soignante.

Les attestations versées n'ajoutent rien à ces constatations.

Les fonctions réellement exercées par Mme [U] relevaient des missions figurant sur l'avenant soit, la préparation des documents des usagers et administratifs, le remplacement des intervenantes et le suivi des interventions.

Par ailleurs, la convention collective du 21 mai 2010 dont Mme [U] revendique l'application n'intéresse pas les entreprises à but lucratif et la convention collective du 20 septembre 2012 visée à l'avenant ne prévoit ni les critères de classification d'un poste de responsable de secteur ni sa rémunération minimale.

Mme [U] sera déboutée de cette demande. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Les heures supplémentaires

Mme [U] demande paiement d'heures supplémentaires réalisées hors les horaires figurant sur l'avenant ( 9h -12 h et 14h- 18 h) du lundi au vendredi.

La société répond que Mme [U] n'a pas réclamé le paiement d'heures supplémentaires pendant la relation contractuelle, qu'établissant les plannings, elle devait rechercher une autre aide soignante avant d'effectuer elle même les remplacements et que la demande de l'employeur d'effectuer des heures supplémentaires n'est pas établie.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'absence de demande de paiement d'heures supplémentaires au cours de la période contractuelle ne prive pas Mme [U] de son droit à le solliciter devant la juridiction prud'homale.

L'employeur réalisait les facturations d'interventions et disposait du logiciel comptabilisant les temps d'accomplissement de celles-ci. Il ne peut exciper de sa méconnaissance de la durée du temps de travail de ses salariées. Il ne peut reprocher à Mme [U] d'avoir remplacé des intervenantes empêchées sans avoir vérifié l'absence d'autres salariées disponibles d'autant qu'il ne précise pas le nombre de ses salariées ni ne produit de pièces utiles. En tout cas, la société ne conteste pas que des interventions pouvaient être réalisées au delà des horaires contractuels de Mme [U] et l' employeur donnait son accord implicite à cette réalisation.

Mme [U] produit :

- des plannings de travail des salariés de l'entreprise au cours de plusieurs semaines des années 2015, 2016 et 2017. La société conteste leur valeur probante sans verser d'élément contraire. Le nom des bénéficiaires et la durée des interventions sont précisés. Si les plannings de toutes les semaines des années considérées ne sont pas produits, chacun porte sur une semaine complète, précision apportée que Mme [U] travaillait en tant que responsable administrative lorsqu'elle ne remplaçait pas une intervenante.

Au vu de ces pièces, Mme [U] travaillait régulièrement avant 9 h, entre 12 et 14 heures et après 18 heures.

- des tableaux d' heures supplémentaires correspondant aux plannings,

- des messages électroniques transmis pendant la pause méridienne.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à la société de fournir les horaires effectivement réalisés. Elle n'en verse aucun.

Considération prise de ces éléments et du taux horaire attaché aux fonctions prévues à l'avenant, la cour a la conviction que la société est redevable de la somme de 8 126,34 euros majorée des congés payés afférents ( 812,63 euros)

Les congés payés

Mme [U] fait valoir qu'elle n'a pas pris ses jours de congés et verse un message électronique aux termes duquel elle se plaint auprès de l'employeur de ce qu'elle annule ses congés pour la troisième fois.

L'employeur doit prendre toute mesure utile pour permettre au salarié de bénéficier des jours de congé auxquels il a droit et il lui revient de le prouver.

Aucune pièce n'est produite par l' employeur et ce dernier sera condamné à payer à Mme [U] des dommages et intérêts à hauteur de 1 500 euros en réparation de ce préjudice.

Les frais professionnels

Mme [U] fait valoir que la prime forfaitaire de 150 euros figurant sur ses bulletins de paye ne correspondait pas à la prise en charge de frais professionnels mais à la prime prévue à l'avenant et relative à l'atteinte du chiffre d'affaires. Mme [U] renvoie à l'article 10 de l'avenant lui faisant obligation d'utiliser son véhicule personnel et d'assurer ce dernier.

La société répond qu'aucun justificatif n'est produit.

La cour constate qu'aucune contradiction n'est apportée par la société à l'évocation du paiement d'une prime de chiffre d'affaires mentionnée à l' article 1 de l'avenant. Aucun justificatif de l'atteinte du palier fixé à hauteur de 10 000 euros n'est versé.

Mme [U] doit être indemnisée du défaut de remboursement des indemnités kilométriques correspondant aux trajets effectués entre les locaux de la société et les domiciles des bénéficiaires. À ce titre, la société devra lui verser la somme de 4 000 euros.

L'employeur devra délivrer à Mme [U] un bulletin de paye mentionnant le rappel de salaire pour heures supplémentaires dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt, le prononcé d'une astreinte n'étant pas nécessaire,

Vu l'équité, la société sera condamnée à payer à Mme [U] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Partie perdante, la société supportera la charge des entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [U] de ses demandes de dire qu'elle exerçait les fonctions de responsable de secteur et en paiement de rappel de salaire à ce titre ;

L'infirme pour le surplus,

statuant à nouveau,

Condamne l'EURL Vivradomicile à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

- 8 126,34 euros et 812,63 euros au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents,

-1 500 euros en réparation du préjudice relatif au défaut de prise de congés payés;

-4 000 euros au titre de prise en charge des frais professionnels.

Dit n'y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

Dit que la société devra délivrer à Mme [U] un bulletin de paye rectifié dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt;

Condamne l'EURL Vivradomicile à payer à Mme [U] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

L'EURL Vivradomicile supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00992
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;20.00992 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award