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29/03/2023 | FRANCE | N°20/00889

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mars 2023, 20/00889


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 29 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00889 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LO33















Monsieur [X], [J] [U]



c/



SA PÉRIGORD RÉÉDUCATION

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse dÃ

©livrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 janvier 2020 (R.G. n°F 18/00130) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PÉRIGUEUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 17 février 2020,





APPELANT :

Monsieur [X], [J] [U]

né le 06 Août 1946 à [Localité 3] de ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00889 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LO33

Monsieur [X], [J] [U]

c/

SA PÉRIGORD RÉÉDUCATION

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 janvier 2020 (R.G. n°F 18/00130) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PÉRIGUEUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 17 février 2020,

APPELANT :

Monsieur [X], [J] [U]

né le 06 Août 1946 à [Localité 3] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Frédérique POHU PANIER, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉE :

SA Périgord Rééducation, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 305 776 999

assistée de Me Myriam LENGLEN de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de PERIGUEUX, représentée par Me Edwige HARDOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [X] [J] [U], né en 1946, a été engagé en qualité de médecin chef par la SA Périgord Rééducation, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 1976.

La société Périgord Rééducation ressort du Groupe [Localité 5] et exploite le Centre de Rééducation Fonctionnelle, cardiaque et nutritionnel [4].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée.

Au cours de l'année 2003, M. [U] a été nommé directeur général délégué du Centre [4]. Il a continué d'occuper en parallèle son poste salarié de médecin chef.

Au 1er juillet 2005, M. [U] a été nommé Président Directeur Général de la société Périgord Rééducation. En parallèle, il a continué d'exercer en qualité de médecin.

Au 31 décembre 2007, M. [U] a fait valoir ses droits à la retraite de salarié médecin chef.

En juin 2008, le mandat de Président Directeur Général de M. [U] a été renouvelé.

Le 27 septembre 2017, M. [U] a été révoqué par l'Assemblée Générale de la société de ses fonctions de président directeur général.

Le 4 septembre 2018, M. [U] a saisi le conseil des prud'hommes de Périgueux pour, obtenir le prononcé de la résiliation de son contrat de travail et le paiement de dommages et intérêts et de rappels de salaire.

Par jugement de départage du 29 janvier 2020, le conseil a :

- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence ratione materia du conseil de prud'hommes,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande incidente en nullité du contrat de travail,

- déclaré les demandes de M.[U] recevables,

Sur le fond,

- débouté M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société Périgord Rééducation de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

- condamné M.[U] à payer à la société Périgord Rééducation la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M.[U] aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 17 février 2020, M.[U] a relevé appel de cette décision, notifiée le 29 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 décembre 2022, M.[U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence ratione matériae du conseil des prud'hommes, déclaré ses demandes recevables et débouté la société Périgord Rééducation de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

- infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- reconnaître sa qualité de salarié depuis le 1 er janvier 2008 avec reprise de son ancienneté depuis le 1 er décembre 1976,

- dire qu'il est lié à la société Périgord Rééducation par un contrat de travail depuis le 1 er janvier 2008,

- déclarer prescrite la demande en nullité de ce contrat de travail de la société Périgord Rééducation,

- dire que la société Périgord Rééducation a commis des manquements contractuels graves (non fourniture de travail, non règlement des salaires depuis le 27 septembre 2017),

- prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de la société Périgord Rééducation,

En conséquence,

- condamner la société Périgord Rééducation à lui régler les sommes suivantes:

* dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse: 78.000 euros,

* indemnité compensatrice de préavis (6 mois): 23.400 euros bruts,

* congés payés sur préavis: 2.340 euros bruts,

* indemnité de licenciement arrêtée au 30.01.2023 à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir: 56.766,67 euros,

* rappel de salaire depuis le 1.10.2017 et arrêté au 31.01.2023 à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir: 249.600 euros bruts,

* congés payés afférents depuis le 1.10.2017 et arrêtés au 31.01.2023 à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir: 24.960 euros bruts,

* dommages et intérêts pour procédure vexatoire: 46.800 euros

- condamner la société Périgord Rééducation à lui régler la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir toutes les sommes allouées des intérêts légaux à compter de la demande en justice avec anatocisme,

- condamner la société Périgord Rééducation aux entiers dépens, en ce compris ceux éventuels d'exécution,

- débouter la société Périgord Rééducation de l'intégralité de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 janvier 2023, la société Périgord Rééducation demande à la cour de':

A titre principal,

- infirmer partiellement le jugement du 29 janvier 2020 et,

* se déclarer matériellement incompétente au profit du tribunal de commerce compte tenu de la nullité absolue du contrat de travail revendiqué par M.[U] à compter du 1er janvier 2008,

A titre subsidiaire,

- confirmer partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Périgueux,

* déclarer irrecevables les demandes de M.[U],

A titre très subsidiaire,

- déclarer infondées les demandes de M.[U] et, par conséquent, l'en débouter,

Par appel incident,

- condamner M.[U] à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

- condamner M.[U] à lui régler la somme de 5 .000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens y compris les frais éventuels d'exécution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 30 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence de la juridiction prud'homale

M. [U] fait état de qu'il a fait valoir ses droits à la retraite à effet du 31 décembre 2007 mais qu'il était convenu qu'il poursuivrait son travail de médecin au sein du centre [4] dans le cadre d'un cumul emploi-retraite ; qu'à compter du 1er janvier 2008, il a exercé des fonctions médicales et administratives, les premières ayant ensuite disparu au bénéfice des secondes.

Il ajoute que sa révocation de ses fonctions de Président Directeur Général n'a pas eu d'incidence sur ce contrat de travail qui aurait dû se poursuivre à la suite de cette

révocation.

Aux termes des articles L. 1411-1 et L.1411-4 du code du travail, le conseil des prud'hommes est seul compétent pour connaître des différents qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient.

La compétence prud'homale résulte donc de l'appréciation que fait la juridiction saisie de l'existence ou non d'une relation de travail salariée.

Le contrat de travail conclu le 1er décembre 1976 ne peut fonder la compétence de la juridiction prud'homale aujourd'hui recherchée. Ce contrat de travail a été rompu le 31 décembre 2007 , M. [U] ayant fait valoir ses droits à la retraite et par là manifesté de manière claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Il ne peut aujourd'hui valablement affirmé que ce contrat de travail s'est poursuivi, peu important qu'il n'ait pas perçu d' indemnité de départ à la retraite.

Aucun contrat de travail écrit n'a été établi. Il revient à M. [U] de produire les éléments permettant de retenir un contrat de travail apparent et, dans l'hypothèse où de tels éléments seraient retenus, à la société d'établir le caractère fictif de ce contrat de travail apparent.

M. [U] verse :

- une lettre datée du 28 février 2007 aux termes de laquelle M. [M], directeur général délégué, mentionne que M. [U] a travaillé en qualité de médecin directeur au centre de rééducation [4] au cours de l'année 2007, mais cette période est antérieure à la rupture du contrat de travail intervenue le 31 décembre 2007. Elle n'apporte pas d'élément en faveur d'un contrat de travail postérieur peu important la mention de la régularisation d'un complément de salaire dont le fondement est inconnu;

-une lettre du 28 février 2008 signée par M. [M] qui écrit à M. [U] "qu'étant à la retraite depuis le 31 décembre 2007, vous pouvez exercer une activité de médecin spécialiste au CRF [4] à raison d'une vacation d'une demi- journée par semaine"; mais il n'est pas fait état d'un contrat de travail et en tout état de cause, à supposer que le terme de vacation ait été entendu comme relevant d'une relation de travail salariée, la qualification donnée par les parties ne lie pas le juge.

-des bulletins de paye au titre des années 2008 à 2017 mentionnant des fonctions de médecin vacataire puis de PDG une fiche d'aptitude médicale délivrée par le médecin du travail le 14 octobre 2016 et le relevé opéré par le service médical des visites périodiques et de reprise effectuées en 2010 et 2016, l'attestation d'affiliation à la mutuelle Miel au titre d'une garantie collective obligatoire pour les frais de santé du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, le relevé d'intéressement d'épargne salariale; ces documents caractérisent un contrat de travail apparent.

La société, comme le premier juge, oppose l'absence de lien de subordination.

Est salarié celui qui exécute un travail rémunéré au profit d' un tiers auquel il est subordonné ; le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'examen d'un lien de subordination s'opère au regard des circonstances de fait de l'exécution des fonctions.

Aucun élément n'est versé qui établisse que la société donnait des ordres à M. [U] dans l'organisation de son emploi du temps : aucun horaire de travail n'est évoqué et la seule mention de vacations, sur les bulletins de paye des années 2008 à 2011, n'indique pas que M. [U] devait intervenir aux seuls horaires du praticien qu'il devait remplacer, les vacations pouvant par ailleurs avoir pour objet d'effectuer des temps de travail hors remplacement.

Aucun élément n'est produit qui établisse que la société imposait les dates auxquelles M. [U] devait travailler et les périodes au cours desquelles il était libéré de toute activité. Aucune consigne liée à l'utilisation du matériel médical ou à l'assistance du personnel paramédical n'est versée. Aucune instruction ne lui était donnée et aucun élément relatif à un pouvoir disciplinaire n'est même annoncé.

Les mêmes remarques s'appliquent aux fonctions administratives, étant noté que celles ci ne sont pas précisées.

En dépit donc des éléments caractérisant un contrat de travail apparent, le caractère fictif de celui- ci est démontré.

M. [U] dit ensuite que le conseil des prud'hommes est compétent pour connaître du litige relatif aux conséquences de la révocation d'un mandat sur un contrat de travail. En l'absence de contrat de travail depuis le 1er janvier 2008, l'appréciation de l'effet de la révocation intervenue en 2017 n'emporte pas la compétence de la juridiction prud'homale.

M. [U] renvoie enfin aux dispositions de l' article 12 de l'annexe XXXII du décret du 9 mars 1956 aux termes desquelles tous les médecins devraient intervenir sous le statut salarié de l'établissement et ne peuvent en aucun cas utiliser leur cabinet personnel ou user de leur activité au centre pour augmenter leur clientèle particulière.

L'article 12 de l'annexe XXXII du décret sus visé mentionne que l'ensemble du personnel du centre composant l'équipe prévue à l' article 1er est placé, du point de vue technique, sous l'autorité et la responsabilité du médecin directeur et qu'il est interdit aux médecins d'user de leur activité pour augmenter leur clientèle particulière.

Ni l''autorité exercée par le médecin chef "du point de vue technique" ni l'interdiction faite au médecin de profiter de son activité pour augmenter sa clientèle particulière ne caractérisent le lien de subordination avec la société.

La juridiction prud'homale est incompétente au profit du tribunal de commerce de Périgueux déjà saisi.

Vu l'équité, M. [U] sera condamné au paiement de la somme totale de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Partie perdante, M. [U] supportera la charge des entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Infirme le jugement,

Dit que M. [U] n'était pas salarié de la SA Périgord Rééducation à compter du 1er janvier 2008,

Dit que la juridiction prud'homale est incompétente pour statuer sur le litige opposant les parties,

Renvoie les parties devant le tribunal de commerce de Périgueux,

Dit que le dossier sera transmis avec une copie de la décision à la juridiction désignée sans délai,

Condamne M. [U] à payer à la SA Périgord Rééducation la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel,

Condamne M. [U] aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00889
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;20.00889 ?
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