La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2023 | FRANCE | N°20/00642

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mars 2023, 20/00642


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 29 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00642 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOEZ

















SARL DILMEX



c/



Monsieur [A] [I]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse déliv

rée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02657) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 06 février 2020,





APPELANTE :

SARL Dilmex, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00642 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOEZ

SARL DILMEX

c/

Monsieur [A] [I]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02657) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 06 février 2020,

APPELANTE :

SARL Dilmex, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 5]

N° SIRET : 342 106 960

représentée et assistée de Me Marine RAIMBAULT substituant Me Vanessa MEYER de la SELARL MEYER & SEIGNEURIC, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [A] [I]

né le 03 Juin 1963 à [Localité 2] de nationalité Française

Profession : Conducteur poids lourds, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 janvier 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée déterminée conclu le 23 août 2011 renouvelé le 30 septembre 2011, suivi d'un contrat à durée indéterminée conclu le 1er avril 2012, Monsieur [A] [I], né en 1963, a été engagé en qualité de conducteur poids lourds à temps complet par la SARL Dilmex dont le gérant est M. [M] [W].

Cette société, dont l'activité initiale était l'exploitation de carrières, s'est ensuite orientée vers les travaux de désamiantage, de démolition et de terrassement et employait à la date du litige plus de 20 salariés sur des emplois soit administratifs, soit de désamianteurs et de chauffeurs de camions.

Elle dispose de deux sites, celui de [Localité 4], correspondant au siège social de l'entreprise, et un dépôt à [Localité 3], acquis ultérieurement par la société à une date non justifiée.

Les contrats de travail de M. [I] prévoient que son lieu d'embauche est à [Localité 3] ou [Localité 4] ou « direct chantier suivant besoin ».

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries de carrières et de matériaux.

Après avoir réclamé à leur employeur des explications sur les modalités de leur rémunération dans un courrier non daté,plusieurs salariés ont, par lettre du 3 février 2013, sollicité l'intervention de l'inspection du travail, dénonçant des irrégularités portant sur le règlement effectué sous forme de primes d'une partie des heures supplémentaires qu'ils réalisaient, l'absence de repos compensateur, le décompte de la durée du temps de travail des chauffeurs à partir du traceur GPS et non des disques chronotachygraphes, le non-paiement du temps passé aux tâches étrangères à la conduite des véhicules (nettoyage, plein de carburant...), l'absence de locaux sur les deux sites de [Localité 4] et [Localité 3] leur permettant de se changer, se laver et manger pendant leurs coupures, le préfabriqué installé sur les locaux de [Localité 3] étant insalubre, l'absence de sanitaire sur certains chantiers et l'insuffisance des installations de sécurité.

Le lendemain d'un contrôle sur site réalisé le 6 mai 2013, l'inspectrice du travail a adressé une lettre à l'entreprise, rappelant un courrier d'observations envoyé le 5 novembre 2012 et resté sans réponse malgré l'engagement pris par l'employeur à ce sujet le 14 mars 2013.

Elle a demandé à l'employeur de lui faire parvenir divers documents tels que les bulletins de salaires et relevés de décompte de la durée du travail pour les mois de février et mars 2013 ainsi que les données numériques des cartes conducteurs pour les chauffeurs.

Par lettre du 13 août 2013, l'inspectrice du travail relevait :

- le défaut de majoration des heures supplémentaires détaillées dans un tableau établi pour les mois de février et mars 2013,

- le défaut de mention de ces heures supplémentaires sur les bulletins de paie,

- que les règles applicables au repos compensateur ne semblaient pas être mises en oeuvre,

- la différence entre les heures figurant sur les récapitulatifs mensuels d'activité et celles mentionnées sur les bulletins de paie joignant également un tableau à ce sujet,

- des dépassements des durées de travail maximale quotidienne et hebdomadaire, détaillés dans deux tableaux,

- la non-prise en compte des temps de trajet considérés comme du temps de travail effectif lorsque :

* l'employeur impose le passage du salarié au siège ou au dépôt avant qu'il se rende sur le lieu de travail,

* le salarié doit prendre un véhicule de l'entreprise pour transporter du personnel ou du matériel,

* le salarié doit procéder au chargement ou au déchargement de matériaux avant de se rendre sur un chantier.

Le 18 juin 2013, M. [I] a, ainsi que d'autres salariés, saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, sollicitant notamment la résiliation de son contrat de travail aux torts de la société.

Suite à l'audience de conciliation du 3 septembre 2013, M. [G], en sa qualité de délégué du personnel, a adressé une lettre à l'employeur au terme de laquelle il prenait acte de la volonté exprimée par ce dernier de ne plus faire réaliser d'heures supplémentaires aux salariés ayant engagé la procédure prud'homale.

Par lettre du 16 décembre 2013, la société a, par la voix de son conseil, répondu au courrier de l'inspection du travail du 13 août 2013 et à un autre courrier de celle-ci du 29 novembre 2013, en contestant la prise en compte des temps de trajet dans le temps de travail effectif et en évoquant des récupérations d'heures supplémentaires pour justifier le différentiel entre les heures figurant sur les bulletins de salaire et celles mentionnées sur les fiches mensuelles.

Dans cette lettre, il est fait état de tableaux détaillant les heures de trajet et les récupérations.

Ces tableaux ne sont pas versés aux débats.

Le 12 octobre 2014, M. [I] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, invoquant la dégradation des conditions de travail en particulier depuis la saisine du conseil de prud'hommes et le refus de la société de payer les heures supplémentaires.

Le conseil s'est déclaré en partage de voix sur le litige opposant les parties à l'issue d'une audience du bureau de jugement du 19 décembre 2014.

Une procédure pénale pour des infractions aux conditions de travail a été ouverte par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, semble-t'il suite à un procès verbal établi le 6 janvier 2014 par la Direccte, qui n'est pas versé aux débats ; cette procédure a fait l'objet d'un classement sans suite le 18 février 2016.

Par jugement rendu en formation de départage le 12 décembre 2016, le conseil a dit n'y avoir plus lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'enquête pénale et a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [V] [Z] qui, ayant rencontré de graves difficultés de santé, a tardé à exécuter sa mission et ne l'a pas achevée, malgré l'adjonction d'une assistante, Mme [N], et la prorogation de délai autorisée par le juge départiteur.

Un pré-rapport a été établi le 9 mai 2019 mais par la suite, aucun rapport définitif n'a été déposé par l'expert désigné.

L'examen du litige a été fixé à l'audience du 19 novembre 2019.

Par jugement rendu en formation de départage le 14 janvier 2020, le conseil de prud'hommes a fait le constat des insuffisances de l'expert, relevant notamment que seul l'un des salariés, M. [J], avait été entendu par l'expert, que celui-ci n'avait pas répondu aux missions qui lui avaient été confiées quant à l'analyse des feuilles de présence, des conditions de décompte des temps de pause, de repas, d'exécution des travaux de nettoyage des véhicules', ni n'avait estimé nécessaire de recueillir des informations auprès de l'inspection du travail, qu'il n'avait répondu que de façon très ponctuelle sur l'éventuel versement de primes au titre de la rémunération d'heures supplémentaires et n'avait pas donné d'indications chiffrées sur les heures supplémentaires alléguées par les salariés.

Le conseil, estimant détenir des éléments suffisants pour se déterminer sur l'existence d'heures supplémentaires, a rejeté la nouvelle demande d'expertise présentée par les deux parties et a :

- requalifié la prise d'acte par M. [I] de la rupture de son contrat de travail le 12 octobre 2014 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SARL Dilmex à payer à M. [I] les sommes suivantes :

* 4.871,98 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre la somme de 487,19 euros au titre des congés payés afférents,

* 11.144,64 euros au titre du travail dissimulé,

* 2.344,65 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

* 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.114,46 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 3.078,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 307,89 euros au titre des congés payés afférents,

* 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

- débouté la SARL Dilmex de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Dilmex aux dépens.

Par déclaration du 6 février 2020, la société Dilmex a relevé appel de cette décision.

La société Dilmex a assigné le salarié le 25 juin 2020 devant le premier président pour voir prononcer la suspension de l'exécution provisoire de la décision rendue le 14 janvier 2020 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux. Elle a été déboutée de sa demande par ordonnance de référé du 3 septembre 2020 et condamnée à payer au salarié la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Dans ses premières conclusions adressées le 6 mai 2020, la société Dilmex demande à la cour de la dire recevable et bien fondée en son appel, d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat et, statuant à nouveau et rejetant toutes conclusions contraires, de :

- débouter M. [I] de ses demandes au titre des heures supplémentaires,

- débouter M. [I] de ses demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- débouter M. [I] de ses demandes au titre du travail dissimulé,

- débouter M. [I] de sa demande tendant à la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des indemnités et dommages-intérêts conséquents,

- condamner M. [I] aux dépens et à lui verser une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement (sic).

La société Dilmex a adressé de nouvelles écritures le 6 décembre 2022 à 16h23, soit l'avant- veille de la date prévue pour l'ordonnance de clôture fixée au 8 décembre 2022, dans lesquelles ses demandes sont identiques mais son argumentaire complété au vu des nouvelles pièces communiquées en suivant et auxquelles elle fait référence dans ses écritures :

18. Explications relatives à la lecture des relevés chronotachygraphes,

19. Relevés chronotachygraphes de M. [I],

20. Preuve des versements intervenus au titre de l'exécution provisoire.

Le 7 décembre 2022 à 19h37, la société Dilmex a adressé à la cour de nouvelles écritures dans lesquelles a été sollicité le report de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries.

Dans ses premières écritures adressées le 3 août 2020, M. [I] demande à la cour de

le dire recevable et bien fondé en ses demandes et de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que ses demandes de rappels de salaire étaient bien fondées, en conséquence, faire droit aux demandes suivantes :

* 4.871,98 euros au titre de rappel d'heures supplémentaires,

* 487,19,12 euros au titre des congés payés afférents,

* 2.344,65 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- à titre subsidiaire, désigner un nouvel expert aux fins de poursuite des opérations d'expertise judiciaire, enfermées dans un délai de trois mois,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le délit de travail dissimulé était caractérisé et condamner en conséquence la société Dilmex à lui verser, à titre principal, la somme de 12.632,88 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 8221-5 alinéa 2 et suivants du code du travail, et à titre subsidiaire, la somme de 11.144,64 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'il y avait lieu de requalifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, faire droit aux demandes suivantes :

* 1.263,29 euros au titre de l'indemnité de licenciement à titre principal et, subsidiairement, 1.114,46 euros,

* 3.078,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 307,89 euros pour les congés payés y afférents,

* 20.000 euros sur le fondement de l'article L. 1235-1 du code du travail,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il relève les manquements graves de la société Dilmex en termes d'obligation de sécurité,

- statuant à nouveau, dire fondée la demande indemnitaire formulée à ce titre, en conséquence, condamner l'appelante à lui verser la somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

- condamner l'appelante à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

De nouvelles écritures de M. [I] ont été adressées au greffe le 7 décembre 2022 à 13h58 ; ses prétentions sont identiques mais il demande à la cour de déclarer irrecevables les pièces et conclusions communiquées le 6 décembre 2022 par la société appelante.

Il a communiqué lui-même une nouvelle pièce consistant en un arrêt de la Cour de cassation concernant un autre salarié (M. [B]) rendu le19 mai 2021 et une lettre officielle du 29 novembre 2021 (pièce p).

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 décembre 2022 par le conseiller de la mise en état au motif notamment de l'ancienneté de la procédure ayant permis aux parties de disposer du temps nécessaire aux échanges.

Le conseil du salarié a adressé de nouvelles écritures au fond le 13 décembre 2022 ainsi que des conclusions de procédure dans lesquelles il est demandé à la cour de :

« déclarer irrecevables les pièces et conclusions communiquées depuis le 5 décembre 2022 par la société Dilmex,

- subsidiairement, d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des présentes ».

A l'audience, la cour, après s'être retirée pour en délibérer, a ordonné la jonction au fond des incidents de procédure, révocation de l'ordonnance de clôture et irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées tardivement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Il n'est justifié ni même allégué d'aucune cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture au sens de l'article 803 du code de procédure civile dans une procédure engagée depuis le 18 juin 2013 et dans laquelle l'appel à l'encontre de la décision de première instance a été relevé le 6 février 2020 soit il y a près de trois ans.

La demande de révocation de l'ordonnance de clôture est par conséquent rejetée.

Sur la demande d'irrecevabilité des conclusions et rejet de pièces complémentaires

Aux termes des dispositions de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

En l'espèce, la procédure a été engagée le 3 février 2013 et l'appel a été formé le 6 février 2020.

Les parties disposaient donc d'un temps largement suffisant pour se communiquer leurs écritures, moyens et pièces.

L'envoi par la société appelante, dans l'après-midi de l'avant-veille de la date fixée pour la clôture, annoncée deux mois auparavant, de nouvelles écritures et pièces, et notamment de relevés chronotachygraphes, qui, compte tenu de la nature du litige, auraient pu et dû être produits spontanément dès la première instance, constitue un manquement au principe du contradictoire et de la loyauté des débats et ne permettait pas à l'intimé de répondre en temps utile, soit en réalité dans les 24 heures.

Les dernières conclusions et les nouvelles pièces communiquées par la société seront donc déclarées irrecevables et par suite, les conclusions au fond en réponse du salarié ainsi que sa pièce p le seront également.

La cour se référera en conséquence aux premières écritures et pièces communiquées le 6 mai 2020 par la société appelante et le 3 août 2020 par le salarié intimé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties.

Sur les demandes au titre des dépassements de la durée du travail

- Sur la demande en paiement au titre des heures supplémentaires

M. [I] sollicite la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué les sommes de 4.871,98 euros au titre de rappel d'heures supplémentaires outre 487,19,12 euros au titre des congés payés afférents,

Pour voir infirmer la décision déférée, la société, qui conclut au rejet de la demande en paiement de M. [I], fait valoir les éléments suivants :

- le conseil de prud'hommes a fait droit aux demandes et à la thèse de M. [I] alors même qu'il ne produit aucun état récapitulatif établi au fil de l'eau des heures supplémentaires prétendument réalisées, en retenant une journée de travail type générant 8h45 de travail chaque jour ;

- le conseil a repris cette thèse accompagnée du rapport de l'inspectrice du travail et des bulletins de salaires mentionnant « chaque mois 18 à 20 heures supplémentaires » en affirmant qu'ils «seraient des éléments suffisamment étayés et précis pour que l'employeur puisse les contester et que le débat s'engage » ;

- le conseil a validé une amplitude de 9h30 par jour alors même que le précédent jugement avait ordonné une mesure d'instruction pour estimer les heures non payées ;

- il a considéré que le rapport de l'inspecteur du travail de 2013 venait appuyer les allégations de M. [I] alors même que celui-ci n'a pas fait partie de l'échantillon des salariés étudiés par l'inspecteur du travail et que cette étude ne porte que sur deux mois alors que la demande salariale porte sur 3 ans ;

- l'expert s'était montré critique à l'égard de l'étude de l'inspecteur du travail ;

- les incohérences entre les bulletins de salaire et les disques chronotachygraphes trouvent leur origine dans la volonté de M. [I] de « gonfler » ses heures, le meilleur exemple en étant qu'il ne faisait pas partie de la société la semaine 31 de l'année 2011 puisqu'il a été embauché le 23 août 2011 (semaine 34).

M. [I] invoque les éléments suivants :

- l'inspectrice du travail a constaté, concernant la période contrôlée (février-mars 2013), de nombreuses heures supplémentaires réalisées non rémunérées ;

- il convient de comparer la durée de travail figurant sur les bulletins de salaire, à celle portée sur les récapitulatifs mensuels d'activité ;

- la société a toujours considéré certaines tâches réalisées par les salariés, à sa demande, comme ne constituant pas du travail effectif (nettoyage des véhicules, plein d'essence, rédaction des rapports d'activité, déplacements du siège vers le chantier, déplacement du dépôt au siège') : les salariés ont alerté la direction, en vain et pour l'inspectrice du travail, il s'agit bien de tâches constitutives d'un travail effectif ;

- l'expert ne s'est pas rapproché de l'inspection du travail alors que sa mission le prévoyait ;

- l'employeur considère que les temps de trajets du dépôt ([Localité 3]) au siège ([Localité 4]) ou du dépôt vers le chantier, ne sont pas constitutifs de temps de travail, alors même que ces déplacements sont intervenus entre 2 lieux de travail avec des moyens mis en oeuvre par l'employeur ;

- M. [I] a demandé la communication des récapitulatifs mentionnant les heures d'embauche et de fin de journée, demandes restées vaines ;

- il précise que ces récapitulatifs mensuels, instaurés par l'employeur mais non produits, étaient remplis par les salariés, sur la base des rapports journaliers, également établis par eux :

- or, la durée de travail, issue notamment des relevés de carte de conducteur, fluctue beaucoup plus que ce qu'indiquent les bulletins de salaire qui mentionnent chaque mois 20 heures supplémentaires et M. [I] a établi dans ses écritures un relevé des incohérences pour les années 2011/2012 ;

- il n'y a pas de preuve de prétendues pauses café d'une heure le matin ;

- il n'y a pas lieu de déduire des coupures repas ne figurant pas sur les relevés des cartes conducteur ;

- le repos compensateur de remplacement n'était pas mis en place au sein de la société ;

- les arguments présentés par l'appelante, et pour lesquels l'inspection de travail a déjà indiqué qu'ils étaient inopérants, ne pourront qu'être écartés ;

- M. [I] décrit le déroulement d'une journée de travail comme suit : arrivée au dépôt de [Localité 3] à 7h30, début de la prestation de travail puis départ du dépôt vers les chantiers - 1 heure de pause le midi et à 18h : retour au dépôt de [Localité 3] ;

- il en déduit un minimum de 9h30 de travail chaque jour soit 47h50 chaque semaine (8h majorées de 25% et 1h30 de 50%) ;

- cette journée type est tout à fait cohérente avec celle des autres chauffeurs qui ont conservé leurs relevés mensuels d'heures comme M. [P] ou M. [O].

Le rappel de salaire dû, pour la période non prescrite est donc le suivant :

* 2011 (semaine 35 à 52) : (17 semaines x 8h x 10,15 € x 125%) + (17 semaines x 1,5h x 10,15 x 150%) = 2.113,73 euros,

* 2012 ' 5 semaines de CP : (47 semaines x 8h x 10,15 x 125%) + (47 semaines x 1,5h x 10,15 x 150%) = 5.843,86 euros,

* 2013 de janvier à avril (- 1 semaine d'absence) : (16 semaines x 8 x 10,15 x 125%) + (16 semaines x 1,5h x 10,15 x 150%) = 1989,40 euros.

La fiabilité de ce décompte a été confirmée par le juge en première instance, en l'absence

d'élément le contredisant.

Aussi, entre la semaine 35 de l'année 2011 et la semaine 17 de l'année 2013, M. [I] aurait dû percevoir la somme de 9.946,99 euros.

Or, sur la période concernée, il n'a perçu que 5.075,01 euros soit une somme restant due de 4.871,98 euros.

***

Aux termes des articles L. 3171-2 alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés et, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments.

Il sera relevé à titre liminaire que le pré-rapport d'expertise, auquel se réfère la société, est totalement inexploitable en raison du fait que l'expert n'a examiné que la situation d'un autre salarié concerné par le litige, M. [J], et encore sur la base « d'un échantillonnage » (non défini : quelles pièces et quelle période) pour en tirer des conclusions ne reposant que sur des hypothèses ou des appréciations non objectivées par la référence à des pièces précises, l'expert relevant par exemple :

- qu'il n'est « pas réaliste de ne pas manger entre 6h du matin et 19h le soir », que la pause repas était d'une heure ou 45 minutes ou 30 minutes ou encore pouvait se résumer à un sandwich avalé pendant le chargement du camion ;

- que « pour les désamianteurs, ne pas manger quand le chef d'équipe s'arrête pour manger, c'est suspect » ;

- que le temps de trajet entre les deux sites, était « semble-t'il payé en temps de travail (ou plutôt indiqué comme payé en temps de travail mais cette vérification prend du temps) » ;

- qu'un « camion qui, le matin, ne bouge qu'une heure après la soi-disant embauche, indique (...) que le chauffeur a par exemple pris son petit déjeuner et lu le journal » ;

- qu'il y avait « pour certains salariés (dont M. [F]) des compensations à de probables heures supplémentaires officiellement impayées » ;

- qu'on « peut compter a priori environ 5 à 6 heures par mois impayées. Pour le moment, il s'agit d'un arbitraire plus qu'autre chose faute de vérification systématique (extrêmement longue) ... » ;

- la situation d'autres salariés (M. [T] [F], M. [T] [E], M. [C] et M. [P]) n'a été envisagée par l'expert que sous l'angle de la critique non étayée des éléments retenus par l'inspectrice du travail, l'expert relevant ne pas avoir disposé des fiches mensuelles pour le mois de l'échantillonnage ['], que M. [O] était hors échantillonnage et faisant état d'une vérification ponctuelle pour M. [G] en mars 2012 ;

- enfin, les relevés effectués sur site par Mme [N] en novembre 2017 sont dépourvus de pertinence en ce qu'ils sont intervenus plus de 4 ans après la saisine de la juridiction prud'homale, M. [J] ayant souligné lors de son entretien avec Mme [N] le 8 décembre 2017 que « l'activité maintenant n'a pas grand-chose à voir avec 2010-2013 ».

C'est par ailleurs à juste titre que les premiers juges ont estimé disposer des éléments pour statuer sur le litige opposant les parties au regard des règles de preuve applicables en matière de durée du travail, une nouvelle mesure d'expertise ne pouvant pas être ordonnée en raison du délai raisonnable auquel peut prétendre tout justiciable de voir juger son affaire ainsi que du coût que représenterait une mesure d'instruction près de 10 ans après la saisine de la juridiction de première instance.

Ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes, l'invocation d'un horaire journalier de 8 heures 45 minutes, - sur la base du déroulement d'une journée de travail décrit comme suit : arrivée au dépôt de Mérignac à 7h30, début de la prestation de travail puis départ du dépôt vers les chantiers - 1 heure de pause le midi et à 18h : retour au dépôt de Mérignac est suffisamment précise pour permettre à l'employeur d'y répondre.

M. [I] a établi un décompte des sommes réclamées sur cette base dans ses écritures portant sur la période du 29 août 2011 (semaine 35) au 28 avril 2013 (semaine 17).

L'employeur auquel il incombe de contrôler la durée du travail de ses salariés n'apporte que des critiques dépourvues de pertinence en invoquant que la demande débute au cours de la semaine 31, ce qui n'est pas conforme à la réclamation présentée par M. [I].

La cour observe cependant que l'horaire de retour au dépôt de [Localité 3], soit 18 heures, n'est pas conforme aux relevés chronotachygraphes que produit M. [I] qui mentionnent généralement un retour à 17 heures voire 16 heures.

Dès lors, la cour a la conviction que si M. [I] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées, c'est dans une proportion moindre que celle qu'il sollicite et la somme due à ce titre sera fixée à 3.957,71 euros.

En conséquence, la société Dilmex sera condamnée à payer à M. [I] la somme de 3.954,71 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées entre le 29 août 2011 et le 28 avril 2013 outre 395,47 euros pour les congés payés afférents.

- Sur la demande en paiement au titre de la contrepartie obligatoire en repos

M. [I] sollicite la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué la somme de 2.344,65 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos.

Pour voir infirmer la décision déférée de ce chef, la société Dilmex fait valoir :

- l'accord du 22 décembre 1998 attaché à la convention collective nationale des industries de carrières et matériaux prévoit la possibilité d'un contingent complémentaire de 35 heures supplémentaires pouvant être utilisé, en sus du contingent légal de 145 heures ;

- cette disposition dérogatoire avait trouvé application devant la Cour dans l'instance l'ayant opposée à M. [B] (cour d'appel de Bordeaux - chambre sociale, section B N° RG 17/05596) ;

- l'expert n'a pas constaté de dépassement des durées maximales de travail, si les temps de pause et, notamment, de repas venaient à être correctement décomptés ;

- M. [I] ne rapporte pas la preuve d'avoir effectué des heures supplémentaires non réglées ; il ne peut donc pas justifier l'existence d'heures accomplies au-delà du contingent permettant de bénéficier de repos.

Au soutien de sa demande, M. [I] a établi le tableau suivant, rappelant que l'effectif de la société étant de plus de vingt salariés, il convient d'appliquer la compensation maximale de 100% du taux horaire, par heure effectuée au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires.

ANNÉE

Heures au-delà du

contingent d'HS

TOTAL

2012

231

2.344,65 €

TOTAL

2.344,65 €

***

Aux termes des dispositions de l'article L. 2121-11 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.

En vertu de l'article 1.5 de l'accord du 22 décembre 1998 relatif à l'organisation, la réduction du temps de travail et à l'emploi (ouvriers, ETAM, cadres) dans les industries de carrières et matériaux, le contingent annuel d'heures supplémentaires, fixé à 145 heures, peut être augmenté de 35 heures par an, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut des délégués du personnel ou, à défaut, après information du personnel.

Dans la mesure où il n'est justifié ni même allégué de la consultation des IRP ou de l'information des salariés, sera appliqué le contingent annuel de 145 heures.

En vertu de l'article 18 IV de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, chaque heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos égale à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Au vu des observations faites ci-avant quant aux heures supplémentaires dues à M. [I], la société Dilmex sera condamnée à lui payer la somme de 1.986,86 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour l'année 2012.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail

M. [I] sollicite l'infirmation de la décision déférée qui l'a débouté de sa demande à titre de dommages et intérêts pour violation de la règlementation de la durée du travail et le paiement de la somme de 18.000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi de ce chef.

Il fait valoir les éléments suivants :

- la fréquence et l'ampleur des dépassements ;

- l'absence de toute information de l'administration quant à ces dépassements ;

- la fréquence de cette violation des dispositions légales relevée par l'inspectrice du travail ;

- l'inertie de la société malgré plusieurs alertes (notamment lettres du 5 novembre 2012 et du 13 août 2013) ;

- le PV de l'inspectrice du travail qui fait état de 8 dépassements injustifiés de la durée maximale quotidienne de travail et de 3 dépassements de la durée hebdomadaire sur la seule période de février et mars 2013 ;

- ces dépassements étaient quasiment constants ainsi que cela ressort de la lecture des relevés d'activité remis à l'employeur et produits aux débats ;

- ces dépassements ont débuté dès l'embauche et se sont poursuivis pendant près de 3 années ;

- la défaillance de l'expert qui s'est cantonné à indiquer avoir « vu très peu de dépassements des durées maximales de travail » sans préciser lesquelles ni leur volume, privant ainsi ce constat de sa pertinence ;

- les dispositions applicables aux temps de pause n'étaient pas systématiquement respectées ;

- à compter de la saisine de la juridiction, l'employeur a décidé de ne plus solliciter les salariés intimés à la procédure, pour exécuter des heures supplémentaires (cf note de service du 31 août 2015) et pour compenser la baisse d'activité des intimés à la procédure, d'autres salariés ont été conduits à réaliser de très nombreuses heures supplémentaires tel M. [Y] ;

- les conditions dans lesquelles il s'est trouvé contraint d'exercer son activité de chauffeur : il produit aux débats deux bons de chargement établissant qu'il roulait en surcharge, malgré ses réticences et qu'il n'était pas le seul salarié confronté à cette difficulté (ex : M. [K]) ; la surcharge du camion affectait les amortisseurs du camion et a eu un effet direct sur la santé de M. [I] qui a développé une pathologie des vertèbres lombaires (pièce 6).

Son préjudice résultant du manquement particulièrement grave à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur est incontestable :

- sur le plan de la santé, il a été affecté moralement et a subi une profonde fatigue ;

- compte tenu de ses fonctions de chauffeur poids lourds, cette activité a également fait courir un risque considérable au salarié ainsi qu'aux autres usagers de la route ;

- cette situation a impacté sa vie privée et familiale et a entraîné la dégradation de ses rapports avec l'employeur.

La société conclut au rejet de cette demande soulignant que :

- l'expert n'a pas constaté de dépassement des durées maximales de travail notamment si les pauses de repas sont correctement décomptées ;

- M. [I] échoue à rapporter la preuve d'un quelconque préjudice physique ou moral lié à ces prétendus dépassements en lien direct avec la relation de travail.

***

Le décompte des sommes réclamées par le salarié a été établi sur des bases qui ne traduisent aucun dépassement des durées légales quotidienne et hebdomadaire de travail.

Quant à l'impact sur sa santé de la surcharge des camions, il ne peut être considéré comme établi par deux bons de chargement postérieurs au document médical produit.

C'est dès lors à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [I] sollicite la requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur la prise d'acte

Au soutien de sa demande de requalification de la prise d'acte de son contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [I] invoque les manquements suivants de l'employeur :

- le non-paiement d'heures supplémentaires ;

- l'absence de contrepartie obligatoire en repos ;

- la violation des dispositions applicables en matière de durée maximale du travail (quotidienne et hebdomadaire) ;

- le manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

- le délit de travail dissimulé.

Ces manquements se sont poursuivis pendant près de 3 ans et ils présentent une gravité suffisante pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

La société fait valoir que M. [I] a indiqué qu'il souhaitait quitter l'entreprise à compter du 18 octobre 2014 soit plus d'un an après la saisine du conseil de prud'hommes et plus de trois ans après le commencement des prétendus manquements de l'employeur, que les critères de concomitance et de gravité ne sont pas remplis et les manquements allégués n'ont pas empêché la poursuite du contrat et que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission.

***

La prise d'acte de la rupture du contrat par un salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié sont établis et caractérisent des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations empêchant la poursuite de la relation contractuelle. A défaut, la prise d'acte de la rupture produit les effets d'une démission.

Il appartient au salarié d'apporter la preuve des manquements allégués et de démontrer qu'ils rendaient impossible le maintien du contrat.

La prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [I] était expressément motivée par le défaut de paiement de ses heures supplémentaires.

Le non-paiement des heures supplémentaires représente une somme non négligeable au regard du salaire perçu par le salarié qui, de surcroît, n'a pas bénéficié des repos compensateurs auxquels il était en droit de prétendre.

La saisine de la juridiction prud'homale, pour voir sanctionner les manquements de l'employeur à ses obligations, est intervenue, après que l'inspection du travail a été sollicitée par les salariés et dans un délai qui n'est pas excessif d'autant qu'aucune régularisation n'a été faite par l'employeur.

Les manquements allégés sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle et justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié.

C'est donc à juste titre que le jugement déféré a estimé que cette prise d'acte doit s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur les demandes pécuniaires au titre de la rupture

Sur le salaire de référence

M. [I] sollicite la fixation de son salaire moyen à la somme de 2.105,48 euros, incluant les heures supplémentaires ou, subsidiairement, 1.857,44 euros.

***

Les bulletins de salaire de l'année 2014 ne sont pas versés aux débats.

Au vu des bulletins de salaire de l'année 2013, la rémunération de référence sera fixée à la somme de 1.626,79 euros.

- Sur les demandes pécuniaires au titre de la rupture

M. [I] engagé le 23 août 2011 a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 12 octobre 2014.

La rupture produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il sera fait droit à la demande présentée par le salarié au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, compte tenu de son ancienneté et du salaire de référence retenu, le jugement déféré étant confirmé de ce chef, dans la limite de la demande.

***

M. [I] sollicite le paiement à titre principal d'une indemnité de licenciement d'un montant de 1.263,29 euros et, à titre subsidiaire de 1.114,46 euros

*

Compte tenu du salaire dé référence retenu et de l'ancienneté du salarié, préavis inclus, sa créance au titre de l'indemnité légale de licenciement sera fixée à la somme de 1.057,41 euros.

***

M. [I] sollicite le paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article L. 1235-1 du code du travail.

*

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [I], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, c'est à juste titre que les premiers juges lui ont alloué la somme de 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

Sur la demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

M. [I] sollicite à titre principal le paiement de la somme de 12.632,88 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 8221-5 alinéa 2 et suivants du code du travail, sur la base d'un salaire reconstitué, intégrant les heures supplémentaires non réglées, de 2.105,48 euros (salaire brut perçu - HS rémunérées + HS dues).

Subsidiairement, il sollicite la confirmation de la décision déférée qui lui a alloué la somme de 11.144,64 euros de ce chef (soit 6 x 1.857,44 euros).

Pour voir infirmer la décision déférée, la société invoque les éléments suivants :

- le paiement, même partiel, d'heures supplémentaires sous forme de primes n'est attesté par aucun élément tangible, et est même considéré par l'expert comme une « probabilité » ;

- l'enquête ouverte par le Parquet de Bordeaux pour la commission du délit de travail dissimulé par la société, à la suite de sa saisine par l'inspection du travail, a abouti à un non-lieu pour infraction insuffisamment caractérisée.

M. [I] invoque les éléments suivants :

- la preuve des heures réellement effectuées est rapportée ;

- à la lecture des bulletins de paie, un très grand nombre de ces heures supplémentaires n'ont pas été rémunérées ;

- la lettre adressée par les salariés à l'inspection du travail, mentionne : « nos heures supplémentaires qui nous sont payées sous forme de primes à l'heure actuelle et non pas majorées comme il se doit » ;

- le pré-rapport d'expertise constate de nombreuses « primes exceptionnelles » sur les bulletins de salaire qui pourraient effectivement rémunérer des heures supplémentaires ; une « prime de chantier » trouvée pourrait avoir le même but ;

- il y avait pour certains salariés des compensations à de probables heures supplémentaires officiellement impayées selon la méthode légale et habituelle sur les bulletins de paie ;

- la «légalité du procédé est du ressort du juge en sachant qu'il s'agit de probabilités » ;

- sur les bulletins de salaire de M. [I] figurent, de la même manière de nombreuses primes ;

- la matérialité et l'intentionnalité du délit ne sont pas contestables.

***

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 prévoit qu'en cas de rupture du contrat, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus au texte susvisé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

D'une part, ce n'est qu'au terme d'un long débat judiciaire que le salarié se voit reconnaître une créance au titre des heures supplémentaires effectuées dont le montant a été ci-avant réduit.

D'autre part, il n'est pas justifié de réclamations antérieures à la saisine de l'inspection du travail (en février 2013) puis de la juridiction prud'homale (en juin 2013) et il est avéré que le salarié n'a plus effectué d'heures supplémentaires après le mois d'août 2013.

Par ailleurs, la procédure d'enquête pour travail dissimulé, ordonnée suite à un procès verbal établi par l'inspection du travail, qui n'est pas versé aux débats, a fait l'objet d'un classement sans suite par le Parquet du tribunal de Bordeaux.

Enfin, si le salarié allègue de primes compensant les heures supplémentaires réalisées, il ne peut qu'être relevé qu'il n'a pas estimé nécessaire de les déduire de sa créance, ces primes étant en tout état de cause soumises à cotisations sociales.

En considération de ces éléments, l'élément intentionnel requis par le texte susvisé n'est pas suffisamment établi, en sorte que le salarié doit être débouté de sa demande de ce chef, le jugement déféré étant infirmé à ce titre.

Sur les autres demandes

La société, condamnée en paiement, supportera les dépens et il sera alloué à l'intimé la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les conclusions au fond et pièces communiquées par les parties à compter du 5 décembre 2022,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [A] [I] le 12 octobre 2014 doit produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Dilmex à payer à M. [A] [I] les sommes de 3.078,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 307,89 euros pour les congés payés afférents ainsi que la somme de 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [A] [I] de sa demande pour violation de l'obligation de sécurité et de la réglementation sur le temps de travail,

- condamné la société Dilmex aux dépens,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL Dilmex à payer à M. [A] [I] les sommes suivantes :

- 3.954,71 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées entre le 29 août 2011 et le 28 avril 2013 outre 395,47 euros pour les congés payés afférents,

- 1.986,86 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour l'année 2012,

- 1.057,41 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [A] [I] de sa demande au titre du travail dissimulé,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la SARL Dilmex aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00642
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;20.00642 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award